Nous avons gardé le plat de résistance pour la fin : le remariage. On ne peut profiter valablement de la troisième partie du livre que si l'on garde présent à la mémoire tout ce qui a été dit dans les deux premières sections.
Nous continuerons à nous inspirer de la méthode comparative qu'employait si brillamment notre Seigneur.
Nous avons pleinement admis que, vu sous l'angle de l'idéal divin, le remariage des divorcés ne s'inscrit pas plus dans le plan de Dieu pour l'homme que la séparation, le divorce ou toute autre forme de péché, sujet largement débattu dans les pages précédentes, sinon on ferait Dieu complice du péché.
Pourquoi la question du remariage revêt-elle une si grande importance ? Pour deux raisons. La première est que, si la marche de l'Église a des aspects démocratiques (2 Corinthiens 2.6), elle est cependant théocratique quant à ses lois ; elle tient ses ordres d'en haut et elle est tenue de s'y soumettre. Ce n'est pas de nos goûts, de nos penchants et de nos préférences que nous avons à débattre, mais des textes et de leur interprétation.
La deuxième raison, qui découle de la première, c'est ce que les responsables d'Église vont devoir dire de la part de Dieu aux couples en situation de rupture et de remariage.
Si l'Église était perçue comme un véhicule de transport collectif, que faudrait-il faire ? Les embarquer comme simples passagers ou les laisser sur le trottoir ? Et si certains d'entre eux ont reçu un appel de Dieu, faut-il leur laisser le volant ou faut-il leur retirer leur permis de conduire et les débarquer, comme Aaron et Myriam se proposaient de le faire envers le petit frère Moïse ? C'est ce que certains croient devoir faire. C'est ce que le renard a fait pour l'âne. Mais il serait injuste de ne voir que des renards et des lions aux postes de commande. Nous croyons avec Molière qu'il reste « des princes ennemis de la fraude » et qui ne font pas de favoritisme. Face à de tels hommes, le psalmiste pouvait dire : « Que le juste me frappe, c'est une faveur, qu'il me châtie, c'est de l'huile sur ma tête : ma tête ne se dérobera pas. » (Psaumes 141.5)
Les textes les plus couramment cités pour offrir aux remariés leur démission sont : « Et je vous dis que quiconque répudiera sa femme, non pour cause de fornication et qui en épousera une autre, commet un adultère » (Matthieu 19.9, J. N. Darby) et « Ainsi, une femme mariée est liée par la loi à son mari... Si donc, du vivant de son mari, elle devient la femme d'un autre homme, elle sera appelée adultère... » (Romains 7.2-3)
Il est clair que si le Saint-Esprit ne nous avait donné que ces deux seuls versets face au remariage, ou les deux autres déjà cités « Ne péchez pas » et « Soyez parfaits », face au salut, il n'y aurait aucune porte de sortie pour ceux qui veulent se remarier et aucune planche de salut pour les pécheurs si imparfaits que nous sommes tous. Mais ces textes sont là et, bon gré mal gré, il faut s'en accommoder.
Heureusement (surtout pour le salut !) que ces vérités ont un contexte et des parallèles.
Le contexte moral nous est suffisamment connu par l'histoire et la Bible. En règle générale, l'homme s'arrogeait tous les droits, y compris celui de renvoyer son épouse les mains vides et de lui causer de graves préjudices, et cela pour des raisons vraiment « quelconques ». Une passade, un coup de foudre, un rôti brûlé étaient des motifs suffisants pour divorcer et se remarier. La réaction des disciples : « Si telle est la condition de l'homme à l'égard de la femme, il n'est pas avantageux de se marier » (Matthieu 19.10) montre à quel point ils partageaient la moralité ambiante qui était celle de parfaits « machos ».
Non, le Seigneur n'abonde pas dans le sens de ceux qui cultivent le goût du changement. L'esprit hollywoodien n'a pas ses faveurs.
Toutefois, changer une restriction, même très nette, en absolu exige que l'on s'y attarde. Même le mur de Berlin, réputé infranchissable, a ses points de passage. Mais n'y passe pas qui veut.
Pour le remariage, l'Écriture nous en signale trois :
Il faut noter qu'ici le mari semble détenir les preuves de quelque chose de honteux. Bien que divorcée à son désavantage, mais munie d'une lettre de divorce signée par son mari, elle peut se remarier ; c'est Dieu qui le dit. Cette femme échappait ainsi à une cruauté masculine qui pouvait aboutir à la mort et trouvait sécurité, consolation et équilibre dans un second mariage.
Cette situation, nous l'avons déjà évoquée, se rencontre encore aujourd'hui sous de multiples formes, avec la différence que c'est parfois le mari qui risque sa vie et qui devrait être protégé et recevoir sa lettre de divorce ! Qu'on ne nous rétorque pas que c'est un texte de l'Ancien Testament et qu'« au commencement il n'en était pas ainsi ». Car c'est le Dieu qui était au commencement qui a parlé par Moïse, ce que le Christ n'infirme pas mais qu'il explique, corrigeant l'interprétation abusive qu'en donnaient les pharisiens par cette expression très évocatrice : « C'est à cause de la dureté de votre cœur ! »
En effet, si l'on détache un chien de sa niche et qu'on le chasse, c'est lui faire un mauvais procès de prétendre que le « Il n'est pas lié » veut dire qu'il l'est encore, alors qu'en réalité il ne l'est plus !
Nous sommes de ceux qui croient que Paul n'a rien voulu dire d'autre que ce qu'il a dit : que si un conjoint part ou force l'autre à partir, le lien est rompu comme par la mort. N'étant « pas lié », pas plus qu'un célibataire, il a le droit de se relier.
Notre exégèse peut paraître simpliste à certains, qui auraient souhaité moins de brièveté sur ce point. Nos lumières sur ce texte s'arrêtent à ce que le grand apôtre dit et semble vouloir dire. Nous n'oserions pas ajouter : il est encore lié alors qu'il dit le contraire.
Mais cela confirme qu'il faut une situation de vie vraiment anormale comme celle qu'il décrit pour que le nœud du mariage se défasse et qu'une nouvelle union soit possible. Pas plus que Christ Paul n'admet des causes futiles ou quelconques au détachement du lien conjugal.
Les purs et durs vont jusqu'à affirmer qu'il n'a pas dit cela, et que, s'il l'a dit, ce n'est en tout cas pas ce qu'il a voulu dire.
D'autres commentateurs sérieux fouillent les textes, analysent le grec, dissèquent, décortiquent et expliquent. Ceux qui peuvent les lire jusqu'au bout devraient être décorés ! Comme nous voulons que nos lecteurs terminent le livre, nous tâcherons de rester d'une lecture accessible à tous. Si parfois vous trouvez un peu d'humour grinçant, sachez qu'il n'y a derrière aucune autre intention que d'essayer de vous tenir éveillé jusqu'au bout !
L'exposé qui va suivre doit être reçu comme une parenthèse dans le développé de ce livre. L'auteur y soumet quelques pensées, qu'il propose à la réflexion du lecteur, sans plus. Il admet volontiers que si vous n'êtes pas d'accord, c'est probablement parce que c'est vous qui avez raison ! Mais cela permettra à plusieurs de comprendre que les choses ne sont pas aussi simples que-beaucoup voudraient le croire. Si ces pages sont un peu plus ardues à lire que les autres, cela peut s'expliquer par une boutade. Un pasteur, renommé pour la clarté de ses exposés et l'efficace simplicité de ses prédications, disait : « Dans mon Église, une fois par an, je prêche un sermon incompréhensible, sinon je passe pour un imbécile !!! »
Le troisième point de passage vers le remariage est dans cette clause : « sauf pour cause d'infidélité. » J. N. Darby traduit littéralement « non pour cause de fornication. »
Il y a ici une première difficulté, la fornication n'étant pas l'adultère. Il est ainsi compris : relation charnelle de deux personnes qui ne sont ni mariées ni liées entre elles par des vœux. On pense généralement qu'adultère et fornication c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Un regard attentif fait découvrir en Matthieu 15.19 que le Seigneur dit : « Car c'est du cœur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, l'adultère, la fornication, les vols, les faux témoignages, les injures... »
Si le Seigneur fait la distinction, c'est que la différence entre les deux mots peut avoir son importance. L'adultère ne serait donc pas la condition suffisante au remariage, mais la fornication. Il faudrait donc qu'un mari ait surpris sa femme avec un célibataire ou qu'une femme découvre que son mari, avant de l'épouser, avait connu une autre femme, ou vice versa.
Il faut bien admettre que cette interprétation à la lettre crée plus de difficultés qu'elle n'en résout. C'est pourquoi de très sérieux commentateurs ne la retiennent pas. L. W. G. Alexander dira : « le mot fornication est employé d'une manière qui comprend l'adultère. » Mais, même là, le mot adultère n'y suffira pas. Où inscrirons-nous le cas de cette femme qui, étonnée de la frigidité permanente de son époux, découvre qu'il est homosexuel ? On comprend aisément que si la fornication est assez grave à Ses yeux pour faire éclater un mariage, l'odieuse sodomie l'est cent fois plus. Et pourtant Il n'en a rien dit. Le Seigneur, dans un seul mot, aurait-Il englobé toutes les autres situations ? Le débat est ouvert. C'est sans doute la raison pour laquelle Louis Segond, cet autre remarquable traducteur de la Bible, a encore étendu le registre en utilisant le mot infidélité. C'est ainsi que l'accès au divorce est généralement compris. Mais l'infidélité n'est-elle que d'ordre purement sexuel ? Certains le pensent. S'il en est ainsi, le ciment du mariage est ramené à une simple affaire de coucherie. Nous avons de notre Dieu une idée plus élevée qui ne Le cantonne pas à une moralité de bas étage. Le Christianisme au XXe Siècle a fait paraître dans ses colonnes un article où il était dit notamment : « Vous voyez autour de vous tant d'adultère pas forcément charnel. »
Qu'est-ce d'autre, sinon de l'infidélité, que de n'être pas fidèle envers tous les éléments qui constituent le mariage et que chaque couple a fait vœu de tenir en prononçant le oui officiel ?
En effet, si le chrétien promet fidélité sexuelle à son conjoint, ce qui va de soi, il s'engage tout autant à l'être envers les autres composantes du mariage, qui sont :
Pour les maris (un devoir d') :
Pour les épouses (un devoir d') :
À la lumière de ce tableau, qui est l'enseignement biblique sur le mariage, il saute aux yeux qui si l'infidélité charnelle non corrigée cause des ruptures sans remède, les autres infidélités sont le plus souvent à la base de la dérive des couples.
Il est prouvé que les manquements sexuels sont, la plupart du temps, causés par l'infidélité d'un des conjoints à honorer les points précités de son contrat de mariage. C'est pourquoi, selon certains, le mot fornication doit être compris au sens le plus large, à la façon de Jacques quand il tonnait : « Adultères que vous êtes ! » Il avait en vue, lui aussi, plus que les ébats d'alcôve. C'était, sous sa plume inspirée, le non-respect de l'engagement total envers Dieu. Il explique sa notion d'adultère en ces termes : « ... ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. » (Jacques 4.4) À ses yeux, comme aux yeux du Seigneur, est adultère celui qui ne respecte pas toutes les règles du jeu divin. Les lois du mariage sont comme les commandements de Dieu : elles forment un tout indivisible. C'est encore Jacques qui l'explique : « Celui (Dieu) qui a dit tu ne commettras point d'adultère a dit aussi tu ne tueras point. Or, si tu ne commets point d'adultère, mais que tu commets un meurtre, tu deviens transgresseur de la loi. » Et il en tire cette conclusion : « Celui donc qui pèche contre un seul commandement devient coupable de tous! » (Jacques 2.10-11) En effet, le mariage est comme une chaîne où chaque règle est un de ses chaînons. C'est ce qui lie les époux et, chacun le sait, une chaîne est aussi forte que son plus faible chaînon ; le mariage y est comme suspendu. La question qui se pose est : combien faut-il rompre de mailles pour briser la chaîne ? Une seule ! C'est aussi ce que dit le Saint-Esprit : « Si tu pèches contre un seul, tu deviens coupable de tous. »
De même, la violation délibérée des engagements matrimoniaux, quels qu'ils soient, c'est de l'infidélité pure et simple parce que c'est l'adultération de la foi conjugale. Quand une des parties brise une ou plusieurs mailles clés de son mariage, l'autre n'est forcément plus liée, et cela lui permet d'envisager une nouvelle union sans encourir la réprobation de Dieu pour une rupture qu'il n'a pas provoquée.
Ces quelques réflexions n'engagent pas l'auteur, mais elles méritaient d'être exposées. On rappellera encore une fois à ceux qui ne sont pas d'accord que c'est sans doute parce qu'ils ont raison ! C'est sur cette ouverture d'esprit que se ferme notre parenthèse.
Nous reprenons le fil de notre entretien, à propos du troisième poste de passage au remariage, par un texte archi-connu, mais tellement dérangeant qu'il est presque toujours cité sans commentaire. C'est celui de Matthieu 5.27-28, où le Seigneur dit : « vous avez appris qu'il a été dit : tu ne commettras point d'adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. » Il est utile de relever qu'il n'y a aucune différence entre le « Mais moi je vous dis » de ce verset d'avec ceux des versets 22, 32, 34, 39, 44. Si l'on se plaît à souligner la transcendance du « Mais moi je vous dis que celui qui répudie sa femme... », il faut, par simple honnêteté intellectuelle, donner la même autorité aux autres et se laisser mesurer par eux.
