Simples entretiens sur la prière

CHAPITRE III – La terre, champ de bataille où lutte la prière

1. La prière, mesure de guerre.

Notre monde est le fils prodigue de Dieu. Le cœur du Père souffre au souvenir de cet enfant; il y a si longtemps qu’il est loin, si longtemps que le cercle de famille est brisé.

Dans son amour, Dieu a conçu un plan merveilleux pour ramener à la maison paternelle cet exilé volontaire, et les anges et les hommes se sont émerveillés de ce plan, de sa portée, de ses détails, de sa force et de sa sagesse. Mais Dieu a besoin de nous pour son exécution; Il veut nous employer; Il veut nous honorer en nous prenant à son service. Cela est exact, mais ce n’est qu’une partie de la vérité: le chemin que Dieu prend pour arriver à un cœur humain passe par un autre cœur humain. Lorsque Dieu voulut réaliser son plan, il dut descendre sur la terre et devenir homme. Il a besoin de l’homme pour accomplir son plan.

Le plus puissant agent mis à notre disposition est la prière. Pour comprendre vraiment cette parole, il faut définir la prière, et pour donner une définition exacte de cette dernière, il faut employer des termes guerriers. Le langage de la paix ne convient pas à la situation. La terre est dans un état de guerre. La bataille est chaude; ainsi donc, il faut des expressions guerrières pour faire comprendre ce qu’est la vraie prière.

Du côté de Dieu, la prière est la communication entre Lui et ses alliés sur le territoire ennemi.

Prier, ce n’est pas persuader Dieu; la prière n’influence pas Ses desseins; elle ne consiste pas non plus à Le gagner de notre côté. Notre Père désire plus ardemment que nous ce qu’à bon droit nous brûlons d’obtenir. Le mal, le péché, la souffrance qui nous peinent le peinent bien plus encore; Il est mieux renseigné; Il est plus sensible aux souffrances et au mal que le plus sensible d’entre nous. Tout mouvement de compassion qui nous pousse à prier, vient de Lui. C’est Lui qui prend l’initiative de chaque prière. Il l’inspire.

En effet, toute prière se meut dans un cercle. Elle commence dans le cœur de Dieu, puis descend sur la terre dans un cœur humain, atteignant ainsi notre globe qui est le champ de bataille de la prière, et remonte à Dieu, son point de départ, après avoir accompli sa tâche ici-bas.

2. Trois formes de prière.

Nous donnons habituellement le nom de prière à tout entretien avec Dieu. Il faut pourtant se souvenir que ces entretiens revêtent différentes formes.

La première forme est la communion. Elle consiste simplement à vivre en parfait accord avec Dieu. Cet accord n’existe que si nous sommes purifiés de nos péchés dans le sang de la Croix. Il faut donc que nous venions à Dieu par Jésus-Christ. Point n’est besoin d’avoir un sujet spécial, une demande particulière; il suffit de jouir de Sa présence, de L’aimer, de penser à Lui; il suffit d’admirer Sa force, Sa beauté, Sa sagesse, Son amour, et de lui parler sans mots, du cœur. La vraie adoration consiste à penser qu’il est digne de recevoir le meilleur de nos vies, le meilleur de nos efforts... et plus encore. Cette communion demande un parfait accord entre Dieu et moi. Elle nécessite une confession de ma part, un pardon de la part de Dieu; c’est la seule condition de ces rapports intimes. Culte et adoration, voilà les caractères de cette première forme de la prière.

La communion est la base de toute prière: c’est la respiration indispensable à la vraie vie chrétienne. Elle ne concerne que Dieu et moi, Dieu et chacun de vous. Son influence est toute subjective: c’est sur moi qu’elle agit.

La seconde forme de la prière est la requête. J’emploie ce mot dans son sens étroit de demande personnelle. La prière ainsi envisagée est une requête précise, adressée à Dieu, au sujet d’une chose qui m’est nécessaire. Notre vie entière dépend complètement de la générosité de Dieu; tout ce dont nous avons besoin vient de Lui. Nos amitiés, notre habileté à gagner de l’argent, notre santé, notre force dans la tentation et dans la tristesse, notre conduite dans les circonstances difficiles ou ordinaires, notre aide, qu’elle soit financière, corporelle, intellectuelle ou spirituelle... tout vient de Dieu et nécessite une union constante avec Lui. Des demandes innombrables, des prières mentales doivent sans cesse monter vers les Cieux; en réponse, il en descendra un torrent de réponses et de secours. La porte qui nous sépare de Dieu doit toujours être ouverte, mais le verrou qu’il faut ouvrir est de notre côté. Du côté de Dieu, la porte est ouverte depuis longtemps; elle est toujours restée ouverte. La vie entière dépend de cet entretien ininterrompu avec notre Dieu, si admirable. Telle est la deuxième forme, le deuxième degré de la prière. Deux personnes seulement sont en jeu: Dieu et l’homme qui prie. Son influence est subjective, sa portée toute personnelle.

