Une personne dans la quarantaine m’explique son cas :
— J’habite avec une sœur de dix ans mon aînée. Pour elle, je reste la « petite Aline » qu’elle a élevée avec amour… et qu’elle continue de mener par le bout du nez comme une gosse de dix ans. Si elle possède de réelles qualités, elle n’en est pas moins autoritaire. Et c’est là mon drame. Je dois la suivre aux réunions sous peine d’infidélité au Seigneur. Elle a son mot à dire dans tout ce que je décide ou entreprends et j’ai droit à ses réflexions sur… ma garde-robe, mes amitiés, mes loisirs, mes heures de sorties et de rentrées, si bien que je suis tentée de mentir ou d’exploser pour échapper à sa tutelle. Ce contrôle de tous les instants m’est devenu insupportable. Je sais ! Elle veille sur moi, pleine de bons sentiments, me couve et me conseille « pour mon bien » mais je suis lasse de devoir, sans cesse, obéir à ses caprices. Et parce que je dois toujours céder pour avoir la paix, je demeure tendue, aigrie, et rien n’est définitivement réglé. Humiliée de vivre ainsi dans la révolte et l’irritation quasi permanente, j’en demande pardon à Dieu… et à ma sœur qui s’étonne… et c’est toujours à recommencer. Ma repentance ne me libère pas et je devine que le problème est ailleurs. Conseillez-moi je suis à bout.
— Vous avez raison ! Il faut en finir avec une situation qui vous fait souffrir et vous bloque spirituellement. Il importe, surtout à votre âge, que vous ayez votre vie propre pour vous épanouir et remplir pleinement votre vocation en être responsable. On ne peut être constamment à la remorque de quelqu’un. Vous devez conquérir votre liberté, et vous le pouvez puisque Dieu vous a donné « un esprit de force, d’amour et de sagesse » (1) Certes, il vous adviendra de céder à votre sœur, de renoncer à tel projet justement pour lui prouver que vous n’êtes ni butée, ni systématiquement opposée à ses directives, toutefois, ce sera délibérément, parce que vous le voudrez bien, pour lui faire plaisir. Mais je souligne : librement et occasionnellement. Il y a des limites qu’une sœur ne doit pas dépasser. Résister est encore une manière d’aimer. En parlant ainsi, je ne songe nullement à vous dresser contre celle qui vous domine. Surtout pas ! A sa décharge, reconnaissez qu’elle ne se rend pas compte à quel point elle vous éprouve. Elle croit vous aimer et obéir à Dieu en traçant votre route. mais elle oublie que vous avez dépassé l’âge de la tutelle.
(1) 2 Timothée 1.7.
— C’est bien ça, et j’ai eu beau lui expliquer ces choses elle ne comprend pas. Que faire pour lui échapper ?
— Certains vous conseilleront, pour en finir avec elle, de chercher un emploi et d’aller vous installer ailleurs en expliquant à votre sœur que vous n’acceptez plus sa main mise sur vous. C’est la solution la plus expéditive et apparemment, la plus radicale. En agissant ainsi, vous acquerrez votre indépendance sans parvenir à être vraiment libre devant elle. Cette solution sera une fuite plus qu’une victoire. Vous vous tiendrez loin d’elle sans l’aimer, sa présence vous sera une gêne et une ombre planera sur votre nouvelle existence. En vérité, cette brusque séparation ne laissera, de part et d’autre, que tristesse, incompréhension et amertume. Peut-être le jour viendra-t-il où vous serez amenée à quitter votre sœur, mais cette fois dans la victoire et avec le feu vert d’En-haut.
Lorsque la cohabitation – qui n’est pas obligatoire dans votre cas – entraîne de constants et douloureux conflits, la séparation s’impose et peut s’opérer dans la paix. Il y a des gens invivables auprès desquels on ne se fait que du mal, ce qui n’est sûrement pas le cas pour votre sœur, au demeurant une excellente chrétienne.
Maintenant, je vous demande de réfléchir : Si votre sœur vous domine n’est-ce pas parce que vous consentez à être dominée ?…
— Je ne vous comprends pas !
— …C’est que vous consentez à être dominée… par l’Adversaire. S’humilier d’avoir nourri de mauvais sentiments ne suffit pas. Le mal est ailleurs et, pour en finir, il faut l’atteindre à la racine. Au fond, vous êtes paralysée par une crainte qui vous enlève toute assurance devant elle. Est-ce exact ?
— Peut-être bien.
