Le repos éternel des Saints

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Avantages du repos des Saints

Approchons-nous un peu et voyons quels avantages nous procure encore le repos des saints. Que le Seigneur veuille nous cacher dans le creux des rochers pendant que nous approchons pour nous livrer à cette contemplation ! — Les avantages de ce repos sont d’être une possession acquise, un don gratuit ; d’être particulier aux saints ; d’être une association avec les saints et les anges ; de dériver immédiatement toutes ses joies de Dieu ; enfin d’être un repos parfait et éternel.

1°. C’est un honneur extrêmement remarquable pour le repos des saints d’être appelé la possession acquise (Éphésiens 1.14), c’est-à-dire le prix du sang du fils de Dieu. Il n’y a point de plus grande marque d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ; et de quelle joie perpétuelle ne serons-nous pas remplis lorsque nous aurons sans cesse devant les yeux Jésus-Christ notre Rédempteur, et dans nos âmes le sentiment profond de cet amour qui a souffert la mort pour nous ! Avec quelles ravissantes émotions les saints contempleront-ils éternellement leur bienheureux rédempteur, à la fois l’acquéreur, le prix et la possession acquise ! La vue de ses plaies d’amour ne rouvrira pas nos plaies de chagrin. Celui qui aussitôt après sa résurrection adressa à une pauvre pécheresse ces consolantes paroles : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » sait faire naître la joie et l’amour sans le plus léger mélange de douleur.

2°. Un autre fleuron de la couronne des saints, c’est qu’elle est un don gratuit. Il a coûté cher à Christ ; mais il est gratuit pour nous. Nous l’acquérons en nous bornant à le recevoir ; nous le possédons gratuitement sans argent et sans prix. Oh ! quelle éternelle admiration doit pénétrer les saints à la pensée de cette gratuité ! Qu’est-ce que le Seigneur a vu en moi pour me juger digne d’un tel sort ? pour me revêtir moi, pauvre misérable, d’une gloire aussi brillante ? pour m’élever à cette haute dignité, moi ver de terre ? pour inonder mon cœur de joie, moi qui naguère gémissais, pleurais et mourais ? Qui peut sonder cet amour infini ?

Que ce repos fût gratuit et indépendant de notre mérite, ce serait déjà un sujet d’étonnement ; mais il nous est accordé en dépit de nos mérites, en dépit des efforts que nous faisons pour notre propre ruine. De quel étonnement serons-nous saisis en songeant à la différence immense qu’il y a entre ce que nous méritons et ce que nous recevons ! entre l’état où nous aurions dû être et celui où nous sommes ! quel amour fera naître en nous cette pensée : voilà le lieu où le péché m’aurait amené, et voici celui où Christ m’a conduit ! Là est la mort, le salaire de mon péché ; mais ici est la vie éternelle, le don de Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur.

3°. Ce repos est particulier aux saints, n’appartient qu’à eux entre tous les fils des hommes, et cependant est commun à tous les saints. C’est une association des esprits bienheureux, des saints et des anges, dont Jésus-Christ est le chef : c’est la communion des saints dans toute sa plénitude. Si l’espérance d’être assis avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume de Dieu peut être pour nous le sujet d’une joie légitime, à plus forte raison la jouissance et la possession assurée de ce bonheur nous combleront-elles de joie. Nous unir à Moïse, à David et à tous les rachetés en chantant éternellement le cantique de l’Agneau ; voir Enoch marcher avec Dieu ; Noé possédant la récompense de sa piété singulière ; Joseph, celle de son intégrité ; Job, celle de sa patience, et tous les saints le prix de leur foi. Non seulement nous retrouverons là nos anciennes connaissances, mais encore les saints de tous les temps que nous n’avons jamais connus dans la chair ; nous les connaîtrons, nous jouirons de leur présence. Oui, les anges aussi bien que les saints seront nos amis. Ceux qui se sont réjouis dans le ciel (Luc 15.7, 10) de notre conversion, se réjouiront avec nous de notre glorification.