Au lieu de disserter cérébralement sur la question, il nous est revenu à l'esprit qu'un petit croquis valait mieux qu'un long discours. Nous avons donc « croqué » quelques bons amis au passage. Ceux qui ont répondu aux questions étaient tous des hommes de la meilleure classe morale du monde évangélique. Les réponses étaient si convergentes, avec ici et là quelques variantes mineures, que nous en avons extrait la synthèse. Afin d'éviter des longueurs superflues, les préliminaires ne sont pas rapportés.
Un jeune pasteur, qui gardait une vue idéaliste de l'engagement conjugal, fut très affecté d'entendre un chrétien, homme bien considéré, lui faire part de ses luttes secrètes pour la sanctification de l'esprit. Il lui dit : « Qu'il est difficile de regarder une jolie femme et de ne pas la déshabiller mentalement ! » Intérieurement choqué, il se dit en lui-même : « Est-ce ainsi qu'il regarde ma femme ? »
Il apprit par la suite que ceux qui se complaisent dans des représentations mentales impures étaient plus nombreux qu'il ne l'avait d'abord supposé. Détail navrant, cet homme était contre le ministère des remariés, mais il trompait sa femme tant et plus de cette façon. Inutile de chercher d'où l'homme descend : c'est jusqu'où il est capable de descendre qui fait la honte de la race humaine.
On demandera : est-ce que ce type d'adultère affecte aussi les femmes ? Nous les créditerons volontiers de plus de pureté. Certes, elles ont facilement le béguin pour les hommes publics, et les prédicateurs ont la cote de ces dames. On peut toutefois admettre que le regard qu'elles leur portent n'a d'autre incidence que de leur faire accélérer le pouls. Le rêve chez elles tient plus de place que la réalité. Tandis que chez les mâles ! On sait comment certains hommes regardent les femmes, et ce n'est pas beau du tout.
Mais il y a le cas de la femme de Potiphar. « Or, Joseph était beau de taille et de figure. Il arriva que la femme de son maître portât les yeux sur Joseph, et dise : « couche avec moi ! » Il refusa... Elle le saisit par son vêtement en disant : « couche avec moi ! » Il lui laissa son vêtement dans sa main et s'enfuit dehors. Lorsqu'elle vit qu'il lui avait laissé son vêtement... Elle le posa à côté d'elle jusqu'à ce que son maître rentre à la maison. Alors, elle lui parla ainsi : « L'esclave hébreu que tu nous as amené est venu vers moi pour se jouer de moi. Et comme j'ai élevé la voix et que j'ai crié, il a laissé son vêtement à côté de moi et s'est enfui « dehors... » Potiphar fut enflammé de colère. Il prit Joseph et le mit en prison... » (Genèse 39.20)
Il est bien vrai que, comme l'a dit un auteur contemporain : une méchante personne et une mauvaise langue, c'est quelqu'un qui répand la fumée derrière laquelle les autres croient qu'il y a du feu.
On dit que Mme Potiphar a de nombreuses filles aujourd'hui. Elles seraient seulement plus habiles qu'elle, donc plus dangereuses. Quand elles ne risquent rien pour elles-mêmes, elles deviennent, paraît-il, de vrais Judas en jupon et leur félonie n'a de cesse que le ministère de ceux qui leur résistent ne soit mis en prison, c'est-à-dire en pièces.
Quelques conseils :
Le moment semble approprié pour avertir les jeunes serviteurs de Dieu qui sont les dépositaires du plus grand message du monde. Ils n'ont pas d'autorité officielle, mais une autorité morale qui dépendra entièrement de leur conduite. Le choix d'une épouse sera déterminant pour la poursuite de leur ministère et une protection contre les dames Potiphar qui ont comme un sixième sens pour « sentir » les ménages boiteux.
Quel avenir fécond pouvait-il y avoir pour ce missionnaire américain dont la conduite mondaine de son épouse détonnait dans le milieu où ils évoluaient. Elle s'en expliquait par ces mots : je suis l'épouse d'un missionnaire, mais moi je ne suis pas missionnaire !
Quel contraste avec ce grand homme de Dieu que fut Hudson Taylor, qui pouvait dire de sa femme qu'elle était la colonne vertébrale de la Mission à l'Intérieur de la Chine !
Autant, sinon plus, qu'une épouse de médecin généraliste disponible à toute heure du jour et de la nuit, ou d'un homme d'affaires en perpétuels comités et dîners d'affaires ou de militaire en constant déplacement, elle doit être prête à partager son mari avec ceux qu'ils fréquenteront, ç'est dans la famille où elle a grandi que s'affirment déjà les traits de caractère qui révéleront si elle est portée à l'altruisme ou a l'égoïsme. Car ce que l'on est dans sa famille, on l'est aussi dans son foyer. Un proverbe du Nord dit que celui qui aime bien sa mère aime bien sa femme. Cela veut dire que, en général, ce qu'on a été dans la maison de ses parents on l'est aussi chez soi. Un garçon qui ne respecte ni sa mère ni ses sœurs ne respectera pas davantage sa femme. Et une jeune fille qui n'honore ni ne respecte l'autorité de son père ne sera ni soumise ni respectueuse envers son mari et ne lui portera pas honneur. C'est pourquoi une investigation approfondie au niveau de la famille de la future épouse et une observation objective des traits de caractère qui s'y sont développés seront déterminantes pour l'avenir de leur vocation. Sans oublier que la sagesse est dans le grand nombre des conseillers. (Proverbes 11.14)
Il faut aussi savoir que toutes les prières, fussent-elles les plus ferventes, ne remplaceront jamais un raisonnement sanctifié. De bonnes informations venant de bonnes sources vaudront plus et mieux que des heures à genoux pour tenter de fléchir Dieu, afin qu'il accorde Sa bénédiction à ce qui n'est, sous le couvert de la foi et en fin de compte, qu'un aveuglement volontaire.
Une brillante jeune officière de l'Armée du Salut fut demandée en mariage par un ivrogne dont elle s'occupait du relèvement. Au sein d'un grand conflit intérieur et de multiples prières, elle demanda à Dieu un signe pour savoir si elle devait épouser cet homme. Le signe était qu'il neige le 1er mai cette année-là. (Dans ces contrées, il ne neige pas le 1er mai une fois par siècle.) Et, ce jour-là, il a neigé. Malgré ce « clin d'œil du ciel », le mariage se transforma immédiatement en enfer et se termina en divorce. L'enseignement de la Bible sur le sujet et le simple bon sens eussent évité à cette jeune femme des tourments d'esprit, des prières inutiles et une vocation brisée.
Une épouse portant le fruit de l'Esprit n'a pas de prix pour le ministère, l'efficacité et le bonheur d'un jeune serviteur de Dieu.
Proverbes 5.18-19 dit : « Fais ta joie de la femme de ta jeunesse, biche des amours, gazelle pleine de grâce : sois en tout temps épris de ses charmes, sans cesse épris de son amour. » Ce sera pour lui le meilleur moyen de se prémunir contre le regard de mort (et non d'amour) de la Potiphar.
Un ami rapporte que lorsqu'il était souvent sollicité de visiter des femmes seules, il se faisait accompagner de son épouse. Là où les mobiles étaient troubles, cette visite accompagnée était toujours la dernière. Quand un berger du troupeau peut être fier que sa femme l'accompagne, il met toutes les garanties de protection de son côté et les dames Potiphar ne s'y hasardent plus.
Mais quand une épouse réagit par un refus catégorique, comme le fit la reine Vasthi à l'appel du roi Assuérus à se tenir à ses côtés (Esther 1.12), on peut s'attendre au pire. Quelqu'un l'a très bien dit : « Tant qu'elle a traité son mari comme un roi, il a fait d'elle une reine. » Mais le jour où, par une bravade ouverte et inutile, elle crut gagner son émancipation, elle perdit tout et il ne lui est resté que ses yeux pour pleurer.
Que tout jeune ministre de l'Évangile cherche et trouve une reine qui le traite comme un roi et ils formeront sûrement un couple royal.
Un peu de bon sens :
Quand Dieu créa le premier homme, le pauvre était bien seul, plus seul que les animaux qui avaient tous leur partenaire. Dieu l'a constaté avant nous, aussi a-t-Il dit : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. » (Genèse 2.18) Or, quand l'Éternel a dit cela, Adam était parfait. La chute n'était pas encore intervenue. S'il n'était pas bon que l'homme parfait fût seul, combien moins ses descendants imparfaits.
Le divorcé, n'étant que plus exposé de par sa solitude, n'est pas exclu de la sollicitude divine : « il n'est pas bon que l'homme (fût-il divorcé) soit seul. »
Paul, muni d'un solide bon sens, recommandera le célibat à ceux qui ont reçu le don, mais il ajoutera : « Mieux vaut se marier que de brûler. » Il serait fâcheux que, sous prétexte de spiritualité, on lise : mieux vaut brûler que de se marier.
Aux couples mariés qui ont décidé librement de pratiquer une abstinence occasionnelle en vue du service de Dieu, Paul, conduit par l'Esprit de Dieu, leur conseille de ne pas rester séparés trop longtemps de peur que, dit-il : « Satan ne vous tente par votre incontinence. » (1 Corinthiens 7.5) Que le grand docteur de l'Église est loin de ces nouveaux pharisiens qui augmentent encore la détresse d'un homme esseulé en l'induisant dans de nouvelles tentations !
Quel conseil Paul donne-t-il aux jeunes veuves dans l'Église ? Craignant pour elles que la volupté ne les éloigne de Christ, il les prie de se remarier. (1 Timothée 5.14) Or, sur les plans psychique, physique et sentimental, le veuvage et le divorce créent des situations souvent pareilles. Certains, certes, sont restés célibataires, ou plutôt ne se sont pas remariés, mais on n'oserait s'étendre sur les péchés solitaires auxquels d'autres s'adonnent pour apaiser les brûlures de leur chair. Et que dire quand ces brûlures dégénèrent en concupiscence chronique et obsessionnelle ? Chez plusieurs, faits vérifiés, cela s'est terminé en psychiatrie.
L'enquête réalisée par le psychologue américain Richard Sipe, lui-même prêtre catholique, et publiée dans l'hebdomadaire Newsweek du 23 janvier 1987 révèle (1500 interviews en vingt-cinq ans) que 20% des prêtres sont homosexuels. Certains thérapeutes estiment que la proportion pourrait atteindre 40%. Certains prêtres justifient leur mode de vie en faisant valoir qu'ils ont fait vœux de « célibat », mais non de « chasteté. » L'étude de R. Sipe fait également apparaître que 20% des prêtres catholiques américains ont des relations hétérosexuelles et que leurs partenaires sont parfois enceintes. Les livres du R. P. Chini-quy sont sur ce point très révélateurs.
C'est l'occasion de dire en passant qu'il est des prises de position sur lesquelles Dieu ne revient jamais. C'est le cas de l'homosexualité où, en dehors de la repentance et d'un changement de vie, les jugements de Dieu restent sans appel. De sains mariages ou remariages ne seraient-ils pas préférables à de tels délabrements moraux ?
Une chère dame chrétienne faisait remarquer combien les veufs, y compris les serviteurs de Dieu même âgés, avaient de la peine à accepter leur nouvelle solitude. « Comme ils se remarient vite ces chers frères », disait-elle, avec dans la voix une pointe de tristesse mêlée de reproche qui laissait sous-entendre : comme nous sommes vite remplacées et quel manque de maîtrise de soi ! Cela a fait dire à quelqu'un récemment qu'il valait presque mieux un veuvage qu'un divorce. On sort bien de l'un, mais mal de l'autre.
Il faut maintenant mettre les intéressés en garde contre les conseils désincarnés de ceux qui décollent de la réalité dans les avis qu'ils donnent sur la question.
Nous en avons choisi un parmi d'autres.
« Je vous déconseille de vous remarier. Si une réconciliation avec votre ex-femme ne peut être envisagée, vu sa mauvaise conduite, alors il y a un chemin plus élevé pour résoudre la tension toujours croissante de votre corps : ‘Dans une communion intime avec le Seigneur !’ » (Comment ne pas déjà signaler ici l'opposition d'avec la pensée pauliniène qui préconise au contraire de limiter le temps de cette hyper spiritualité pour « revenir ensemble. ») Lisons la suite : « c'est ce qui est merveilleux » les prétendues (?!) tensions sexuelles sont des puissances créatrices en l'homme et elles se transforment en un service sanctifié pour le Seigneur, dans l'œuvre féconde de la foi. Paul parle d'hommes qui, à cause de la volonté du Seigneur, renoncèrent au mariage, bien qu'ils ressentent aussi en eux cette force créatrice comme tout être normal. Aussi leur force créatrice fut-elle, par leur intime communion avec le Seigneur, changée en valeur éternelle ». Ahurissant ! On croirait assister, dans un séminaire catholique pour futurs prêtres, à l'apologie du célibat par Chateaubriand en personne, surtout quand on pense que celui qui a donné ce conseil s'est servi de sa puissance créatrice pour faire douze enfants à sa femme ! En cette fin du XXe siècle, il faut le faire !! On n'est pas très loin de Chateaubriand précité qui, en écrivant son Génie du Christianisme, exaltait les vertus du célibat tout en vivant dans la débauche avec sa maîtresse.