— Or, cette crainte ne peut venir de Dieu ni être selon Dieu. Vous en convenez je pense ?
— Bien sûr !
— En réalité, c’est Satan qui vous chuchote : « Ta sœur est une trop forte personnalité ; tu seras toujours vaincue. Puisque tu as échoué chaque fois si lamentablement, n’insiste plus et abandonne. Avec elle, tu n’auras jamais le dessus. Boude dans ton coin, fais-lui la tête et elle finira bien par comprendre… ».
Alors, sans y prendre garde, vous avez tendu l’oreille à de telles suggestions, vous avez entretenu cette crainte… et c’est de cela dont vous devez vous humilier. Ne tentez plus de vous justifier mais démasque le Tentateur en refusant de céder à la peur. Ne dites plus : « Ma sœur me domine », ce serait l’accuser et rejeter toute la faute sur elle. Avouez plutôt : « Je me laisse dominer et cultive ma lâcheté. Aussi, je plaide coupable et refuse désormais de tolérer cette crainte paralysante ».
Sachez, Mademoiselle, que les fortes personnalités n’exigent que de ceux qui hésitent et courbent l’échine. Elles capitulent devant ceux qui leur résistent. Ne dit-on pas que les chiens ne menacent que ceux qui tremblent ?
C’est pourquoi, je vous encourage à dire un « Non ! » catégorique à votre faiblesse et à votre timidité. Ne cherchez pas comment vous pourrez tenir tête à votre sœur. C’est inutile. Il importe plutôt que vous soyez débarrassée de vos complexes pour être libre et paisible devant elle, afin que vous possédiez une assurance tranquille qui, je le crois, changera son comportement à votre égard.
— Est-ce possible ?
— Sans aucun doute puisque cette libération sera « une grâce », un cadeau de Dieu. Demandez-la avec foi à Celui qui, sur la Croix, a emporté votre défaite pour vous communiquer sa force. Proclamez qu’Il a mis en vous « un Esprit de force et d’amour ». Fixez les yeux – non sur la victoire, – mais sur le Libérateur : « Si le Fils vous affranchit, vous serez réellement libre ». (2)
(2) Jean 8.36.
Surtout, ne vous laissez pas abattre dès la première défaite. Perdre une bataille n’est pas perdre la guerre. Repartez avec le Tout-Puissant qui vous donnera d’aimer celle que vous redoutez. Alors vous expérimenterez la parole de l’apôtre : « Après que vous aurez souffert un peu de temps (la lutte éprouve toujours), le Dieu de toute grâce vous perfectionnera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlable. A Lui soit la puissance aux siècles des siècles ». (3)
(3) 1 Pierre 5.10.
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L’homme exerce sur ses semblables, parfois à son insu ou à son corps défendant, une influence certaine, un ascendant qui modifie leur comportement, leur langage et leurs actes. Même les faibles et les timides nous mettent mal à l’aise et leur silence peut être paralysant. Quel est le soldat qui n’a pas tremblé devant un adjudant rébarbatif ou un officier chargé d’étoiles ? L’instituteur qui n’a été paralysé par la présence de Monsieur l’Inspecteur ? Ou l’élève qui n’a été troublé par quelque examinateur impénétrable ? S’il est de bon ton aujourd’hui de braver ou de mépriser l’autorité, surtout lorsque l’on est perdu dans la masse, il faut admettre que chacun, peu ou prou, connaît ou a connu la crainte des autres.
La crainte des hommes peut avoir plusieurs causes :
1° D’abord le complexe d’infériorité qui entraîne la dépréciation de soi. S’il est toujours répréhensible de se « placer au dessus des autres », il est aussi coupable de se dénigrer constamment, de douter de soi, de se mépriser par plaisir. Les espions, envoyés jadis par Moïse pour explorer Canaan, s’écrièrent à leur retour : « Nous étions à leurs yeux comme des sauterelles ». (4) En fallait-il davantage pour semer la panique dans les rangs du peuple d’Israël ?
(4) Nombres 13.33.
Plutôt que de nous mépriser sous prétexte que nous sommes entourés de gens doués ou imposants, disons plutôt avec David : « Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse ». (5)
(5) Psaumes 139.14.
Ici, je ne puis m’empêcher d’évoquer le récit d’un spécialiste du porte à porte en plein Paris, une tâche ardue qui le mettait aux prises avec nombre de locataires grincheux ou de concierges du genre bouledogue. Un jour, il fut surpris par l’une d’entre elles en train de sonner au cinquième étage d’une maison bourgeoise.
— Monsieur, il est rigoureusement interdit de colporter ici. Je vous ordonne de quitter l’immeuble au plus vite.
Et, pointant le doigt vers une porte, elle précisa :
— Et puis, veuillez descendre par l’escalier de service, s’il vous plaît.
Alors, très digne, ce frère enchaîna :
— Non Madame ! Vous ignorez que je suis l’ambassadeur du grand Roi, aussi emprunterai-je le grand escalier.
Et, sous les yeux d’une concierge médusée, il saisit la rampe luisante et, marche après marche, dignement sans se presser, il s’en alla comme un grand personnage.
Ce chrétien avait raison. Nous n’avons pas à nous faire petits, à nous montrer timorés et craintifs devant les moqueurs ou les grands de ce monde. Lisez attentivement le livre des Actes et considérez l’attitude d’un Pierre ou d’un Paul traduits devant les autorités religieuses et politiques de leur temps. Ces disciples du Christ s’expliquaient avec calme et assurance, nullement impressionnés par les titres ou les costumes princiers de ceux qui les interrogeaient.
Imitons ces hommes de foi en cessant de nous mépriser et en repoussant tout complexe d’’infériorité. Ce n’est pas Dieu qui les inspire.
2° Les soupçons.
Lorsque j’étais jeune prédicateur, évangéliste dé- butant, sans diplôme, j’éprouvais quelque difficulté à parler devant tel docteur en théologie réputé moderniste aperçu au fond de la salle. Soupçonnant ses critiques, j’étais par moment tenté de me montrer moins loquace ou moins affirmatif lorsque je dénonçais le péché ou abordais la question du jugement à venir. Autrement dit, je perdais ma liberté et devenais injuste à l’égard du théologien.
Dieu permit que je fus, à l’issue d’une réunion, humilié d’entendre un vieux pasteur notoirement libéral me reprocher d’avoir escamoté l’appel au salut devant ses ouailles, un appel que je faisais retentir habituellement à la fin de mes exposés :
— Cher Monsieur, vous avez lancé le filet. Il fallait le retirer.
Alors je compris ma lâcheté et ma méfiance à l’égard d’un homme qui m’avait invité dans sa paroisse. L’orgueil et la crainte de l’homme étaient à l’origine de cette attitude peu fraternelle. Etre approuvé de ses auditeurs ! Rechercher leurs applaudissements ! Leur approbation ! Quel piège pour le prédicateur qui devrait toujours se rappeler la parole de Jésus : « Ce qui est haut élevé devant les hommes est une abomination devant Dieu ». (6)
(6) Luc 16.15 (version Darby).
Il faut cesser de dire : « Qu’est-ce qu’on pensera de moi ? Que dira-t-on si je fais ceci ou cela ? » Après tout peu importe. Nous n’empêcherons jamais les gens de jaser sur notre compte. L’essentiel n’est-il pas d’être approuvé de Dieu ?
Pour justifier ses soupçons, une chrétienne expliquait : « Moi, j’ai des antennes et je sais fort bien ce que disent les dames de l’église ». Cette sœur, toujours inquiète, se trompait car elle finissait par imaginer des critiques que personne ne formulait.
Quelqu’un disait :
— Vous cherchez à savoir ce que les autres pensent de vous ? Rassurez-vous, ils ne pensent rien du tout pour la raison bien simple qu’ils sont assez préoccupés de savoir ce que vous pensez d’eux.
La hantise du « Qu’en dira-t-on » vous obsède-t-elle ? Dites-le à Dieu. Confessez vos soupçons, refusez d’imaginer des critiques, repoussez la crainte qui vous paralyse et attendez de Lui seul la délivrance.
Après m’avoir parlé de ses chutes, une chrétienne m’avoua :
— Maintenant, vous allez avoir une piètre opinion de moi…
— Oh ! Rassurez-vous, lui dis-je. Ce que je pense de vous est pire que ce que vous croyez…
Son étonnement me força à poursuivre :
— Oui, pire ! Je sais qu’en dehors de Jésus-Christ, il n’y a rien de bon en vous… Et en moi, pas davantage, c’est pourquoi je ne perdrai pas mon temps à vous dénigrer.
3° La peur d’encourir la moquerie, de perdre sa réputation ou son prestige.
Au cours d’une retraite où j’étais inscrit au programme, j’eus la déconvenue de perdre une dent, juste sur le devant de la bouche : une absence très remarquée, un trou peu esthétique qui m’obligeait à siffler curieusement les « s » et les « ch ». Ah, comme j’aurais voulu rester sur ma chaise et laisser la parole aux autres ! Mais allais-je me laisser « asservir » pour si peu de chose ? Non ! Je demandai à Dieu de me libérer de cette gêne, ce qu’il m’accorda aussitôt.
Il suffit d’un pantalon trop court, d’une tache sur le corsage, d’une joue enflée ou mal rasée, d’un chapeau démodé pour redouter les humains les plus inoffensifs.
Que de fois n’ai-je pas gardé le silence alors que j’aurais dû faire connaître mon point de vue ? La crainte d’une intervention malheureuse, mal formulée, qui déclencherait quelque sourire, me rendait muet. Je me souviens avec tristesse d’une conversation dans le train où je n’ai pas su saisir l’occasion de parler ouvertement de mon Seigneur. La peur d’être ridicule ou ridiculisé me bloquait. Et pourtant, ne suis-je pas appelé à porter l’opprobre de Christ et à souffrir pour son nom ?
Hélas ! Des milliers d’hommes et de femmes se priveront de la gloire éternelle parce qu’ils auront refusé – et refuseront – de répondre à l’appel de la grâce, retenus qu’ils sont par la peur d’essuyer la moquerie, d’encourir la désapprobation ou l’hostilité de leur entourage. Or ce sont les lâches, c’est-à-dire ceux qui se laissent arrêter par la crainte des hommes, qui seront – les premiers – « jetés dans l’étang de feu et de soufre ». (7)
(7) Apocalypse 21.6.
4° La peur des représailles, celle de déclencher l’opposition, de perdre sa place…
La Bible cite les noms d’hommes et de femmes – surtout des hommes – tristement célèbres pour avoir cédé à la crainte de leurs semblables. Pilate, Hérode, Lysias, Félix, Festus… ont incarcéré, condamné et fait exécuter des innocents « par crainte des juifs ». (8) Ces « grands » tenaient trop à leur situation et à leur propre sécurité, ils soignaient trop leur réputation pour oser exercer la justice en toute liberté.
(8) Jean 19.8 ; Actes 12.3 ; 24.27.
N’était-ce pas cette même crainte qui empêchait les parents de l’aveugle-né guéri par Jésus de donner gloire au Fils de Dieu : « Comment voit-il maintenant, nous ne savons. Ses parents dirent cela parce qu’ils avaient peur des juifs ; car déjà les juifs étaient convenus que si quelqu’un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue » ? (9) Ce fut la même crainte qui poussa Nicodème à se rendre, de nuit, vers le Maître pour converser avec lui ! (10) Dans l’épître aux Galates, nous apprenons que Pierre lui-même, longtemps après la Pentecôte, « s’esquiva et se tint à l’écart des chrétiens d’origine païenne par crainte des circoncis ». (11) Paul dut le reprendre vertement et dénoncer publiquement son hypocrisie. Aujourd’hui encore, d’excellents croyants souffrent sous la férule de responsables étroits et légalistes qui dominent sur le troupeau. Les premiers n’osent affirmer librement leur opinion ni exprimer leurs convictions sur la Cène, le baptême, le châtiment éternel, le Saint-Esprit. pour la simple raison qu’ils redoutent l’excommunication et l’abandon de leurs amis.
(9) Jean 9.21-22.
(10) Jean 3.2.
(11) Galates 2.12.
Etes-vous libéré de la crainte des hommes ? Redoutez-vous les réactions de vos frères en la foi ? Etes-vous dominé par eux ? Le mot d’ordre de l’apôtre est encore valable pour vous : « Je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit ». Ne voudriez-vous pas confesser à quelqu’un la crainte qui vous lie et vous empêche de servir librement le Seigneur ?
Conclusion.
La timidité est un péché. Un péché d’orgueil, une vraie maladie de l’âme dont le croyant doit être guéri sans délai. (12) Qui tolère sa timidité et accepte cette paralysie laisse le champ libre à Satan et, du même coup, attriste « l’Esprit de force » qui est en lui. Non ! Le timide doit refuser sa timidité comme il doit repousser toute pensée impure ou tout sentiment de haine. Qu’il « résiste au diable et il fuira loin de lui ». (13) Le Christ a emporté nos timidités et nos craintes pour nous communiquer sa force inébranlable : « Il vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlable. A Lui soit la puissance au siècle des siècles ». (14)
(12) 2 Timothée 1.5.
(13) Jacques 4.7.
(14) 1 Pierre 5.10.