La Bible, Parole de Dieu, est le livre des positions nettes et tranchées.
Celui qui lit les Écritures et laisse ses pensées se former par elles, sait que le Livre saint est ennemi des compromis, des attitudes équivoques, des cœurs hésitants et partagés.
Tout lecteur se laissant critiquer par le Texte entend sans cesse résonner aux oreilles de son cœur ses expressions catégoriques: "Vie ou mort"... "Bonheur ou malheur"... "Bénédiction ou malédiction"... "Vérité ou mensonge"... "Lumière ou ténèbres"... "Justice ou iniquité"... "Sainteté ou souillure"... "Bouillant ou froid"... "Amour ou haine"... "Dieu ou Mammon"... "Christ ou Bélial"... "Esprit ou chair"...
L’esprit du "monde", au contraire, la sagesse des hommes ne cessent de proclamer qu’il existe un juste milieu, un moyen terme, une possibilité d’unir ces contraires, qu’il est impossible de suivre à la lettre les exhortations de la Parole sans tomber dans le fanatisme religieux...
Ce monde est pour le mélange, pour l’union, et le résultat de ce soi-disant équilibre, c’est la confusion.
Au sein de ce chaos d’idées, de ces opinions embrouillées, Dieu pourtant parle toujours, et notre âme s’humiliant sous Sa main puissante Le supplie d’atteindre par ce message les cœurs et les consciences de ceux qui ont encore "des oreilles pour entendre". Dieu seul peut éclairer Ses créatures et leur donner ce que la parole humaine est impuissante à produire: "La joie très pure de la vérité divine entrevue", comme disait saint Augustin.
Et parce que nous devrons dans les derniers chapitres exposer des doctrines très profondes et une réflexion devenue de plus en plus étrangère à nos contemporains, nous éprouvons le besoin de faire nôtre l’essentiel de la prière de l’auteur de "l’Imitation de Jésus-Christ". Après avoir rappelé la demande des enfants d’Israël à Moïse: "Parle-nous et nous t’écouterons, mais que le Seigneur ne nous parle point, de peur que nous ne mourrions", il s’écrie:
"Ce n’est pas là Seigneur, ce n’est pas là ma prière; mais au contraire je vous implore, comme le prophète Samuel, avec un humble désir, disant: Parlez, Seigneur mon Dieu, vous la lumière de tous les prophètes, et l’Esprit qui les inspirait.., sans vous, ils ne pourraient rien".
Ils peuvent prononcer des paroles, mais non les rendre efficaces.
Leur langage est sublime; mais si vous vous taisez, il n’échauffe point le cœur.
Ils exposent la lettre, mais vous en découvrez le sens.
Ils proposent les mystères; mais vous rompez le sceau qui en dérobait l’intelligence.
Ils publient vos commandements, mais vous aidez à les accomplir.
Ils montrent la voie, mais vous nous donnez des forces pour y marcher.
Ils n’agissent qu’au dehors, mais vous éclairez et Instruisez les cœurs.
Ils arrosent extérieurement, mais vous donnez la fécondité.
Leurs paroles frappent l’oreille; mais vous ouvrez l’intelligence...
Seigneur, mon Dieu, éternelle vérité! Parlez-moi, de peur que je ne meure et que je n’écoute sans fruit, si averti seulement au dehors, je ne suis point intérieurement embrasé; de peur que je ne trouve ma condamnation dans votre Parole, entendue sans être accomplie, connue sans être aimée, crue sans être observée.
Parlez-moi donc, Seigneur, parce que votre serviteur écoute: Vous avez les paroles de la vie éternelle !`
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Dieu a parlé. Dieu parle encore. Nous le savons. Nous le croyons de tout notre cœur car, dans un temps comme le nôtre, seule cette Parole nous fait vivre.
Pourtant, étrange paradoxe, plus que jamais nous sentons notre incapacité à parler de Dieu. Comme plusieurs auteurs l’ont souvent souligné, "dès que l’homme parle de Dieu, il lui arrive de découvrir avec effroi qu’il parle d’autre chose que de Dieu".
Si la Parole de Dieu était vraiment sur nos lèvres, notre interlocuteur aurait la vraie réponse, celle qui correspond à sa question ou au seul problème réel qui tourmente l’homme moderne et qu’il n’a pas osé ou voulu nous poser ouvertement.
Cependant, nous avons un témoignage oral ou écrit à rendre à la vérité centrale de la Parole de Dieu.
"Prêcher, disait en substance Karl Barth, c’est être le messager chargé de faire entendre la Bonne Nouvelle, c’est être la voix qui transmet la parole libératrice, la Parole que Dieu seul peut prononcer, Parole qui n’est autre que Dieu lui-même devenu homme en Jésus-Christ. Les idées et les particularités du prédicateur n’ont aucun intérêt. Si Dieu n’utilise sa parole comme véhicule de la Sienne, tout est vain et stérile. La prédication est donc l’attente et le risque sans cesse repris de ce miracle par lequel aujourd’hui Dieu parle aux hommes de notre temps, de tous les temps, depuis le jour où Il appela Abraham à partir pour la terre promise".
(Portrait de K. Barth, P. 77-78)
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Aujourd’hui comme hier, un authentique homme de Dieu ne peut prêcher que sous la croix. Il ne se croit pas déjà au but et ne prétend pas avoir atteint la perfection.
