Marié, séparé, divorcé, remarié

2. Divorcé

Un pas de plus vient d'être franchi dans le couple.

La séparation a été précédée ou suivie de tentatives de réconciliation. Les amis s'y sont mis. Les chrétiens ont prié. L'Église a délégué ses anciens. Tout a été tenté. En vain. Un responsable de communauté a admis qu'au cours de son ministère, il s'était essayé à trente-deux tentatives de réconciliation qui se sont soldées par autant d'échecs.

Il y a un élément positif dans tout cela, mais il échappe à l'appréciation des gens heureux. Les horribles pressions accumulées se détendent. Les mauvais sentiments nés d'un état de belligérance permanent finissent par disparaître. Petit à petit, le calme revient et avec lui la sérénité, quoique encore très fragile à ce stade. La santé aussi s'en trouve mieux. Le cœur, déchargé des appréhensions quotidiennes, respire, soulagé. La haine n'est plus au rendez-vous journalier des pensées. L'autre, même coupable, n'est plus l'ennemi que l'on redoute. Les mauvais souvenirs prennent des contours plus flous. Le pardon n'est pas loin, même si la réconciliation est impossible.

Ces choses-là, il faut les avoir vécues pour les comprendre et surtout pour saisir que s'il est vrai que le ciel nous regarde, ce qu'il voit dans la vie d'un divorcé est plus plaisant à regarder que le spectacle de la mésentente. C'est pourquoi le Dieu qui n'est pas pour le divorce a fait écrire : « Mieux vaut habiter à l'angle d'un toit ou dans une terre déserte que de partager la demeure d'une femme querelleuse et irritable. » (Proverbes 21.9,19) Seuls ceux qui sont passés par là comprendront cette parole de Jésus : « Si ta main ou ton pied sont pour toi une occasion de chute, coupe les et jette-les loin de toi ; mieux vaut pour toi entrer dans la vie, boiteux ou manchot, que d'avoir deux pieds ou deux mains et d'être jeté dans le feu éternel. » (Matthieu 18.8)

Voici quelques pages relevées de la vie d'un pasteur encore en activité, quoique divorcé :

« Dès sa conversion il avait décidé, selon la Parole de Dieu, de ne pas se mettre sous un joug mal assorti en épousant une jeune fille autre qu'une vraie chrétienne, qui aurait en plus, reçu un appel à servir Dieu. Où pouvait-il mieux la rencontrer que là où l'on étudie la Bible ? Et comme elle était assez jolie et avait de beaux yeux, le cœur l'a emporté sur la raison. Il crut épouser une taille de guêpe ; hélas ! c'était une guêpe de taille ! Comme un de ces fils des prophètes (2 Rois 4.38-40) qui a rempli un plein tablier de coloquintes sauvages, il mit aussi ce fruit d'ornement dans la marmite de son mariage. Comme lui, il dut s'écrier vingt-quatre heures après avoir dit le oui sans retour : « prophète, la mort est dans la marmite ! » Il découvrit qu'elle avait des idées saugrenues sur la vie chrétienne et le service missionnaire, car ils avaient envisagé de servir Dieu outre-mer. Il s'aperçut que son idéal du champ de mission, c'était une belle maison construite par les indigènes et des boys à son service ; une vue très coloniale de l'évangélisation. En bref, commander et régenter plutôt que servir. Quand ils vinrent s'installer sur le continent, elle s'imagina entrer dans un pays en voie de développement par rapport au sien. Sous des dehors réservés, elle cachait un cœur hautain et un esprit impérialiste propre à certains de ses compatriotes qui, lorsqu'ils vont dans un autre pays, le trouvent plein d'étrangers ! Elle s'aperçut très vite qu'elle n'arrivait pas à la cheville de ceux qu'elle pensait dominer spirituellement. Il se révéla qu'elle avait une âme noire et qu'elle était ingénieuse au mal. Sa vie spirituelle était si lamentable, à vrai dire inexistante, que sa belle Bible en maroquin souple, qu'elle ne lisait plus depuis longtemps, fut retrouvée au fond d'une bibliothèque, couverte de moisissures. Comme elle n'arrivait à rien sinon à des défaites en séries, c'est dans le négatif qu'elle mit toute son énergie.

Dès les premières semaines du mariage, elle s'employa à contrecarrer le ministère de son mari. Un soir qu'il devait présider une étude biblique, il partit en oubliant sa Bible. S'en étant rapidement aperçu, il revint la chercher, mais elle avait fermé la porte à clé et elle refusa d'ouvrir. Pendant près d'une heure, il plaida avec elle. De guerre lasse, il s'assit dehors, rongeant son frein et attendant qu'elle daigne ouvrir la porte. C'est là que le problème moral a commencé. Fallait-il défoncer vitre et porte pour entrer coûte que coûte ? Devait-il laisser éclater sa colère et la corriger comme on le ferait d'un gosse effronté ? Il put se dominer, espérant ne plus jamais devoir revivre pareille scène. Il se faisait des illusions ; elle récidiva. Avant de partir pour des conférences, il devait la supplier de lui rendre ses notes indispensables à ses prédications. Plusieurs fois, si l'Esprit de Dieu ne l'avait soutenu puissamment, il n'aurait pas été en état de se présenter devant son public. Elle fit disparaître ses agendas contenant le programme de ses activités. Clés et papiers de la voiture finirent par suivre le même chemin. Il fut contraint de se rendre à l'étranger et de passer quatre fois les frontières sans les documents de bord. Souvent, lorsqu'il rentrait à la maison, il conduisait les derniers kilomètres en pleurant à la pensée de ce qui l'attendait. Il priait le Seigneur, qui avait dompté la tempête du lac de Tibériade, de délivrer son épouse de ses accès de fureur. Les repas étaient souvent silencieux et pris comme sous un lourd climat d'orage. Elle avait l'invective facile ; ses saillies insultantes étaient le seul piment qui assaisonnait ces tristes tête-à-tête. Plus d'une fois, il sentit que la moutarde lui montait au nez. Avec les années qui passaient, il lui devenait de plus en plus difficile de se contenir. Bientôt, il ne lui fut plus possible de faire une visite pastorale sans subir ses reproches. Il s'aperçut avec effroi que, pour échapper à son contrôle inquisiteur, il glissait dans la dissimulation, ce qu'il haïssait profondément. Sa conscience lui reprochait ces dérobades et ces demi-vérités. Sa résistance à la pression s'affaiblissait. Il refaisait l'expérience rapportée dans le cantique de Débora, en Juges 5.6 : « Au temps de Jaël, les routes étaient abandonnées, et ceux qui voyageaient prenaient des chemins détournés. » C'était comme à la guerre, où on ne peut se découvrir sans être abattu. Harcelé constamment, il ne parvenait plus à chasser des pensées de plus en plus hostiles ; des idées de rétorsion commençaient à tournicoter dans sa tête. Il avait pourtant la réputation d'être un homme équilibré et maître de soi, mais une fois, après une longue période de surcompression, les nerfs lâchèrent. Puis ce fut le cœur qui s'affola. Il ne put suivre le régime alimentaire que lui prescrivait le cardiologue qu'en allant acheter les denrées à la dérobée.

Il eut un jour la malencontreuse idée de s'humilier devant elle. Son orgueil naturel y trouva sa pâture, et elle ne s'en montra que plus distante et implacable. Sentant la barque conjugale faire eau de toute part, il fit comme les disciples pris dans l'orage ; ils réveillèrent Jésus endormi sur un coussin à la poupe de leur bateau battu par les flots : « Seigneur, ne t'inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? » Il décida de vivre avec son épouse au plus près des exigences du sermon sur la montagne et de redoubler de prières accompagnées déjeune. Il n'oublia jamais les jours qui suivirent. Il lui sembla que tous les démons de l'enfer prenaient possession de celle qu'il essayait d'aimer. Il sortit de ces terribles journées harassé, vaincu et incapable d'aller plus avant dans cette voie. Il voyait se développer en elle un mélange de lucidité mauvaise et d'irresponsabilité qui lui venait « d'ailleurs ». Quant il lui en fit la remarque, elle reconnut, le temps d'une éclaircie spirituelle, qu'elle était possédée. Souffrant peut-être plus qu'elle ne faisait souffrir, elle admit qu'il serait utile d'aller consulter des hommes de Dieu qui avaient le renom de pratiquer victorieusement l'exorcisme. Quand le jour arriva de les rencontrer, l'atmosphère bascula à nouveau. Le voyage qu'ils firent en voiture pour s'y rendre défie toute description. Il ressentait physiquement, comme à les toucher, les forces infernales en action.

Malgré toute leur bonne volonté et leur grande expérience, ces amis ne purent rien faire. L'un d'eux dit en aparté : « Il y a derrière votre femme des puissances des ténèbres qui sont non seulement des autorités, mais des principautés. » (Éphésiens 6.12)

Il en était arrivé à ne plus oser rendre témoignage de sa foi à ses voisins. Elle se permettait d'invectiver la personne avec qui il causait dans la rue. Une telle situation ne pouvait perdurer sans amener le déshonneur sur la personne du Sauveur dont il essayait de répandre la connaissance autour de lui.

Vers la fin de leur vie commune, elle mit le comble à sa profanation en saccageant avec un plaisir évident et des rires hystériques ses précieuses annotations contenues dans un attaché-case qu'elle démantibula sous ses yeux. À ce jour, il ne s'explique pas encore comment il put se dominer. Mais il constatait qu'il dérapait dangereusement dans ses pensées et que, dans ces moments-là, le taux d'adrénaline montait de façon inquiétante. Ou il allait garder sa main droite et se rendre répréhensible ou il allait s'en séparer. Il choisit l'amputation.

