« Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les anciens de l’Eglise, et que les anciens prient pour lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur ; la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera ; et s’il a commis des péchés il lui sera pardonné. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière fervente du juste a une grande efficace. »
Jacques, l’apôtre qui exerça une influence prépondérante au sein de l’Église de Jérusalem, conseille aux malades, sans doute gravement atteints et désireux de recouvrer la santé, d’avoir recours aux anciens afin qu’ils viennent prier à leur chevet pour obtenir la guérison « au nom du Seigneur » (relire attentivement le passage cité en exergue). Ce texte, relatif à l’onction d’huile, est unique dans l’Écriture ; il a été diversement interprété et la parole du verset 15 en particulier a posé des problèmes à nombre de commentateurs, les faits paraissant démentir la déclaration de l’apôtre : « la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera ». Il y a, se plaît-on à objecter, tant d’impositions de mains ou d’onctions d’huile sans résultat !
Ici l’emploi des verbes “sauver” et “relever” nous étonnent ; nous aurions préféré que l’apôtre fût plus explicite en disant, conformément au contexte : « Et la prière de la foi guérira le malade et le Seigneur le relèvera (de son lit de maladie) »1 car c’est bien ainsi qu’il faut comprendre le verset 15 lorsqu’on tient compte de l’impératif qui l’accompagne : « Priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris. La prière du juste a une grande efficacité » (v. 16). Sans doute l’Esprit Saint avait-il de vraies raisons d’inspirer à Jacques l’usage des verbes “sauver” plutôt que “guérir” et “relever” plutôt que “rétablir la santé”, les termes utilisés dans le texte ayant un sens plus large.
1 Le verbe “relever” employé ici par Jacques montre qu’il s’agit d’une personne sérieusement malade, sans doute incapable de se déplacer, peut-être clouée au lit. D’ailleurs le terme de souffrance utilisé juste avant (v. 13) « implique une souffrance qui s’est prolongée et a atteint son paroxysme » (Nouveau Commentaire Biblique). Ces détails confirment ce que nous avons souligné, à savoir que ce sont les malades gravement atteints qui font appel aux anciens.
Au sujet de l’onction d’huile : Nous insistons sur le fait que l’huile employée ici n’a pas de valeur magique. Le croire serait pure superstition : ce serait accorder à la matière un pouvoir qu’elle n’a pas. C’est la prière de la foi qui est efficace.
Dans son commentaire, le théologien Bonnet explique ainsi la parole suivante : « la prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera » (v. 15) :
« Sans doute, dans l’ignorance où ils étaient de la volonté de Dieu, les anciens ne pouvaient demander une telle faveur qu’avec une humble soumission à cette volonté. Toutefois, Jacques tient surtout à exprimer la ferme confiance que la prière de la foi sauvera le malade (sauver signifiant guérir selon le contexte) et que le Seigneur le relèvera (de son lit de maladie). Aussi, dans les versets suivants, l’apôtre insiste-t-il sur le pouvoir immense de la prière du juste » (v. 16-18).
Notre commentateur cache mal son embarras lui qui révise son explication (« toutefois », dit-il). Sur un point, nous lui donnons volontiers raison : la souveraineté de Dieu doit être respectée et sauvegardée à tout prix. Pas de prière qui lui force la main. « Il est au ciel et nous sur la terre » (Ecclésiaste 5.1-2). L’enfant le plus estimé ne donnera jamais des ordres à son père. À combien plus forte raison le chrétien. Dieu tient à manifester son bon vouloir de trois façons :
Ceci dit, le commentaire ci-dessus nous laisse insatisfaits et appelle une série d’interrogations :
Le Nouveau Dictionnaire Biblique fournit une explication intéressante mais qui laisse également le chrétien sur sa soif : « Il est possible de donner (à cette déclaration) une interprétation médicale logique de même qu’une interprétation religieuse tout aussi solide. Ou bien, le patient est malade et la prière de la foi le guérira et le Seigneur le relèvera de son lit ; ou il est désemparé et spirituellement épuisé et il sera sauvé en une résurrection spirituelle. Il se peut d’ailleurs que Jacques ait été ambigu à dessein, laissant au lecteur la possibilité d’interpréter le texte suivant le résultat de la visite des anciens. Car tout est soumis à la volonté de Dieu… »
Dites-moi : est-ce l’expérience qui doit éclairer la Parole ou l’inverse ? Devons-nous attendre le résultat de la visite des anciens pour comprendre et oser croire ? Si le malade ne guérit pas, expliquera-t-on qu’il n’était pas dans le plan de Dieu d’accorder la guérison au patient visité ? Ou que les anciens se sont montrés incapables d’adresser à Dieu la prière de la foi, leur incrédulité motivant le silence divin ? Allez savoir ! Et puis, attendre de voir pour croire, n’est-ce pas marcher par la vue alors que « la foi est une démonstration des choses qu’on ne voit pas » (Hébreux 11.1) ?