Planant à de telles altitudes, on se demande pourquoi ces conseillers d'opérette ne se sont pas d'abord laissé conseiller par une Parole qu'ils recommandent d'autant plus aux autres qu'ils la pratiquent moins eux-mêmes. N'auraient-ils pas lu, avant de se marier, que « celui qui se marie fait bien, mais que celui qui ne se marie pas fait mieux ? » (1 Corinthiens 7.38) Sachant que le mieux est l'ennemi du bien, pourquoi n'ont-ils pas commencé leur vie si consacrée par ce qu'il y avait de mieux ? Pourquoi se sont-ils, dès le départ, privés de ces altitudes qu'ils recommandent si volontiers aux autres ? Ils auraient honoré la Parole à son plus haut niveau et ils seraient entrés d'emblée dans le ministère « sans s'inquiéter des choses du monde pour plaire à leur conjoint et être ainsi libres de s'occuper des choses du Seigneur pour rester sains de corps et d'esprit et se porter à ce qui est bienséant et propre à s'attacher au Seigneur sans distraction ». (1 Corinthiens 7.34-35) Tels de nouveaux Chateaubriands, mais sans son génie, ces gens discourent de la continence avec un idéalisme délirant ; ce sont ceux qui en connaissent le moins qui en parlent le plus. Que de victimes jonchent le parcours de ces ministres de pacotille ! En voici un triste exemple.
Le mariage de ce jeune homme, pourtant fervent d'esprit pour les choses de Dieu, n'a pas tenu. Le milieu où il évoluait n'ayant aucune perche de salut à lui tendre, il disparut spirituellement, submergé par de trop grandes eaux. Il divorça, puis vécut maritalement avec une jeune fille de laquelle il eut un enfant. Rien ne s'opposait à ce qu'il la marie, mais ce fut à ce moment que, reprenant pied dans la vie spirituelle, il décida, plus par fidélité envers la façon dont son entourage lui expliquait la Bible qu'à la Bible elle-même, de vivre seul, le retour à sa première épouse étant entre-temps exclu. Il y fut même aidé par la mère de son enfant, qui comprit son cas de conscience. Quelqu'un l'avertit du danger moral auquel il s'exposait en restant seul. Il n'en tint aucun compte, sûr qu'il était d'avoir retrouvé le chemin de la volonté de Dieu. Il demeura donc ferme dans son esprit (qui est prompt) et finit par craquer dans la chair (qui est faible). Le résultat fut une troisième chute, qui aurait pu être évitée avec un minimum de bon sens. Conseillers fâcheux que ceux qui ont façonné sa conscience, finalement non pour le sauver, mais pour n'arriver qu'à le perdre davantage !
De quel amateurisme irresponsable ne faut-il pas qualifier ces autres « responsables » bien intentionnés qui parvinrent à raccommoder — ô victoire ! — un ménage à la dérive. L'épouse avait sombré dans la drogue avec toutes les conséquences que l'on peut penser au niveau de la famille : un mari désemparé et un enfant négligé par sa mère. Par leur intervention, ces bricoleurs patentés parvinrent, comme le dit l'Évangile, à coudre une pièce de drap neuf sur la trame usée et déchirée d'une situation sans remède. Que d'actions de grâce pour ce triomphe momentané ! Dans l'année naissait un deuxième enfant, celui de la réconciliation, mais d'une mère qui, en profondeur, ne s'était jamais repentie de ses effrayants égarements. Il y a aujourd'hui en France un bébé et un enfant de plus qui n'ont pas de mère et un homme plus seul et plus désemparé que jamais. À notre tour de poser une question à ces « sages sans intelligence ». Lequel d'entre eux va prendre la responsabilité d'élever cet enfant que leur coupable inconscience a amené dans le monde ?
Mauvais ouvriers ! Dira saint Paul. Conducteurs de pacotille qui, dit Jérémie (Jérémie 6.14), « pansent à la légère les plaies de mon peuple ». Ces gens sont à la cure d'âme et aux problèmes conjugaux ce que les charlatans sont à la médecine. Ils devraient être poursuivis pour exercice irréfléchi du saint ministère. C'est d'eux aussi que parle le Seigneur en Luc 16.8 quand Il dit que les enfants de ce siècle sont plus sages que les enfants de lumière.
On préférera, et de loin, la sagacité de cet influent et sage responsable d'Assemblée qui, constatant la réussite d'un jeune chrétien qui, à vingt-quatre ans avait été acculé au divorce puis s'était remarié, a dit : « On n'allait tout de même pas demander à un gars de vingt-quatre ans de demeurer seul toute sa vie ! Sa nouvelle vie familiale, spirituelle et professionnelle a été un succès sur toute la ligne, au point que la charge d'ancien lui a été confiée dans son Assemblée. »
Mais, dira-t-on, là où l'un des conjoints tombe malade l'autre n'est-il pas frustré de ce qui fait le mariage ? N'est-on pas là devant une situation proche d'une atmosphère de séparation ? On en est loin au contraire ! L'épreuve de ces couples est grande assurément, mais il y a un monde entre les deux cas.
Il n'y a pas, dans la maladie, de rupture d'affection, ni de vide sentimental, ni de vide tout court. Il n'y a pas d'absence, et surtout, il n'y a pas de climat de guerre, de ruse, de tromperie, de méfiance et de crainte perpétuelles qui sont le lot des ménages qui se disloquent. On a plutôt vu que les épreuves soudent davantage les époux entre eux et enrichissent leurs sentiments. Tandis que l'éclatement matrimonial fait sombrer l'amour dans de tels abîmes qu'il devient plus irrécupérable que le Titanic au fond de son océan. Non, les situations ne sont pas comparables et il n'est ni juste, ni honnête, ni charitable de les évoquer, surtout si l'idée sous-jacente est de culpabiliser ceux qui vivent le drame de la rupture.
Va et ne pèche plus !
Nous avons relevé précédemment l'étonnante position du Seigneur dans l'épisode de la femme surprise en flagrant délit d'adultère. Certains objectent que son « je ne te condamne pas » a été suivi du « va et ne pèche plus ». Voilà où le bât blesse dans le cas des séparés, des divorcés et des remariés : la situation ne s'arrête pas, elle se continue.
À première vue, l'argument est de taille. Il se révélera même redoutable quand il se retournera contre ceux qui s'en servent unilatéralement. Nous allons continuer à employer la méthode comparative que nous avons utilisée jusqu'ici, car Celui qui a dit à cette femme : « Va et ne pèche plus » le dit aussi à la prostituée convertie qui, sur le trottoir, racolait vingt clients par jour; cela va de soi. Il ne lui dit pas : « Je ne te condamne pas si tu n'en fais plus que deux. » C'est aussi ce qu'il dit au pickpocket repenti qui se faisait deux mille francs par jour en délestant ses semblables de leur trop-plein de billets de banque. Jésus ne lui dit pas : « je ne te condamne pas si tu n'en subtilise plus que deux cents. » Beaucoup dans l'Église en sont là. La barre de leurs péchés est loin, très loin d'être ramenée au point zéro. Ils continuent à lorgner dangereusement du côté de leurs anciennes faiblesses et d'en pratiquer quelques-unes « à l'occasion » (soupirs d'impuissance !) Beaucoup ne vont qu'à mi-chemin dans leur « va et ne pèche plus. » Ils sont comme Ananias et Saphira, d'Actes 5, qui feignaient ne plus rien garder pour eux, alors qu'ils en cachaient la moitié. Ils ne sont entiers qu'à l'extérieur. Nombreux sont ceux qui, tout en se réclamant de la purification de Christ, ont les regards pleins de concupiscence. Certes, ils luttent contre leurs mauvaises inclinaisons, mais ils demeurent captifs des péchés qui les dominent. Combien de « convertis » ne sont-ils pas restés d'incorrigibles causeurs ? Leur langue, cette géhenne de feu, selon ce qu'en dit Jacques, est impuissante à connaître le « va et ne pèche plus. » Beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles restent, malgré une conversion apparemment indiscutable, prisonniers et victimes d'une sexualité envahissante, toujours esclaves de la masturbation. Nul éducateur ou responsable de jeunes ne contredira cette affirmation. L'entrée dans l'Église est-elle liée dans leur cas à un « va et ne pèche plus ? »
Mais il faut aller plus loin. À qui le Seigneur dit-Il : « Va et ne pèche plus » ? À ce vieux matérialiste qui cherche les choses d'en bas avant le royaume et la justice de Dieu. À ce colérique qui accroche tout au plus un bémol à son tempérament emporté. À ce boudeur mal embouché qui affiche une morosité chronique et un christianisme rébarbatif comme une porte de prison. À ceux qui, dans la gérance des affaires de l'Église, sont touchés par le péché du diable, l'orgueil, et qui veulent être les premiers en tout; tout diriger, tout commander, tout décider et qui veulent être assis à la droite ou à la gauche de Jésus déjà dans cette vie ; qui se croient indispensables, qui veulent être vus, applaudis et occuper les premières loges. C'est à eux tous et à bien d'autres que Jésus dit : « Va et ne pèche plus. »
Ce que Jésus dit à l'ivrogne, Il le dit aussi au fumeur.
Ce qu'il dit au drogué, Il le dit au caractériel.
Ce qu'il dit au libertin, Il le dit à l'envieux.
Ce qu'il dit à ceux qui consultent le zodiaque, Il le dit aux querelleurs.
Ce qu'il dit au meurtrier, Il le dit à ceux qu'anime la jalousie.
Ce qu'il dit de la pornographie, Il le dit de l'inimitié et de l'animosité.
Ce qu'il a dit à cette femme : « Va et ne pèche plus », Il le dit à tous : « ne péchez pas ! » (1 Corinthiens 15.34)
Le péché se perpétue aussi lorsque, dans l'Église, des signatures sont apposées sur des documents spécieux qui ruinent des réputations, compromettent des ministères ou font naître de la suspicion dans l'esprit des gens. À l'ère de la photocopie à la portée de tous, ces documents font vite des petits, et le mal s'amplifie au point d'en devenir irrattrapable. Même ceux qui se sont aperçus de leur erreur et qui l'ont regrettée ne font rien pour l'enrayer. Leur signature continue à avaliser un mal qui se propage. Il faudrait, pour l'arrêter, récrire et rectifier, mais c'est trop demander. Tant pis si le mal se répand au galop. Eux et leurs Églises ronronnent avec autant de bonne conscience qu'un chat qui a dérobé les saucisses du charcutier. Et il s'attend encore à des caresses, s'il vous plaît !
C'est ce que Charles Baudelaire exprime dans sa préface des Fleurs du Mal :
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine
Occupent nos esprits et travaillent nos corps ;
Et nous alimentons nos aimables remords
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches.
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux.
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Il faut avoir fait de la cure d'âme et reçu des confidences pour découvrir de lamentables échecs, des repentances à répétition face aux mêmes maux, des achoppements aux mêmes obstacles et des faiblesses chroniques devant les mêmes tentations. Ah ! si on éliminait de nos Assemblées les toujours faibles, les toujours vaincus, les toujours tièdes, les agneaux et les genoux chancelants pour ne garder que les vrais forts, les vrais purs, les vrais victorieux et les vrais vrais, il ne resterait plus un concierge pour préparer le lieu de culte de la semaine suivante !
Il nous faut bien admettre que nous n'avons de sainteté permanente et de victoire continue que celles de Jésus-Christ. Jérémie l'avait bien compris quand il disait : « l'Éternel, notre justice. » Il voulait dire par là que nous n'avons d'autre justice que celle dont Il nous revêt. Notre justice, c'est Dieu Lui-même. En d'autres termes, cela signifie : si vous voulez voir ma justice, regardez l'Éternel, c'est Lui qui me couvre. C'est ce que dit 1 Corinthiens 1.30 : « Jésus-Christ a été fait pour nous sagesse, justice, sanctification et rédemption... »
J'ai eu l'honneur de côtoyer de saints hommes de Dieu ; autant que leur sainteté et leur consécration, c'est le sentiment de leur indignité naturelle qui m'a été une révélation, une consolation et une motivation supplémentaire à me donner plus entièrement à ce merveilleux Sauveur et à chanter avec eux :
Ah ! Si ton sang, si ta mort, si ta vie,
Ne me disait ta clémence infinie,
Où trouverais-je, au sein de ma misère,
Force et lumière !
Que personne ne se fasse l'émule de Jonas qui, oubliant la purification de ses propres péchés et de son forfait, n'entend pas que Dieu soit aussi bon envers les Ninivites qu'il l'a été envers lui. Certes, Jonas sait que le Seigneur est bon, mais il s'en autorise pour être méchant. Jonas a peut-être gardé la mémoire de la bonté de Dieu, mais il en a perdu le sentiment. Dieu est bon, et voilà ce qui le désole. Selon lui, Dieu devait frapper Ninive, comme selon Aaron et Myriam Dieu devait aussi frapper Moïse le remarié, mais Il ne le fait pas et c'est ce qui le rend chagrin. Jésus a dit la même chose à Ses disciples qui auraient voulu que le feu du ciel consume les Samaritains divorcés d'avec Israël : « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes animés. » Verrait-on d'un mauvais œil que Dieu soit bon ? Le Dieu qui n'a pas compromis sa gloire en faisant grâce aux Ninivites courbés dans la cendre, et qui a pris fait et cause pour Moïse le remarié sans que son honneur en soit terni, ne restera-t-Il pas juste en soutenant la vie et le cœur de ses enfants brisés par des chagrins domestiques ?