La troisième forme de la prière est l’intercession. L’homme qui prie vraiment ne se borne pas à prier pour lui-même; la prière doit s’étendre à d’autres. Le vrai sens du mot intercession implique un effort pour quelqu’un d’autre. Celui qui intercède est là comme un intermédiaire, un ami commun entre Dieu et une de Ses créatures qui n’est pas en communion avec Lui ou qui a besoin d’un secours spécial. L’intercession est le point culminant de la prière, la manifestation extérieure de sa force, son but effectif. La communion et la demande ont pour théâtre le ciel et la terre; l’intercession repose sur l’une et sur l’autre comme sur ses fondations; la communion et la demande fournissent à la vie humaine la puissance divine; l’intercession utilise ce pouvoir en faveur des autres; les deux premières ont un but personnel; la troisième envisage l’humanité; celles-là établissent l’alliance d’un homme avec Dieu; celle-ci fait servir cette alliance à autrui. L’intercession est la plante eh pleine force, mais ses racines puisent leur sève dans les deux autres formes de la prière; c’est elle, enfin, qui aide Dieu à réaliser Son plan d’amour, à ramener à Lui notre planète.

Il sera utile, au cours de ces entretiens, de nous souvenir de cette simple analyse de la prière et de ne pas oublier les deux premières formes, alors que nous parlerons surtout de la troisième, l’intercession.

3. Le point culminant de la prière.

Dieu considère l’homme tout d’abord comme un but, puis, en même temps, comme un point d’où Son Esprit pourra rayonner. Dieu envisage l’homme premièrement pour lui-même; secondement, pour son utilité possible dans la conquête des autres hommes.

La communion et la requête établissent et entretiennent les relations d’un chrétien avec Dieu, préparant ainsi le troisième et suprême degré de la prière: l’intercession. La prière doit débuter par les deux premières formes, mais elle atteint son maximum dans la troisième. La communion et la demande sont nécessairement personnelles, tandis que l’intercession a une portée mondiale. Toute vraie prière désirera donc toujours posséder ces trois éléments. L’union avec Dieu est nécessaire; les besoins continuels de l’homme rendent les demandes incessantes; mais le cœur du vrai fidèle, enflammé du saint zèle du Christ, brûle d’obtenir quelque exaucement pour ses frères.

L’intercession est donc le sommet de la prière.

On parle beaucoup de la valeur subjective et objective de la prière, de son influence sur celui qui prie et de ses effets sur des personnes et des événements tout à fait éloignés de lui.

Les deux premières formes de la prière sont forcément subjectives quant à leurs effets; elles ne se rapportent qu’à la personne qui prie. Tout aussi inévitablement, la prière d’intercession est objective; elle n’existe que pour les autres. Il y a même, dans ce dernier cas, une double influence: mon union avec Dieu, pendant que j’intercède auprès de Lui pour une autre personne, a, sur moi, une influence inévitable. Mais c’est là le petit côté de la question; le but principal est hors de nous.

Dans certains milieux, on en est venu à mettre tout l’accent sur la valeur subjective de la prière et à diminuer ou à nier entièrement la valeur objective. Certains orateurs ou écrivains, dont le succès est grand, s’expriment très librement à ce sujet. Cela prouve qu’ils n’ont pas compris toute la pensée divine sur la puissance de la prière.

En présence de leurs affirmations, il faut rappeler nettement que le point de vue biblique est toujours celui-ci: grâce à la prière, se produisent des faits complètement extérieurs à nous-mêmes et qui, dans l’ordre naturel des choses, ne se seraient pas produits. Jésus n’a pas cessé de l’affirmer. L’idée qu’on se fait tout naturellement d’une prière exaucée, c’est que, par elle, on s’assure un résultat véritable dans le monde actuel.

Mais ce n’est pas là une explication suffisante de la prière, car, dans sa plus simple définition, elle suppose un changement que l’on ne peut obtenir autrement. Au point de vue scripturaire aussi bien qu’au point de vue plus difficile de la philosophie, le but de toute vraie prière est en dehors de celui qui prie. L’influence subjective de la prière prépare son influence objective, qui est la manifestation suprême, dans le monde extérieur, du plan rédempteur du Dieu d’amour.

4. Six faits fondamentaux.

Pour éclairer la question, revenons en arrière et considérons certains faits qui sont à la base de la prière.

Tout dépend du point de vue auquel on se place. Le vrai point de vue est celui qui permet d’envisager tous les points essentiels d’une question. Si on ne s’y place pas, on se fait une idée fausse et on risque de s’égarer. Je n’ai pas l’intention de prouver ici la vérité des affirmations de la Bible, ni d’établir la vraie manière de les interpréter: ce pourrait être le sujet d’un livre entier. Mais l’affirmation de certains principes permet de déblayer le terrain. Je tiens donc à déclarer que je crois à l’exactitude des affirmations de la Bible et j’ajoute que je le fais sans aucune difficulté.

Il y a, dans notre vieille Bible, des faits certains, continuellement affirmés. On les trouve dans l’histoire d’Israël: ils se mêlent à la poésie de ce peuple, et ils sont la base de tous les écrits prophétiques, de la Genèse à la fin des visions de Jean à Patmos.

Peut-être qu’à force de nous être familiers, ils sont sortis de notre mémoire. Aussi, quoiqu’ils soient bien vieux, je les rappelle, comme s’ils étaient nouveaux. En voici six qui s’enchaînent:

1° A l’Eternel, la terre et tout ce qu’elle renferme. {Ps 24.1} Elle lui appartient par droit de création, il en est le souverain. L’Eternel a présidé au Déluge. {Ps 24.10}

2° Dieu a donné à l’homme la domination sur la terre; il lui en a confié la royauté, il l’a chargé de la surveiller et d’utiliser ses forces {Ge 1.26,28 ; Ps 8.6. Voir les citations de ces passages, à propos de celui qui rétablira cette domination. 1Co 15.27 ; Eph 1.22 ; Heb 2.8 ; Ps 115.16}.

3° L’homme qui avait la domination sur la terre, par faveur divine, transféra son autorité à quelqu’un d’autre; mais son action fut une déception pour lui. Cet acte fut double; car ce fut un acte d’obéissance et un acte de désobéissance. Désobéissance à Dieu; obéissance à un autre, à ce prince qui cherchait à s’emparer de la domination sur toute la terre. La désobéissance de l’homme rompit l’alliance qui l’unissait à Dieu et, du même coup, abolit la souveraineté du Créateur; son obéissance à l’autre prince déplaça la souveraineté au profit de ce dernier et, du même coup, lui donna l’autorité sur le monde.

4° L’autorité, la royauté sur cette terre, accordée à l’homme, n’appartient donc plus à Dieu, puisqu’il l’a conférée à Sa créature; mais elle n’appartient plus à l’homme puisqu’il l’a donnée à quelqu’un d’autre. Elle est échue à ce prince magnifique, à qui son caractère ondoyant a mérité le nom de Satan, l’ennemi, le haïsseur. Jésus, à maintes reprises, parle du «prince de ce monde», entendant celui qui y règne actuellement. {Jn 12.31 ; 14.30 ; 16:11} Jean, dans ses visions, parle d’un temps à venir où «le Royaume du monde sera remis à notre Seigneur et à son Christ». {Ap 11.15} De ces assertions nous pouvons déduire nettement que ce royaume n’est plus à Jésus. L’autorité sur la terre, qui avait été accordée à l’homme, est maintenant l’apanage de Satan.

5° Dieu est impatient de rendre à la terre son premier Maître; Il le désire pour lui-même, pour l’homme et pour le monde. Nous ne connaissons pas l’univers tel qu’il est sorti des mains du Créateur. Maintenant encore Sa création est d’une beauté extraordinaire—examinez les étoiles, les végétaux, les eaux, la coloration et les nuances exquises de toutes choses, la combinaison de ces mille teintes—oui, notre terre est infiniment belle. Toutefois, ce n’est pas le monde tel qu’il fut, ni tel qu’il sera un jour à venir. Sous son maître actuel, il a été tristement mutilé, tristement changé, si changé même que les premiers hommes ne reconnaîtraient probablement plus les lieux de leur premier séjour.

Dieu, avons-nous dit, est impatient de ramener notre vieux monde à son premier Maître. Pour cela, il lui faut un homme qui soit le dépositaire fidèle des traditions anciennes et grâce auquel il puisse replacer la terre sous son premier suzerain. La terre fut donnée à l’homme; les hommes en firent fi; il faut maintenant que ce soit l’homme qui lui rende sa condition première.

