Nous pourrions indiquer encore plusieurs heureux résultats de la résurrection de Jésus, mais nous nous bornerons à ce qui précède, au moins pour ce qui regarde le temps présent. Pendant la durée de ce dernier, l’âme, selon la mesure de sa foi, peut jouir plus ou moins des privilèges qui découlent de celle résurrection, mais elle ne les possédera dans leur entier qu’à l’aurore de cet autre siècle où le Seigneur s’est réservé de montrer la plénitude de Ses gratuités envers Son peuple élu ; car les fruits de la vie actuelle de Jésus s’étendent au-delà de notre économie, et paraîtront jusque dans les corps des fidèles. Christ étant les prémices, et l’Église la moisson, il y a une liaison intime entre Sa résurrection et celle de l’Église, selon celle promesse : Parce que je vis, vous aussi vous vivrez, Jean XIV, 19 : voyez aussi Rom. VIII, 11. 1 Thess. IV, 14-17. Sans doute les méchants ressusciteront aussi ; mais outre que leur résurrection est distincte de celle de l’Église, elle ne sera pas le fruit d’une demeure préalable de l’Esprit en eux, puisque le monde ne peut recevoir l’Esprit de vérité qui n’est ni vu, ni connu de lui. Ce sera un acte de la puissance et du jugement que Christ a reçus du Père, comme Rédempteur, et non pas une conséquence de l’union des méchants avec Lui ; Ils ressusciteront comme un criminel qu’on est obligé de tirer de prison pour le mener au supplice, et non comme un coupable acquitté et relâché préalablement avant la sentence des Juges, en vertu d’un acte de grâce. Christ ayant été jugé pour l’Église et ayant porté la peine de tous les péchés de son peuple, la résurrection de ce dernier est une conséquence de ce jugement, et non pas un préliminaire de celui que Dieu fera un jour du monde en justice. Ils revivront pour réaliser Éphés. V, 26 ; ce sera l’entrée dans la gloire et le Royaume de Christ, de cette Épouse pour laquelle Il a tant souffert sur la terre. Christ n’est point remonté au Père pour y être seul, comme Il en a assuré ses disciples : Il y a, leur a-t-il dit, plusieurs demeures (et non pas seulement de la place pour Lui) dans la maison de mon Père. S’il en était autrement je vous l’eusse dit. Je vais vous préparer le Lieu : et quand je m’en serai allé et que je vous aurai préparé le lieu, je reviens et je vous prends avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi, Jean, XIV, 2, 3. Tel sera le jugement de l’Église lors du retour de son Maître ; et l’on ne voit rien dans ce passage qui indique une séparation des Saints en deux troupeaux, ni même plusieurs degrés de gloire [Nous parlons de ce passage et non pas d’autres. Car nous admettons comme très-biblique la distinction des degrés dans la gloire, 1 Corinth. XV, 41, 42. Matth. XXV, 14-23.] ; mais on y voit l’accomplissement ou le complément de la vie que les enfants de Dieu possèdent par leur communion avec le Christ qui a été mort et qui est maintenant vivant. Christ étant le Seigneur du corps de chaque fidèle, en tant que l’ayant racheté en Lui-même de la puissance du tombeau, il est naturel, il est nécessaire que lorsque sa gloire se manifestera à toute chair, les corps des Saints soient revêtus de gloire, et participent aussi aux privilèges du Royaume éternel, comme ils ont participé à la malédiction primitive, à la servitude de Satan et de la mort. Leur résurrection est une conséquence rigoureuse de celle de Christ d’après le témoignage du St. Esprit (voyez Rom. VIII, 11. 1 Cor. III, 13, 14. 2 Corinth. IV, 14), de la même manière qu’on ne peut pas vivifier la Tête sans vivifier les membres ; et l’on peut indirectement sans doute mais légitimement avancer que les prémices étant saintes la masse l’est aussi, Rom. XI, 16. C’est au reste le raisonnement de Paul, 1 Corinth. XV, 20-23.
Mais on ne saurait trop faire observer que la résurrection des Saints est un privilège tout-à-fait distinct, une portion particulière qui leur est allouée, et qu’il ne faut nullement la confondre avec celle qui précédera immédiatement le dernier acte du règne de Christ. Il est évident d’après 1 Corinth. XV, 23, qu’elle aura lieu avant celle des méchants, et à l’avènement ou l’arrivée de Christ pour régner. Dans Actes, IV, 2, et Phil. III, 11, elle est appelée la résurrection d’entre les morts, Luc, XIV, 14, la résurrection des justes, et aux Hébreux, XI, 35, la meilleure résurrection. — En Luc, XX. 35, Jésus parlant aux Sadducéens et montrant qu’Abraham, Isaac et Jacob soutiennent avec Dieu des relations qui nécessitent leur résurrection future, s’exprime de la sorte : Quant à ceux qui seront faits dignes d’obtenir ce siècle-là et la résurrection d’entre les morts, ils ne pourront plus, etc. Comment seront-ils faits dignes d’obtenir la résurrection d’entre les morts, si cette résurrection est commune à l’Église et au monde ? Et pourquoi le Seigneur parle-t-il d’une résurrection d’entre les morts, si tous doivent ressusciter ensemble ?