Enfin, sied-il à Jonas (et à tous ceux qui dans l'Église lui ressemblent), sied-il à Jonas, après sa chute et le pardon qu'il a reçu dans le ventre du poisson, de se montrer encore si superbe et si dur ? Quel égoïsme ! Après avoir largement usé pour lui-même des compassions divines, il n'admet pas que les autres en jouissent à leur tour ! Odieuse ingratitude ! Fatal sectarisme né d'une vision bornée de l'étendue de la grâce de Dieu.
Car que peut-on leur reprocher d'autre, si ce n'est d'être tombé, comme l'homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho (Luc 10.30), dans une embuscade conjugale et, malgré le préjudice subi, d'avoir gardé assez de goût à la vie pour vouloir la refaire ? Mais, comme si ce n'était pas assez d'avoir été brigandé, ce sont maintenant ceux de sa famille spirituelle qui le laissent pour mort, l'ignorent et se détournent de lui. Il est si facile de passer outre ou d'inscrire sur son calepin : cas N° 936, alinéa 4 bis, irrécupérable — Adieu ! Encore heureux si au passage on ne lui décoche un : il y a des torts des deux côtés ; du côté des brigands et du vôtre !
Que personne non plus ne prenne la position de neutralité du prêtre puis du lévite qui passaient par là. La politique du « je m'en lave les mains » si chère à Ponce Pilate, voilà ce qui tue aussi sûrement que la violence des brigands. Combien de vies utiles pour la cause de l'Évangile n'auraient-elles pas été sauvées si le détachement coupable de l'Église à leur sujet ne les avait laissées s'éloigner, s'éteindre puis disparaître à toujours. L'Église enverra ce qu'elle a de mieux vers les drogués, les prisons, les bas-fonds de la prostitution ; elle qui a tant de cordes à son arc pour sauver, panser, consoler, n'aurait-elle de corde envers le divorcé que pour mieux le flageller, l'entraver et finalement le pendre ? Est-ce donc de Samaritains étrangers au peuple de Dieu que viendra un secours, une note de tendresse et une compréhension, qu'une section de l'Église refuse encore à ses enfants ? Ces paroles sublimes autant que redoutables ne trouvent-elles aucun écho en nous ? « J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais étranger et vous ne m'avez pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ; j'étais malade et en prison et vous ne m'avez pas rendu visite... » (Matthieu 25.42-45) Faim, soif, étranger, nu, malade, prisonnier sont autant d'états d'âme qu'ont éprouvé tous ceux qui ont connu la tragédie d'un divorce.
Nous venons de rappeler cette triste évidence que le péché à répétition n'est hélas que trop fréquent dans la vie des chrétiens et que ce fâcheux état de choses déteint forcément sur le témoignage collectif de l'Église, ses responsables étant eux-mêmes infectés par ce que certains appellent pudiquement leurs « faiblesses » chroniques. Ces « faiblesses », nous l'avons vu, prennent des allures d'abomination quand elles s'appellent faux poids, fausses balances, fausses mesures, faux jugements, parti pris et iniquité, qui est le contraire ou l'absence d'équité. Leurs actes de foi deviennent alors aussi répétitifs que leurs péchés et que leurs aveux d'impuissance. Leur seule ressource est alors de dire et de redire encore: « Si nous confessons nos péchés, Il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. » (1 Jean 1.9) « Si nous sommes infidèles, Il reste fidèle car Il ne peut se renier lui-même. » (2 Timothée 2.13)
Qui ne s'est jamais senti proche de Josué en lisant Zacharie 3.1-5 ?
Il me fit voir Josué le souverain sacrificateur, debout devant l'ange de l'Éternel, et Satan qui se tenait à sa droite pour l'accuser. L'Éternel dit à Satan : « que l'Éternel te réprime, Satan ! Que l'Éternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem ! » N'est-ce pas là un tison arraché du feu ? Or, Josué était couvert de vêtements sales et il se tenait debout devant l'ange. L'ange, prenant la parole, dit à ceux qui étaient devant lui : « Otez-lui les vêtements sales ! » Puis il dit à Josué : « vois, je t'enlève ton iniquité et je te revêts d'habits de fête. » Je dis : « qu'on mette sur sa tête un turban pur ! » Et ils mirent un turban pur sur sa tête, et ils lui mirent des vêtements. L'ange de l'Éternel était là.
Quelle âme chrétienne n'a jamais vibré à cette lecture ? À ce Bien-aimé Sauveur va toute notre adoration pour son intercession quotidienne, qui nous revêt d'habits de fête et qui nous sauve, jour après jour, d'accusations qui ne sont hélas que trop vraies. Ainsi pardonnes, restaurés, justifiés par le plus aimable des maîtres et le plus grand des sacrifices, aurions-nous reçu vocation de nous substituer à Satan et, sous prétexte de sainteté, de faire sa basse besogne en accusant nos frères divorcés et remariés ? Allons-nous courir l'épouvantable risque de nous faire tancer par le Seigneur au grand jour des règlements de compte ?
Tels de nouveaux Aaron et Myriam murmurerons-nous notre désapprobation à l'encontre d'hommes fidèles dans leur service, mais dont le seul crime est de ne pas avoir été heureux en ménage et d'avoir trouvé une porte de sortie qui, ainsi l'avons-nous estimé, n'était pas du goût de Dieu ?! Si cette sorte de sainteté devait nous monter à la tête, nous nous retrouverions, au jour du jugement, avec la figure couverte de lèpre.
Nos propres « défaillances » ont ceci de bon, c'est qu'elles nous humilient, font mordre la poussière à notre orgueil naturel et nous remettent en mémoire des promesses divines qui nous redeviennent précieuses. Avec quels accents renouvelés ne chantons-nous pas alors nos bons vieux cantiques, qui retrouvent une fraîcheur nouvelle.
Ah ! S'il est vrai que mes pieds ont laissé
Mille faux pas empreints sur la poussière ;
Sur mon sentier, si l'obstacle dressé
À, trop souvent, ralenti ma carrière,
Combien de fois, au lieu de me punir
Tes tendres soins, ta pitié qui déborde
N'ont dans mon cœur, laissé qu'un souvenir,
Le souvenir de ta miséricorde !
Accablerons-nous ceux qui chantent les mêmes cantiques au sein de conflits plus cruels que les nôtres et qui ont recours au même Maître qu'ils invoquent sur la même base de foi que nous ? Ou bien nous estimons-nous tellement supérieurs à eux ? Joab se croyait-il à ce point meilleur qu'Abner et Amasa pour qu'il les écarte de pareille façon ? (2 Samuel 3 et 20) Et si même il avait été meilleur qu'eux, était-ce une raison suffisante pour les occire comme il l'a fait ? Au monde, un seul est différent de nous, plus excellent que nous, c'est le Seigneur. Son unique et transcendante stature morale pourrait nous accabler et nous perdre. Au lieu de cela, Il nous la met en compte ! Sa justice, Il nous l'impute ! Sa Gloire, Il nous la réserve ! Les demeures de la maison du Père, Il nous les prépare ! Sied-il donc à un peuple à qui son Seigneur a remis une dette de dix mille talents (Matthieu 18) de barrer le chemin de la maison de Dieu à ceux qui ne leur doivent même pas cent deniers ? Et si même ils devaient dix mille et un talents au Maître, soit un talent de plus que la dette qui nous a été remise à tous (ce qui reste à prouver), ce talent « en trop » à nos yeux serait-il suffisant pour nous transformer en justiciers du Seigneur ?
Il est aussi écrit que nous serons mesurés de la mesure ! Dont nous aurons mesuré les autres. Au train où vont les choses dans le monde et dans l'Église, il est probable que plus de 50% des lecteurs connaîtront des situations comme celles dont nous nous entretenons en tout cas au niveau de leurs enfants. Comme le code change alors, ou plutôt la façon de l'interpréter ! On voit les choses sous un tout autre angle quand on a soi-même la tête dans la poussière. Qu'il était dur et sûr de lui cet estimable pasteur ! Que ses opinions sur la question étaient tranchées ! Quel roc inébranlable que celui de ses convictions ! Tel l'empereur dans les jeux du cirque à Rome, on était assuré de le trouver avec le pouce tourné vers le bas : à mort ces pauvres gladiateurs de la vie conjugale qui ont eu la maladresse de se laisser vaincre par le malheur! Mais un jour le drame est passé dans sa famille, chez ses propres enfants. Il faisait pitié à voir. Il était dans des eaux profondes, et le poids de son code ne l'aidait qu'à sombrer davantage. Et, ô humour divin, c'est un chrétien au cœur brisé par l'intransigeance dont il faisait preuve qui fut l'envoyé de Dieu pour l'aider à sortir de son brisement. Il en est sorti le pouce tourné vers le haut !
L'honnêteté pénalisée :
Il est un grand mal qui se fait sous le soleil ; il consiste à pénaliser la droiture. On sait que, dans la plupart de nos pays, les couples dûment mariés paient un impôt plus lourd que ceux qui vivent en concubinage. C'est un grand mal assurément parce que c'est une grande injustice. Le législateur, saisi de l'affaire, essaie maintenant d'y porter remède en inversant la tendance. Sous ce rapport, l'Église chrétienne se montre moins chrétienne que le législateur laïque, car, sans soucis de remédier à quoi que ce soit, elle nourrit en son sein une injustice qui pénalise lourdement ceux qui, en un premier temps, ont eu la malencontreuse idée de se conformer à ses lois sur le mariage. En effet, un homme qui a été honnêtement marié une première fois ne peut, selon certains, se marier une deuxième fois ; tandis que celui qui a esquivé le mariage en vivant « à la colle » a droit à la bénédiction nuptiale, même s'il en est à sa deuxième ou Xe partenaire ! Prenez donc un départ en règle, « propre en ordre comme disent les Suisses, mais ne vous avisez pas de briguer un deuxième mandat matrimonial si le premier a été un échec ; le fisc clérical vous attend au tournant pour vous déclarer en faillite !
Mais prenez au contraire un départ licencieux en escamotant la mairie, alors là, quelque autre conjoint que vous lui présentiez, l'Église vous refera une nouvelle virginité !
Voyons ce que dit l'Écriture à ce sujet :
« Si un homme couche avec une jeune fille... il la prendra pour femme et il ne pourra pas la renvoyer tant qu'il vivra. » (Deutéronome 22.28-29) Cela veut dire que le seul vrai conjoint est celui ou celle avec qui on est devenu en premier une seule chair. Et le « tant qu'il vivra » de l'Ancien Testament rejoint parfaitement le Nouveau Testament, où il est dit qu'une femme est liée à son mari tant qu'il vivra et que si, du vivant de son mari, elle devient la femme d'un autre elle sera adultère. (Romains 7.2-3 et 1 Corinthiens 7.39a) C'est-à-dire que Dieu les tient pour moralement engagés comme mari et femme et les prie de régler cette affaire au plus tôt ; et ceux qui ne s'y sont pas soumis ont doublé la mise de leur péché en n'épousant pas celui ou celle à qui ils se sont unis charnellement. Mais l'Église, superbement et volontairement ignorante à la fois des frasques de jeunesse des couples qu'elle marie et de ce que le commandement de Dieu en dit, demande à Dieu de bénir une désobéissance à Sa Parole. Ce qui n'empêche pas l'orgue de la chapelle de faire retentir de tout son souffle la marche nuptiale, dont les accords accompagneront les (nouveaux ?) époux jusqu'à la sortie et bien au-delà. Au retour de leur voyage de noces, ces jeunes mariés trouveront une communauté bienveillante et tout heureuse de les accueillir. En cela l'Église est-elle répréhensible ? Certainement pas si l'on croit que la miséricorde triomphe du jugement. (Jacques 2.13) Il serait toutefois édifiant de savoir ce qu'en pense la fille (la première) qui a été délaissée au profit de la seconde. La robe de mariée qu'elle a tant rêvé de porter l'est par la deuxième femme, qui est peut-être la troisième ! Certes, à tout péché, miséricorde. Encore faudrait-il s'assurer que le péché premier ait été reconnu, confessé et réparé dans la mesure où il pouvait l'être. Mais, et c'est ici qu'on est au défaut de la cuirasse, au nom de quelle règle d'interprétation des Écritures peut-on refuser à un divorcé qui désire se remarier une faveur que l'on accorde à dix fois plus coupable que lui ? Car si le divorcé a subi un échec conjugal, le libertin, lui, en a aussi vécu un ou plusieurs et en a de surcroît fait subir autant à d'autres. Pourquoi la différence serait-elle en faveur du débauché ? Car il ne faut jamais oublier que si le divorcé est dans cette situation de blocage, c'est parce qu'il a, lui, obéi à l'ordre de Dieu, tandis que l'autre l'a foulé aux pieds. Et c'est le plus innocent que l'on raccourci !