C’est dans une grande détresse intérieure qu’il s’adresse au cœur et à la conscience de ses frères. Il se sent lui-même interpellé par Dieu et se voit aux côtés de tous ceux qui s’interrogent au sein d’une salutaire angoisse.
Il ne pense être dans la vérité parce qu’il est "intégriste" ou "progressiste" ou encore parce qu’il ferait partie d’une communauté évangélique dans laquelle il a été baptisé et où il communie une ou plusieurs fois par mois.
Il ne se réjouit pas du trouble qui agite les grandes dénominations religieuses et ne se permet pas de triompher au nom de la Bible en constatant le désarroi qui s’empare de beaucoup d’âmes. Il demande à Dieu d’éclairer tous les hommes et n’aspire plus qu’à servir ses frères.
S’il doit dénoncer le péché et les infidélités de tout ce qui porte le nom de chrétien, il le fait en se frappant lui-même la poitrine, prêt à reconnaître sa propre responsabilité dans la situation lamentable de la chrétienté.
Parce qu’il connaît la plaie secrète de son cœur et les misères de sa communauté, il est assez honnête pour ne pas affirmer que tout va bien pour lui ou qu’aucun problème ne se pose dans son milieu spirituel. L’Église primitive avait déjà ses luttes et les apôtres leurs perplexités.
Toute attitude humble et ouverte permet à Dieu d’intervenir. Alors un véritable miracle se produit. L’infinie bonté de Dieu nous est à nouveau révélée. La certitude de sa justice s’empare de notre cœur. La rémission des péchés, la résurrection d’entre les morts, la vie éternelle, en un mot toutes les vérités essentielles du christianisme acquièrent une nouvelle fraîcheur. Ce ne sont plus de simples articles de foi d’un Credo orthodoxe, des doctrines figées par les siècles, ni des mots abstraits et incompréhensibles pour l’homme moderne. Dieu a une réponse pour quiconque s’interroge. Et cette réponse est dans Son Fils unique, dans le pardon qu’Il nous accorde en Lui, dans cette grâce et cette vérité qui vinrent par Jésus-Christ.
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Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment, des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, des choses qui ne sont pas montées au cœur de l'homme. (1 Corinthiens 2.9)
Ces trésors cachés, ces richesses enfouies, cette sagesse et cette science ineffables ne sont dévoilés qu’à ceux qui acceptent de descendre de leur piédestal religieux ou mondain, pour suivre l’Esprit-Saint dans la nuit, le silence et la solitude des profondeurs de Dieu.
Graduellement, les yeux trop longtemps éblouis par les clartés artificielles d’un monde sans vraie lumière s’habituent à l’obscurité divine. Ils découvrent soudainement des valeurs éternelles et inconnues de ceux qui courent après les vanités mensongères d’un jour.
Loin des bruits assourdissants de la terre, l’oreille perçoit à son tour un son doux et subtil. Ce n’est encore qu’un murmure, mais bientôt des mots deviennent audibles et la Parole de Dieu, vivante et permanente, s’entend clairement. Pas besoin de l’actualiser puisqu’elle est la Parole éternelle de Celui qui est "le même, hier, aujourd’hui et demain". Divine lumière, lampe prophétique, c’est elle qui éclaire l’actualité.
Au fond de notre cœur le Saint-Esprit nous rappelle des promesses admirables. Elles suffisent à nous faire vivre et travailler dans la certitude que Celui qui a promis est puissant pour accomplir. Oui, ces promesses sont pour nous et nos frères. A nous de nous en emparer par la foi. Leur accomplissement n’est pas notre affaire, mais celle de Dieu. D’avance nous acceptons que Son heure soit notre heure. Nouvellement éclairée, notre conscience sait aussi que le jugement de Dieu sera inexorable. Là encore, c’est Lui et Lui seul qui rendra à chacun selon ses œuvres. Et cela est vrai pour tous les hommes, quelles que soient leurs croyances ou leur incrédulité, car devant Dieu il n’y a pas "d’acception de personnes".
Dans les profondeurs de Dieu où nous conduit le Saint-Esprit, la solitude du cœur prend fin. Une compagnie immense de rachetés nous entoure sans nous presser. Ce sont tous ceux qui, autrefois loin de Dieu, sont rentrés en eux-mêmes, ont retrouvé leur Père et vivent de son divin pardon. C’est avec eux que nous connaissons la véritable communion des saints, loin des amitiés chamelles et des fraternités artificielles.
C’est là que coule la source pure du véritable esprit œcuménique qui n’est ni romain, ni orthodoxe, ni protestante mais unique, eschatologique et messianique.
Puissions-nous vivre toujours davantage l’expérience œcuménique dans l’Unité du Corps du Christ. Et si dans cette longue marche, nous devions rencontrer encore beaucoup d’obstacles et traverser des vallées bien sombres, que tous nous fassions nôtre la parole du Psalmiste: "Si je dis : Au moins les ténèbres m’envelopperont, alors la nuit est lumière autour de moi. Les ténèbres ne sont pas obscures pour me cacher à toi et la nuit resplendit comme le jour, l’obscurité est comme la lumière. (Psaume 139.11-12)