La goutte qui fit déborder le vase tomba dans la même semaine. Il donnait une série de conférences dans une ville éloignée de leur domicile. Sachant qu'elle avait déjà porté une main sacrilège sur ses documents, il en avait emporté la totalité dans sa voiture, avec le dessein de les mettre hors de portée de son épouse dans les jours suivants. Il y avait là plus de dix ans de travail ; tout ce qu'il possédait pour l'exercice de son ministère. Tandis qu'il officiait au culte du dimanche matin, elle parcourut la longue distance qui les séparait et, à l'aide du double des clés, elle fit main basse sur tous les manuscrits, fruit de tant de travail. Il ne lui restait plus rien que le canevas de la causerie du soir. Il était effondré. Elle lui fit savoir par téléphone que tout serait détruit, à moins qu'une somme équivalente à un an de salaire lui soit versée. C'est ce jour-là qu'il fit son choix entre la géhenne et sa main droite. À regret, il introduisit une action en justice auprès des hautes autorités. Dans les quinze jours, ses chères études lui furent restituées, mais la rupture était consommée ; d'officieuse, elle devenait officielle. Il s'ensuivit un divorce, que certes il déplorait en raison de ses convictions bibliques et de sa position très en vue dans les Églises, mais, devant Dieu, jamais il ne l'a regretté un instant.

Certains ont cru se faire un devoir de lui poser des questions censées l'embarrasser comme : « où est le Dieu des délivrances que vous prêchez ? Où est votre devin Élisée qui change la nature des choses et rend comestible un potage empoisonné ? »

Sa réponse est que Dieu n'accorde pas la même délivrance à chacun. S'il n'a pas calmé la tempête de sa vie, il l'a traversée avec lui, et le miracle, à ses yeux plus grand que d'imposer le silence aux vents, c'est que sa barque n'a pas coulé.

De toutes les prières qui ont jailli de ces poitrines chrétiennes devant les lions des arènes de Rome, aucune ne semble avoir été exaucée par une délivrance spectaculaire. Il s'est aussi traîné à genoux devant le Dieu auquel il croit encore et qu'il sert toujours. Il l'a fait pendant plus de vingt ans et n'a eu d'autre réponse que celle qu'a reçu Moïse lorsqu'il insistait auprès de Dieu pour entrer dans le pays de Canaan. Le grand législateur d'Israël, qui avait fait tant de miracles et si bien servi son Dieu, s'entendit signifier une fin de non-recevoir en ces termes : « C'est assez, ne Me parle plus de cette affaire ! » (Deutéronome 3.26)

Aux yeux de quelques-uns, il est devenu manchot ; il ne correspond plus au « look » du parfait serviteur de Dieu.

Mais le Saint-Esprit, loin de lui retirer ses grâces, les lui a multipliées et honore le service de la seule main qui lui reste, autant sinon plus que le service de beaucoup d'autres.

Il faut un instant revenir à ce que nous avons dit au début de cette deuxième section, à savoir que le divorce allège les dangereuses pressions accumulées, empêche des situations plus graves de se développer, sauve des vies, fait retrouver le calme et le goût de vivre, refait des santés et prépare, dans certains cas, sinon la réconciliation au moins l'oubli et parfois le pardon. Le divorce peut aussi, comme la lettre de divorce que Dieu dans sa sagesse avait prévue, réparer de graves préjudices matériels et assurer la survie d'un conjoint que l'autre dépouille.

Voici le témoignage d'une chrétienne portant sur cet aspect des choses : « Lors de mon mariage, je possédais, venant de mes parents, une maison. Ensuite, j'ai fait deux héritages. De son côté, mon mari a aussi fait un héritage mobilier, avec lequel il a acheté à son nom une propriété dans son pays d'origine. Je n'ai pas soupçonné sa duplicité, aussi ai-je réinvesti tous mes biens personnels dans des biens communs. Je ne m'imaginais pas que notre union, quoique très bancale, se délabrerait encore au point de se dissoudre, fout le temps de la séparation légale, je me suis retrouvée en situation d'indivision, n'ayant pas même accès à la moitié de ce qui m'appartenait et dont j'avais besoin pour vivre, ni aux papiers notariés ou autres que mon mari avait gardés et refusait de me restituer. Le divorce seul a porté remède à cette lamentable situation. »

Le divorce du législateur actuel, comme la lettre de divorce du législateur hébreu prescrite par Dieu, protège le conjoint frustré des atteintes portées à ses avoirs matériels et à ses droits moraux. C'est là un aspect des choses qui échappe aux esprits bornés ou ignorants. Mais qu'un jour ils se trouvent à leur tour face à un préjudice financier, ou simplement devant un héritage mal partagé, et on les voit piétiner le grand élan apostolique qu'ils recommandent volontiers aux autres : « Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt quelque injustice ? » (1 Corinthiens 6.7) Comme ils savent alors passer par-dessus le commandement du Seigneur et se réclamer de la loi des hommes pour récupérer ce qu'ils estiment être leur dû !

Deux situations pour un seul mot :

Chez certains, le mot divorce n'a qu'une seule résonance, celle de la culpabilité. Mais est-ce honnête d'en juger d'une façon aussi abrupte ? Nous savons tous qu'un même mot peut recouvrir deux situations très différentes.

Par exemple, il y a meurtrier et meurtrier : celui qui l'est par accident et celui qui l'est avec préméditation. Dieu fait la différence. Il ordonne la mort pour le second, mais ouvre une ville de refuge pour le premier. (Nombres 35)

Le Christ fait aussi la différence entre diverses violations du sabbat. L'homme qui ramassa du bois ce samedi-là (Nombres 15.32-36) défia ouvertement la loi de Dieu et Celui qui l'avait promulguée ; il fut condamné. Mais quand les disciples cueillirent des épis pour se nourrir, ou que les sacrificateurs dans le temple violaient le sabbat, ou que les pharisiens sortaient un bœuf du trou où il était tombé ce jour-là, chacun à sa façon, dit Jésus, violait la loi du sabbat sans être tenu pour coupable. Or, sortir un bœuf de la fosse est un travail autrement conséquent que de ramasser un peu de bois.

Quand le roi Osias entra dans le temple avec l'intention bien arrêtée de brûler le parfum sur l'autel, comme le faisaient les sacrificateurs, la lèpre éclata immédiatement sur son front. (2 Chroniques 26.16-21) Mais quand David eut faim et mangea les pains de proposition qu'il ne lui était pas permis de toucher, car ils étaient réservés aux sacrificateurs, il ne se rendit pas coupable pour autant.

Ainsi, le Dieu qui fait la différence entre certaines situations nous aurait-Il créé à son image pour que nous fassions le contraire ?

Quand cet homme, marié et père de famille, quitta son épouse pour une autre femme dont il s'était amouraché, il se justifia en ces termes : « L'une est la femme que j'aime, l'autre la mère de mes enfants. »

Il est clair qu'un tel homme est inexcusable et qu'il n'a plus sa place dans l'Église. Mais doit-on tenir rigueur au conjoint innocent du divorce qu'il subit ?

Qu'un homme s'estime libre de courir le guilledou, de quitter sa femme sur un coup de cœur ou par goût du changement, ou pour d'autres raisons propres aux machos de l'Ancien Testament, du Nouveau Testament ou d'aujourd'hui, il convient d'apporter une ferme rectification à ces désordres.

Toutefois, cette fermeté ne peut pas être appliquée à tout divorce, car les mobiles qui y conduisent ne sont pas les mêmes. Il est dit de la Parole de Dieu qu'elle pénètre, partage âme et esprit, jointures et moelle et juge des sentiments et des pensées du cœur. (Hébreux 4.12.) C'est-à-dire qu'elle sonde, investigue, distingue. Si donc nous sommes des hommes de la Bible, nous y prendrons-nous autrement qu'elle ? Les jeunes femmes dont nous parlions dans nos premières pages ont refusé de sombrer dans l'abjection où leurs maris voulaient les entraîner. C'est un mobile de pureté qui les a amenées à la rupture et de là au divorce. Doit-on leur en tenir rigueur ? Serait-ce une honte d'avoir de tels divorcés dans l'Église ? Nous y verrions plutôt un privilège. Plaise à Dieu que nos communautés soient pleines de gens de cette trempe, pour qui la Grâce consiste non seulement à croire en Lui, mais aussi à souffrir pour Lui. (Philippiens 1.29) Nous pourrions multiplier les exemples de ceux qui, par motif de conscience, ont souffert, comme le dit Paul, la perte de toute chose par cette rupture. Et ce sont justement ceux qui ont payé ce prix que l'on mettrait à l'index ? Aurions-nous donc perdu tout sens de l'équité pour nous égarer à ce point ? Car, si le Seigneur n'a pas plus de discernement que ceux qui ne se servent de sa Parole que pour « obscurcir Ses desseins » (Job 38.2), comment expliquer que ce Dieu qui a dit : « Je hais la répudiation » ait pu donner et laisser le leadership de Son peuple à un homme qui allait renvoyer sa femme et en prendre une autre ? Ce qui va suivre donnera le vertige à quelques-uns : l'Éternel a pris la défense de Son serviteur Moïse en frappant d'une plaie de lèpre l'un des deux censeurs qui se posaient en défenseurs de la saine doctrine. (Nombres 12.1-16)

Cela nous amène à redire qu'il y a répudiation et répudiation. Il y a, sous une même appellation, ce qui est vicieux et ce qui ne l'est pas. Il s'y trouve toute la différence qu'il peut y avoir entre une faillite simple et une faillite frauduleuse.

En fait, ce que le Seigneur vise dans sa réprobation, c'est la répudiation facile, celle du caprice, de la versatilité, de la passion, des bas instincts ou de l'égoïsme. Est-ce le cas de tous les divorcés ?

Certainement pas. Était-ce le cas de Moïse ? Nullement, car Dieu a dit de lui qu'il n'y avait pas d'homme plus patient que lui sur la face de la terre. (Nombres 12.3) Ce qu'il a supporté de la part des Hébreux tout au long de ses quarante ans de service à la tête de ce peuple, nul d'entre nous n'aurait eu la patience de le supporter. Mais, dans son foyer, la limite du supportable avait été atteinte et dépassée.

L'épisode qui nous est rapporté en Exode 4.25-26 en dit long. (Il dut y en avoir beaucoup d'autres.) Il nous montre à quel point le torchon brûlait dans le ménage Moïse-Séphora. Elle lui avait donné deux fils, mais rien de plus. Une fois la lune de miel passée, il s'est retrouvé avec une mégère, qu'avec sa patience légendaire il a tenté d'apprivoiser, mais en vain. Ses outrances verbales, sa violence, son détachement, son incompréhension du ministère de son mari et son opposition aux plans de Dieu nous montrent que Moïse vivait un divorce virtuel et permanent, au point qu'il dut, en un premier temps, la renvoyer chez son père. (Exode 18.2)

La triste expérience de Moïse est celle de beaucoup de couples : l'un des deux n'y est vraiment pas.