Mais nous n'avons vu qu'un texte. Il y en a un autre, plus gênant encore et auquel personne ne fait jamais allusion, bien qu'il se voie comme le nez au milieu du visage : 1 Corinthiens 6.16. Il commence par : « ne savez-vous pas ? » Qu'est-ce donc que nous devrions tous savoir ? Qu'il ne s'agit pas ici d'une simple séduction comme en Deutéronome 22, mais de prostitution que Dieu assimile au mariage ! « Ne savez-vous pas que celui qui est uni à une prostituée est un seul corps avec elle ? Car les deux, dit-Il, seront une seule chair ! » Il y a là de quoi avaler sa cravate de saisissement, car Dieu le Saint-Esprit, qui nous fait faire une descente aux enfers de la prostitution corinthienne, ne l'explique pas autrement qu'avec l'institution du mariage. On est à court de superlatifs pour commenter l'incident. C'est à vous couper le souffle.
Nous sommes allés voir ce qu'en pensaient plusieurs théologiens et commentateurs de renom. Le vide est quasi total. Campbell Morgan, Ironside, Matthew Henry, F. W. Gros-heider, L. Pultan, Irving L. Jeason n'en disent rien. Barclay non plus. Frédéric Godet ne dit rien de significatif. Hodge dit que les partenaires (dans la prostitution) deviennent participants d'une vie commune. J. N. Darby s'étend à peine plus : « la grandeur de ce péché est démontrée parce que, dans l'acte de fornication, il y a une union des deux selon la parole que nous trouvons en Genèse 2.24. »
C'est le Français Louis Bonnet qui s'y arrête le plus. Le temps d'une exclamation étonnée, il relève à juste titre que Dieu ne donne pas pour autant sa bénédiction aux prostituées et à ceux qui les fréquentent. Il n'en souligne pas moins l'étrange, l'indiscutable et troublante application du texte du mariage à une situation de malédiction : « Unis... une seule chair. »
Il ne faudrait pas en déduire qu'un trousseur de jupons est « marié », dans le plein sens du terme, avec la première venue qu'il aborde, non plus que deux adolescents qui brûlent les étapes. Mais ils devront assumer la responsabilité de leurs actes, et, s'ils ne le font pas, ils en supporteront tôt ou tard les éternelles et irréparables conséquences. Certains commentateurs sérieux sont arrivés à la conclusion qu'un jeune homme, par exemple, qui s'est uni à une prostituée, étant donc devenu une seule chair avec elle, d'après l'institution du mariage qui lui est appliquée ici, ne pourra plus en aucun cas se (re)marier.
Augustin, chacun le sait, avait avant sa conversion vécu une vie dissolue et était le père d'au moins un enfant illégitime. Il ne s'est jamais marié par la suite, estimant sans doute qu'ayant déjà été uni et déclaré une seule chair avec une première, il ne pouvait plus l'être avec une seconde.
Quand cet homme, encore relativement jeune, s'est converti, il était de notoriété publique qu'il avait vécu avec une femme dont il s'était séparé. Par la suite, il demanda la main d'une vertueuse jeune personne qui était de famille honorablement située dans la hiérarchie des influences et des valeurs des cercles évangéliques. Cette demande en mariage fit toussoter tout ce beau monde. La réponse favorable fut accompagnée d'un aménagement qui permettait à chacun de respirer plus à l'aise : « Ce qu'on a dit de sa vie passée n'est pas vrai. » Mais chacun savait que c'était vrai ! Allez donc voir où va se loger l'hypocrisie !
Bien sûr, s'il avait été dûment marié, on n'aurait pas pu mentir et dire qu'il ne l'était pas. Mais comme il avait été assez malhonnête pour vivre en concubinage avec une autre, il a eu droit à un label d'honnêteté ! Tandis que s'il avait été vraiment honnête, c'est-à-dire honnêtement marié une première fois, sa démarche amoureuse aurait capoté au premier essai.
Arrivé à ce point de réflexion, quelqu'un objectera : ce qui s'est passé avant la conversion ne peut être pris en compte. Vraiment ?! On est ici en présence d'une de ces phrases cliché qui n'ont pas de consistance, même si l'on ajoute à l'appui de cette thèse: « Celui qui est en Christ est une nouvelle créature, les choses anciennes sont passées, toutes choses sont devenues nouvelles. » (2 Corinthiens 5.17) Car si le pardon de Dieu n'est assuré en totalité qu'aux non convertis qui se tournent vers le Sauveur, on voit mal comment les autres, les déjà sauvés, vont se tirer du pétrin des péchés qu'ils ont commis après leur conversion. La base du pardon ne serait-elle pas la même pour l'un comme pour l'autre ? A qui est-il dit : « Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous faisons Dieu menteur » et « Le sang de Jésus-Christ son fils nous purifie de tout péché », et encore « Si nous confessons nos péchés, Il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité ? » À qui ces paroles archiconnues sont-elles adressées, si ce n'est à des gens qui ont déjà fait l'expérience de la nouvelle naissance ?
Que les conséquences du péché soient différentes selon que l'on est d'un côté ou de l'autre de la barrière du salut, c'est vrai dans ce sens que l'on ne peut pas appliquer les règles du jeu à celui qui n'y participe pas encore, mais, s'il y entre, son passé, même pardonné, entre avec lui. Quand le Christ a accordé son plein salut au brigand de la onzième heure, Il ne l'a pas sauvé des conséquences de ses crimes en le dépendant de sa croix ni en lui accordant la vie sauve. Allez demander à cet incivique de la dernière guerre, converti in extremis, condamné à mort et exécuté en Belgique, si les douze balles ont dévié de leur trajectoire parce qu'il est allé au poteau en chantant ce merveilleux cantique protestant :
Miséricorde insondable,
Dieu peut-Il tout pardonner,
Absoudre un si grand coupable
Et mes péchés oublier ?
Jésus je viens, je viens à toi,
Tel que je suis, prends-moi
L'homosexuel converti, mais porteur du terrible sida, au nom d'un « ce qui s'est passé avant la conversion est oublié » épouserait-il en toute bonne conscience une jeune fille saine qu'il entraînerait immanquablement dans son infection et sa mort ? Ceux qui tiennent ce raisonnement donneraient-ils leur fille en mariage à un tel homme ?
Quand cet ivrogne invétéré est venu écouter la prédication du salut dans une section de la Croix-Bleue, sa situation morale et financière était au plus bas. Transporteur criblé de dettes, il avait été jusqu'à vendre les roues de son camion pour satisfaire sa dégradante passion. Sa conversion, toute radicale qu'elle fut, ne l'a pas dégagé de son passé de dettes. Il travailla deux années entières pour les éponger.
Il est certes vrai de dire que tout ce qui a été fait « avant la Croix » est pardonné, pourvu qu'on ne sous-entende pas que ce qui vient « après » la Croix ne l'est plus. Il y aurait alors un pardon à deux vitesses, à deux dimensions; deux sacrifices différents couvrant l'un les péchés « d'avant » et l'autre les péchés « d'après ». Dangereuse réflexion que celle-là ! Le non chrétien serait-il mieux couvert ? Dieu lui serait-Il plus propice qu'à celui qui est déjà sauvé ? N'est-il pas au contraire écrit : « Puisque si, lorsque nous étions encore ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de Son Fils, à plus forte raison, étant réconciliés, serons-nous sauvés par Sa vie. » (Romains 5.10)
Le Dieu qui a pardonné à Ninive ses crimes sanguinaires ne supportera-t-Il pas et ne pardonnera-t-Il pas aussi à son serviteur Jonas son péché de rébellion alors que, par certains traits de caractère, il affiche moins de repentance et de foi que la grande métropole assyrienne qu'il se proposait de détruire ? Y aurait-il une autre repentance, une autre foi, un autre accès au pardon pour celui qui veut entrer dans le salut que pour celui qui veut s'y maintenir ?
On dira que dans la conversion il y a un changement de vie, de direction, d'aspiration, donc de conséquences. Personne n'en est plus convaincu que nous. Mais, dans ce changement, que d'échecs, que de chutes et même de chutes de nature ancienne ! J. N. Darby disait à peu près ceci : « À la conversion, on abandonne le monde en bloc, mais ensuite on le reprend par le détail. » Si quelqu'un croit que la conversion a arrêté tout péché dans sa vie, il s'abuse, il est aveuglé sur sa condition et il fait Dieu menteur. C'est pourquoi il faut admettre que certaines œuvres de notre vie passée nous suivent dans notre nouvelle vie. S'il en était autrement, pourquoi les parents de la jeune fille précitée étaient-ils gênés que l'on sût que l'homme qu'elle épousait avec couché avec une autre avant elle ? Si c'est « oublié », quelle gêne y a-t-il à savoir que c'est oublié ! Où alors, c'est que ce n'est pas oublié. Pas tout à fait !
Et pourquoi ne lui auraient-ils pas accordé la main de leur fille s'il avait été marié avant sa conversion ? En fait, ce « tout oublié » n'oublie que ce qu'il veut bien. C'est un « tout » très restrictif !
Quand ce jeune couple présenta sa candidature dans une Église évangélique qui cherchait un pasteur, il fut poliment éconduit parce que le mari avait été marié une première fois avant sa conversion. Cela ne serait pas arrivé si, toujours avant sa conversion, il avait « oublié » de changer d'état civil.
Ce sont des « oublis » de ce genre que les Églises oublient le plus volontiers. Que le lecteur veuille bien pardonner l'ironie sous-jacente qui transparaît parfois dans ces lignes ; ce n'est qu'une ironie douloureuse qui ne veut du mal à personne. Nous réagissons tantôt outré, tantôt navré de tant d'injustice criarde. Non, il nous déplaît de joindre notre voix à celles de ceux qui crient haro sur le baudet. Traiter le plus innocent comme s'il était le plus coupable est assurément un crime auquel aucune conscience droite et sensible ne voudra plus jamais s'associer.
Certains argumenteront que, quoi qu'on dise, l'un est marié et l'autre pas ; l'un a dit oui et est lié, l'autre non. C'est aussi sur ce point que nous marquons notre plus profond désaccord.
Que l'un ne soit pas marié officiellement, peut-être, mais qu'il ne soit pas lié par ses actes, c'est une autre affaire, et Dieu voit les choses autrement. Dans les deux textes que nous avons étudiés, les intéressés sont bel et bien liés. L'un est prié de régulariser sa situation et l'autre est perçu par Dieu comme étant attaché, uni, une seule chair. Tous nos actes n'ont pas besoin d'être officialisés pour nous lier.
Si un homme emprunte de l'argent sur parole, il est tenu de rembourser sa dette et il est aussi lié devant sa conscience et devant Dieu que s'il avait signé un acte notarié.
Tous nos actes quels qu'ils soient, petits ou grands, sont faits devant Dieu qui nous regarde. (Psaumes 33.13-14) L'homme est créé avec cette extraordinaire dimension que toutes ses œuvres « montent jusqu'à Dieu. » (Genèse 18.21) Et nos paroles font partie de nos actes. Dans certaines familles, on trouve, accroché au mur, un texte aussi remarquable que redoutable : « Christ est le Chef de cette maison, hôte invisible, auditeur silencieux de chaque conversation. » Le Dieu qui ne se dissocie jamais de Sa Parole tient l'homme qu'il a créé à son image responsable des paroles qu'il prononce en tout temps et en tout lieu, et les serments d'amour ne font pas exception. Voici ce qu'en dit notre Seigneur : « Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole (même) vaine qu'ils auront proférée. Car par tes paroles tu seras justifié et par tes paroles tu seras condamné. » (Matthieu 12.36-37)
Cela veut dire que si les deux partenaires n'ont pas prononcé le oui officiel à la mairie, ils n'en sont pas moins liés entre eux, surtout si leurs serments d'amour ont été consommés charnellement. Etant entrés dans le grand jeu de l'amour, ils sont liés par les règles qui le régissent. On ne badine pas avec l'amour, disait Musset. Encore moins avec Dieu ! Une mère célibataire ne peut se dégager de ses obligations maternelles sous prétexte que son enfant a été conçu hors des liens du mariage. Elle est liée à son enfant et tenue par la loi de le nourrir, d'en prendre soin et de l'élever. Si elle le maltraitait ou le faisait mourir, elle serait accusée d'infanticide au même titre qu'une femme mariée qui commettrait les mêmes actes. Si un enfant illégitime ne naît pas dans le plan de Dieu, il n'en est pas moins une créature de Dieu, objet de ses soins et soumis à ses lois. Ainsi en est-il d'une union illégale. Elle se situe en dehors du plan de Dieu, mais elle n'en est pas moins une union dont Dieu est le témoin et dont Il reste le législateur selon ce qu'en dit 1 Corinthiens 6.16. Cela veut dire que ceux qui tiennent pour indissoluble l'union du couple doivent, pour rester conséquents et droits devant leur conviction, donner à tout commerce sexuel illicite les mêmes conséquences permanentes et indissolubles. Mais si, par condescendance, par esprit de miséricorde ou par une pleine conviction de l'étendue de la Grâce, on accorde aux tricheurs repentis la reconnaissance du plein pardon divin (ce que l'auteur admet dans sa totalité) et même l'exercice du saint ministère, comment pourrait-on encore justifier l'ostracisme dont sont frappés ceux qui sont dans une situation semblable, à ces quelques différences près que leur vie passée n'a rien eu d'irrégulier, qu'ils n'ont pas eu une conduite astucieuse et qu'ils n'ont usé ni de ruse ni de dissimulation ? (1 Pierre 2.1)
Permettez-nous de revenir à la charge sur ce point par d'autres exemples. Beaucoup de jeunes aujourd'hui pratiquent l'amour libre et le mariage à l'essai jusque dans les milieux religieux les plus conservateurs. Ceux qui douteraient de cette affirmation n'ont, de toute évidence, jamais eu la confiance des jeunes ni entendu leurs confidences. Là où l'incartade débouche sur le mariage des intéressés, on a certes à déplorer un manque de maîtrise de soi, une approche désinvolte de l'ordre divin, mais si réparation est faite dans un esprit de contrition, l'incident est clos et nous n'en dirons plus rien. Mais si cette aventure tourne court, comme c'est trop fréquemment le cas, une autre liaison s'établira selon toute vraisemblance. Qu'en est-il de la première, de celle dont Dieu dit que les acteurs sont devenus une seule chair ?
