Les agrégés (fellows) étaient tenus, en vertu de leur titre, de prêcher, à tour de rôle, devant les représentants de l’Université d’Oxford, dans l’église de Sainte-Marie. Le tour de John Wesley revenait le 11 juin 1738, une quinzaine de jours après ce 24 mai, qui, quoi qu’il arrivât, marquait une date importante dans son histoire religieuse. Il eût pu considérer ce discours comme une tâche académique et choisir un sujet qui eût fait valoir les talents du prédicateur, sans déplaire à personne. Une telle attitude lui eût paru lâche. Son sermon fut un exposé calme et fidèle de la doctrine du salut par la foi, sur ce texte : « Vous êtes sauvés par grâce, par la foi » (Éphésiens 2.8). Ce sermon eut l’importance d’un manifeste. Prononcé l’avant-veille du jour où Wesley s’embarqua à Gravesend, pour visiter les établissements moraves en Hollande et en Allemagne, il fut publié en une brochure de 23 pages, par James Hutton, et l’on en connaît une dizaine d’éditions, dont une en français, « imprimée à Londres en 1759, par Strahan. » [Cette traduction fut probablement faite par La Fléchère qui en cette même année 1759, publia en français, à Londres, un Discours sur la Régénération (in-12, 48 pages), qui a été republié à Genève, en 1823 (chez Mme Suzanne Guers).]
Quand Wesley publia un premier recueil de ses sermons (en 1746), il plaça en tête ce sermon sur le Salut par la Foi, auquel il attribua ainsi une importance majeure. Nous croyons répondre à sa pensée en donnant ici un résumé de ce discours qui fut le manifeste et le programme du Réveil. Le prédicateur y examine d’abord ce qu’est la foi par laquelle nous sommes sauvés, et il la définit avec cette netteté qui caractérisera désormais son enseignement : « Elle n’est pas seulement un assentiment donné à tout l’Évangile de Christ, mais aussi un plein repos sur le sang de Christ ; une confiance dans les mérites de sa vie, de sa mort et de sa résurrection ; un recours à lui comme à notre propitiation et notre vie, comme à Celui qui s’est donné pour nous et qui vit en nous. » Puis il établit quel est le salut que nous obtient la foi : c’est un salut présent, qui nous sauve du péché, de la culpabilité qu’il entraîne, de la crainte qu’il produit et aussi de sa puissance. Dès lors, Wesley proclame la délivrance à l’égard du péché comme le grand privilège du croyant.
Dans sa dernière partie, le prédicateur répond aux objections que l’on élève contre la doctrine du salut par la foi. A ceux qui lui reprochent de n’être pas consolante, il répond :
« C’est, au contraire, la seule doctrine qui apporte la consolation aux pécheurs, exposés à la destruction et à la condamnation. Quiconque croit en lui ne sera pas confus ; le Seigneur est riche envers tous ceux qui l’invoquent ; — voilà une consolation aussi élevée que les cieux et plus forte que la mort ! Quoi ! Miséricorde pour tous ! pour Zachée, le voleur des deniers publics ? pour Madeleine, la femme de mauvaise vie ? Il me semble entendre quelqu’un dire : Mais alors, moi aussi, je puis espérer de trouver grâce ! — Oui, tu le peux, ô affligé que personne n’a consolé ! Dieu ne repoussera pas ta prière. Qui sait, il va peut-être te dire tout à l’heure : Prends courage ! tes péchés sont pardonnés… Oh ! bonnes nouvelles, nouvelles d’une grande joie qui est pour tout le peuple ! O vous tous qui êtes altérés, venez aux eaux ; venez, achetez sans argent et sans aucun prix. »
Avec quelle puissance, en terminant son discours, Wesley presse ses auditeurs, qui étaient l’élite de l’Angleterre lettrée, d’en revenir à la doctrine vitale du Christianisme !
« Jamais, s’écrie-t-il, il ne fut plus nécessaire qu’aujourd’hui de maintenir cette doctrine ; seule elle peut efficacement arrêter l’envahissement chez nous des erreurs de Rome. Attaquer une à une toutes les erreurs de cette Église, cela n’en finirait pas, mais le salut par la foi les frappe à la racine, et elles tombent toutes ensemble quand cette doctrine est établie. Ce fut cette doctrine, que l’Église anglicane appelle avec raison le roc solide et le fondement de la religion chrétienne, qui chassa le papisme de ce pays, et elle seule l’en tiendra éloigné. Nulle autre non plus n’arrêtera ce fleuve d’immoralité qui a inondé notre pays…
L’Adversaire rugit toutes les fois qu’on annonce au monde le salut par la foi ; il remua la terre et l’enfer, pour faire périr ceux qui le prêchèrent les premiers. Il savait que la foi peut seule renverser les bases de son royaume, et c’est pour cela qu’il réunit toutes ses forces et mit en jeu tous ses artifices de mensonge et de calomnie, pour effrayer Martin Luther et l’empêcher de faire revivre cette doctrine.
Et il ne faut pas s’en étonner, car ainsi que le remarque cet homme de Dieu : un homme orgueilleux, fort et bien armé, ne serait-il pas transporté de rage, si un petit enfant venait le défier, un roseau à la main ? Surtout s’il savait que ce petit enfant est sûr de le terrasser et de le fouler à ses pieds ? Oui, Seigneur Jésus, c’est ainsi que ta force s’est toujours accomplie dans la faiblesse. — Va donc, petit enfant, qui crois en lui, et sa droite t’apprendra des choses merveilleuses ! Quoique tu sois sans force, et faible comme un nouveau-né, l’homme fort ne pourra pas prévaloir contre toi. Tu auras le dessus, tu le dompteras, et tu le fouleras à tes pieds. Tu vas marcher en avant, sous la conduite du grand Capitaine de ton salut, en vainqueur et pour remporter la victoire, jusqu’à ce que tous les ennemis soient détruits et que la mort soit engloutie dans la victoire. Or, grâces à Dieu qui nous a donné la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui, comme au Père et au Saint-Esprit, soient louange, gloire, sagesse, reconnaissance, honneur, pouvoir et force, aux siècles des siècles ! »