Dans un autre ouvrage sur le sujet qui nous occupe, son auteur, incontestablement attaché à la Parole de Dieu, écrit pourtant : « Il serait sans doute faux de tirer de ce texte l’assurance que dans tous les cas et quoi qu’il en soit, Dieu accordera la guérison au malade pour lequel on prie. Il reste souverain. La décision lui appartient. Comme toujours l’attitude de chacun doit être faite de foi et de soumission. »
Ici, même embarras. Comment en sortir si l’on veut à la fois être soumis au Seigneur et s’attendre réellement à son intervention ? Croire à la guérison, ne serait-ce pas forcer la décision de Celui qui est jaloux de sa souveraineté ? Soumission et confiance sont-elles vertus conciliables ? Qui est soumis peut-il croire ? Et qui croit, est-il réellement soumis ? On n’en sort pas ! Ne serait-ce pas déjà obéir au Seigneur que de croire tout simplement et sans réserve à Sa Parole ? Le verset 16 serait-il inutile, sujet à caution, à évacuer ?
Ces divers commentaires ont le grave défaut de “couper les ailes” aux malades comme aux anciens qui les visitent ; tous sont tentés d’abandonner la lutte en concluant qu’il est impossible d’offrir à Dieu la prière de la foi puisqu’on ignore la volonté de Dieu ; la prière de la foi peut-elle jaillir de la perplexité ? “Foi” ne peut rimer avec “incertitude”. Ici, nous aurions souhaité que les auteurs de ces écrits soient plus positifs et nous disent comment il est possible d’implorer avec assurance la guérison tout en étant parfaitement soumis à la volonté divine.
Faut-il rappeler que l’apôtre Jacques – toujours lui – ne ménage pas ses lecteurs dès le début de sa lettre : « Que celui qui doute ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur ; il est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur : c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies » (Jacques 1.6). De son côté, l’épître aux Hébreux nous rappelle que « sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu » (11.6). Tout ancien invité à pratiquer l’onction d’huile devrait relire et méditer ces paroles, s’en pénétrer s’il tient à être utile au malade et ne pas le laisser dans le doute et la tristesse.
Un prédicateur qui traitait le sujet qui nous occupe, déclarait : « Il y a incrédulité à dire au Seigneur : « guéris-moi si tu peux ». Il n’y a aucune incrédulité à lui dire : « Guéris-moi si tu le veux » …
« Aucune incrédulité » ? C’est beaucoup dire ! Je crains que ce « guéris-moi si tu le veux » ne soit un pieux alibi pour s’abstenir de lutter dans la prière. Quiconque tient ce langage ne peut être un “battant”. Or, la foi se traduit par des actes. Elle fournit l’énergie, l’audace pour assiéger le Seigneur sans désemparer. J’imagine mal la veuve importune dire aimablement au juge : « Si tu le veux, fais-moi justice de ma partie adverse ».
Après tout, la volonté de Dieu…
1) … c’est que je lui fasse connaître librement mes besoins, quels qu’ils soient ? « En toutes choses, faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces » (Philippiens 4.6). Demander la guérison en suppliant le Seigneur et même le bénir à l’avance pour sa réponse (« avec actions de grâces ») est donc conforme à Sa volonté. En êtes-vous convaincu ?
2) … c’est que je m’adresse à Lui avec foi. Douter, c’est le faire menteur. Je dois donc m’attendre avec confiance à l’intervention du Seigneur et faire monter sans réticence la prière de la foi comme le suggère l’apôtre Jacques.
3) … c’est que, à l’instar de la veuve importune, je crie à Dieu jusqu’à ce que me soit accordée la chose demandée. C’est pour cette raison que l’épître aux Hébreux nous propose d’imiter ceux qui, par la foi et la persévérance héritent des promesses (6.12). Se relâcher, abandonner la lutte est preuve d’incrédulité. Conclusion : je demande la guérison avec foi, ténacité et respect jusqu’à ce que Dieu se manifeste.
4) La volonté de Dieu, c’est que je prenne au sérieux sa Parole qui est la Vérité. Elle me dit entre autre : « la prière de la foi sauvera le malade ».
Oui MAIS !
Ce qui précède, quoique juste, ne résout pas pour autant la question posée plus haut : comment puis-je croire à la guérison et, en même temps, me montrer soumis à un Dieu souverain dont j’ignore la volonté ?