Peuvent-ils s'estimer non liés, bien que Dieu dise qu'ils le sont par leurs actes et leurs paroles? Que cela ne soit pas sanctionné par la religion ou les actes timbrés de l'état civil ne change rien à la chose. Les paroles dites dans l'alcôve sont dites devant Dieu, cette alcôve fût-elle un hôtel de passe. Et c'est 1 Corinthiens 6.16 qui le dit de façon irréfutable. Par le Saint-Esprit (Psaumes 139.7-12), Dieu est présent quand les amants jurent de s'aimer toujours et passent aux actes.
Il faut élever le débat et introduire Dieu dans le quotidien.
Pourquoi l'Église ferait-elle de la moralité de rase-motte ? Un auteur mondain devrait-il nous faire la leçon ? Edmond Rostand dit les choses admirablement dans l'acte du Baiser de Roxane. Il met dans la bouche de Cyrano ces paroles qui ne devraient laisser personne indifférent :
... un baiser, mais à tout prendre qu'est-ce ?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer.
Un serment... un aveu... une promesse... ! Dieu non seulement les entend, mais Il en prend note et les approuve quand ils entrent dans son plan, car l'amour vrai est de Dieu. Mais Il voit aussi ces unions éphémères où l'homme s'émancipe de toute dignité et descend parfois plus bas que la bête. Goûterait-il les profondeurs de Satan que cela ne le dégagerait pas du devoir d'accomplir la loi de Dieu. C'est ce que dit Actes 17.31 : « Dieu a fixé un jour où Il jugera le monde selon la justice » et non selon l'idée que les hommes se font de la justice.
L'ivrogne qui en est au delirium tremens reste redevable de la loi de la sobriété, le menteur de la loi de la vérité, le voleur de la loi du respect du bien d'autrui. Pareillement, celui qui flirte, serait-ce avec une fille de joie, est justiciable de la grande Loi de l'Amour qu'il bafoue : ils s'attachent, ils s'unissent, ils sont une seule chair. Le nier serait aussi vain que de s'imaginer qu'on n'est pas assujetti à l'impôt parce qu'on n'a pas rempli sa déclaration ! C'est pourtant cela que les plus rigoristes cautionnent: aux licencieux qui, en un premier temps, ont démontré le peu de cas qu'ils faisaient de la déclaration de mariage ou de la publication des bans en passant outre, ils délivrent un certificat de bonne vie et mœurs et acceptent leur mariage sans poser de questions. Quant aux autres... « Ô justice, que de crimes on commet en ton nom ! »
Transposons maintenant la célèbre parabole de l'enfant prodigue dans notre siècle et notre société. Quand ce polisson de fils revint à la maison, il était marié sans l'être ; moralement, physiquement et bibliquement lié, mais officiellement dégagé de tout lien. Vraisemblablement père d'un ou de plusieurs bâtards, il était vierge de tout contrat. Il est dit qu'ils commencèrent à se réjouir. Cela suggère que d'autres réjouissances suivirent, notamment celle de son mariage, en grande pompe et avec d'autres veaux gras et une brassée de télégrammes de félicitations appuyés de citations de l'Écriture, le tout accompagné de la bénédiction trinitaire. Et pourquoi, s'il vous plaît? Parce que, il faut oser le dire, il s'était conduit comme un malpropre. S'il s'était conduit autrement, il aurait, selon Deutéronome 22, épousé la fille dont il avait partagé la couche une première fois ; fille légère peut-être qui, une fois l'escarcelle vide, l'aurait plaqué pour un autre. Et du coup, l'honnête repenti (nous le considérons toujours comme tel) aurait été obligé de vivre, avec toujours devant ses yeux le crime de son honnêteté. C'eût été la grande erreur de sa vie ; avoir accompli la loi de Dieu en se mariant. Convoler ensuite eût été une impossibilité. Beaucoup de cœurs et de portes, surtout d'Églises, lui eussent été fermées. D'où l'entête de ce paragraphe : L'honnêteté pénalisée. Un mot fort a été employé pour décrire cette justice à rebours : crime.
Nous aimerions nous en expliquer par une série d'autres illustrations. Prenons le cas d'un jeune qui n'a pas de permis de conduire et qui se grise de vitesse au volant d'une voiture volée. Deux choses se dégagent de cette situation.
Mais il y a pis (ou mieux ?) encore. Un évangéliste de renom fut invité à faire une série de conférences pendant une semaine dans une ville de province. L'effort fut un fiasco total. L'esprit de Dieu était manifestement absent de ces soirées. Le pasteur en titre, homme irréprochable, avait un suppléant qui ne le paraissait pas moins. Quel ne fut pas l'étonnement de l'évangéliste quand, le dernier jour de la campagne, l'aspirant pasteur vint lui avouer la raison de l'échec de l'effort. Lorsqu'il montait à la capitale, il fréquentait les prostituées ! Il y a tout lieu de croire à la sincérité de sa repentance, d'autant qu'il ne nous appartient pas de l'évaluer. Quelques années plus tard, ce jeune homme se mariait sans problème, ni pour lui ni pour la nouvelle Église qui l'accueillait et où il pouvait prendre de l'activité honorablement. Sommes-nous contre cette issue « heureuse ? »
Dans le cas des deux jeunes filles, nous croyons qu'elles avaient droit au salut et au service. Nous croyons que les Églises qui les ont acceptées et qui ont agi en pleine connaissance n'ont pas pour autant avalisé leur conduite passée en les recommandant à l'œuvre de Dieu et en mariant l'une d'elles. Mais ce qui nous fait crier d'indignation, c'est le cas de l'infirmière divorcée ou du jeune couple pastoral, repoussés pour une vie de légalité que les autres n'ont pas eue. Comment des gens prétendument responsables peuvent-ils se contredire à ce point dans leurs convictions ?
Voici un extrait d'une lettre pathétique qu'un homme divorcé et remarié a écrite à un conseil d'anciens qui refusaient sa pleine entrée dans leur Église : « Chers amis et Frères, » j'ai reçu votre réponse... Je vous dirai donc dans cette lettre ce que je n'ai pas cru devoir vous dire quand je vous ai exposé mon cas de vive voix. J'avais osé croire que la position favorable que vous aviez prise envers d'autres, vous la prendriez aussi envers moi, car je vous créditais d'un sens parfait de l'équité. En effet, vous avez au milieu de vous des membres qui, eu égard à leur vie passée, sont des monuments de la grâce de Dieu. Ils sont devenus, par la foi en Jésus-Christ, de saints et utiles enfants de Dieu. J'approuve autant que quiconque leur entrée dans votre Église et le ministère qu'ils exercent. Si j'ose maintenant me comparer à eux, c'est à mon désavantage que je le fais, dans ce sens que je me suis conformé aux lois divines sur le mariage, tandis qu'eux vous le savez, les ont contournées autrefois. Ils y ont gagné puisque vous les recevez, alors que vous m'écartez pour m'être conformé à la sainteté du mariage. Dois-je regretter de m'être bien conduit sur ce point ? Je m'aperçois maintenant que si j'avais vécu dans le passé d'amours libres vous m'accueilleriez aujourd'hui parmi vous. Ai-je donc commis une si grave faute en ne descendant pas si bas ? Si c'est mon premier mariage malheureux qui vous empêche d'accepter l'idée du second, faites donc pour moi ce que vous avez si gracieusement fait pour eux, tenez ce passé pour nul. Abaissez-le plutôt au niveau du mariage à l'essai. Puisque ceux qui l'ont essayé ont votre faveur, accordez-moi au moins la grâce des coupables. Oubliez, je vous prie, une innocence relative qui m'est bien lourde à porter. Que n'ai-je été lâche, tortueux, marginal ! Je serais maintenant blanchi à vos yeux... » En lisant ces lignes, on croit entendre l'ironie douloureuse de l'apôtre Paul disant à ses frères de Corinthe : « Je ne vous ai point été à charge, pardonnez-moi ce tort ! » (2 Corinthiens 12.13)
Il faut retenir ce cri du cœur : je vous créditais d'un sens parfait de l'équité. Au travers de cette accusation indirecte, on entend Jacques dire : « Si vous faites acception de personnes (favoritisme), vous commettez un péché, vous êtes condamnés par la loi comme transgresseurs. » (Jacques 2.9)
C'est la gravité de ce jugement qu'a oubliée ce jeune pasteur.
Avant de répondre à l'appel de Dieu et de se préparer au ministère, il était tombé amoureux d'une jeune fille qu'il allait épouser et avec laquelle il avait des relations qui avaient dépassé le stade platonique. Mais l'on découvrit que la fille était kleptomane. Une fois la chose connue, son entourage le pressa de rompre. C'est ce qu'il fit, mettant ainsi de côté le code d'honneur et le code biblique qui dit avec précision : « ...S'il a couché avec elle, il la prendra pour femme et il ne pourra pas la renvoyer. » (Deutéronome 22.29) Il était dans la situation décrite en 1 Corinthiens 6.16 qui est celle, faut-il encore le rappeler, de l'institution du mariage : « Attaché, unis, une seule chair. » Devant Dieu, c'était signé dans les faits. Si, comme le croient certains, l'union du couple est indissoluble, il était tenu, bibliquement parlant, de ne plus jamais se (re)marier. Quelques années plus tard, cependant, il s'unissait à une autre jeune fille, mais cette fois à la régulière, devant les hommes et devant une Église qui entre-temps en avait fait son pasteur. Au regard de l'enchaînement 1 Corinthiens 6.16, Deutéronome 22.29 et Matthieu 19.9, c'est donc dans un état d'adultère continu qu'il exerce un ministère très apprécié. Mais, ce qui devient incohérent, c'est l'attitude intransigeante et irréfléchie qu'il adopte envers ses « presque jumeaux », c'est-à-dire les divorcés en situation de remariage qui eux, contrairement à lui, ont vécu leur drame dans la légalité. Est-il frappé d'amnésie quant à son propre passé ? Tel un nouveau Joab, il assassine plus juste que lui. (1 Rois 2.32) En fait, il tombe dans la triste catégorie mentionnée en 2 Pierre 1.7-9 : « ... celui qui, en oubliant l'amitié fraternelle et l'amour, est aveugle, ne voit pas loin et a mis en oubli la purification de ses anciens péchés. » Aveugle... ne voit pas loin ! Cela s'applique bien à ceux qui dissertent négativement sur le remariage, tout en étant incapables spirituellement parlant de se souvenir de ce que fut leur vie passée.
Comment interpréter l'affaire suivante, ou plutôt les commentaires qu'elle suscite ? Ce n'est qu'une fois enceinte qu'une jeune fille découvre à quel genre de garçon peu intéressant elle s'est donnée. Un ami la prend en pitié et l'aide à comprendre que cet homme n'est pas pour elle. Puis il l'épouse et assume la paternité d'un enfant qui n'est pas le sien. Et voilà tout un parterre de gens très opposés au remariage qui applaudit à cette BA du siècle ! On est en droit de se demander dans quelle partie de la Bible ils sont allés se forger leur opinion. Car les faits sont là : ce nouveau Zorro prend la femme et l'enfant d'un autre. Selon la Bible, cette jeune femme devait épouser le père de son enfant. Et si l'on en croit saint Paul, elle était liée à lui jusqu'à la mort. Mais l'esprit de certains chrétiens est ainsi tourné que ce péché, au sens biblique du terme, est tenu pour honorable. Si donc nous admettons avec eux que, compte tenu des circonstances, ce (re)mariage n'a rien de répréhensible, on ne voit vraiment pas pourquoi ceux qui vont jusqu'à s'en réjouir se cabrent encore devant un vrai remariage ? Car si l'on estime qu'il y a quelque chose de faussé à la base de ce dernier, la base de l'autre l'est deux fois plus !
Idem pour cet homme qui épousa une fille-mère et devint le pasteur attitré d'une grande Assemblée faisant partie d'un mouvement qui honni sans nuance le mariage des divorcés. Un mariage avec une vertueuse divorcée aurait été le feu rouge pour son ministère, tandis que son union avec une femme qui avait jeté sa vertu aux orties lui a donné le feu vert ! On aimerait savoir, nous les simples, par quelles savantes contorsions nos deux grands textes de Deutéronome 22.28 et de 1 Corinthiens 6.16 ont été évités. S'il y a eu quelques répétitions d'idées dans ce paragraphe, elles étaient aussi intentionnelles que les Évangiles qui nous sont rapportés quatre fois sous des angles différents.