Dès avant le départ, l'une des deux parties n'a pas du tout l'envie de garder les engagements du mariage, soit qu'elle les ignore superbement soit qu'il n'entre pas dans ses intentions de s'y plier.

Le « maris, aimez vos femmes » d'Éphésiens 5.25 et le « en prendre soin, l'honorer » de 1 Pierre 3.7, quand ils sont remplacés par un « je me fais servir et me sers », ne laissent rien augurer de bon pour la suite.

La jeune fille qui entre dans le mariage en ayant décidé dans son for intérieur de s'essuyer les pieds sur le « femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur », d'Éphésiens 5.22,24, a toutes les chances de voir sa lune de miel arriver très vite à son dernier quartier. Bon vent à ces : « just married ! »

S'il est vrai que ceux qui s'acculent au divorce dans ces conditions n'ont plus leur place dans l'Église après, c'est sans doute parce qu'ils n'auraient jamais dû l'avoir avant.

Ont-ils donc la foi qui sauve, tous ceux qui trompent leur conjoint dès avant le départ, non par la fornication mais en n'ayant d'avance nulle intention de respecter leur engagement, celui d'occuper dans le couple la place prévue par la Parole de Dieu ?

C'est ainsi qu'une femme aussi influente qu'intrigante exigea du pasteur que, dans le libellé de l'engagement mutuel, il supprime la clause de la soumission à son mari.

Beaucoup n'ont pas cette audace (ou cette honnêteté), mais ils sont, dans leur esprit, bien décidés à s'asseoir sur les vœux qu'ils prononcent. Si le mariage, et tout ce qui le constitue, est selon Dieu, il faut bien admettre qu'il y a des mariages dits chrétiens où Dieu n'y est pour rien. Et la preuve, c'est qu'ils ne reflètent en rien le plan de Dieu. Ils en sont au contraire la négation.

Le divorce est comme un accident de la route. Quand les torts sont partagés, il est normal que chaque partie paie.

Si un tribunal faisait payer et supporter à celui qui est en droit les mêmes torts et les mêmes conséquences qu'à la partie responsable, cela s'appellerait un délit de justice.

C'est hélas ce que l'Église a fait dans le passé, ô combien souvent ! La parole de Paul pourrait lui être appliquée : « Ce sont des choses qui ne se rencontrent même pas chez les païens. » (1 Corinthiens 5.1)

Comment ! Ce divorcé qui bien souvent par la faute d'un autre a subi des lésions morales et spirituelles dont il ne se remettra jamais tout à fait, devrait toute sa vie rester à la porte de l'Église et y faire pénitence comme Henri IV à Canossa !

Nous livrons l'opinion justement indignée d'un spécialiste des questions conjugales : « Jusqu'à la fin de ses jours il (elle) va devoir porter la faute qu'il a commise en l'épousant ! Je m'étonne que ce soit cela que Dieu ait voulu. Quand un criminel a payé sa dette, il sort de prison, puis c'est effacé. Et même quand il serait condamné à vie (ce qui signifie quinze ou douze ans), il peut reprendre sa place dans la société. Or, toute faute, toute culpabilité quelle qu'elle soit (auriez-vous tué), c'est pardonné en Jésus-Christ dès l'instant où vous le reconnaissez et le confessez. Quoi donc, le seul, oui le seul crime qui n'aurait jamais de fin ici-bas, ce serait de s'être marié sans réussite ?! »

♦♦♦

Nous aborderons maintenant une autre série de questions.

Quelqu'un demandera : « Comment un homme de Dieu divorcé peut-il encore parler de réconciliation autour de lui, alors que lui-même n'est pas réconcilié avec son épouse ? »

C'est ce qu'écrivit un pasteur à un de ses collègues qui sortait d'un enfer conjugal. À cette première question, il en ajouta une seconde : « Comment pourriez-vous continuer à servir Dieu face au texte qui enjoint de ne pas séparer ce que Dieu a uni ? »

La double réponse fut :

  1. Le Saint-Esprit avait choisi et uni les deux apôtres Barnabas et Paul pour porter le grand message de la réconciliation au monde. (Actes 13-14) Quelle efficacité dans ce ministère et quels triomphes de la foi ! Mais, à la veille de repartir pour un autre voyage missionnaire, une triste mésentente s'installa entre eux à propos d'un lien de famille. (Actes 15.36-40) Il y est dit que le dissentiment fut assez vif pour qu'ils se séparent l'un de l'autre.
    Quel « divorce ! » Et dans quel domaine ! Et entre quels géants !
    Qui oserait trancher et dire lequel des deux avait raison ? Certains croient que tous les deux ont eu tort de rompre cette alliance du Saint-Esprit. Ce qui doit être relevé, c'est qu'ils ont continué, chacun de leur côté, à prêcher avec succès cette grande réconciliation et que personne parmi les apôtres n'a exigé leur réconciliation personnelle comme préalable au service de Dieu. La bénédiction du ciel a reposé sur leur ministère comme avant.
  2. La deuxième réponse lui parvint sous forme d'une question que chacun est invité à se poser : si le service de Dieu n'est plus accessible à celui qui ne répond plus au critère biblique « que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni, » comment espérez-vous encore servir Dieu face à cette exigence au moins aussi absolue que l'autre : « soyez parfaits comme mon Père céleste est parfait ? » (Matthieu 5.48)

Son humble, honnête et lucide réponse fut : « vous avez raison, car, en dehors de la Grâce de Dieu, nul d'entre nous ne pourrait espérer le servir. » À moins que, selon certains, la Grâce du service divin ne soit applicable qu'à quelques pécheurs privilégiés dont ils sont. C'est ce que pensait le fils aîné de la parabole. Il en fit le reproche à son père : « et c'est pour lui que tu as tué le veau gras !! »

C'est aussi ce que croyait le pharisien qui priait dans le temple ; il n'était pas, lui, comme le reste des hommes !

Mais Dieu a des balances exactes et des poids justes. Moïse a été pesé à Sa balance : Il ne lui a retiré ni Son amour, ni Sa confiance, ni Son ministère et Il l'a déclaré « fidèle dans toute Sa maison ». (Hébreux 3.2) Wesley et d'autres avec lui le furent aussi, et Dieu a prodigieusement honoré leur service. Certains esprits plutôt mal tournés diront que la Parole de Dieu n'est pas liée (2 Timothée 2.9) et qu'en bénissant le ministère de Wesley Dieu n'honorait pas sa situation conjugale, mais Sa Parole.

Mais alors pourquoi le Saint-Esprit honore-t-Il si peu chez ceux qui s'en croient si dignes ? L'œuvre que Dieu leur a confiée se rétrécit comme une peau de chagrin, au point qu'ils ne souhaitent le retour du Seigneur que pour sauver leur service d'un constat d'échec. Ce qui ne fut le cas pour aucun des deux hommes précités.

Plusieurs pensent que ce qui donne au divorce, plus qu'à toute autre faute, un caractère inacceptable, c'est que le mariage est, d'après l'Écriture, l'image de l'union de Christ et de l'Église. (Éphésiens 5.31-32) Vu de cette altitude, le divorce est, selon eux, impensable en raison de ce qu'il représente.

Mais ceux qui raisonnent ainsi sont-ils prêts à aller jusqu'au bout de leur réflexion ? Car, si l'union de l'homme et de la femme est l'image d'une union plus élevée qui est celle de Christ et de l'Église, l'unité de ce Corps de Christ est plus que l'image, c'est la réalité ! Or, il se fait que ceux qui ont une vue si élevée du Corps de Christ sont parmi les plus acharnés à saper cette unité. Il n'y a pas pires diviseurs qu'eux. Champions de la rupture, ils trouvent dans l'Écriture de bonnes raisons pour « divorcer » d'avec leurs frères, de ne plus les saluer et de retrancher de la Table du Seigneur ceux que Lui reçoit. Coupeurs de cheveux en quatre, ils n'ont pas leur pareil pour se séparer de ceux que Dieu a unis. Ils ont une vue assez exacte de l'image, mais une perception complètement faussée de la réalité.

Qu'un Anglais colle sur une lettre un timbre à l'effigie de la reine et tape un grand coup de poing à l'image, même irrespectueusement, cela n'est pas bien grave. Mais coller son poing dans la figure de la reine d'Angleterre, c'est une réalité qui coûterait plutôt cher !

Or, le couple, comme le timbre, n'est que l'image et non la réalité. Il est navrant de constater que ceux qui, en paroles, respectent le plus l'image sont ceux qui par leurs pratiques en défigurent le plus la réalité. Car rien ne divise davantage le Corps de Christ que la représentation qu'ils se font de son unité ! Quand l'indivisibilité du mariage est expliquée par les plus grands diviseurs communs de l'Église, on est en droit de se poser des questions sur le sérieux de leurs convictions.

La comparaison :

Outre son autorité spirituelle et sa connaissance des Écritures, ce qui donnait à l'enseignement et aux réponses de Jésus un poids extraordinaire, c'était son emploi de la méthode comparative. Cela laissait les adversaires sans voix, au point qu'ils n'osaient plus lui poser de questions. (Luc 20.40) Nous avons déjà vu comment, par voie de comparaison, Il défendait les siens qui étaient accusés de violer le sabbat parce qu'ils cueillaient des épis. Il leur montrait qu'ils faisaient eux aussi ce qu'il n'était pas permis de faire pendant le sabbat. Il leur disait en outre : « N'avez-vous pas lu ce que fit David lorsqu'il eut faim, comment il mira dans la maison de Dieu, prit des pains de proposition, ni mangea et en donna à ceux qui étaient avec lui, bien qu'il Il ne soit permis qu'aux sacrificateurs d'en manger ? » (Luc 6.3-4) Il fermait la bouche aux hypocrites en retournant leurs propres arguments contre eux : « Vous savez discerner l'aspect de la terre et du ciel : comment, hypocrites, ne discernez-vous pas ce temps-ci ? » (Luc 12.56) Et qui ne se souvient de la grande comparaison universellement citée de la paille et de la poutre ? C'est ce qu'il fit envers ceux qui lui amenèrent la femme prise en flagrant délit d'adultère. À cette occasion, Il dit : « Je suis la lumière du monde ! » (Jean 8.12) Qu'a-t-Il mis en lumière ?

