Exerce-toi à la piété.
Le lecteur qui accepte le contenu des chapitres précédents ne manquera pas de s’interroger : « Que devrais-je faire, pratiquement, pour être en mesure de servir le Seigneur sans discontinuer dans les moindres détails de mes journées ? Comment parvenir à ‘prier sans cesse’ dans un monde qui accapare mon temps et mes pensées (1) ? La Bible répond : « en vous livrant à un entraînement sérieux et persévérant comme se l’impose tout athlète qui veut remporter le prix ». Quiconque a la volonté farouche de triompher s’engage à fond dans une préparation intensive, sans se mettre en peine si les débuts sont décevants. Il persévère en dépit des souffrances qu’il peut endurer. C’est ainsi que Paul, pour obtenir la couronne incorruptible, consent à traiter durement son corps parce qu’il tient à cette récompense (1 Corinthiens 9.24-27), lui qui invite son jeune ami Timothée à en faire autant : Exerce-toi à la piété, lui écrit-il, car l’exercice corporel est utile à peu de choses, tandis que la piété est utile à tout… C’est là une parole certaine et entièrement digne d’être reçue (1 Timothée 4.8).
(1) Que pensez-vous des paroles suivantes tirées de l’Ecriture : Priez sans cesse, ou : Rendez continuellement grâces pour toutes choses à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, ou encore : Offrez sans cesse à Dieu un sacrifice de louange… (1 Thessaloniciens 5.17 ; Ephésiens 5.20 ; Hébreux 13.15) ? Ces injonctions vous paraissent-elles réalisables ? Doit-on les prendre à la lettre ? S’adressent-elles à tous les chrétiens ou seulement à certains croyants exceptionnels destinés à remplir des ministères exceptionnels ?
Pierre, à sa façon, use d’un langage analogue : Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi… la piété, à la piété, l’amour fraternel, à l’amour fraternel, la charité. Si ces choses sont en vous et y sont avec abondance, elles ne vous laisseront pas oisifs ni stériles pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ (2 Pierre 1 5-8).
Retenons l’expression déjà citée : Exerce-toi à la piété, sans oublier la suivante, qui souligne l’importance de cette discipline : la piété est utile à tout. Beaucoup de gens se méprennent sur le sens du mot piété. Celle-ci concerne les relations que le croyant entretient avec son Seigneur, en particulier leur qualité et leur fréquence. L’homme pieux cultive l’amitié de Dieu et veille, quoi qu’il en coûte, à marcher « devant lui » instant après instant. Il sait qu’en sa compagnie, il ne bronchera pas (Psaumes 16.8) (2).
(2) L’homme pieux n’est pas nécessairement, comme on le croit, celui qui formule de magnifiques prières dans l’église, qui se plaît dans les conventions et les rassemblements chrétiens en tout genre, qui a constamment le nom de Dieu à la bouche, qui étale ses connaissances bibliques ou se gargarise de doctrine.
Or, ne vous est-il pas arrivé d’oublier le Seigneur des heures durant, voire des journées entières, de les vivre en quelque sorte en lui tournant le dos ? Qui néglige ainsi son Dieu sans manifester le moindre regret cède à l’impiété. Ce péché, couramment commis mais rarement confessé, attriste — ô combien — le Seigneur (Romains 1.18). En tout cas, il explique nombre de défaillances. Ne le tolérons pas. Puisque la Bible m’’invite à prier sans cesse, donc à marcher constamment devant lui, je veux croire que la chose est possible et doit être réalisée. Dieu donne ce qu’il ordonne, lui qui communique aux siens le vouloir et le faire (Philippiens 2.13 ; Hébreux 13.21).
Une question se pose alors : En quoi consiste cet entraînement conseillé par l’apôtre ? Simplement à faire effort pour garder le contact avec Dieu, non seulement le matin lors de notre rencontre avec lui, mais, plus encore tout au long du jour en revenant vers le Seigneur chaque fois que nous sommes conscients de l’avoir lâché », l’esprit de l’homme étant porté à vagabonder loin de lui. Ainsi nous employons-nous à créer l’habitude de nous tenir constamment en sa présence pour l’adorer et le servir auprès des autres. C’est ce que faisaient les hommes pieux de la Bible qui s’efforçaient de « demeurer en lui ».
Pourquoi David tournait-il constamment les yeux vers l’Eternel (Psaumes 25.15) ? N’était-ce pas pour maîtriser ses pensées qui, à tout instant, se détournaient de Dieu ? Le psalmiste avait la volonté bien arrêtée de rester en communion avec lui, puisqu’il ajoutait : J’ai constamment l’Eternel sous mes yeux (Psaumes 16.8). Dès le réveil, je me rassasierai de ton image (Psaumes 17.15). Lorsque je pense à toi sur ma couche, je médite sur toi les veilles de la nuit… (Psaumes 63.7).
Chacun sait qu’une habitude ne se crée pas en quelques heures. Les parents qui ont le souci d’éduquer leurs enfants le savent fort bien. Ils doivent insister et revenir à la charge pour que leur progéniture parvienne à dire « bonjour » ou « merci » spontanément et sans y être invitée.
Que Dieu crée en nous la soif d’une communion ininterrompue avec lui pour lui plaire. Vivre dans une atmosphère de louange et de reconnaissance même au sein de nos activités, considérer les choses comme à travers l’œil de Dieu, lui obéir et l’honorer, devraient être notre plus grand désir. Et puisque, dit-on, la volonté est maîtresse de nos facultés, ayons, nous aussi, la volonté de ramener nos pensées constamment vers le Seigneur en lui demandant d’occuper notre esprit pour qu’Il soit le centre de nos préoccupations. N’était-ce pas le vœu de l’apôtre pour son jeune collaborateur : Que le Seigneur soit avec ton esprit (2 Timothée 4.22) ? Obéissons à l’ordre divin :
Cherchez continuellement sa face (1 Chroniques 16.11 ; Psaumes 105.4). Le verbe « chercher » montre ici qu’il faut « s’accrocher » pour réaliser l’impératif.
« Le premier soin du chrétien sera de maintenir son esprit en la présence du Seigneur, s’efforçant de donner à ses pensées l’habitude d’une orientation intérieure. Et dès qu’il les surprendra batifolant loin de sa face, il s’efforcera de les ramener à Dieu « doucement et tranquillement. » (T. Kelly) (3)
(3) T. Kelly. La Présence ineffable (Labor et Fides)
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Il nous semble bon de citer ici les paroles d’un croyant qui vivait dans une communion constante avec son Dieu et se disait heureux lorsqu’il pouvait « lever de terre une paille pour l’amour de Dieu ». Bien des personnes inquiètes, mais touchées et attirées par son rayonnement, se rendaient librement vers lui pour lui ouvrir leur cœur ou demander un conseil. Ecoutons-le en nous souvenant néanmoins que, sans la grâce et l’action du Saint-Esprit, les efforts les plus louables restent toujours vains. Ayons foi, non en nos efforts, mais en Dieu et en lui seul.
« Prenez, dit le frère Laurent (4), prenez immédiatement une sainte et ferme résolution de ne jamais oublier Dieu. Il faut dès à présent se former l’habitude de se tenir constamment devant lui, de converser continuellement avec lui et de lui rapporter tout ce que l’on fait, cela par une simple attention et un regard d’amour continuellement fixé sur lui. Quand je surprends mon esprit errant loin de lui, sans trouble ni inquiétude, je ramène tranquillement mon esprit à Dieu en lui demandant de tenir mes pensées et de les remplir de lui. Etre loin de lui m’est devenu insupportable.
Elevons notre cœur vers lui dès le matin, pendant nos repas ou quand nous sommes en conversation avec nos amis. Il n’est pas nécessaire d’être à l’église ou seul, dans notre chambre, pour être avec Dieu. Nous pouvons faire de notre cœur un sanctuaire dans lequel nous nous retirons pour nous entretenir avec lui dans la soumission, l’humilité et l’amour.
Comment pouvons-nous le prier sans être devant lui souvent — sinon sans interruption — si ce n’est en en créant la sainte habitude ? Ne le laissez pas seul. Laisseriez-vous seul un ami qui vient vous visiter ? Alors, pourquoi Dieu devrait-il être négligé ?
Il faut agir très simplement avec Dieu et lui parler tout bonnement en lui demandant secours pour toutes choses dès qu’elles se présentent. Sachant que nous ne pouvons rien par nous-mêmes, disons-lui : ‘Seigneur, je ne pourrai accomplir cette chose difficile si tu ne m’en rends capable.’ »
(4) John Wesley a contribué au rayonnement de ce moine (1609-1691) dans le monde anglophone. Il lisait ses entretiens à ses fidèles ainsi qu’au cours de son voyage missionnaire de 1736 en Amérique. Il réédita même son petit ouvrage (1750) et le mit au programme son collège de Kingswood. Il le recommandait volontiers (selon C. de Meester).
« L’auteur de ces lignes était sensible à ses fautes. » S’il s’apercevait qu’il avait passé un temps plus ou moins long sans penser au Seigneur, il ne s’en troublait pas. Après avoir avoué à Dieu sa misère, il revenait à lui avec d’autant plus de confiance qu’il se trouvait malheureux de l’avoir oublié. Mais il ne se décourageait pas pour autant. Il avouait ses fautes à Dieu sans chercher à se justifier ou s’excuser. Ensuite, apaisé, il adorait son Seigneur et s’efforçait de tout faire pour sa gloire.
« Je me considère, disait-il, comme le plus misérable des hommes. Animé d’une vraie repentance, je lui confesse ma méchanceté, je demande son pardon, je m’abandonne entre ses mains pour qu’il puisse faire de moi ce qui lui plaît, en sachant, toutefois, que la repentance seule ne peut effacer un seul péché. Il faut en attendre la rémission seulement du sang de Jésus-Christ. Si la barque de notre âme est encore ballottée par les vents et les tempêtes, réveillons le Seigneur qui repose en elle et il aura bien vite calmé les flots.
Plus nous connaîtrons notre Dieu, plus nous l’aimerons. Cherchons-le souvent, toujours par la foi. Il est au-dedans de nous. Ne le cherchons pas ailleurs. Consacrons-nous à lui de tout notre cœur, dès à présent. Otons de nos cœurs tout ce qui n’est pas lui. Il veut les posséder, lui seul. Demandons-lui cette faveur. Veillons à ce que notre esprit n’erre pas loin de lui en nulle occasion. Faisons de notre cœur un temple spirituel où, constamment, nous l’adorerons et veillerons sur nous-mêmes afin de ne rien faire, dire ou penser qui puisse lui déplaire. Quand nos esprits sont occupés de Dieu, la souffrance même devient consolation. Tout est possible par sa grâce.
Adorons le Seigneur continuellement ; vivons et mourons pour lui. C’est la glorieuse occupation du chrétien. Ne nous lassons pas de faire de petites choses pour l’amour de Dieu. Il ne regarde pas à la grandeur de l’œuvre que nous accomplissons, mais à l’amour qui l’inspire.
Une âme est d’autant plus dépendante de la grâce qu’elle aspire à une plus haute perfection (5). »
(5) Extrait de La Présence de Dieu dans la Vie de tous les Jours (Labor et Fides. Genève)
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La « pratique de la présence de Dieu » prônée par le frère Laurent a certainement du bon, pourvu que nous ne mettions pas notre confiance dans cet exercice, mais en la seule grâce de Dieu. Cette pratique nous conduira inévitablement à faire l’affligeante découverte que nous congédions trop souvent le Seigneur loin de nos pensées. Mais, en même temps, elle augmentera notre soif d’aimer le Seigneur de toute notre pensée. De plus, en nous présentant sans cesse devant Dieu, nous apprendrons à le connaître mieux et à discerner ce qui l’attriste, tout ce dont nous devons être purifiés et délivrés.
Exerce-toi à la piété est un ordre de première importance puisque la piété est utile à tout.
De la discipline, il en faut pour rencontrer son Dieu, fidèlement chaque jour afin de lui rendre le culte qu’il attend.
De la discipline, il en faut pour donner du temps à sa Parole, s’en pénétrer et la méditer avec un vrai désir d’obéissance.
De la discipline, il en faut encore pour demeurer en lui, instant après instant, sachant toutefois que l’important est que lui demeure en nous.
De la discipline, il en faut enfin, pour le servir « devant lui » auprès des autres.
Commentant la parole de 1 Timothée 4.7, Adèle Pélaz donne les conseils suivants à ses jeunes lecteurs : « Comme Daniel s’exerçait à la prière trois fois le jour, exerçons-nous à la piété par des moments, si courts soient-ils, de prière, de lecture des Ecritures, de livres de piété, ou par le chant d’un cantique ; quand c’est possible, par des entretiens intimes avec quelques amis… Si je suis né à la vie d’En Haut, il m’appartient de l’alimenter » (En peu d’heures, Dieu labeure).
Ceci dit, ne nous laissons pas accuser si, dans le passé, nous avons oublié notre Dieu durant de longues périodes. L’essentiel est qu’il nous voie maintenant déterminés à marcher « devant lui » et pour lui. Il faut, une fois pour toutes, « dépasser » le passé en l’abandonnant au Seigneur. Même si notre détermination de le servir est ferme, il nous arrivera encore de connaître des reculs, des heures de sécheresse où le Maître sera absent de nos pensées. N’en soyons pas surpris. Surtout, ne perdons pas de temps à nous accuser. Ne tournons pas autour de notre « moi » humilié. Demandons simplement pardon à Dieu, puis renouons avec lui en le bénissant.
Il nous faudra de la persévérance dans notre apprentissage de la présence de Dieu. Mais nous y parviendrons si nous ne nous relâchons pas. Ne nous fions pas non plus à nos progrès. Si nous n’en discernons pas, ne disons pas, découragés : « A quoi bon ! C’est inutile ! Je n’arriverai pas à expérimenter cette communion constante avec Dieu à laquelle j’aspire. » Bien au contraire, chassons le doute et obéissons au Christ. Ne dit-Il pas : Croyez que vous avez reçu la chose demandée et vous la verrez s’accomplir (Marc 11.24) ? Détournons les regards de nous-mêmes. Entrons dans le repos et comptons sur celui qui nous veut en sa compagnie.
La communion à laquelle aspire tout chrétien est un don du ciel, même s’il lui est demandé de veiller à l’entretenir, de faire tous ses efforts pour demeurer en lui. C’est une grâce promise par le Dieu fidèle qui nous a appelés à la communion de son Fils (1 Corinthiens 1.9). Tout vient de lui. Et c’est de lui seul que nous devons tout attendre. Le juste vit par la foi.
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