Si, par notre martellement, nous avons donné une impression d'intransigeance, voire de dureté envers les mariages légaux qui ont été précédés de vies dissolues, ce n'était que pour mieux contraster notre pensée et, par voie de comparaison, démontrer le manque de cohérence de certains raisonnements pour ensuite les retourner contre leurs auteurs. C'était afin que chacun comprenne à quel point il est injuste de pénaliser l'honnêteté.
Le mariage religieux :
Sans conteste possible, le mariage est d'institution divine. Au cours des siècles, il s'est concrétisé, selon les sociétés, par des formes et des coutumes différentes. Nous ne les analyserons pas, car elles n'apporteraient rien à notre étude. Nous vivons avec notre siècle où le mariage officiel, le seul valable, est celui de l'état civil sur lequel, au gré des convictions, vient se greffer le mariage dit religieux ou « à l'Église. » La question est de savoir s'il faut passer par l'Église pour être bien marié. Les sacramentalistes l'affirment. Pour eux, la validité et la bénédiction du ciel ne sont assurées que par les gestes, les rites et les paroles sacramentelles. À leurs yeux, la parole d'honneur, le serment, la coucherie ne sont rien et la mairie pas grand-chose. Mais les formules et les signes de croix faits de l'index et du majeur sont tout. Affolant !
Par exemple, Napoléon était-il valablement marié à Joséphine de Beauharnais, née Tascher de la Pagerie ? Ils étaient tous les deux mariés à l'état civil. L'impératrice était bel et bien l'épouse de l'empereur des Français. Pourtant, quand il divorça de la jolie créole, l'Église catholique bénit son remariage avec Marie-Louise d'Autriche, quoique Joséphine fut toujours en vie. Sa réponse (pas la nôtre !) est que le mariage du général Bonaparte et de la veuve du général de Beauharnais n'avait eu lieu que civilement. Il était donc sans valeur aux yeux de Rome. Ils n'étaient unis que devant les hommes, pas devant Dieu.
Trois bonnes raisons s'opposent à cette dialectique de mauvais aloi. La première, c'est que nos actes n'ont pas besoin d'être religieux pour être valables. C'est précisément à des gens qui voulaient donner plus de poids à leurs engagements en y introduisant le sacré du ciel, du Nom de Dieu, de la terre et de Jérusalem que Jésus-Christ a dit : « que votre oui soit oui. » Cela veut dire que le oui dit à l'hôtel de ville l'est aussi devant Dieu. Et ceux qui le redisent une deuxième fois ailleurs tombent sans le savoir sous le coup de la phrase qui suit : « Ce qu'on y ajoute vient du malin. »
La deuxième raison est que l'Écriture dit, en ce qui concerne l'autorité pour punir ce qui est mal et approuver ce qui est bien (le mariage est dans cette seconde catégorie puisqu'il est de Dieu), que c'est le magistrat qui est le serviteur de Dieu. (Romains 13.4) Fut-il lui-même athée, quand son champ d'action couvre et reflète la loi de Dieu, c'est lui qui est, pour tout ce qui concerne la vie publique, le vrai serviteur de Dieu. Et aller redire ailleurs un oui que l'on a déjà dit devant le serviteur de Dieu préposé à cet effet et établi par Dieu, c'est une gifle dans la figure des autorités auxquelles le Saint-Esprit dit de nous soumettre. Tous ceux qui tiennent l'officier d'état civil pour peu de chose feront bien de relire tout le texte de Romains 13.1-7.
La troisième raison, c'est que l'enseignement et la pratique du mariage religieux sont inconnus dans la Bible. Comme l'aurait dit Cyrano, il n'y a pas le quart de la moitié d'une virgule qui en parle. C'est le black-out total. Le Nouveau Dictionnaire biblique d'Emmaüs, qui s'étend longuement sur le mariage, admet « qu'il avait lieu sans cérémonie religieuse. » Si donc les gens font une telle affaire du mariage « à l'Église », c'est parce qu'ils ne connaissent pas leur Bible ou qu'ils n'ont nulle intention d'écouter ce qu'elle dit ou ne dit pas. Mais, ce qui étonne le plus, c'est que des professionnels de la religion, des hommes censés connaître la Parole, écrivent des pages entières sur le sujet, accomplissant l'exploit de faire l'exégèse du vide biblique ! Que penserait-on d'un professeur d'astronomie qui ferait un cours sur la deuxième lune de la terre ? Pourquoi parler de ce qui n'existe pas ? Charles Spurgeon, le prince des prédicateurs, disait : « Nous nous attachons à ce qu'il nous a commandé, mais nous abjurons ce qu'il ne nous a pas prescrit. » Et la cérémonie religieuse du mariage n'a jamais été au programme du Saint-Esprit. D'où nous vient cet héritage fantôme » Du développement progressif du catholicisme romain qui, visant l'hégémonie sur le plan spirituel et temporel, a pris des signes, des rites ou des symboles (existants ou inventés de toutes pièces) et les a sacramentalisés, les rendant ainsi capables d'enrichir l'âme et de lui donner le salut (opus operatum). S'en étant arrogé le monopole par la prétention de la succession apostolique, cette Église soutient être la seule à pouvoir distribuer les sept sacrements qu'elle a créés et par lesquels elle garde la mainmise sur les âmes de la naissance à la mort et même au-delà (messes pour les morts et indulgences). Comme le mariage est d'institution divine, l'ériger en sacrement était providentiel pour s'approprier et contrôler toute une nouvelle tranche de vie de ses fidèles. Elle pouvait du même coup tenir un mariage civil ou protestant pour nul selon l'occasion et le refaire à sa convenance. Par son sacrement, la cérémonie obligatoire était née, l'impulsion était donnée et l'habitude fit le reste. La Réforme a certes rejeté le côté sacramentel, mais la coutume du passage obligé à l'Église s'est perpétuée dans l'esprit du peuple. On doit se marier au temple, sinon, superstition aidant, on n'est pas bien marié. À demi seulement, peut-être aux trois quarts, mais pas tout à fait. La Samaritaine croyait (Jean 4) que c'était sur la montagne de Samarie ou à Jérusalem que se recevait la bénédiction divine. Beaucoup en sont encore là, à localiser la bénédiction de Dieu dans le temps et dans l'espace. Ils ont oublié que Dieu est Esprit et que ce n'est ni là ni ailleurs que la bénédiction nuptiale se reçoit, mais « en esprit et en vérité », dans la mise en pratique des règles divines du grand Jeu de l'Amour. Le reste n'est que littérature. Presque tous ceux qui ont provoqué un divorce n'ont-ils pas été chercher la bénédiction de Dieu quelque part ? Où est donc passé l'opus operatum censé donner à leur mariage une aide surnaturelle et une garantie de succès ? La réussite est ailleurs. Elle est, avec ou sans cérémonie religieuse, dans le cœur des époux authentiquement convertis à Jésus-Christ et par conséquent respectueux de ses lois. Que le vin de la joie vienne alors à manquer comme aux noces de Cana (la vie est ainsi faite que nul n'est à l'abri de l'épreuve) et le Seigneur sera là, aujourd'hui comme alors, pour y pallier et rendre le vin du bonheur qu'il renouvelle, meilleur que le premier. (Jean 2.10)
La réponse est simple : comment Dieu tiendrait-Il rigueur à quelqu'un de ne pas avoir observé un commandement qu'il ne lui est même pas venu à l'esprit de décréter ? Si Dieu n'y a pas pensé, mon frère, n'y pense pas non plus. Ne te crois surtout pas obligé de te montrer plus royaliste que le Roi, qui nous a dit : « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie... par une vaine tromperie, en s'appuyant sur la tradition des hommes... et non sur Christ. » (Colossiens 2.8)
Avant-clôture :
Nous rapporterons maintenant quatre témoignages, deux contemporains et deux autres tirés des Saintes Écritures.Nous allons aborder une dernière fois le cas de Moïse déjà évoqué. Nous l'avons vu marié, malheureux puis séparé.
Voyons-le remarié à présent.
Mais là n'est pas l'important pour nous. Que Moïse ait renvoyé Séphora et qu'il en ait pris une autre, cela ne fait pas de doute. Une ambiguïté subsiste, celle de savoir ce qu'il était advenu de Séphora entre-temps. Les Écritures n'en disent rien. Mais ce qu'elles en ont dit précédemment postule plus en faveur de son renvoi définitif que de sa mort. La contestation d'Aaron aurait été sans objet si Moïse n'avait été que veuf. Et si Moïse avait agi dans cette affaire pour convenance personnelle, comme certains le font, sur un coup de cœur, on peut être sûr que Dieu l'aurait traité comme plus tard Il a traité David dans l'affaire de Bath-Schéba. (2 Samuel 11.27b)
Trois choses essentielles sont à retenir de cette histoire.
Marie et Aaron ont cru devoir faire leur petit numéro de sainteté en contestant à leur cadet le droit au remariage. Il est à noter qu'Aaron se montrait beaucoup moins pointilleux quand il fabriquait l'abominable veau d'or. Aussi large d'idée envers lui-même qu'il était étroit avec Moïse, il s'en excusait par de filandreuses explications. (Exode 32.24) Plusieurs lui emboîtent encore les pas aujourd'hui. Ils brandissent la Bible à l'appui de leur étroitesse, tandis qu'ils chérissent dans leur cœur des idoles secrètes et des mobiles inavouables. En disant : « Est-ce seulement par Moïse que Dieu parle ? », ils contestaient en plus son droit à un ministère qu'ils se proposaient d'exercer à sa place !
Ce qui compte, c'est de connaître le verdict de Celui qui est l'Auteur de la Bible et le garant de ses lois. Dieu a pris position sans ambiguïté dans cette affaire. La terrible plaie de lèpre qui, sur-le-champ, a éclaté sur la figure de Marie démontre à suffisance l'indignation de Dieu envers ceux qui iraient jusqu'à vouloir museler les Moïses modernes à qui Il a confié, sans retour ni repentance, le ministère de Sa Parole.
Il faut aussi savoir que quinze siècles plus tard, lors de la mémorable scène de la transfiguration (Matthieu 17), qui nous parle par avance de la parousie, sainte Myriam et Monseigneur Aaron n'étaient pas parmi les invités. L'un des deux hôtes de marque était un séparé-remarié.
Quand je l'ai connu, il correspondait assez bien à l'idée que je me faisais d'un compagnon pour la vie. Il affichait de sérieuses convictions morales. Il était assez beau garçon et il ambitionnait de servir Dieu dans un champ de mission européen. De mon côté, j'avais consacré ma vie au Seigneur depuis ma conversion et je cherchais en tâtonnant le genre de service auquel Il m'appellerait. Quelques échanges ont suffi pour que je tombe amoureuse de lui. Comme ce sentiment semblait réciproque, nous avons porté la chose devant Dieu et, après quelques mois de fréquentations, passant par-dessus quelques bizarreries de caractère qui transparaissaient dans sa vie, je l'ai épousé.
Moins de deux jours après le mariage, j'ai commencé à découvrir avec consternation que son christianisme n'était qu'une façade qui allait en se décrépissant. Sa pseudo consécration et sa vision du service n'étaient que des mots ronflants et creux. Sous un vernis de bon sens, jamais tonne ne m'est apparue aussi vide de spiritualité. J'ai entamé la descente aux enfers. Mariée, je me retrouvais en sa compagnie plus seule que je ne l'avais jamais été. Le fossé entre nous s'élargissait à la vitesse grand V. N'ayant aucune vie intérieure, il essayait de saccager la mienne, car un esprit de persécution l'animait. À l'inverse du conte bien connu, mon prince charmant se transformait en monstre. Ses antécédents fâcheux me firent comprendre pourquoi il ne faisait jamais référence à sa conversion. Je découvris, après ses parents, qui me l'avaient caché, le côté hideux de sa personnalité. Jamais les mots ne suffiront pour décrire ce que fut mon quotidien. Certes, il ne fumait pas, ne buvait pas et n'était pas mondain. Il était pire ! Il avait l'austérité extérieure des puritains et le génie de la méchanceté des paranoïaques.
Et l'amour, dans tout cela ? Eh bien ! Parlons-en avec des mots qui ne choquent pas la décence. En plus de quinze ans de vie commune, je n'ai pas eu avec lui une seule relation normale et satisfaisante. J'assistais, stupéfaite et écœurée, à d'interminables séances de masturbation ; quand, en bout de course, il daignait m'honorer, je ramassais, comme le Lazare de l'Evangile, les miettes de son festin contre nature.