Pas la culpabilité de cette femme ; cela, les pharisiens s'en chargeaient et ils excellaient dans ce genre d'exercice. Si ce n'était pas celle de la femme, cela ne pouvait être que la leur. Mais de quoi s'étaient-ils rendus coupables ? D'avoir fait comme elle ? Certainement pas. Il n'y avait, avant que Jésus entre en scène, aucune commune mesure entre son péché et le leur. Mais il a suffi qu'il soit là pour que tout à coup leur « bonne conscience » s'effondre et qu'ils soient submergés par un sentiment de honte et de culpabilité. Eux, d'abord si sereins, ont trouvé le regard du Maître aussi insoutenable que, lorsque autour du brasier, Jésus s'étant retourné regarda Pierre qui venait de le renier trois fois. Et si Pierre ne put soutenir ce regard sans sortir pour pleurer, eux, pleurs exceptés, ne purent davantage regarder leur vie en face. Ils se retirèrent tous, depuis le plus vieux jusqu'au plus jeune, les plus expérimentés ayant sans doute la conscience la plus chargée. Le Seigneur nettoie ici son aire comme Hercule les écuries du roi Augias.

La façon comparative dont Il s'y est pris a dû faire mal, très mal. Ils avaient pourtant tout pour eux : une vraie coupable, une position personnelle apparemment inattaquable et un code précis : « Il est écrit. »

Cette fois, le Galiléen allait être compté « out. » Quant à la femme, son compte était bon.

Ces hypocrites étaient venus, ne l'oublions pas, avec cet argument massue : « La loi de Moïse nous ordonne de lapider de telles femmes. » Mais Lui, tranquillement assis par terre, de son doigt écrivait sur le sol. Qu'écrivait-Il ? Tout est là.

Le doigt de Jésus, c'était le doigt de Dieu. Et Dieu, de son doigt, avait déjà écrit autrefois : la loi de Moïse, « les deux labiés de pierre, écrites du doigt de Dieu. » (Exode 31.18)

Il y a donc tout lieu de croire que le Seigneur écrivait cette loi qu'ils invoquaient à l'appui de leur intention meurtrière. Or, que disait la loi pour un tel cas ? Le Lévitique 20.10 nous donne la réponse » « La femme et l'homme seront punis de mort. » Or, ils n'avaient amené que la femme ! On a toute liberté de supposer que l'homme était un de leurs bons amis ou quelqu'un dont il eût été fâcheux de s'aliéner les faveurs. Voilà la fausse balance et les faux poids qui sont en abomination à l'Éternel. Ils avaient tronqué la Parole de Dieu. C'était un crime, une forfaiture s'exerçant au niveau des lois dont leur « oubli » corrompait le sens.

Eux qui, tout à l'heure encore, pointaient un index accusateur contre cette femme se retrouvèrent tout à coup avec un pouce levé contre le ciel et les trois autres doigts pointés dans leur direction. Quoique n'étant pas coupables du péché de cette femme, ils venaient de découvrir qu'en l'accusant de la sorte, Bible en main, ils étaient deux fois plus coupables qu'elle. Faisons-leur au moins une fleur, celle d'avoir eu assez de conscience pour s'en rendre compte. Puissent tous ceux qui invoquent les Écritures pour condamner leurs frères séparés ou divorcés de leur conjoint, se souvenir à la lumière de ce récit, qui le Maître dont ils se réclament a défendu et qui Il a condamné. L'enfer a reculé ce jour-là devant le Fils de Dieu, mais de quel côté étaient les forces infernales ? Toutefois, que personne ne voie ici une tentative de justification ou de minimisation de l'adultère de cette femme. Ce serait une énormité. Il faut savoir juger d'une nation et prendre les mesures qui s'imposent. Mais il y a obligation de s'assurer si ceux qui jugent le font avec les sentiments du Christ et s'ils ne sont pas plus coupables que Ceux qu'ils accusent. C'était le cas de ces théologiens qui, sans l'intervention du Christ, auraient lapidé cette femme en toute bonne conscience et au nom du « Il est écrit ». Ce qu'ils devaient apprendre, c'est le : « Il est aussi écrit ! »

L'un des textes les plus cités en la défaveur des divorcés est celui qui dit : « Je hais la répudiation dit l'Éternel. » (Malachie 2.6) Cette expression très forte, passée dans le collimateur de visée et orientée vers le divorcé, fait de lui une cible idéale et un homme mort à chaque coup. Mais ne serait-ce pas faire preuve de malhonnêteté spirituelle de brandir un texte tout en ignorant les autres ?

Car si l'Éternel hait, sans nuance, toute forme de répudiation, comment les férus du couperet expliqueront-ils que, sur un plan autrement élevé que celui du couple humain, le couple Yahvé-Israël ait connu la terrible dissolution ainsi libellée par Dieu lui-même : « J'ai répudié l'infidèle Israël et... je lui ai donné sa lettre de divorce ? » (Jérémie 3.8)

Pour gênante que soit la question, elle n'en exige pas moins une réponse. Pour ceux qui sortent leurs frères divorcés de leur communion, il ne leur reste plus qu'à excommunier le Dieu de la Bible et le sortir de sa création. À moins que Dieu ne se haïsse Lui-même ou que le Dieu de l'Ancien Testament ne soit pas, dans Sa Personne, celui du Nouveau Testament. La troisième section du livre nous donnera l'occasion d'en reparler.

Mais ce n'est pas tout. Puisque nous voilà lancé, allons jusqu'au bout des « il est aussi écrit ». Car, et cela beaucoup l'oublient, le : « Je hais la répudiation » n'est qu'une vérité isolée parmi beaucoup d'autres. Par l'analogie des Écritures, voyons ce que Dieu hait et ce qui lui est abominable.

  1. D'Ésaü, le frère jumeau de Jacob, Dieu a dit : « J'ai haï Ésaü. » (Romains 9.13) Qu'y avait-il de si répréhensible dans la vie de cet homme pour que Dieu le haïsse, si ce n'est ce qui nous en est dit en Hébreux 12.16 : « Esaü le profane qui, pour un plat de lentilles, vendit son droit d'aînesse. » Autrement dit, le profane que Dieu hait, c'est l'homme qui recherche premièrement ce que le Christ appellera la nourriture ou le vêtement au lieu du Royaume de Dieu. Combien n'y a-t-il pas d'honorables profanes comme Ananias et Saphira dans l'Église ? (Actes 5.1) Tandis qu'au culte leurs dehors pieux leur feraient donner le Bon Dieu sans confession, leurs pensées vagabondent avec leurs intérêts dans le domaine des choses profanes. Ce qu'ils apportent aux pieds du Seigneur (temps, argent, facultés, consécration, sacrifice, don de soi, etc.) n'est que le minable reste de ce qu'ils gardent pour eux-mêmes. Si donc il faut haïr sans nuance toute répudiation, il faut, pour ne pas tomber dans la catégorie des injustes qui n'héritent pas le Royaume de Dieu, condamner tout esprit profane et tout esprit d'indécision, car, Dieu dit aussi : « Je hais les hommes indécis. » (Psaumes 119.113)

  2. Ce que Dieu hait ? Cela est clairement dit en Deutéronome 18.9-14 : « qu'on ne trouve chez toi personne qui écoute les astrologues... car quiconque fait ces choses est en abomination à l'Éternel. »

  3. Que de gens dans l'Église qui ne connaissent pas par cœur les noms des douze petits prophètes, ni les douze tribus d'Israël, pas même les noms des douze apôtres du Christ, mais qui vous récitent sans se tromper les douze signes du zodiaque et qui savent dans lequel s'inscrit leur date de naissance ! Un « pasteur » belge, adepte du pendule, allait jusqu'à le passer sur le moteur de sa voiture pour en trouver les pannes. Un ancien d'une Assemblée évangélique était un autre convaincu de la radiesthésie. Livres, études et mises en garde sur le sujet le hérissaient. Ces hommes sont respectés au sein de leurs pratiques abominables, tandis que le divorcé est condamné au sein de son infortune.

  4. Dans une communauté des plus puritaines, un pasteur, séparé de son épouse pour de solides raisons, se vit interdire la salle de culte qu'il sollicitait pour y parler de la mission. Or, quelques mois plus tôt, un prêtre catholique toujours en fonction était l'invité de leur culte, participait à la fable du Seigneur et apportait le message de clôture ! Ce prêtre, de par ses vœux jamais rétractés et de par son allégeance à son Église, était porteur de cléricalisme, de « mariolâtrie », d'invocation des morts, d'indulgences et de célibat obligé et de beaucoup d'autres choses honnies et qualifiées d'abominables par la Réforme. Quand on voit des milieux évangéliques et réformés flirter avec un système doctrinalement corrompu, qu'ils appelaient naguère encore « les profondeurs de Satan », cultiver maintenant son sourire, se compromettre avec elle comme dans le cas précité et partager toutes sortes d'activités communes pudiquement appelées œcuméniques, on est en droit de se demander ce que vaut leur prétendu attachement à la Parole de Dieu. Où est la fidélité scripturaire là où alternent l'Alléluia et l'Ave Maria ? Si donc un de leurs frères, doctrinalement vierge de toute hérésie mais qui n'est plus marié, n'est plus reçu chez eux au nom d'un principe biblique, il faudrait nous expliquer au nom de quel principe un porteur et exemple vivant du célibat obligé (que les pires sectes d'erreur n'enseignent même pas) a ses entrées là où l'autre ne les a plus ? Quel honneur réservé à des gens contre qui l'Écriture tonne en ces termes : « L'Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l'hypocrisie de faux docteurs portant la marque de la flétrissure dans leur propre conscience et prescrivant de ne pas se marier... » (1 Timothée 4.1-3)