Il y a donc ici quelque chose de distinct, même de bien distinct de la résurrection générale. — Et cela est confirmé par la suite du verset : Ils ne pourront plus mourir, parce qu’ils seront semblables aux anges et qu’ils seront fils de Dieu étant fils de la résurrection. La gloire d’être enfant de Dieu est ici identifiée avec celle de reprendre la vie après l’avoir quittée. — Nous trouvons encore les mêmes choses enseignées en Jean, V, 21-29. Christ vivifie et juge ; c’est ce qui venge et maintient Sa gloire outragée par Ses ennemis. Il vivifie, et le Père aussi ; mais le Père ne juge personne, parce que c’est avec Christ que les hommes ont à faire ; tout jugement est remis au Fils. Or les Saints sont vivifiés par le Père qui les attire, Jean, VI, 44, et le fils qui les appelle, Jean, V, 24, 25, afin qu’ils aient communion avec le Père et avec le fils ; ils sont ensuite ressuscités pour jouir pleinement de la vie éternelle et de la gloire de Celui qui les a appelés. Dans la résurrection des méchants au contraire, Christ réclame et maintient ses droits et sa gloire, contre ceux qui l’ont méprisé et qui seront contraints malgré eux d’honorer le fils en obéissant à la voix qui les tirera de leurs sépulcres. — Ici donc Jésus établit formellement la doctrine d’une double résurrection : celle qui est pour la vie, et qui sera le complément de la régénération ; celle qui est pour la condamnation, et qui sera le complément de la misère des irrégénérés. Les fidèles sentiront une fois en leur corps l’efficace de cette puissante parole qui aura vivifié leurs âmes, et les méchants qui n’auront pas été vivifiés, connaitront le pouvoir que Christ a reçu de juger. Ainsi rien de plus opposé dans leur caractère, leurs sujets et leur but, que ces deux résurrections : car la première est la rédemption du corps, Rom. VIII, 22, et un fruit de la rédemption de l’âme par le sang de Christ ; tandis que la seconde n’est qu’une revendication des droits de Christ, ou l’exercice des droits de la justice de Dieu contre ceux qui auront péché.
Aussi sont-elles séparées par un long intervalle, comme Jean nous l’apprend, Apoc. XX, 4, 5 : mais nous n’en parlerons que pour faire observer à ceux qui nient cette séparation, qu’ils n’ont pas fait attention que dans le passage précédemment examiné, Jean, V, 21-29, le Seigneur assigne un même espace de temps à l’exercice de la vivification et à celui de la résurrection, en disant : l’heure vient. Si depuis 1800 ans Jésus vivifie, pourquoi le même intervalle de temps ne pourrait-il pas se trouver entre les deux résurrections ?
Mais pour nous borner à celle des justes qui est l’application faite à leur corps de la vie que leurs âmes ont reçue, il faut la considérer comme l’accomplissement ou la perfection de tous les desseins de la grâce de Dieu à leur égard. En cette qualité elle doit donc être l’objet de leur attente, le sujet de leur espérance et de leurs désirs les plus vifs : car c’est lorsque Christ qui est notre vie, apparaîtra, que nous apparaîtrons avec Lui revêtus de gloire, Coloss. III, 4 ; voyez aussi Philip. III, 20, 21. Paul la présente comme l’époque attendue par toute la Création, en Rom, VIII, 19-22, passage dans lequel il l’appelle la manifestation et la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Et l’on ne peut assez déplorer l’erreur qui, confondant l’époque des deux résurrections, s’efforce, malgré l’évidence, de ne voir ici qu’une œuvre accomplie dans le même moment sur le juste et sur le méchant ; au lieu de s’en tenir à la simplicité des Écritures qui présentent la résurrection comme un privilège conféré exclusivement à l’Église en vertu de la vie que le Chef a reprise, et qui, de Lui, doit s’étendre jusqu’à toutes les parties de son corps. Considérer cette erreur comme peu de chose serait un mal : elle a plus d’influence qu’on ne croit sur la vie Chrétienne, quoiqu’elle ne soit pas mortelle comme le Sadducéisme : on a pu en juger par les réflexions précédentes qui nous justifieront suffisamment de l’avoir signalée et attaquée.