4°. Un autre avantage du repos des saints, c’est que nous recevrons toutes nos joies, immédiatement de Dieu. Le chrétien sait maintenant par expérience que les joies les plus immédiates sont aussi les plus douces ; celles qui tiennent le moins de l’homme et qui lui viennent le plus directement de l’Esprit. Les chrétiens qui se livrent le plus à la prière et à la contemplation, sont ceux chez qui on retrouve le plus de vie et de joie, parce qu’ils reçoivent tout plus immédiatement de Dieu lui-même. Ce n’est pas que nous devions pour cela négliger la prédication, la lecture ou tout autre moyen de grâce institué de Dieu ; mais tout en faisant usage de ces moyens, un chrétien doit se mettre au-dessus d’eux. Il y a certainement de la joie dans ces imparfaites communications, mais la plénitude de la joie est dans la présence immédiate de Dieu. Nous aurons alors de la clarté sans flambeau, et un jour perpétuel sans soleil. « Car la ville n’a besoin ni de soleil ni de lune pour l’éclairer : la gloire de Dieu l’éclaire et l’Agneau est son flambeau. — Il n’y aura point de nuit, et ils n’auront point besoin de lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera, et ils régneront aux siècles des siècles (Apocalypse 21.23 ; 22.5). »

5°. Ce repos sera parfait. Notre joie sera sans mélange de tristesse. Dans ce port, nous serons à l’abri des vagues qui nous ballottent ici-bas. Nous serons délivrés de tous nos maux, tant du péché que de la douleur. Le ciel n’exclut rien plus expressément que le péché, soit en paroles soit en principes. « Il n’y entrera rien de souillé, ni personne qui s’adonne à l’abomination et au mensonge (Apocalypse 21.27). Pourquoi Christ serait-il mort si le ciel avait pu être le séjour des âmes imparfaites ? Or le Fils de Dieu a paru pour « détruire les œuvres du Diable (1 Jean 3.8). » Son sang et son Esprit ne doivent pas avoir pour dernier résultat de nous laisser avec nos souillures. Chrétien, dans le ciel tu ne pécheras plus : n’est-ce pas une bonne nouvelle pour toi qui as si longtemps prié et veillé pour te garantir du péché ? tes vœux sont accomplis ; tu laisseras pour toujours loin de toi ce cœur endurci, ces pensées abjectes qui te poursuivaient dans l’accomplissement de presque tous tes devoirs.

Là, nous serons en sûreté contre toutes les tentations de Satan. Quel chagrin pour un chrétien, quoiqu’il ne cède pas aux tentations, d’être sans cesse sollicité à renier son Seigneur ! Quel tourment de voir son âme exposée à de si horribles sollicitations ! son imagination obsédée par des pensées aussi impies ! de douter quelquefois de la bonté de Dieu, de rabaisser le sacrifice de Jésus-Christ, de soupçonner la vérité des Écritures, de murmurer contre la Providence ! Quel chagrin d’être sollicité à revenir aux choses du monde, à jouer avec les amorces du péché, à se permettre les plaisirs de la chair, et quelquefois même à nier Dieu ! Quelle douleur d’être exposé à ces tentations, surtout quand nous connaissons la fausseté de nos cœurs, quand nous savons combien ils sont prêts à s’enflammer au contact d’une seule de ces étincelles ! Satan a le pouvoir de nous tenter ici dans le désert ; mais il n’entre point dans la cité sainte : il peut nous transporter au sommet de la montagne la plus élevée du monde, mais il ne peut gravir le mont de Sion.