  5. On dira peut-être que beaucoup d'Assemblées n'en sont pas là. Comment le savoir, puisque cette affaire, quoique bien connue, n'a pas provoqué la moindre petite vaguelette d'indignation dans les eaux doctrinalement pures du milieu concerné. Or, qui ne dit mot consent ! Le bref extrait qui va suivre a été publié par l'Aumônerie protestante. C'est le serment des Pères conciliaires de Vatican II, qui n'appartient pas à la préhistoire. Et songeons que tout subordonné est tenu d'y adhérer, ayant lui-même prononcé ses vœux ecclésiastiques dans ce sens.« Je reconnais fermement et j'embrasse les traditions apostoliques et les autres coutumes et règlements de l'Église.De même, je reconnais l'Écriture Sainte dans le sens où notre sainte mère l'Église l'a tenue et la tient encore. À elle appartient le jugement sur le véritable sens et l'explication des Saintes Écritures. Jamais je ne l'expliquerai autrement que d'après l'interprétation unanime des Pères. Je confesse aussi qu'il y a, au sens propre et véritable du terme, sept sacrements de la Nouvelle Alliance, qui ont été institués par notre Seigneur Jésus-Christ et qui sont nécessaires pour le salut du genre humain, quoiqu'ils ne le soient pas pour tous, pour chaque individu, à savoir : le baptême, la confirmation, l'eucharistie, la pénitence, l'extrême-onction, l'ordination, le mariage ; qu'ils communiquent la grâce et que parmi eux le baptême, la confirmation et l'ordination ne peuvent être renouvelés sans sacrilège. J'accepte aussi tous les rites approuvés par l'Église lors de l'administration desdits sacrements. J'accepte entièrement tout ce qui a été décidé et déclaré au Concile de Trente sur le péché originel et la justification. Je confesse encore que dans la messe est consommé un sacrifice véritable et expiatoire pour les vivants et pour les morts, que dans le très saint sacrement de l'Eucharistie le corps et le sang en même temps que l'âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ sont réellement présents, qu'il se produit une transformation de toute la substance du pain dans le corps et de toute la substance du vin dans le sang... (Cette transformation, l'Église catholique la nomme transsubstantiation. Je confesse en outre que le Christ tout entier et le véritable sacrement sont présents même sous une seule espèce.

    Je tiens fermement qu'il existe un purgatoire et que les âmes qui y sont renfermées trouvent un secours dans la prière des croyants. Je crois aussi fermement que l'on doit invoquer et vénérer les saints qui règnent avec le Christ, qu'ils apportent pour nous des prières à Dieu et que l'on doit vénérer leurs reliques. J'affirme fermement que l'on doit avoir et conserver des images du Christ, de la mère de Dieu toujours vierge, ainsi que des autres saints ; qu'on doit leur témoigner le respect et la vénération qui leur sont dus. Je dis aussi que le Christ a donné à l'Église plein pouvoir pour les indulgences et que leur usage apporte une grande bénédiction au peuple chrétien. Je reconnais la sainte Église romaine catholique et apostolique comme la mère et l'éducatrice de toutes les Églises, je promets et jure vraie obéissance au pape romain, successeur de saint Pierre, le prince des apôtres et vicaire de Jésus-Christ. J'accepte aussi sans élever aucun doute et je confesse toutes les autres choses qui ont été transmises, décidées et déclarées par les saints conciles œcuméniques, avant tout par le saint Concile de Trente et par le Concile œcuménique du Vatican, principalement en ce qui concerne la primauté de l'évêque de Rome et son magistère infaillible. Et de même je condamne, je regrette et j'anathématise tout ce qui est en contradiction avec cela et toutes les fausses doctrines que l'Église a condamnées, rejetées et anathématisées. Cette véritable foi catholique, en dehors de laquelle personne ne peut être sauvé, que je confesse ici librement et à laquelle je tiens fermement, je veux la conserver constamment et la confesser pure et sans mélange jusqu'au dernier souffle de ma vie, et je veillerai, dans la mesure où cela dépend de moi, à ce qu'elle soit conservée, enseignée et prêchée par mes subordonnés ou par ceux dont je dois avoir soin en vertu de mon office. » Il faut signaler que ce texte, dont les intégristes s'accommoderaient très bien, n'a pas été rédigé par eux, mais par des prélats dont la « vitrine œcuménique » est démentie par les engagements contenus dans ce serment solennel. Et si d'aventure quelque incorrigible candide veut croire que certains subordonnés, avec lesquels il entretient une douce identité de vue, échappent au système qui les emploie, il devrait faire deux choses : Méditer Proverbes 14.15, qui dit : « L'homme simple croit tout ce qu'on dit ! » et Proverbes 26.24-26 : « Par ses lèvres, celui qui hait se déguise, et il met au-dedans de lui la tromperie. Lorsqu'il prend une voix douce, ne le crois pas, car il y a sept abominations dans son cœur. S'il cache sa haine sous la dissimulation, sa méchanceté se révélera dans l'assemblée. » Demander aux porteurs des doctrines citées plus haut, qui les nient en aparté, de les abjurer publiquement. Leur réponse, ou plutôt leur non-réponse, serait édifiante ! À ceux qui mettent l'inoffensif divorcé à l'étroit et qui se leurrent dans leur largesse charismatique, croyant dans leur euphorie que Vatican Il est dépassé, nous rapportons ici quelques extraits de la prière à Marie du pape Jean-Paul II pour l'année mariale, qui se termine le 15 août 1988. Outre l'abomination d'adresser cette prière à un mort (Deutéronome 18 et 1 Samuel 28) qu'ils en pèsent chaque mot :
    Le Saint-Esprit t'a aimée, comme sa mystique épouse.
    Il t'a comblée de dons singuliers.
    À la veille du troisième millénaire chrétien,
    nous te confions l'Église, qui te reconnaît et
    t'invoque comme Mère.
    À toi, Mère des hommes et des nations, nous te
    confions avec foi l'humanité tout entière...
    Soutiens, ô Vierge Marie, notre chemin de foi
    et obtiens-nous la grâce du salut éternel.
    Ô clémente, ô pieuse, ô douce Mère de Dieu et
    notre Mère, Marie.
    Quelqu'un demandera : pourquoi lever des lièvres qui n'ont pas de rapport avec le sujet traité ? Il y a au contraire entre les deux une corrélation aussi étroite qu'entre le cas de la femme adultère et la duplicité de ses accusateurs. Ils ont, eux, très vite saisi où le Seigneur voulait en venir. Ils n'ont pas fait semblant de ne pas comprendre le rapport qu'il y avait entre leur péché et celui de la femme. Si donc, à l'exemple du Christ, nous avons mis le doigt sur des positions doctrinales jugées abominables par la Réforme, mais ignorées avec tant de désinvolture par les héritiers de la Réforme, c'est pour montrer la démesure qui consiste à couler (tamiser) le moucheron du divorcé et à avaler le chameau d'autres choses plus graves et surtout plus dangereuses. (Matthieu 23.24) À moins qu'elles ne soient pas dangereuses. Mais, dans ce cas et par comparaison, on ne voit pas de quel virus le tout petit moucheron serait porteur. Ou bien voudrait-on nous faire avaler que le trou de l'aiguille qui laisse passer le mammifère est trop étroit pour l'insecte ?

  6. Dans le Deutéronome 18.20-22, comme dans d'autres textes parallèles du Nouveau Testament, il est question des faux prophètes en ces termes : « Le prophète qui aura l'audace de dire en mon Nom une parole que je ne lui aurai point commandée... Ce prophète-là sera puni de mort.

    Peut-être diras-tu dans ton cœur : comment connaîtrons-nous la parole que l'Éternel n'aura point dite ? Quand ce que dira le prophète n'aura pas lieu et n'arrivera pas, ce sera une parole que l'Éternel n'aura point dite. C'est par audace que le prophète l'aura dite : n'aie pas peur de lui. »

    Nombreux sont aujourd'hui ceux qui jouent les prophètes et qui ne le sont pas. Ils prophétisent au Nom de Dieu comme s'il leur avait parlé, alors qu'il ne leur a rien dit du tout. Au Nom d'un Dieu qui ne peut se tromper, ils annoncent telle délivrance ou telle guérison à qui en a grandement besoin. Hélas pour eux, les événements leur donnent tort. La maladie, loin de reculer, progresse, et c'est la tombe qui a le dernier mot. Mais malgré ces échecs patents ils récidivent et gardent l'estime inconditionnelle de leurs groupements. Personne ne reprend ni ne fait taire ces faux ministres qui, comme le dit Jérémie, trompent le peuple en lui inspirant une fausse confiance. Ils ne risquent pas la condamnation biblique qui est clairement prévue pour ce cas précis. Et ce sont ces milieux qui se veulent le plus orthodoxe en matière de répression du divorce ! Ils défendent, excusent et écoutent avec une crainte respectueuse ceux qui les trompent à répétition, mais ils ne craignent pas de briser encore plus ceux dont la vie est déjà tellement brisée. Là où de tels dérapages (pourtant aisément décelables) sont tolérés et même approuvés, on voit mal comment, sans assassiner l'équité, on peut porter le moindre jugement contre de simples divorcés, ces derniers n'étant que de petits caniches de salon comparés aux loups ravageurs en habits d'agneau que sont les faux prophètes.

    Le Dieu qui hait une forme de répudiation hait aussi toute forme de faux serments.

    « La malédiction, dit l'Éternel, je la répands sur tout parjure... sur celui qui jure faussement... » (Zacharie 5.4)
    Quoi !... jurer faussement ! Et c'est afin de commettre toutes ces abominations ! » (Jérémie 7.9-10)

    Cette abomination se retrouve sous l'appellation de parjure dans la terrible liste de 1 Timothée 1.9-10 : « Méchants, rebelles, impies, profanes, parricides, meurtriers, débauchés, infâmes, preneurs d'otages, menteurs et parjures. »

    Ceux qui abhorrent le divorce au nom du Seigneur ont-ils Ses sentiments devant le parjure ?

