Souviens-toi de Jésus-Christ (2 Timothée 2.8)
Peu avant de quitter les disciples troublés par l’annonce de son départ, Jésus juge bon de les rassurer par une promesse valable pour tout enfant de Dieu :
« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père… Je vais vous préparer une place. Et lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi »… (Jean 14.1-2).
Quel chrétien ne pense à la demeure céleste qui l’attend dans l’au-delà, mais qu’espère-t-il au juste ? Est-ce un paradis extraordinaire où tout ne sera que beauté, perfection et pureté ? Sans aucun doute. il suffit de lire l’avant-dernier chapitre de la Bible pour avoir une idée – oh ! très faible idée ! – de la cité merveilleuse que les élus habiteront dans la présence de Dieu.
Mais n’est-ce que cela ? Certes, une fiancée ne peut que se réjouir à la pensée d’occuper bientôt le bel appartement que son futur époux s’est acquis en vue de leur vie commune. Cependant, que vaudrait l’appartement le plus luxueux si l’époux en était absent, si le mariage n’avait pas lieu… ? Le chrétien attend infiniment plus qu’un lieu de délices. « La place » que Jésus est allé préparer pour ses disciples dans le ciel sera sans aucun doute un lieu merveilleux ; il n’empêche que c’est la présence du divin Epoux qui en fera tout l’attrait et toute la gloire, Lui qui a promis à ses disciples : « Je vous prendrai avec moi afin que là où je suis vous y soyez aussi ». L’espérance du chrétien c’est la Personne du Seigneur, c’est essentiellement son union parfaite, intime et de tous les instants avec l’auteur de « son grand salut ». Voir Jésus et demeurer éternellement dans sa présence, quelle perspective ! Le croyant devrait y penser sans cesse. A preuve, la dernière prière de la Bible : « Viens Seigneur Jésus ! ». C’est le cri des rachetés impatients de le voir paraître. Auprès de lui, ce sera la fin des souffrances, et surtout du péché, car « nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3.2).
Réfléchissez : Est-ce bien le Christ qui est votre espérance (1 Timothée 1.1) ? Ou serait-ce la seule pensée d’aller habiter dans un paradis merveilleux où règnera éternellement l’abondance et la joie ? L’attendez-vous vraiment, Lui ? Vous tarde-t-il de l’accueillir comme l’accueillerait une épouse aimante qui attend le retour d’un mari absent, parti au loin depuis longtemps pour une mission importante ?
♦
♦ ♦
Pour savoir si notre attachement pour le Maître est bien réel, considérons ce que le Seigneur pense des chrétiens d’Ephèse, quelque 40 ans après la fondation de cette belle église :
« Écris à l’ange de l’Église d’Éphèse : Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, celui qui marche au milieu des sept chandeliers d’or : Je connais tes œuvres, ton travail, et ta persévérance. Je sais que tu ne peux supporter les méchants ; que tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et qui ne le sont pas, et que tu les as trouvés menteurs ; que tu as de la persévérance, que tu as souffert à cause de mon nom, et que tu ne t’es point lassé. Mais ce que j’ai contre toi, c’est que tu as abandonné ton premier amour. Souviens-toi donc d’où tu es tombé, repens-toi, et pratique tes premières œuvres » (Apocalypse 2.1-5).
Avouons ici que le verdict du Christ concernant cette Eglise nous paraît bien sévère, démesuré pour ne pas dire injuste. Aujourd’hui, nous qualifierions volontiers cette communauté de vivante, d’église modèle. Qui ne serait heureux d’en fréquenter une semblable ? Les chrétiens d’Ephèse ne donnent-ils pas la preuve qu’ils sont profondément attachés à leur Maître ? D’ailleurs, le Christ lui-même semble en convenir, Lui qui relève le zèle et le dévouement des membres de cette Eglise (je connais tes œuvres), le discernement et l’autorité de ses responsables (tu ne peux supporter ceux qui sèment l’erreur) et par-dessus tout l’endurance de ceux qui la composent : persécutés « à cause du nom de Jésus », ces chrétiens tiennent bon et restent fidèles à leur Seigneur. Que demander de plus ? Notons une remarque qui n’est pas sans valeur et semble confirmer ce qui précède : le Christ ne reproche à ces chrétiens aucun égarement, aucune déviation doctrinale, aucun péché précis, sinon… la perte « du premier amour » à son égard, une défaillance en apparence bénigne et qui passe généralement inaperçue.
Cette Eglise, irréprochable à nos yeux, peut être comparée à une épouse toujours fidèle et dévouée à son foyer — donc rien à redire de ce côté-là — mais qui, par négligence ou peut-être submergée par d’excellentes activités, oublie de donner du temps à son mari et de lui exprimer sa tendresse ; elle ne témoigne plus l’affection qu’elle portait à son conjoint au début de leur mariage, et c’est là sa faute. Certes, elle se dépense pour lui mais par devoir, non par amour.
Le reproche relevé au v. 4 nous instruit : « Tu as abandonné ton premier amour ». Donc, l’amour ne se perd pas : on l’abandonne. Autrement dit, le mari ou la femme, dans le couple, est bel et bien responsable de moins aimer son conjoint et le chrétien, plus encore, est coupable de délaisser son Seigneur, le divin époux. C’est un péché rarement confessé. Le croyant est d’autant moins conscient de l’avoir commis qu’il se montre actif dans l’Eglise, et zélé pour la propagation de l’Evangile ou le « service des tables ».
