Le feu du réveil

IV. LES ERREURS QUI BLOQUENT LES REVEILS

Lorsqu’on recherche un réveil, on peut commettre une autre erreur, en manquant de sagesse dans les instructions données pour présenter à l’intelligence la véritable nature de la vie spirituelle. J’ai été très surpris, et fort attristé, de voir combien sont rares, parmi ceux qui se disent chrétiens, ceux qui ont clairement compris la nature réelle de la vie chrétienne. Beaucoup supposent que celle-ci ne consiste qu’à éprouver certains sentiments ou certaines émotions, ou à rester dans la passivité intellectuelle. Lorsqu’ils parlent de leur religion, ils parlent donc de leurs sentiments, et disent: ‘Je ressens ceci ou cela.’ Ils semblent supposer que la vie spirituelle consiste essentiellement, sinon uniquement, à être guidés par certaines impulsions ou sensations. Mais cela n’a strictement rien à voir avec la vie spirituelle.

Des multitudes pensent que leur vie spirituelle n’est faite que de désirs. Ils ne croient pas que leur libre choix ou l’exercice de leur volonté doivent être concernés. Mais il ne peut y avoir aucune vie spirituelle dans un désir, si nous utilisons ce terme dans le sens d’un état psychique passif, et non volontaire.

D’autres supposent que la vie spirituelle se limite à une attitude purement légaliste. Leur intelligence est aiguillonnée par leur conscience, pour accomplir des oeuvres sous la contrainte, par ce que l’on appelle généralement ‘le sens du devoir.’ En réalité, presque toutes les erreurs et les séductions sont possibles, lorsqu’il s’agit de décrire ce qui constitue la véritable vie spirituelle. Les hommes ne semblent avoir aucune idée juste de la nature du péché ou de la sainteté.

Beaucoup de ceux qui se disent chrétiens parlent souvent de l’égoïsme comme s’il ne s’agissait pas véritablement d’un péché, ou comme s’il ne s’agissait que de l’une des formes du péché. Lorsque j’ai eu l’occasion de prêcher sur le thème de l’égoïsme, en différents lieux, j’ai été étonné de découvrir que beaucoup de chrétiens découvraient avec surprise, comme si cela était nouveau pour eux, que l’égoïsme était totalement incompatible avec une attitude réellement spirituelle. Il semblait qu’il ne leur était jamais venu à l’esprit que l’égoïsme était incompatible avec la vie spirituelle.

Un jour que je prêchais dans l’une de nos cités, je m’efforçais de développer la véritable nature de la spiritualité chrétienne. Je voulais démontrer qu’elle ne consistait qu’en la pratique de l’amour, ou d’une bienveillance désintéressée, parfaite et universelle. L’idée que la vraie religion consiste en bienveillance semblait entièrement nouvelle à une foule de chrétiens. Après avoir présenté ce sujet, et l’avoir retourné en tous sens jusqu’à ce que l’assemblée le comprenne, le diacre de l’une des Eglises me fit remarquer, lorsque je descendis de l’estrade, qu’il ne pensait pas qu’il y eût dix chrétiens véritables dans cette ville. Une dame me dit qu’elle ne connaissait qu’une seule personne, dans son Eglise, qui pratiquait un amour semblable, et que tous les autres, pour autant qu’elle les connaissait, semblaient dominés par l’égoïsme. Sauf erreur de ma part, la plupart des églises de notre pays ont certainement grand besoin de comprendre cette vérité d’une manière claire et profonde. Ceci est spécialement vrai en temps de réveil. Voici réellement venu le moment d’exposer ce sujet, et de l’exposer avec force et clarté, jusqu’à ce la nature de la véritable religion soit parfaitement définie. Si nous ne le faisons pas, les chrétiens tomberont dans un nombre presque infini d’erreurs.

Dans une lettre ultérieure, je ne manquerai pas de décrire en détail certaines de ces erreurs. Il me suffit ici de dire qu’il est essentiel que l’on comprenne en quoi consiste la véritable religion. Elle se résume entièrement en un seul mot: l’amour. Toute forme de religion véritable n’est qu’un aspect de l’amour, ou de la bienveillance désintéressée. Tout ce qui ne procède pas de l’amour n’est pas la vertu, ni la véritable religion. Il faut dire à ceux qui cherchent le salut que la conversion consiste à aimer Dieu de tout son coeur, et que la repentance consiste à se détourner de l’égoïsme et à donner son coeur à Dieu. Bref, la première et unique chose que Dieu leur demande est d’aimer le Seigneur de tout leur coeur, et leur prochain comme eux-mêmes. Tant qu’ils ne manifestent pas l’amour, quoi qu’ils fassent, ils ne pratiquent pas la véritable religion. Ils ne la pratiquent que dans la mesure où ils sont animés d’un amour suprême pour Dieu, et d’un amour identique pour l’homme. On ne fera jamais assez d’efforts pour corriger les erreurs que les hommes commettent constamment à ce propos. Mais, bien qu’il soit d’une importance vitale de faire ces remarques, il ne faut jamais oublier que ce ne sont pas celles-ci qui convertiront les hommes à la véritable religion.

Si je ne me trompe, certains ont aussi commis une autre erreur. Ils ont dépensé toutes leurs forces à faire une prédication qui fait appel à la raison. Ils veulent expliquer la nature philosophique de la foi, de la bienveillance, de la repentance, et des différentes grâces chrétiennes. Leur paroles étaient peut-être justes, et leurs exhortations nobles et efficaces. Ils ont réussi à s’adresser à l’intelligence de leurs auditeurs. Mais ils ne sont pas parvenus, au bout du compte, à faire passer la véritable religion. Ils ont commis une erreur fondamentale. Ils se sont contentés de faire de bons raisonnements et de développer en quoi consistait la foi. Ils ne sont pas allés plus loin. Ils ont accepté que l’intelligence de leurs auditeurs se complaise à comprendre cette idée, sans que leur coeur soit touché. En d’autres termes, ils ne sont pas parvenus à présenter les grandes vérités de la foi, et à les maintenir fermement devant l’intelligence, jusqu’à ce que celle-ci finisse par croire. Ils ont peut être correctement expliqué quelle était la nature de la foi. Mais ils n’ont pas maintenu devant l’intelligence les vérités qui doivent être crues. Ils n’ont pas prêché la vérité avec suffisamment de fermeté pour qu’elle finisse par produire la foi. Ils ont réussi à faire comprendre aux homme ce qu’était la foi, mais ne sont pas parvenus à les persuader d’exercer la foi. Ils se sont contentés de développer l’idée, sans insister sur la nécessité d’accepter la vérité par la foi. Ils ne sont pas parvenus à faire céder la volonté de leurs auditeurs, pour qu’elle s’engage à recevoir la vérité par la foi.

Il en est de même pour toutes les autres grâces chrétiennes. On a exposé la véritable idée de l’amour, mais sans faire en sorte que l’auditeur soit rempli d’amour. On ne lui fait pas abandonner complètement son égoïsme, pour qu’il se consacre entièrement à l’exercice de l’amour. La distinction que je viens de faire est certainement d’une très grande importance.

On peut comprendre la nature philosophique de l’amour, sans pour cela faire preuve d’amour. Si nous nous contentons d’expliquer la véritable nature de l’amour, nous n’arriverons probablement pas à faire pratiquer l’amour véritable, même si nous réussissons à faire comprendre en quoi il consiste. Il faut présenter Dieu, Christ, l’amour de Christ, les grands sujets d’intérêt de l’univers, et tout ce qui tend à nous remplir d’amour. Je le répète, certains se sont sérieusement trompés en ne présentant pas d’une manière juste la nature de la véritable religion. Des gens se sont convertis, mais ils sont partis dans une fausse direction, en croyant qu’ils s’engageaient dans la religion de Christ. Ils n’ont pas pu s’engager dans la véritable religion, parce que l’idée restait formée au niveau de leur intelligence, sans aller plus loin. Parce que leur intelligence avait clairement compris le message, ils ont pensé que cela suffisait pour pratiquer la vraie religion. Mais n’ont pas compris qu’ils ne la pratiquaient pas.

Pour s’assurer que les conversions obtenues soient véritables, il est donc nécessaire de veiller soigneusement à ce qu’une idée bien comprise soit suivie de pratique. Ceci est particulièrement vrai depuis qu’une fausse philosophie a engendré de fausses conceptions de la religion dans tellement d’esprits.

Ce qui est vrai de la foi et de l’amour est aussi vrai de la repentance, de l’humilité, de la douceur, et de toutes les autres grâces. Il faut certes en définir la nature, jusqu’à ce que l’idée soit bien formée dans l’intelligence. Mais ces vérités doivent être abondamment expliquées, retournées dans tous les sens, et maintenues devant l’intelligence, jusqu’à ce que le coeur soit motivé à mettre ces vertus en pratique.

Il faut bien comprendre que les explications intellectuelles qui présentent la nature de ces vertus ne suffisent absolument pas à les produire concrètement. La véritable religion ne peut être pratiquée qu’à partir du moment où ces vérités sont exposées d’une manière lucide et vigoureuse, jusqu’à ce qu’elles entrent dans le coeur.

Je voudrais ajouter ici que s’il fallait choisir de ne pas parler de quelque chose, je dirais que l’on pourrait, sans le moindre risque, éviter de faire tous les exposés théoriques dont je viens de parler. Mais si nous exposons avec force tout ce qui tend à produire la foi et l’amour, si nous présentons ces vérités avec puissance et vigueur, elles tendront à produire la repentance, la foi, l’amour, l’humilité, la douceur, etc. La plupart du temps, nous pouvons nous attendre à ce que ces vertus soient produites dans toute leur pureté, sans que l’ont ait besoin d’expliquer en quoi elles consistent. Par exemple, en présentant Christ à une âme, celle-ci peut être conduite à croire en Lui, sans jamais avoir compris ce qu’était la foi véritable. En présentant le caractère de Dieu, on peut faire naître dans l’esprit de l’auditeur un véritable amour, sans que son intelligence saisisse quoi que ce soit de la nature de l’amour.

Ceci peut être vrai de toute autre grâce. De sorte qu’il vaut bien mieux se contenter de présenter les vérités qui tendent à produire ces grâces, en évitant de parler de leur nature philosophique. Ce n’est qu’ainsi que l’on parviendra à rendre les coeurs obéissants.

En présentant la nature de la véritable religion, on réussira à détruire les faux espoirs de ceux qui se disent chrétiens depuis longtemps, mais qui ne le sont pas réellement, ainsi que les illusions de ceux qui se sont convertis d’une manière superficielle. Un tel langage permettra aussi à ceux qui recherchent la vérité de ne pas tomber dans l’erreur.

Je supplie mes frères qui cherchent à produire des réveils spirituels, de ne jamais oublier et de mettre en pratique cette importante vérité: l’Evangile doit être exposé dans toute sa puissance irrésistible et brûlante. Il doit être présenté comme une vérité qu’il est nécessaire de croire, jusqu’à ce que les grâces chrétiennes se manifestent. Dans vos prédications de réveil, vous ne devrez parler qu’occasionnellement des aspects théoriques de ces grâces. Notre devoir est de bien expliquer en quoi consiste la véritable religion, et de barrer la route aux fausses espérances.

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