    L'incroyable rapport qui suit est authentifié par des documents de justice. Un groupe de responsables d'Église, tous adversaires convaincus du divorce, dans une action judiciaire intentée contre un de leurs pairs, se sont présentés au tribunal à la barre des témoins. En levant la main droite, ils ont juré de dire toute la vérité, rien que la vérité, selon la procédure habituelle. Dans le dessein de nuire, non seulement ils tentèrent de contredire des témoins oculaires, mais, en additionnant leurs faux témoignages, ils se sont parjurés neuf fois sur des faits dont ils avaient une parfaite connaissance. Or, il est écrit : « Il y a six choses que l'Éternel hait et même sept qu'il a en horreur... le faux témoin qui dit des mensonges. » (Proverbes 6.19) Jézabel n'a pas fait pis quand elle a trouvé des faux témoins pour ravir à Naboth sa vigne de Jizréel. Il fallait que ces hommes aient des sentiments aussi vils que ceux de la sanguinaire femme d'Achab pour descendre dans pareille forfaiture. Les termes employés ici sont loin d'être exagérés quand on lit ce que Dieu en dit en Deutéronome 19.15-19 : « Lorsqu'un faux témoin s'élèvera contre quelqu'un... les juges feront avec soin des recherches. Le témoin est-il un faux témoin, a-t-il fait contre son frère une fausse déposition, alors vous le traiterez comme il avait dessein de traiter son frère. Tu ôteras ainsi le mal du milieu de toi. Les autres entendront et craindront, et l'on ne commettra plus un acte aussi criminel au milieu de toi. »

    La plupart de ces choses se sont passées au grand jour, comme au temps d'Achab, en la présence et avec le concours passif des anciens du peuple. L'Église est restée sans réaction. Si donc, pour reprendre l'expression de la Bible, des actes aussi criminels sont tolérés ou minimisés dans l'Église, on ne comprend pas pourquoi une situation conjugale certes regrettable, mais qui n'a rien de criminel, serait jugée avec rigueur, tandis que de tels crimes sont classés sans suite. Nous sommes ici devant un monstrueux délit de justice ecclésiastique. Ces « deux poids, deux mesures » sont sévèrement condamnés en ces termes : « Tu n'auras pas dans ton sac deux sortes de poids, un gros et un petit... Tu auras un poids exact et juste... Car quiconque fait ces choses est en abomination à l'Éternel. » (Deutéronome 25.13-16)

    De même, « celui qui absout le coupable et celui qui condamne le juste sont tous deux en abomination à l'Éternel. » (Proverbes 17.15)

    Et il y a aussi des silences qui sont des « je m'en lave les mains » à la Ponce Pilate, qui donnent bonne conscience aux coupables et qui laissent l'innocent à son supplice.

  7. « Car moi, l'Éternel... je hais la rapine. » (Ésaïe 61.8)

    La rapine ! Voilà une bien vilaine verrue sur le visage du christianisme. Deux autres mots la complètent : la cupidité et l'avarice. L'amour de l'argent ! Maladie mortelle qui est en plus la source de beaucoup de maux. (1 Timothée 6.10) Être grippe-sou, c'est anodin ! Beaucoup souriraient aujourd'hui s'ils apprenaient que les Pères de l'Église mettaient l'avarice au nombre des péchés capitaux. Et si nous écoutions l'Écriture ?

    L'avarice, dit saint Paul dans sa lettre aux Colossiens, est une idolâtrie. Or, les idolâtres n'héritent pas du Royaume de Dieu. (Apocalypse 21.8;22.15) Le jeune homme riche en est la parfaite illustration. Ce qui s'élève entre lui et le salut, ce n'est pas à proprement parler l'argent, mais l'amour de l'argent ou, plus exactement encore, la confiance (foi) en l'argent : « Qu'il est difficile à ceux qui se confient dans leurs richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu » Son dieu, ce n'était pas le Yahvé qu'il croyait bien connaître et servir. Son vrai dieu, c'était ce qui dans sa vie avait la première place. Pour lui, c'était le dieu argent, c'était son idole. Les pharisiens, chacun le sait, donnaient la dîme, mais Jésus a dit d'eux qu'ils étaient avares ! (Luc 16.14) Est-ce si grave, demandera-t-on avec une certaine inquiétude ?

    Il y a de quoi être inquiet quand on sait l'accentuation que certains mettent sur l'argent. Le protestantisme est exempt d'idolâtrie grossière, qui a été extirpée à la Réforme. Il n'en va pas de même de celle qui nous occupe, plus subtile mais non moins dramatique dans ses résultats, car, avant d'entraîner les âmes vers l'abîme, elle dessèche le cœur et rabougrit les sentiments. On faisait remarquer à un avare que la seule différence entre une vitre et un miroir, c'était la mince pellicule d'argent qui recouvrait le fond de ce dernier. C'était suffisant pour ne plus voir les autres et ne plus contempler que soi.

    Un des mouvements issus de la Réforme est bien connu pour ses saines connaissances doctrinales et pour son aristocratie financière. Ce peuple « céleste » a cependant des ventouses à la plante des pieds. (Nous ne généralisons pas.) C'est le nouvel homme qui rend grâce au culte le dimanche matin, mais c'est le vieil homme âpre au gain qui gère les biens terrestres le restant de la semaine. Colombe ailée le dimanche, c'est sur des ailes de rapace qu'il termine la semaine. Et encore, allez savoir ce qui se passe dans sa tête le dimanche. Un prédicateur contemporain a dit : « ... ses yeux, ses mains, son cœur sont pleins d'acomptes, de dividendes, de TVA, de pourcentages. Son dimanche est une vulgaire interruption, son ciel une bonne occasion, son éternité à tant de mètres de long et tant de mètres de large, son sommeil une sarabande de billets de banque et, en route pour le culte, il espère encore se faire un client de plus ! »

    L'apôtre Pierre dit des cupides que ce sont des enfants de malédiction. (2 Pierre 2.14) Or, psychiatres, confesseurs et éducateurs disent qu'ils ne rencontrent jamais personne qui s'accuse du péché d'avarice. Quand l'Église elle-même a perdu conscience de cet abîme, elle en arrive à aimer ceux que Dieu hait et il lui devient impossible d'amener à repentance ceux qui sont pris dans ce piège mortel.

    Dans une Assemblée évangélique vivait récemment encore un homme chez qui les deux mots dîme et divorce provoquaient de l'urticaire. Il avait même changé d'Assemblée parce que dans la première une femme divorcée s'y était convertie à Jésus-Christ. Mais il était cupide, tourné vers l'argent et il le resta jusqu'à la mort. À un tout petit train de vie répondaient deux bons salaires pour trois personnes. L'idée de donner la dîme au service de son Dieu le mettait hors de lui. Si on lui citait l'exemple d'Abraham, c'était de l'Ancien Testament ! Et puis, il était riche, lui ! Il ne fallait surtout pas lui faire remarquer que la dîme d'un riche n'en était que plus importante. Il admettait, à la limite, de donner la dîme de ce qui restait après avoir vécu. Ces idées, il les professait ouvertement.

    Il arriva que cette Assemblée, tout aussi puritaine que lui sur la question du divorce, eut besoin d'un diacre pour recueillir et gérer l'argent du culte ; c'est lui qui fut choisi !!!

    Est-il donc vrai, jusque dans l'Église, que ce sont les braconniers qui font les meilleurs gardes-chasse !? Et une telle Église osera se prononcer contre un divorcé, tandis-qu'elle honore dans son sein des membres qui cultivent des sentiments abominables aux yeux du Dieu dont ils se réclament !

    En plus, cette communauté était parfois le théâtre d'affrontements entre factions rivales. Il s'ensuivait des pugilats où le mobilier s'en trouvait renversé comme dans un western. Dans une communauté sœur, où de vives altercations de ce genre devenaient fréquentes, le propriétaire dut, pour les calmer, les menacer d'expulsion.

    On n'a jamais entendu dire qu'un divorcé ait causé pareils scandales ni amoindri à ce point le témoignage collectif.

  8. Une autre situation dramatique s'installe dans les Églises aujourd'hui. Elle n'est pas nouvelle, mais elle est d'une virulence inconnue jusqu'ici. Elle frappe de plein fouet et n'épargne ni le corps pastoral ni les anciens. C'est la tête des Églises qui est atteinte. Parmi les qualifications liées à l'exercice du pastorat (pasteur, ancien, évêque, surveillant sont les termes interchangeables d'une même fonction), on trouve, au sein de conditions déjà bien sélectives : « ... il faut qu'il dirige bien sa maison, qu'il tienne ses enfants dans la soumission et dans une parfaite honnêteté... ayant des enfants fidèles qui ne soient ni accusés de débauche ni rebelles... » (1 Timothée 3.4 et Tite 1.5-6)

Il est clair que si ces exigences étaient appliquées aux intéressés avec la moitié moins de rigueur qu'aux divorcés, une grande partie du corps pastoral devrait démissionner. Il y a maintenant des drames à vous briser le cœur au niveau des familles chrétiennes et des enfants de serviteurs de Dieu. Tel voit sa fille fuguer avec un garçon du monde. Tel autre découvre que sa fille est enceinte. Tel autre voit ses enfants lui jeter la Bible en reniant Dieu et l'éducation reçue. Tel autre reçoit des menaces de mort... et la liste s'allonge.

Plusieurs pasteurs, confus et découragés, ont donné leur démission à leur Église, qui l'a sagement refusée.

Au lieu d'actionner le couperet, des Églises encore dignes de ce nom pleurent avec ceux qui pleurent, nuancent leur jugement non pas en fonction d'un ou de deux textes guillotine, mais à l'aide d'une vue d'ensemble plus large, d'une approche gracieuse des circonstances particulières et du climat moral dans lequel les jeunes du XXe siècle évoluent. Écarter de la scène biblique le père du fils prodigue au nom d'un fils rebelle et débauché est une éventualité qui ne viendrait à l'esprit de personne. Et qui contesterait à Dieu son titre d'ancien des jours (Daniel 7.9,13,22), parce qu'il a dû dire en Ésaïe 1.2 : « J'ai nourri et élevé des enfants, mais ils se sont révoltés contre moi ? »

Ce serait impensable. Mais comment expliquer que cet impensable, quand il s'agit de Dieu, du père de l'enfant prodigue ou des anciens, devient tout à coup pensable quand il s'agit d'une infortune domestique ?

Car s'il faut traiter les uns avec toute la condescendance et la compréhension qu'ordonne la charité chrétienne, l'équité la plus élémentaire n'exige-t-elle pas que l'on en fasse autant avec les autres ?

Il était menteur, mythomane chronique, rapporteur et faux témoin à l'occasion. Il exerçait un petit ministère reconnu. Ses affabulations rendaient ses causeries intéressantes. Il s'y glissait du faux, chacun le savait. On souriait d'un air entendu en haussant les épaules et en disant il faut le prendre d'où ça vient ! Quelle foule cependant aux funérailles du fabulateur. Gageons que la justice du pauvre Lazare fut moins honorée et moins accompagnée, au jour de l'ultime voyage, que les menteries du précité. Heureusement qu'il reste d'honorables et vrais serviteurs de Dieu comme ce pasteur de la ville voisine du susnommé et qui, ayant été le témoin de flagrant délit de mensonge, a dit : « Son Assemblée fait évidemment ce qu'elle veut, mais moi je ne recevrais pas un tel homme dans mon Église. »

Les magistrats de l'Église qui savent si bien lire « je hais la répudiation » ne savent-ils plus lire qu'il hait aussi le mensonge (Proverbes 6.19) et qu'il réserve l'étang de feu pour les menteurs impénitents ? (Apocalypse 21.8) Leur notion de l'équitable doit-elle à ce point voler au ras des pâquerettes pour montrer tant de complaisance envers les uns et tant de sévérité envers les autres ?

Ainsi donc, quand on prend la peine de se pencher, sans tricher et sans parti pris, sur le grand Code divin avec l'aide duquel nous avons éclairé ces huit situations (la liste n'est pas épuisée), on s'aperçoit qu'en regard de ces exemples le conjoint séparé ou divorcé fait figure d'enfant de chœur. Mais voilà ! le mot divorcé sonne mal, il ne passe pas la rampe. Il a une connotation encore trop négative. Le poids des traditions oriente trop souvent nos choix et dicte nos antipathies. Des modes de raisonnements héréditaires et des craintes irraisonnées censés venir de la Parole de Dieu influencent davantage nos décisions que la Parole elle-même.

Pauvre divorcé ! Tu n'as aucune chance de t'en sortir, car les dés sont pipés, les balances faussées et les poids truqués. Tu as le malheur de ne pas tomber dans la catégorie de ceux qui n'héritent pas du Royaume de Dieu. Ah ! si seulement toi et ton conjoint vous viviez sous le même toit (j'allais écrire : sous la même dalle de sépulcre blanchi), la querelle à la bouche, l'envie et la jalousie dans le cœur, l'avarice dans le coffre, le parjure sur les lèvres et la haine dans le regard, tu mettrais toutes les chances de ton côté et tu serais bien coté sur l'échelle des valeurs ecclésiastiques. Hélas ! tu ne tombes pas dans les huit catégories passées en revue. Tu es d'une autre catégorie, la mauvaise. En fait, tu es l'âne de la fable !

Le bon La Fontaine dit en parlant des animaux malades de la peste qu'ils n'en mourraient pas tous mais que tous étaient atteints. D'où la grande autocritique générale.

Le lion tint conseil et dit : mes chers amis...
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons...
Même, il m'est arrivé parfois de manger le berger...
— Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi...
Eh bien ! Manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur...
Ainsi dit le renard ; et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'âne vint à son tour...
À ces mots on cria haro sur le baudet...
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout le mal,
Sa peccadille fut jugée cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui !
Quel cas abominable !...

L'âne divorcé, voilà un coupable tout désigné. Quant aux quelques autres mâtins rencontrés dans les paragraphes I à VIII, personne dans l'Église ne leur dit comme à la douane : « Ouvrez les valises ! »

Force est aussi de constater que c'est messire renard (tiens, tiens !) qui préside la séance et délivre les passe-droits. Voilà qui est révélateur : ceux qui blanchissent les huit bons numéros en font partie. On l'aurait deviné !

Ils se placent au-dessus des lois et, comble d'iniquité, ils sont juge et partie ! Le retors évêque Cauchon condamnant Jeanne d'Arc au bûcher n'est pas qu'un fait isolé dans l'histoire de l'Église. La façon dont on fait le procès de certains n'est pas, par ceux qui jugent d'abord et par des vies, des ministères et des réputations réduits en cendres ensuite, sans rappeler le bûcher de Rouen. Ceux qui font sentir à leurs frères divorcés l'atroce et brûlante morsure de leur condamnation ont oublié que leurs œuvres les suivent et que le jour vient où ils devront y faire face à la barre du Tribunal de Dieu.

Le grand apôtre Paul n'avait pas oublié cette redoutable échéance. À Césarée, devant le gouverneur Félix, il définit sa conduite en ces termes : « Ayant en Dieu cette espérance qu'il y aura une résurrection des justes et des injustes, je m'efforce d'avoir constamment une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes. » (Actes 24.15-16)

Mais que peut-on espérer là où la bonne conscience si chère à Paul a disparu et où les textes bibliques devenus gênants sont délibérément écartés ou ignorés. C'est alors que les consciences se cautérisent toujours plus ou qu'elles acquièrent l'élasticité de celle du renard. Il est vrai que notre opinion sur la gravité d'un état plutôt que d'un autre varie d'une sensibilité à l'autre. Il faudrait plutôt parler d'insensibilité ou de consciences moralement à l'agonie dont voici un exemple. On sait que parmi les douze fils de Jacob seuls Ruben et Juda s'étaient compromis moralement, l'un en montant sur la couche de son père, l'autre de façon scabreuse en se commettant avec ce qu'il croyait être une prostituée. Fi ! Les polissons. Ce jugement n'est ni faux ni trop sévère. C'est l'appréciation que l'on a des autres frères qui révèle une conscience moribonde. Eux, nous les traitons volontiers d'honnêtes gens (ce qu'ils prétendront d'ailleurs être quelques années plus tard en Genèse 42.11, J. N. Darby). Seuls Ruben et Juda offensent notre pudeur, et c'est eux seuls que l'on voue aux gémonies. Mais quels sont ceux qui ont sauvé Joseph de la mort et qui avaient une conscience assez sensible pour appeler un crime par son nom et tenter de s'y opposer ? Ruben et Juda. Qui s'est le premier souvenu du forfait familial et qui a confessé la faute que les autres avaient manigancée ? Ruben encore. Il faut le dire bien haut, sans ces deux-là, les huit autres auraient froidement assassiné Joseph de leurs mains d'honnêtes gens.

Les Pères de l'Église ne se sont pas trompés en disant que les péchés de l'esprit sont plus graves que les péchés de la chair.

Ceux dont les oreilles ne tintent qu'à l'énoncé du mot divorce (lequel ne procède pas nécessairement d'un péché de la chair) feront bien de rouvrir leur dictionnaire et d'y lire la liste des péchés capitaux. Et s'il en résultait un sourire amusé, nous leur conseillons de relire celle de Galates 5.19.

Un serviteur de Dieu raconte qu'un jour il parla sur ce texte en commençant par cette parole : « Je vous le dis d'avance, et je le répète, ceux qui commettent de telles choses n'hériteront pas du Royaume de Dieu. »

Quelles choses ? Il lut alors lentement tout le texte en posant, après chaque définition, la question : celui qui fait cette chose, héritera-t-il du Royaume de Dieu ?

Quand il énonça la débauche, puis l'impureté, le dérèglement, l'idolâtrie, la magie, tout se passa bien. Chaque pause était ponctuée par des signes d'assentiment au message et de négation aux questions. Bien sûr que ces gens-là n'hériteront pas du ciel !

Mais au mot suivant : rivalités, il appuya sur la question et il la répéta deux fois. Croyez-vous que ceux qu'un esprit de rivalité habite hériteront du salut ? Les signes de tête s'arrêtèrent et il se fit un silence impressionnant.

Il continua : et les querelles ? Il renouvela la question. La tension montait dans la communauté.

Il poursuivit : et les jalousies ? Comme il sollicitait une réponse audible, l'atmosphère devint lourde.

Il dit encore : et les animosités et les disputes ? Il vit des mâchoires se serrer et les regards devenir fuyants.

Oui ou non, tonna-t-il, ceux qui commettent ces choses hériteront-ils de la vie éternelle ?

Il commit l'imprudence d'insister et l'erreur de les forcer à se donner une réponse.

Seul le langage du renard plaît à ceux qui aiment à se sentir caressés dans le sens du poil. Haro, bien sûr, mais sur le baudet et lui seul.

En trente ans de présence assidue à toutes les réunions de son Assemblée, un ami a reconnu n'avoir jamais entendu parler une seule fois sur la très dérangeante liste des œuvres de la chair qui vient d'être évoquée de façon si descriptive. Mais, fait significatif, si étendue que soit cette liste, on y chercherait en vain les séparés et les divorcés. Situation inquiétante que celle où l'on trouve installés aux leviers de commande de certaines Églises des gens qui n'ont pas droit au Royaume tandis qu'on la purge de ceux qui l'héritent.

On est en présence d'un cercle vicieux, comme cette affaire d'héritage où un notaire conduisit une action contraire aux lois en usage. La défense de la partie lésée adressa une lettre de protestation au président et doyen des notaires de la province concernée. La réponse ne vint jamais, et pour cause; celui qui avait contourné la loi, c'était le président lui-même !

Que des maffiosi fassent la loi dans leur milieu, passe encore. Mais qu'ils siègent au tribunal pour condamner une entreprise en faillite non frauduleuse, holà !

Mais alors, s'écriera-t-on, on ne pourra plus jamais exercer la discipline dans l'Église. Mais si, mais si ! Seulement, il faut commencer par le bon bout.

Que ceux qui condamnent le divorcé au nom d'un « je hais la répudiation » passent encore une fois en revue les sept ou huit points étudiés plus haut. Qu'ils s'en appliquent les leçons d'abord, qu'ensuite ils nettoient leur aire spirituelle des cas qui s'y trouvent. Après avoir ôté la poutre de leur œil, qu'ils ôtent la paille qui est dans l'œil du divorcé.

Que celui qui se réclame de l'autorité des paroles du Christ pour en exécuter les sentences se regarde sans complaisance dans le même miroir qui dit : « soyez parfait comme (autant que) votre Père céleste est parfait. » Qu'il élimine de sa propre vie tout ce qui n'arrive pas, de près ou de loin, à cette perfection. Qu'alors, et alors seulement, s'il s'en sent encore le courage, il en fasse autant envers ceux qui, malgré tous leurs efforts, n'ont pas fait de leur mariage cette perfection.