En vérité, à Ephèse le Christ n’est pas « en tout le premier » dans le cœur de ses disciples (Colossiens 1.18). On s’est donné à fond à la communauté, aux bonnes œuvres, aux nouveaux convertis — autant d’excellentes choses qu’il faut poursuivre — mais on oublie, en la reléguant à l’arrière plan, la Personne de Celui qu’on prétend servir. Trop occupés à travailler pour lui (du moins le croit-on), les membres de l’Eglise n’ont plus de temps à Lui consacrer. Plus de temps pour se ressourcer en Sa compagnie, pour dialoguer avec le Père, sinon à la sauvette ! Plus de temps pour Lui manifester de l’amour en se tenant devant lui, dans une confiance sereine. Plus de temps pour cultiver la vie intérieure et être rendus capables de le servir réellement. Plus de temps pour connaître Sa volonté et lui obéir. Jadis, les chrétiens d’Ephèse s’étaient livrés avec enthousiasme à la personne du Maître. Hélas ! Maintenant, ce glorieux Sauveur est en passe de devenir semblable à tel ami de jeunesse qu’on a beaucoup aimé mais qui, avec le temps et la séparation, est devenu un copain lointain dont on peut encore citer le nom, mais sans éprouver pour autant le besoin de « renouer » avec lui et de se réjouir auprès de lui. Dans sa lettre adressée aux chrétiens d’Ephèse quelque trente ans plus tôt, l’apôtre Paul semblait prévoir ce déclin puisqu’il jugeait utile de les engager à « aimer Jésus d’un amour inaltérable » (Ephésiens 6.24).
Comment ne pas évoquer ici les paroles de Jérémie pensant avec nostalgie à son peuple, un peuple jadis consacré à l’Eternel et qui, maintenant, lui tourne le dos et se rebelle ouvertement contre Lui.
« Je me souviens de ton amour lorsque tu étais jeune,
De ton affection lorsque tu étais fiancée,
Quand tu me suivais au désert,
Dans une terre inculte.
Israël était consacré à l’Eternel,
Il était les prémices de son revenu. » (Jérémie 2.2-3)
L’Eglise d’Ephèse est appelée à se repentir, avec menace de châtiment exemplaire si elle n’obtempère pas. Donc l’abandon du premier amour est chose sérieuse. Cette désaffection équivaut à un abandon du Christ. Ce péché est d’une gravité extrême puisque il à est la transgression du premier et du plus grand commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » (Matthieu 22.37). Naturellement, sans oublier le second qui lui est semblable.
Timothée, le collaborateur fidèle de Paul, était certainement très attaché à son Sauveur. Or, l’apôtre nous étonne lorsqu’il juge nécessaire de lui adresser une recommandation apparemment saugrenue : « Souviens-toi de Jésus-Christ », un peu comme s’il estimait que son jeune frère avait perdu pied ou abandonné son Maître ? Certes non ! L’apôtre est bien placé pour savoir que Timothée est un homme actif au service du Seigneur. Jour après jour, il enseigne ses frères, il prêche Jésus-Christ sans relâche, autant de preuves qu’il est et demeure attaché à Sa Personne. Alors, pourquoi ce curieux rappel ? Parce que Paul est un homme d’expérience, il se connaît et il connaît la nature humaine. Il sait qu’il est si aisé d’accorder la priorité à son ministère d’évangéliste, de se consacrer à une foule d’œuvres généreuses ou à son foyer et, sans y prendre garde, de donner à la personne du Seigneur la portion congrue. Cet avertissement nous concerne également car nous courons tous le risque de Le négliger en prétendant Lui plaire et Le servir par une activité fébrile. Rares sont ceux qui dépassent « l’âge ingrat de l’activisme religieux » pour entrer dans le vrai repos afin d’être rendus capables de se donner à fond au service du Seigneur avec l’énergie et la sagesse qu’Il communique (Hébreux 13.21). Un chrétien des plus consacré disait : « Depuis que je suis entré dans Son repos, je n’ai jamais autant travaillé de ma vie ».
Transgresser le plus grand des commandements n’est-ce pas, après tout, commettre le péché le plus grave ? L’expérience chrétienne par excellence, écrit Chambers, « c’est l’attachement passionné, personnel, exclusif à la personne de Jésus-Christ ». Donnons-lui raison. Le Maître doit passer avant Tout, d’autant plus que tout procède de Lui. Hors de lui, que pouvons-nous faire ? Hélas ! Certains croyants donnent priorité à la doctrine, à la saine doctrine qu’ils tiennent à communiquer autour d’eux ; d’autres sont obnubilés par les manifestations miraculeuses du Saint Esprit ; d’autres ont leurs pensées rivées sur le monde perdu qu’il faut, de tout urgence, secourir par tous les moyens ; d’autres se consacrent corps et âme à leur église tandis qu’en son sein, certains se passionnent, avec démesure sans doute, pour la prophétie, pour Israël, sondant constamment les temps à venir… autant d’excellentes et justes préoccupations qui — nous tenons à le dire — doivent trouver leur place dans la vie du chrétien mais qui, malheureusement trop souvent, occupent indûment son esprit, consument son énergie, accaparent son temps, et surtout, font écran entre le Christ et lui-même. Les bonnes choses dont nous venons de parler devraient être le fruit de notre intime communion avec Celui que nous voulons servir. Aussi, Dieu juge-t-il sans valeur à ses yeux, l’activité la plus désintéressée et la plus conforme même à Sa pensée aussi longtemps que le Christ est oublié ; celui qui devrait « trôner » reste le parent pauvre. Surtout pas. Le chrétien qui veut « plaire à celui qui l’a enrôlé » met le Christ au premier plan, constamment. Rien ne plaît tant au Père que l’ardent attachement que témoignent ses enfants au Fils bien-aimé. Il est « la bonne part qui ne sera point ôtée ».
Ici, il vaut la peine de s’interroger sans indulgence :