Un Homme vint, et puisque Jésus représentait l’humanité parfaite et complète, nous écrivons ce mot Homme avec une majuscule, parce qu’il est l’Homme supérieur à tous les autres. Cet Homme, plus vraiment homme que tous les autres, fut l’initiateur d’un mouvement pour ramener le monde à son premier maître.

Voici enfin le sixième fait: ces deux hommes, l’Homme de Dieu et le prétendant, eurent une lutte, la plus terrible qui fut jamais. Elle commença au berceau menacé par Hérode, pour finir le matin du Calvaire et les deux jours qui suivirent. Pendant trente-trois ans, la lutte se poursuivit avec une ardeur et une intensité inconnue jusqu’alors, et, depuis Satan, redoubla d’effort pendant les années de Nazareth, puis dans le désert, puis à Gethsémané, et enfin au Calvaire. Le dernier jour, à trois heures, le méchant crut qu’il l’avait emporté. Le camp du prince de ce monde tressaillit alors d’allégresse, pensant avoir la victoire, puisque l’Homme de Dieu gisait dans le tombeau, derrière les portes de la mort, sous l’autorité immédiate du maître de la mort. Mais le troisième matin vint et les barreaux de la mort furent brisés comme des fils de coton. Jésus, vainqueur, se dressa, car il n’était pas possible qu’Il fût retenu par le prince de la mort; et Satan connut alors qu’il était battu. Jésus, l’Homme de Dieu, le loyal vassal du Roi, avait remporté la victoire.

Remarquons pourtant avec soin quatre faits au sujet de Satan:

1° Il refuse de convenir de sa défaite.

2° Il refuse de rendre son territoire tant qu’il n’y est pas forcé; il ne cède que ce qu’il faut et quand il le faut.

3° L’homme seconde ses ambitions; il admet son autorité. Aujourd’hui, comme de tout temps, la majorité des habitants de la terre admet cette autorité. C’est donc grâce au consentement des hommes que Satan la possède. (Satan, en effet, ne peut pénétrer dans le cœur des hommes sans leur consentement, et Dieu, qui le pourrait, ne le veut pas).

4° Satan espère rendre éternellement durable son pouvoir sur la terre.

5. Le plan grandiose du Vainqueur.

Notons maintenant avec recueillement l’action sans précédent, l’action inimitée du prince victorieux.

Il a laissé le conflit ouvert; il a laissé le chef vaincu sur le champ de bataille, car il veut vaincre non seulement le chef, mais encore toute la race prodigue et la ramener au foyer paternel. La grande bataille rangée est encore à venir; ou plutôt une bataille, car la plus grande a déjà été livrée. Jésus marche au prochain combat en vainqueur et Satan engagera sa dernière bataille à l’ombre et dans la honte d’une défaite. Apparemment, le diable s’efforce de trouver un Jésus; car, de même que l’Homme de Dieu fut envoyé du ciel pour ramener le monde au bien, de même, l’homme choisi par Satan sera une créature qui luttera pour lui, comme Jésus lutta pour Dieu; ce sera un homme qui personnifiera Satan comme Jésus fut la personnification, la parfaite image de Dieu; et cet homme, enfin, il le choisira parmi la race humaine, à qui la domination de la terre avait été confiée. Lorsqu’il y aura réussi, il engagera la lutte suprême, bataille perdue d’avance.

Voici maintenant ce qu’est la prière: un homme, un membre de la race qui a reçu la terre en dépôt et l’a livrée à Satan; un homme vivant sur la terre, sur notre pauvre vieille terre pécheresse, maudite et âprement disputée; cet homme restant sur la terre, mais se tenant en communion dans toute sa vie avec le Christ Vainqueur et n’ayant rien de commun avec l’usurpateur, se dresse et réclame que Satan cède, pas à pas, vie après vie, devant la victoire de Jésus. Satan sait que Jésus est victorieux et il le redoute. Devant l’approche du Vainqueur il cède, et il doit céder aussi lorsque, sur la terre, un homme se présente au nom de Jésus. Il cède à contre-cœur, avec colère, aussi lentement qu’il le peut; il défend opiniâtrement chaque pouce de terrain; mais il doit s’enfuir devant cet homme qui incarne Jésus.

Jésus a dit: «le prince de ce monde vient, mais il n’a rien en moi». {Jn 14:30} Le jour où, nous confiant humblement dans la grâce de Dieu et nous appuyant sur une résolution énergique et inébranlable, nous dirons, nous aussi, comme cela est possible: «Que le prince de ce monde vienne, il ne trouvera rien en moi, pas de secours, pas même d’accès dans mon cœur», ce jour-là nous mettrons Satan en déroute en proclamant la victoire au nom du Vainqueur.

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