Je m'en suis ouverte à des amis qui m'ont dit qu'ils n'auraient pas supporté cela trois mois. Mais je l'ai supporté et, s'il n'y avait eu que cela, je l'aurais supporté jusqu'au bout. Des conceptions ultra puritaines faussées avaient dû créer en lui des inhibitions dont il n'était peut-être pas responsable. Une fois, il avoua avoir été jusqu'à me tromper. Je l'ai pris pour une fanfaronnade. Il était incapable d'aimer ; c'était une dimension qui lui échappait. Certaines femmes, je le sais, auraient saisi cette occasion pour divorcer avec l'avantage d'un appui scripturaire. En admettant que ce fut vrai, j'aurais été coupable de le faire, car ce ne pouvait être chez lui qu'un accident et non un état. Dieu m'aurait reproché un divorce sur cette seule base d'une infidélité sans lendemain. Il n'était pas coureur de jupons, je le répète, il était pire. J'ai pu supporter l'idée d'être trompée ainsi que ses anomalies sexuelles, mais je n'ai pas pu tenir devant ses monstrueuses outrances caractérielles. C'est brisée moralement que j'ai d'abord fui cet enfer et puis demandé et obtenu le divorce.
Par la suite, quoique loin d'être guérie de ces pénibles souvenirs, j'ai fait la connaissance d'un célibataire d'un âge correspondant au mien et que certains appelleront un vieux garçon. Nous nous sommes mariés cela fait huit ans déjà. Quelle découverte ! Je suis entrée dans un autre monde, celui de la romance et de l'amour.
À peu près tout ce que j'avais souhaité dans mes rêves de jeune fille, je l'ai trouvé dans ce nouveau mariage. Vivre et respirer la paix tous les jours, quel bonheur ! Le moindre repas avec lui est un festin et la plus petite sortie une croisière. La Bible est le parc fleuri et parfumé de nos rendez-vous journaliers. Christ et son service sont au centre de nos pensées, et Il est honoré dans notre maison qui est ouverte à l'accueil. Le ciel existe et je le sais, car nous en avons déjà l'avant-goût. Et quel bien je me fais spirituellement ! Ma sanctification s'est remise en route. Avant, quoi que je fasse, fut-ce le moins bien, c'était encore beaucoup mieux que le piteux exemple que j'avais sous les yeux. Tandis qu'à présent je me découvre tant d'imperfections. Il me reste des sommets à atteindre et j'en prends conscience. Ce qu'il peut y avoir de bien dans ma vie est confronté avec le mieux qu'il y a dans la sienne, et cela me tire vers le haut. Nous n'aurons pas d'enfants ensemble, mais nous avons des enfants spirituels et l'éternité verra le fruit de cette union. Est-il donc parfait ? Je mentirais si je disais qu'il n'a pas de petits défauts, presque autant que moi ! Je citerai seulement la phrase d'une amie Italienne qui m'écrivait en un français très approximatif : « Ma lettre est pleine de fautes, mais elle sont toutes faites avec le cœur ! » Lui aussi met tant d'amour dans ses petits travers que, s'il s'en corrigeait, je crois bien que cela me manquerait. »
Si quelqu'un veut condamner ce résultat-là, qu'il en prenne seul la responsabilité.
Là aussi, il faudra attendre l'éternité pour connaître l'étendue de la bénédiction que Dieu a fait reposer sur des vies et un travail que d'autres censureraient de leur interdiction.
Nous avons vu que l'Éternel s'était choisi Israël pour épouse. Nous avons aussi vu que l'impénitence d'Israël avait conduit le Dieu qui hait la répudiation à répudier Israël et à lui donner sa lettre de divorce. Ce sont Ses propres termes. Cette rupture a surtout été totale lors de la réjection du Messie selon ce qu'en dit Romains 11. C'est à partir de là que le Dieu trinitaire divorcé d'avec Israël se choisit du milieu des nations une autre épouse appelée l'Église !
Cette vérité, pour choquante qu'elle paraisse à certains, n'en est pas moins hautement scripturaire. Il a plu au Saint-Esprit d'expliquer la nature des relations du Seigneur avec son peuple par des exemples et avec des termes propres au mariage et au divorce. Ainsi s'exprime Scofield dans la célèbre Bible à référence qui porte son nom : « Le lien du mariage est l'une des nombreuses images de l'Écriture mettant en valeur la relation unissant Dieu à l'homme. Ce symbole apparaît tant dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau Testament et décrit l'amour, l'intimité, les privilèges et les responsabilités attachées à cette relation. Tout au long de l'Ancien Testament, Israël est présenté comme l'Épouse momentanément désavouée en raison de sa désobéissance. (...) Il ne faut pas confondre cette relation-là avec celle de Christ et de son Église. En fait, toutes deux existent dans le mystère de la Trinité divine. Le Nouveau Testament parle de l'Église comme d'une vierge fiancée à un seul Époux, ce qui diffère fort d'une femme adultère réhabilitée par grâce. Israël sera donc cette Épouse réconciliée à qui l'Éternel pardonne. Israël est appelé à devenir une Épouse terrestre de l'Éternel ; aujourd'hui, l'Église est la vierge destinée à Christ ; un jour, elle sera l'Épouse de l'Agneau. »
Laissant de côté l'aspect prophétique de ces notes, ce qui nous éloignerait du sujet, nous retiendrons l'indiscutable existence des deux Épouses. Le divorce d'avec la première va permettre à la deuxième de devenir « la femme de devenir, la femme de l'Agneau. » (Apocalypse 21.9)
Tout le monde sait ces choses ; pourquoi ne les dit-on pas ? Cela se comprend du catholicisme où l'Écriture n'est pas souveraine. Mais là où l'on se fait une gloire légitime du Sola Scriptura, pourquoi passe-t-on sur l'application de ces vérités comme chat sur braises ?
Slanley A. Ellissen, dans son excellent livre Divorce and Remarriage in the Church, qui n'est malheureusement pas en français (où il admet pleinement le sacerdoce des divorcés et où il s'en explique bibliquement), constate : « Le divorce de Yahvé était certes le résultat de l'infidélité d'Israël... mais que cela nous dérange ou non c'est l'Éternel qui fait cette analogie et non quelque commentaire. » Il poursuit, à propos des diacres qui ne doivent être maris que d'une seule femme, ou mariés une seule fois (1 Timothée 3.2,12) : « Si beaucoup d'Églises ne permettent pas à quelqu'un de divorcé d'être diacre ou diaconesse, sans analyser les raisons du divorce, les implications sont étourdissantes, car alors Dieu Lui-même n'aurait pas la qualification pour être diacre dans la plupart de nos Églises ! »
Le Christ-Dieu, dont Ésaïe voyait avec effroi la sainteté (Ésaïe 6.3 et Jean 12.41), a connu au plan le plus élevé le chemin qui va de la répudiation au choix d'une nouvelle épouse, et cela sans qu'il y ait en Lui de péché. (Hébreux 4.15) Pourquoi un de ses disciples, innocent, qui connaîtrait un baptême de souffrance pareil au sien (Marc 10.39) serait-il plus coupable que son Maître ? Nous taisons-nous par peur de devoir réfléchir et d'être dérangé dans les habitudes que nous avons prises ? Aurions-nous peur de réviser notre point de vue ? Dieu a bien révisé le sien, pourquoi pas nous ? Aurions-nous honte de voir quelques-uns de nos meilleurs frères Lui ressembler ? Et, surtout, aurions-nous reçu mission de cacher ce qu'il nous a révélé ? Quelqu'un serait-il gêné de découvrir que Dieu, après avoir aimé Israël toujours en vie, aime à présent « L'Église qu'il s'est acquise par son propre sang ? » (Actes 20.28) Ou bien y aurait-il une autre raison ? Ne serait-ce pas celle de préférer la crainte des hommes et de leurs traditions à la crainte de Dieu et aux explications de sa Parole ?
L'exemple venant d'en haut, ce qui va le mieux expliquer le mariage, le divorce et le remariage terrestres, c'est le pendant, l'équivalent céleste, c'est-à-dire ce grand mystère qu'est le rapport matrimonial existant entre Christ et l'Église (Éphésiens 5.32), car Christ est, dans sa personne et dans sa vie, l'explication de sa doctrine. Quand Il dit, en Luc 16.18 : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère... » Deux voies d'interprétation s'offrent à nous :
Ou le Dieu de la Bible qui a répudié Israël son Épouse et s'est ensuite choisi une autre Épouse du milieu des nations est le premier violateur de ses propres lois et est à mettre au rang des faillibles divinités païennes.
Ou bien le Seigneur reste le parfait modèle et nous démontre par là ce que nous avons maintes fois répété dans cette étude, à savoir que comme il y a violation de sabbat et violation de sabbat, meurtrier et meurtrier, il y a aussi divorce et divorce, remariage et remariage. Car, quand l'Éternel a donné à Israël sa lettre de divorce, Il ne l'a pas fait pour un motif « quelconque. » S'il en a pris l'initiative, il est clair qu'Israël en portait toute la responsabilité. Aucune faute n'est imputable au Seigneur. Et, à partir de là, son choix de l'Église ne pose plus aucun problème moral ou théologique. En ce qui concerne la terre, le rapport s'établit aisément : si ce qui s'est passé au niveau le plus haut de la divinité rend le divorce et le remariage possible, cela ne justifie pas n'importe quel divorce ou remariage. La leçon c'est que, si on en arrive là, ce ne doit être qu'après avoir épuisé toutes les ressources et s'être assuré, à l'exemple du Seigneur, que l'on est du bon côté, c'est-à-dire du côté qui n'a pas rendu la rupture inévitable. Hors de ce contexte de justice et de bonne conscience, il restera toujours vrai qu'il y a un divorce qu'il hait et un remariage qu'il désapprouve.
Quelqu'un dira que c'est la porte entrouverte à toutes les excuses et à toutes les facilités, car la plupart des protagonistes s'y faufileront en se décernant à eux-mêmes un sans-faute.
C'est ici qu'intervient la parole fameuse qui porte en elle l'annonce du grand Tribunal où on ne triche plus: « Heureux celui qui ne se condamne pas dans ce qu'il approuve ! » (Romains 14.22)
En toute chose, il faut considérer la fin, disait notre bon La Fontaine. En voici trois exemples :
Quand Moïse a pris une deuxième épouse, Myriam et Aaron s'y sont opposés. Ils ont connu, elle surtout, un châtiment sévère.
Quand Dieu, après avoir donné à Israël sa lettre de divorce, a choisi de la remplacer par l'Église, les Juifs s'y sont opposés, et cela nous est rapporté en 1 Thessaloniciens 2.6 : « Ils empêchent de parler aux païens pour qu'ils soient sauvés, en sorte qu'ils ne cessent de mettre le comble à leurs péchés. Mais la colère a fini par les atteindre. »
Quand un chrétien divorce ou se remarie, ceux qui se croient les émules d'Aaron, de Myriam et des Juifs, font bien de se préparer à être mesurés au Tribunal de Dieu avec la même mesure dont ils ont mesuré les autres. Et ils risquent la volée de bois vert.
Vous aurez sans doute remarqué que nous n'avons pas débattu du conjoint coupable d'avoir provoqué l'éclatement de son foyer. Il n'entrait pas dans nos intentions de l'aborder. Ces gens n'ont ni notre sympathie ni notre soutien. Ils sont la cause de trop de souffrances.
Toutefois, à juste titre, on a fait remarquer qu'il n'y a qu'un seul péché pour lequel il n'y a pas de pardon ; c'est le blasphème contre le Saint-Esprit. (Marc 3.29) Le responsable d'un divorce est-il coupable de ce péché éternel ? La grâce de Dieu a tiré des hommes et des femmes de fosses au moins aussi profondes que celle-là. Il faut cependant dire aux coupables qu'en dehors d'une repentance sincère et d'une conversion à Jésus-Christ, suivies d'une réparation des torts causés dans la mesure où ils peuvent encore l'être, il n'y a pas d'avenir pour eux devant Dieu.
Résumé et fin :
Ce livre, chacun l'a compris, n'est pas une apologie du divorce, qui est un mal et un des chancres de la société. Ni la séparation, ni le divorce, ni le remariage ne sont dans les plans de Dieu pour l'homme, pas davantage que « le péché qui nous enveloppe tous si facilement. » (Hébreux 12.1) Et il n'y a aucune excuse pour le péché (le nôtre). Il faut dire aux couples en danger de résister à la tentation du divorce jusqu'à la dernière cartouche. Le divorce devrait avoir aussi peu accès aux couples que le péché à nos vies.
Toutefois, si le péché n'est pas dans le plan de Dieu, Dieu n'a pas été pris de court par le péché et Il y a pourvu. Ainsi en est-il du divorce.
Dieu tient compte de la dégradation générale qui s'est installée dans toutes les affaires et les comportements humains, d'où la nécessité de la Croix et de la grâce permanente qui en découle.
Ce livre constate, à la suite de la Bible, que la séparation des époux est hélas parfois devenue aussi inévitable que l'est le péché dans la vie du lecteur le plus sanctifié, qui lui-même « Ne fait pas toujours le bien qu'il voudrait faire et qui parfois fait le mal qu'il ne voudrait pas ». (Romains 7.19)
Que le divorce est un pis-aller, une douloureuse humilia-lion, comme le sont les faiblesses humaines, les divisions dans l'Église, les schismes historiques, les mauvais sentiments et les rivalités qui tous bafouent le « qu'ils soient uns. »
Que la grâce de Dieu qui dépasse les ruptures ecclésiastiques et les chutes répétées des hommes dépasse aussi les ruptures conjugales et les conséquences permanentes qui en résultent.
On retiendra donc :