Toutes les tentations du monde et de la chair cesseront aussi. Oh ! de quels dangers ne sommes-nous pas continuellement entourés ! Tous nos sens, tous nos membres, toutes les créatures sont autant de pièges pour nous. Nous pouvons à peine ouvrir les yeux sans courir le risque d’envier nos supérieurs ou de mépriser nos inférieurs, de convoiter les richesses et les honneurs de quelques-uns, de regarder avec orgueil et dureté les haillons et la misère des autres. La beauté nous excite à la convoitise, la laideur au dédain et au dégoût. Avec quelle promptitude s’insinuent dans notre cœur les bruits calomnieux, les vaines railleries et les discours frivoles ! Quelle vigilance continuelle et active n’exigent point nos appétits ! Possédons-nous la grâce et la beauté ? quel aliment pour l’orgueil ! Sommes-nous doués d’une raison forte et des dons de la science ? combien nous sommes disposés à nous enorgueillir, à rechercher les applaudissements et à mépriser nos frères ! Sommes-nous élevés en autorité ? quelle tentation n’éprouvons-nous pas d’abuser de notre pouvoir, de faire notre loi de notre volonté ! Sommes-nous dans un rang inférieur ? comme nous sommes enclins à envier la supériorité des autres, à citer leurs actions au tribunal de notre jugement ! Sommes-nous riches ? quel orgueil ! Sommes-nous pauvres ? quelle tentation au mécontentement ! Ne sommes-nous pas paresseux à remplir nos devoirs, ou ne les mettons-nous pas à la place de notre Sauveur ? — Ce n’est pas Dieu qui a fait de tout cela autant de pièges pour nous, c’est notre propre corruption ; et nous sommes nous-mêmes notre plus dangereux piège. C’est là notre consolation, que nous serons à l’abri de toutes ces tentations. Dans le ciel toutes choses se joindront à nous pour célébrer les louanges de notre grand libérateur.

Nous nous reposerons aussi de toutes nos souffrances. Cela paraît peu de chose à ceux qui vivent dans l’aisance et dans la prospérité ; mais pour l’âme toujours affligée, cette espérance rend délicieuses les pensées du ciel. O mon âme ! supporte les infirmités de ton tabernacle terrestre : elles n’ont plus qu’un peu de temps à durer ; le bruit des pas de ton Rédempteur se fait entendre à la porte.

6°. Le dernier fleuron de notre couronne est la durée éternelle de ce repos ; sans cela le reste ne serait rien. La seule pensée qu’il devrait cesser empoisonnerait toutes nos jouissances. Mais, ô bienheureuse éternité, où de telles pensées n’attristeront plus notre vie, où de telles craintes n’interrompront plus nos joies ! O mon âme ! abandonne tous les rêves de félicité présente, quitte la terre, renonce à la chair ; médite souvent, médite profondément ce seul mot Éternité. Quoi ? vivre et ne jamais mourir ! se réjouir, se réjouir sans cesse ! Heureux les condamnés au supplice de l’enfer, s’ils pouvaient y échapper après des millions de siècles ! Malheureux les saints dans le ciel, s’ils en étaient dépossédés après la durée d’un million de mondes !

Éternel ! que le pécheur médite ce mot, et il le réveillera de son sommeil de mort : que l’âme pieuse le médite, et il la ranimera au milieu de sa plus profonde agonie.

Ainsi, j’ai tâché de te faire entrevoir la gloire à venir ; mais combien mes expressions sont au-dessous de son excellence ! Lecteur, si tu es un croyant humble et sincère, si tu hâtes par tes vœux et par tes efforts l’instant de ce repos, tu sentiras bientôt la vérité de toutes ces choses, et tu reconnaîtras que tout ce que je viens de te dire est bien au-dessous de la réalité. Cependant que ce que tu as vu enflamme tes désirs et active tes efforts. Lève-toi, et mets-toi à l’œuvre : cours, lutte, combats, poursuis sans cesse ; car devant toi est un prix, assuré et glorieux. Dieu ne se jouera pas de toi, ne t’en joue pas toi-même ; ne trahis pas ton âme par ton hésitation, et tout est à toi. — Quels hommes seraient les Chrétiens dans leur vie et dans l’accomplissement de leurs devoirs, s’ils avaient toujours cette gloire présente à leur pensée ! Dans quelle disposition seraient leurs esprits si leurs espérances du ciel étaient vives et pleines de foi ! Leurs cœurs seraient-ils aussi engourdis ? chercheraient-ils leurs consolations sur la terre ? — Veuille le Seigneur guérir nos cœurs charnels, de peur que notre incrédulité ne nous exclue de ce divin repos.

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