Spurgeon devrait nous éclairer. On lui demanda un jour comment il réussissait à concilier responsabilité de l’homme (lequel est libre ou non d’obéir à l’Évangile) et souveraineté d’un Dieu qui choisit souverainement du sein même de l’humanité perdue ceux qu’il destine à la vie éternelle. Le grand prédicateur ne se laissa pas désarmer : « Oh ! dit-il, je ne tenterai même pas de vous répondre car je n’essaie jamais de réconcilier des amis. » Si ces deux réalités paraissent inconciliables, néanmoins il faut les accepter l’une et l’autre en même temps et se garder de les considérer comme des enseignements opposés.
Nous devrions tenir le même raisonnement lorsqu’il s’agit de guérison. Prière de la foi et souveraineté divine sont de vraies amies. N’essayons pas de les réconcilier puisqu’elles ne font qu’un. Désormais, et même si notre intelligence ne peut l’admettre, n’ayons aucun scrupule à faire monter vers le Seigneur notre requête avec une totale assurance. Inutile de nous demander comment il est possible de croire lorsqu’on ignore Sa volonté. Dieu nous éclairera là-dessus en temps opportun, mais pour l’instant faisons connaître nos besoins « sans douter », librement et résolument, pleinement conscients que nous nous adressons à un Père aimant qui répond toujours … mais en Dieu souverain.
En terminant ce chapitre, il nous semble utile de donner déjà un élément de réponse aux questions posées plus haut en évoquant le comportement de trois personnages bibliques, l’un d’eux étant Celui qui reste notre modèle.
Le fils de David va mourir ainsi que l’a annoncé le prophète. Bouleversé, le père ne peut se résoudre à voir périr un innocent à cause de son inconduite. Lui seul est le coupable et mérite d’être frappé. Plutôt que de se soumettre sans réagir, il crie à Dieu et implore la guérison de l’enfant. Est-ce de la rébellion de sa part ? Lisez 2 Samuel 12.15-23 et vous verrez ce père combattre, jeûner, passer des nuits couché à même le sol, suppliant sans relâche l’Éternel pour obtenir la guérison de son fils. Et lorsque vient la réponse définitive – la mort de l’enfant – David prouve sa soumission d’une façon éclatante : il se relève, prend de la nourriture et explique son comportement étrange devant des serviteurs abasourdis.
Paul ne dit pas : « O Dieu, guéris-moi si tu le veux ! … » mais à plusieurs reprises il réclame la guérison de son écharde. Le moteur qui le pousse à lutter avec la dernière énergie c’est la foi, la certitude inébranlable que Dieu répondra à ses cris. Le bref récit de l’Écriture sur lequel nous reviendrons, prouve hautement qu’il est possible de demander la guérison avec une grande audace tout en étant parfaitement soumis au Créateur (2 Corinthiens 12.7-10).
Le cas le plus typique est celui de Jésus lui-même, Lui qui connaissait parfaitement la volonté de son Père au sujet de sa mort ; Il en avait entretenu bien des fois ses disciples. Etait-Il insoumis lorsqu’Il suppliait le ciel – et avec quelle intensité – d’éloigner de Lui la coupe de malédiction ? Et pourquoi menait-Il un tel combat durant des heures puisque tout était décidé d’avance ? Pareille insistance n’’était-elle pas révolte ? Oh non ! Si le Fils de Dieu revint à la charge à trois reprises, c’est qu’Il faisait une totale confiance en un Père qui « l’exauce toujours » (Jean 11.42). Et de fait, Il fut « exaucé à cause de Sa piété » nous dit l’épître aux Hébreux (5.7). La foi n’habite pas les passifs qui attendent je ne sais quoi. Bien qu’il n’ait pu Lui épargner la Croix, le Père accorda cependant à Son Fils submergé d’angoisse ce qu’Il avait besoin de recevoir en ces heures tragiques, à savoir le pouvoir d’être « l’Agneau qui n’ouvre point la bouche » devant ses juges et ses bourreaux ; Il fut rendu capable de gravir sereinement le Golgotha au milieu d’une foule haineuse qu’Il ne cessa d’aimer. Dieu avait ôté l’angoisse, le poids énorme de cette mort expiatoire. À Gethsémané, Jésus avait prié la prière de la foi (le combat mené en fut la preuve) mais en Fils parfaitement soumis (Matthieu 26.39), aussi le Père l’avait-Il assisté et relevé. Le Sauveur put ainsi affronter la séparation tant redoutée d’avec son Dieu qu’il exprima dans un cri tragique peu avant d’expirer (Matthieu 27.46).
Certes, il ne s’agit pas ici de guérison et le cas de Jésus est bien particulier, mais la conduite de ces trois personnes démontre que foi et soumission peuvent aller de pair et qu’il est possible d’attendre fermement l’intervention du Seigneur tout en acceptant d’avance Sa volonté.
Questions :