Et si, devant cet absolu, il ne se refuse pas quelques amendements lénifiants comme : « je tends vers ce qui est parfait » (sans toutefois jamais y arriver), qu'il ne refuse donc pas à l'autrui divorcé ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui refuse.

Et si ces comparaisons d'ordre moral peuvent paraître contestables à certains, on peut passer à la doctrine.

Que les défenseurs attitrés de la gloire de Dieu nous disent bien vite si le Dieu divorcé d'avec Israël, selon ce que nous en disent Ésaïe 50 et Jérémie 3, a toujours sa place dans son propre Royaume et s'il continue à régir l'univers visible et invisible ?

Si oui, en quoi un serviteur ou un fils de ce même Dieu, qui vivrait un divorce semblable, serait-il plus coupable que son Maître ?

Certes, il faut le dire et le redire, il y a des répudiations (séparations et divorces) que Dieu hait, et il ne faut pas hésiter à les mettre au même rang que les autres choses haïssables dont nous nous sommes entretenus.

Mais il y est d'autres répudiations, qu'elles soient subies ou volontaires comme celle de Dieu envers Israël, qui n'ont rien de condamnables. Et cela aussi, il faut le dire bien haut.

Un point, c'est tout !

Quelques jusqu'au-boutistes protesteront énergiquement : « que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni », c'est un commandement du Seigneur, un point, c'est tout !

C'est ce qu'on se tue à leur dire, mais en l'appliquant aussi à d'autres textes. « Soyez parfaits... » Un point, c'est tout !

« Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres... » (Matthieu 19.21) Un point, c'est tout !

« Si ton frère a péché et se repent, pardonne-lui. Et s'il a péché sept fois contre toi en un jour et que sept fois il revienne à toi en disant : je me repens, tu lui pardonneras », un point, c'est tout ! (Luc 17.3-4)

Et c'est à chacun de nous, s'il vous plaît, que ces discours s'adressent. Mais, pour nous dispenser d'appliquer ces ordres du Seigneur à nos vies, nous les expliquons à notre façon. Nous exaltons, parce que ça nous arrange bien, la patience infinie du Dieu contre qui nous péchons à répétition. Nous louons volontiers « la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de l'amour de Dieu. » (Éphésiens 3.18) Nous parlons d'un Sauveur qui nous « lave les pieds » des souillures de la route. Ces aménagements nous permettent d'esquiver les « un point, c'est tout » que nous distribuons si généreusement aux autres. Il est des commandements dont on ne parle jamais et que les plus rigoristes feignent ne pas connaître.

Que quelqu'un qui est notre frère, soit dans la chair soit dans le Seigneur, nous trompe, non pas sept fois en un jour ou sept fois en un an, mais trois fois en une vie, et l'on dit : « trop, c'est trop ! » Une fois, ça passe ; deux fois, c'est déjà trop ; trois fois, c'est le marteau du commissaire-priseur : adjugé, terminé.

Il y a loin pourtant entre sept fois en un jour et trois fois en une vie. Mais le divorcé, lui, aurait dû supporter son insupportable fardeau, tandis que nous avons bien garde de remuer ceux qui nous dérangent. Nonobstant l'ordre lumineux du Seigneur, nous pardonnons si mal, si peu, et parfois pas du tout. Notre porte est si fermée au pardon, même lorsque l'offense ne nous concerne qu'au second degré, que ceux qui se repentent sincèrement n'osent plus le faire devant nous sans risquer l'échafaud. Deux serviteurs de Dieu ont chacun commis l'erreur de s'humilier, sans y être forcé, devant leur congrégation respective. Tous deux crurent bien faire en s'exposant à la miséricorde de leurs frères. Les malheureux ! Ils en sortirent salis et brisés. La repentance de l'un d'eux fut même qualifiée de justification.

Un troisième eut la sagesse de s'en ouvrir à un collègue avant d'avouer un tort, qui d'ailleurs ne portait préjudice à personne. Il fut in extremis arrêté sur le chemin d'une démarche honnête qui aurait fait de lui un candidat à la potence spirituelle. Une telle humiliation devant des hommes, qui connaissent pourtant l'ordre du Seigneur, aurait détruit son ministère à tout jamais. C'est à croire que certains responsables, qui savent par cœur des versets qui se rapportent aux autres, passent leur vie à jouer à cache-cache avec ceux qui les touchent directement. Faut-il en conclure que beaucoup n'ont de conscience que pour le péché des autres, tant ils semblent vaccinés contre ce qui pourrait rappeler le leur ?

Comme Aaron et Myriam, ils blâmeront Moïse pour l'échec de sa vie conjugale ; mais qui a reçu le blâme ?

Comme Canaan, ils montreront du doigt l'exhibitionnisme accidentel de Noé ; mais qui a reçu la malédiction ?

Comme les pharisiens, ils accuseront la femme adultère ; mais qui a été repris ?

Outre le : « Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé », traité avec la désinvolture que nous venons de voir, il est un autre enseignement du Christ qui subit les mêmes outrages.

Quand le publicain Zachée reçut le Seigneur chez lui, il fit réparation des torts qu'il avait causés en restituant au-delà du préjudice occasionné. Il a fait d'instinct ce que Jésus a enseigné : « si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis viens présenter ton offrande. » (Matthieu 5.23-24)

Point n'est besoin d'avoir été à l'université pour comprendre ces paroles.

Un ami raconte qu'avant sa conversion, suite à un malentendu, il avait répondu sèchement et de façon peu courtoise à son interlocuteur. Dès qu'il se rendit compte de sa méprise, il alla présenter ses excuses, car il ne voulait pas qu'un climat de tension subsiste par sa faute. Une autre fois, il apprit qu'au cours d'une compétition sportive, dans le feu de l'action, un joueur avait lâché des paroles inconsidérées envers un membre de l'équipe adverse qu'il connaissait bien. Le lendemain, cet homme, pourtant étranger aux valeurs chrétiennes, écrivit une lettre d'excuses, faisant ainsi réparation.

Beaucoup plus tard, après sa conversion, il se trouva pris sous le feu de fausses accusations, de demi et de contrevérités, de documents signés et contresignés qui étaient autant de calomnies à son endroit. Pensant que certains avaient pu être circonvenus de bonne foi, il leur fit part verbalement de son indignation avec l'espoir que, selon l'impératif du Seigneur, ils viendraient s'en expliquer. Bernique ! Les mois passèrent sans que rien ne vienne rompre le silence de l'indifférence. Quand il exposa ses griefs par écrit pour en débattre, ce fut pour s'entendre signifier une fin de non-recevoir.

La marche à suivre était pourtant simple. En plus, l'occasion de s'expliquer leur était comme servie sur un plateau puisque, au lieu de prendre eux-mêmes l'initiative comme cela est écrit, c'est la partie lésée qui faisait les premiers pas.

En fait, trop lâches et trop orgueilleux pour s'engager dans un débat qui ne pouvait les amener qu'à faire une réparation d'honneur, ils préférèrent taper un grand coup de pied dans les Écritures.

Il reste hélas vrai que pour beaucoup la Bible n'est d'inspiration plénière et ne fait autorité que là où elle ne dérange pas la fausse sécurité religieuse dans laquelle ils se sont confortablement installés. Certains païens ne descendent pas si bas.

Les rationalistes ont sur ces gens une honnêteté d'avance, celle de rejeter les textes auxquels ils ne croient pas, tandis qu'eux les écartent tout en affectant d'y croire. Les pharisiens étaient passés maîtres dans l'art d'être à double face.

Mais le comble de l'impudence, c'est que ces gens qui d'une part foulent aux pieds des règles d'observance facile auxquelles ils n'ont nulle envie de se plier, d'autre part chargent d'innocents conjoints divorcés de l'impossible fardeau de rattraper un échec conjugal qu'ils savent irrattrapable. Cela ne rappelle que trop la cinglante réponse de Jésus-Christ : « Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse... ils disent et ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants et ils les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. » (Matthieu 23.2-4) Leur ponctuation favorite pour les divorcés est toujours le point final. Mais, pour leurs propres lacunes, ce n'est jamais que le point... à la ligne !

— Halte au persiflage ! Protesteront certains. L'auteur se croit-il au casse-pipes pour se livrer à ce jeu de massacre? Ne ressemble-t-il pas aux chiens de l'Évangile qui, chez le pauvre Lazare, n'ont rien vu d'autre que des ulcères à lécher ? Il semble en effet poser un regard de fauve ou de charognard sur les très innocentes victimes héritières du péché originel. Tout bien pesé, être cupide, ou parjure, ou calomniateur, ou inverti, ou rapporteur, ou faux prophète, ou querelleur, ou envieux, etc., est-ce si grave après tout? Evoquer ces « travers », n'est-ce pas se faire l'émule de Satan qui est l'accusateur des frères ? (Apocalypse 12.10) Ne sont-ce pas ceux au contraire qui couvrent ces choses d'un manteau de miséricorde, quitte à glisser sur tel ou tel aspect des enseignements du Christ, qui font preuve de tolérance et de charité chrétienne ? Fallait-il à ce point relever et stigmatiser les faiblesses humaines ? N'est-il pas écrit du souverain sacrificateur d'Israël, en Hébreux 5.2-3 : « Il (Aaron) peut avoir de la compréhension pour les ignorants et les égarés, puisque la faiblesse est aussi son partage. Et c'est à cause de cette faiblesse qu'il (Aaron) doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés, comme pour ceux du peuple ? » Nous y voilà enfin !

Aujourd'hui encore, il reste des Aarons qui se dressent contre leurs vrais frères que sont les nouveaux Moïses divorcés ou remariés. Or, ils ont aussi leurs propres « faiblesses » ou péchés précités. Ils s'en excusent ou s'en protègent en se prévalant du grand sacrifice de la Croix. On ne voit dès lors pas pourquoi les Moïses divorcés de la nouvelle alliance, qui se réfugient dans les mêmes valeurs rédemptrices, seraient plus qu'eux écartés des privilèges, tâches, services, charismes ou ministères auxquels Dieu les a appelés, surtout quand on sait que les dons et les appels de Dieu sont sans repentance. (Romains 11.29)

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant