Dieu ne nous a pas appelés à christianiser le monde, c’est-à-dire à répandre dans les foules par n’importe quel moyen, la connaissance d’un Jésus et d’une doctrine qui resteraient extérieures à la vie des âmes.
L’Évangile de Jésus-Christ n’est pas un idéal à poursuivre, ni un modèle à imiter, ni une influence à subir. C’est une Personne à accepter, Actes 5.20.
La christianisation des masses ne fait qu’influencer superficiellement les âmes; elle ne les change pas, mais les conduit au contraire à l’adultère spirituel. Car, si ceux qui connaissent l’Évangile continuent à vivre comme le monde et selon ses principes, ils se rendent ennemis de Dieu, Jacques 4.4.
La tâche de l’Église n’est donc pas de christianiser le monde, mais de l’évangéliser. S’il existe aujourd’hui des "pays christianisés", souvenons-nous toujours qu’il n’y a pas de "nation chrétienne". Seul est chrétien dans le monde le Corps de Christ, dont chaque croyant véritable est un membre.
Ceux qui évangélisent selon l’ordre de Jésus ressuscité, doivent voir se détacher du monde et de sa vaine manière de vivre, les personnes qui reçoivent leur message et croient en Christ par leur parole.
Désormais, ces âmes sont encore "dans le monde", mais ne sont plus "du monde". Elles font partie de ce peuple d’étrangers sur la terre qui s’appelle "L’Église du Dieu vivant", 1 Timothée 3.15. C’est le peuple de Dieu ici-bas, non un peuple qui va à l’église, mais qui est l’Église de Dieu vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L’évangélisation véritable a pour but la naissance, la formation et la croissance d’un peuple nouveau, issu de toute nation, de toute tribu, de toute race et de toute langue. Elle vise à faire d’hommes de chair, des disciples de Jésus-Christ, des êtres ayant dans ce monde une nature nouvelle, une vocation céleste. Or la prédication de l’Évangile est le moyen que Dieu emploie pour appeler ceux qu’Il a élus dès avant la fondation du monde, pour qu’ils soient saints et irrépréhensibles devant Lui, Eph 1.4.
Ceux qui obéissent à l’Évangile et croient la parole de vérité qui leur est prêchée, sont scellés du Saint-Esprit qui avait été promis, lequel est un gage de leur héritage. Ils deviennent ceux que Dieu s’est acquis en Jésus-Christ, pour être, dès ici-bas, à la louange de la gloire de Sa grâce, Eph 1.13-14.
Mais le monde dans lequel Dieu est descendu en Jésus-Christ pour appeler et sauver les hommes reste le monde: Un système étranger à la vie de Dieu, une sphère de ténèbres dominée par Satan et où règne la corruption qui existe par la convoitise.
Dans ce milieu pervers, l’homme qui accepte l’Évangile devient participant de la nature divine et reçoit de Dieu tout ce qui contribue à la vie et à la piété, au moyen de la connaissance de Celui qui l’a appelé par Sa propre gloire et par Sa vertu, 2 Pierre 1.3-4.
Le chrétien sait donc quelle est l’espérance qui s’attache à son appel. Il connaît quelle est la richesse de la gloire de l’héritage que Dieu réserve aux saints, et il expérimente quelle est envers ceux qui croient l’infinie grandeur de sa puissance qui se manifeste avec efficacité, par la vertu de sa force, Eph 1.18-19.
Tout en le laissant dans le monde, l’Évangile détache le croyant de ce présent siècle mauvais, renouvelle son entendement et en fait ainsi un témoin du Christ capable de discerner ici-bas ce qu’est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.
Ainsi, l’évangélisation ampute le monde, mais ne le change pas. Chaque fois qu’une âme est sauvée, le monde perd un des siens et le diable un de ses esclaves.
Il nous paraît important d’insister sur ces faits, pour bien montrer qu’on ne saurait évangéliser, aujourd’hui, sans comprendre ce qu’est l’Évangile d’une part, et sans tenir compte de l’eschatologie biblique d’autre part.
Il faut en effet se souvenir de ce que la Bible annonce concernant la fin des temps.
Il y a un temps pour tout sous le soleil. Si Jésus-Christ reste toujours le même, il ne nous appartient pas de changer les temps et les saisons. Le printemps n’est pas l’automne et l’été n’est pas l’hiver. Nous ne pouvons pas cueillir les fleurs du printemps en hiver, ni les fruits de l’automne en été, à moins de les manger non mûrs.
Il serait donc dangereux, parce que nous sommes de ceux qui croient à la puissance du Saint-Esprit et à un Seigneur toujours fidèle, de vouloir à tout prix, dans notre zèle pour Dieu, rééditer en notre temps les résultats de l’évangélisation de l’Église primitive, et renouveler ses succès quant au nombre des conversions ou quant à la guérison divine.
Quand l’iniquité s’accroît et prévaut sur la terre, que la charité du plus grand nombre se refroidit, il n’est pas tellement question d’avoir du succès, ou de faire des miracles! Il s’agit bien plutôt de persévérer jusqu’à la fin, Matthieu 24.12-13, c’est-à-dire d’être, en tout temps et partout, ce que Dieu attend de nous, les témoins de Son Fils. Si nous avons compris cela, nous ne serons ni découragés ni éblouis par les résultats de nos missions, ni inquiets, ni euphoriques au sujet des succès de nos campagnes futures.
Ceux qui doivent être sauvés sont ceux que Dieu a élus dès avant la fondation du monde. Notre tâche, à nous, consiste à être "ouvriers avec Dieu", ses instruments dociles et non pas ses agents, 1 Corinthiens 3.9.
Fondés sur la Parole, nous savons que le Seigneur a annoncé à l’avance que nous ne devons pas compter sur nos efforts pour changer le monde:
Mais direz-vous, comment susciter parmi les âmes de l’intérêt pour Jésus-Christ?
C’est la grave question que se posent souvent ceux qui demeurent convaincus que Jésus-Christ est le seul Nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés.
On parle beaucoup aujourd’hui de nouvelles méthodes à employer pour prêcher l’Évangile, de la nécessité d’un langage nouveau pour rendre accessible le nom de Jésus aux masses déchristianisées. On réclame une nouvelle puissance permettant d’opérer des miracles et des guérisons qui accréditeraient le Nom du Seigneur auprès du peuple. Enfin, il semble aussi qu’une propagande faite par les moyens les plus modernes pourrait certainement éveiller l’attention des foules sur Celui que les chrétiens voudraient encore présenter comme Sauveur du monde.
Tout en refusant de prendre une position négative à l’égard de tout ce qui se fait à l’heure actuelle pour annoncer l’Évangile, nous restons intimement persuadés que l’intérêt pour Jésus-Christ ne sera pas provoqué essentiellement par ceux qui prêchent en Son Nom, mais par la vie de tous ceux qui se réclament de Lui.
Une vie transformée, vécue dans le monde dans une entière consécration à Dieu, suscitera l’étonnement des parents, voisins, amis et connaissances et conduira des hommes et des femmes à s’informer de la raison d’un tel changement.
Cet intérêt, qui peut amener des âmes à rechercher pour elles-mêmes la solution de leurs problèmes en Jésus, peut aussi, hélas, conduire des cœurs à haïr ceux qui vivent véritablement en Christ.
Ainsi, tous ceux qui désirent attirer l’attention des âmes sur le Christ doivent s’attendre, non pas à être bien vus dans ce monde, mais à connaître le mépris, la persécution et la haine.
En effet, si l’honnêteté du chrétien est louée par les uns, elle sera taxée d’hypocrisie ou d’imbécillité par les autres. Si la sobriété de l’enfant de Dieu est citée en exemple par plusieurs, elle sera aussi l’objet des sarcasmes de ceux qui ne veulent renoncer à aucune des satisfactions de la chair. Partout où la doctrine de Christ sera présentée dans sa forme absolue, partout où Ses paroles seront reçues telles qu’Il nous les a données, partout où elles seront prises à la lettre, des conflits surgiront, et l’âme libérée intérieurement du joug du monde et du péché, passera par le feu du creuset.
Il faut que les prédicateurs se souviennent qu’évangéliser, c’est présenter au monde l’Évangile! Cet Évangile est la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, Romains 1.16. Or la puissance de Dieu, c’est le Christ Lui-même, avec ses promesses et ses exigences, ce Christ qui est venu jeter le feu sur la terre, ce Christ salut de Dieu, lumière pour les nations et gloire d’Israël; mais qui reste encore une pierre d’achoppement et un rocher de chute, un signe qui provoque la contradiction, Luc 2.34.
Apporter l’Évangile au monde, c’est mettre les âmes en contact avec Celui qui disait: "Ne pensez pas que je sois venu mettre la paix sur la terre; je ne suis pas venu mettre la paix, mais l’épée: Car je suis venu jeter la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison", Matthieu 10.34-36.
Oui, en vérité, l’Évangile est plus qu’un message, c’est une Personne qui nous prend, nous possède, nous arrache à nous-mêmes, à notre famille, à notre milieu, et ne nous redonne au monde que morts et ressuscités en Christ, Romains 6; Colossiens 3.
En prêchant, il s’agit donc pour nous de présenter QUELQU’UN, non de parler d’un absent, d’un être qui aurait autrefois vécu en Palestine, et qui serait maintenant dans le ciel. Il est question de rendre présent le Christ sur la terre et de mettre les âmes en relation avec Lui, avec des vies dans lesquelles Il continue son incarnation, accomplissant dans la sainteté et la justice sa mission d’amour auprès des pécheurs, des pauvres et des malheureux de la terre.
Pour que les paroles du Christ soient connues, reçues et crues, il faut que dans ce monde des hommes et des femmes manifestent la vie même de Jésus.
Comme Jésus fit connaître le Nom du Père à ses disciples, il nous appartient de faire connaître son Nom aux hommes de notre génération.
Mais comment serons-nous accrédités auprès de nos contemporains, et par quoi recommanderons-nous notre doctrine au sein de toutes les idéologies modernes?
N’est-ce pas essentiellement par notre vie? C’est à la manière dont un homme aime, souffre et meurt que l’on reconnaît véritablement ce qu’il est.
Débarrassons-nous de notre pharisaïsme et de nos préjugés sectaires et ne rendons pas, par nos principes et nos formes, l’Évangile inaccessible à ceux qui en ont le plus besoin.
L’Évangile est pour ceux qui ne vivent pas comme nous; pour ceux qui n’ont pas les mêmes idées que nous. L’Évangile est pour nos ennemis, pour ceux qui nous persécutent et nous font du tort.
L’Évangile est pour les voleurs, les assassins, les adultères, les ivrognes, les gens de mauvaise vie avec lesquels notre Maître ne refusait pas de manger.
L’Évangile est pour les faux ménages, pour les filles-mères, pour la jeunesse délinquante et la vieillesse abandonnée.
L’Évangile est pour les malades, les estropiés, les contrefaits, les prisonniers, les affamés, les sans-logis et les drogués.
L’Évangile est pour ceux qui, manuels ou intellectuels, ont de la peine à nouer les deux bouts.
Le Christ a aimé tous les malheureux, tous les révoltés, tous ceux qui sur la terre n’avaient pas eu leur compte de vie, d’amour et de joie. Aujourd’hui encore l’Évangile est pour eux et pour tous ceux qui ne sont pas ce qu’ils devraient être, parce qu’ils sont nés d’hommes pécheurs dans une société injuste et corrompue où règnent l’égoïsme et la haine.
Dieu n’attend pas que nous présentions à toutes ces âmes une doctrine particulière. Il ne compte pas sur la valeur de nos arguments et la chaleur de nos convictions pour amener quelqu’un à adhérer à nos idées et à faire profession d’accepter Jésus-Christ.
Il attend que nous apportions à ceux qui ne pensent pas comme nous, cet amour qui espère tout; à ceux qui ne vivent pas comme nous, cet amour qui excuse tout; à nos ennemis cet amour qui supporte tout et pardonne tout, 1 Corinthiens 13.7.
Il attend que nous opposions à la vie des débauchés, des méchants, des cruels, des injustes, non pas nos censures et nos leçons de morale, mais une vie sainte, pleine de bonté, de douceur, de justice et de vérité.
Il attend que nous prenions sur nous le fardeau des détresses humaines, apportant partout où elles se révèlent la compréhension, la chaleur et les possibilités que donne l’amour même de Dieu versé dans nos cœurs.
C’est l’amour qui se dépouille pour enrichir, qui s’abaisse pour élever, qui conduit l’homme à mourir pour les autres, mais qui "lui-même" ne périt jamais.
Si l’Évangile est cet amour, alors le monde verra qu’il est encore "la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit".