Homère donne à un simple artisan le nom de sage, c’est ainsi qu’il s’exprime sur un certain Margite :
« Les dieux n’en firent ni un cultivateur ou fossoyeur, ni un sage en quoi que ce soit ; il ne réussit en aucun art. »
Hésiode, après avoir dit que Linus le joueur de harpe était versé dans toutes sortes de sagesses, ne craint pas de nommer sage un matelot. Il ne montre, écrit-il, aucune sagesse dans la navigation. Que dit le prophète Daniel :
« Les sages, les mages, les devins et les augures ne peuvent découvrir au roi le secret dont il s’inquiète ; mais il est un Dieu dans le ciel qui révèle les mystères. »
Ainsi Daniel salue du nom de sages les savants de Babylone. Ce qui prouve clairement que l’Écriture enveloppe sous la même dénomination de sagesse toute science ou tout art profane, enfin tout ce que l’esprit de l’homme a pu concevoir et imaginer, et que toute invention d’art ou de science vient de Dieu ; ajoutons les paroles suivantes, elles ne laisseront aucun doute :
« Et le Seigneur parla à Moïse en ces termes : Voilà que j’ai appelé Béséléel, fils d’Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda, et je l’ai rempli d’un divin esprit de sagesse, d’intelligence et de science, pour inventer et exécuter toutes sortes d’ouvrages, pour travailler l’or et l’argent, et l’airain, et l’hyacinthe, et le porphyre, et le bois de l’arbre qui donne l’écarlate, et pour exécuter tous les travaux qui concernent l’architecte et le lapidaire, et pour travailler les bois, etc. »
Dieu poursuit de la sorte jusqu’à ces mots :
« Et tous les ouvrages. »
Puis il se sert d’une expression générale pour résumer ce qu’il vient de dire :
« Et j’ai mis l’intelligence dans le cœur de tous les ouvriers intelligents ; »
c’est-à-dire, dans le cœur de tous ceux qui peuvent la recevoir par le travail et par l’exercice. Il est encore écrit d’une manière formelle, au nom du Seigneur :
« Et toi, parle à tous ceux qui ont la sagesse de la pensée, et que j’ai remplis d’un esprit d’intelligence. »
Ceux-là possèdent des avantages naturels tout particuliers ; pour ceux qui font preuve d’une grande aptitude, ils ont reçu une double mesure, je dirai presque un double esprit d’intelligence. Ceux même qui s’appliquent à des arts grossiers, vulgaires, jouissent de sens excellents. L’organe de l’ouïe excelle dans le musicien, celui du tact dans le sculpteur, de la voix dans le chanteur, de l’odorat dans le parfumeur, de la vue dans celui qui sait graver des figures sur des cachets. Mais ceux qui se livrent aux sciences ont un sentiment spécial par lequel le poète a la perception du mètre ; le rhéteur, du style ; le dialecticien, du raisonnement ; le philosophe, de la contemplation qui lui est propre. Car, c’est à la faveur de ce sentiment ou instinct qu’on trouve et qu’on invente, puisque c’est lui seul qui peut déterminer l’application de notre esprit. Cette application s’accroît à raison de l’exercice continu. L’apôtre a donc eu raison de dire que
« la sagesse de Dieu revêt mille formes diverses, »
puisque pour notre bien elle nous révèle sa puissance « en diverses occasions et de diverses manières, » par les arts, par la science, par la foi, par la prophétie. Toute sagesse vient donc du Seigneur, et elle est avec lui pendant tous les siècles, comme le dit l’auteur du livre de la sagesse :
« Si tu invoques à grands cris l’intelligence et la science, si tu la cherches comme un trésor caché, et que tu fasses avec joie les plus grands efforts pour la trouver, tu comprendras le culte qu’il faut rendre au Seigneur, et tu découvriras la science de Dieu. »
L’écrivain sacré la nomme ainsi pour la distinguer de la science philosophique ; science que d’ailleurs il nous invite en termes pompeux et magnifiques à chercher avec soin, pour avancer dans la connaissance du vrai culte et croître dans la piété envers Dieu. En regard de cette science philosophique, il a mis l’intelligence des devoirs qu’impose la piété, voulant ainsi désigner la science de la vraie religion, et il s’explique en ces termes :
« Car, de la bouche du Seigneur se répandent à la fois le don de la sagesse et le don du savoir et de la prudence, et ce sont des secours que le juste amasse comme un trésor ; »
car, ceux que la philosophie éclaire trouvent un secours caché qui est mis en réserve comme un trésor ; c’est elle qui les conduit au vrai culte et à la piété envers Dieu.