Je viens maintenant à leurs tractations, et je ne prétends point mettre seulement en avant de certaines règles générales que tout le monde sait, bien que peu de personnes les observent. Je dirai néanmoins premièrement qu’il faut que la tractation explique clairement et nettement un texte.
Il faut qu’elle en fasse comprendre facilement le sens, et qu’elle mette les choses tellement devant les yeux, que les auditeurs n’aient nulle peine à les comprendre. Cette règle va à condamner l’obscurité et l’embarras, qui est la chose du monde la plus importune dans une chaire. Il faut se figurer que la plupart des auditeurs sont des gens simples, à qui pourtant il faut faire profiter la prédication ; ce qui ne se peut, à moins qu’on ne soit fort clair. Et quant aux personnes savantes qui vous écoutent, il est certain qu’ils vous estimeront toujours beaucoup plus si vous êtes clair, que si vous êtes obscur. Et cela pour deux raisons : l’une, qu’ils ont eux-mêmes égard aux simples, et que leur charité n’est point contente, si les plus simples ne sont satisfaits. L’autre raison est, qu’ils sont eux-mêmes bien aise de n’être pas obligés à une trop grande application d’esprit ; ce qui serait, si le discours du prédicateur était obscur. Les esprits des hommes, quels qu’ils soient, savants et ignorants, fuient ordinairement la peine, et les savants sont assez fatigués dans le cabinet, sans l’être encore dans le temple.
En second lieu, il faut que la tractation donne le sens entier de tout le texte. Et pour cet effet, qu’elle le considère dans tous les égards, ou dans toutes les vues dans lesquelles il doit être considéré. Cette règle condamne de certaines explications sèches et stériles, dans lesquelles un prédicateur ne marque avoir, ni étude, ni invention, et où il laisse à dire quantité de belles choses que son texte lui pouvait fournir. Ces sortes de prédication sont extrêmement dégoûtantes ; l’esprit ne s’y trouve, ni élevé, ni rempli, et le cœur ne s’en sent nullement ému. Or en matière de religion et de piété, n’édifier pas beaucoup c’est détruire. Un sermon froid et pauvre fait plus de mal dans une heure, que cent beaux sermons ne saurait faire de bien. Je voudrais donc, non qu’un prédicateur fit toujours ses derniers efforts, ni qu’il prêchât toujours également bien, car cela ne se peut, ni ne se doit : il y a des occasions extraordinaires pour lesquelles il faut réserver toutes ses forces ; mais je voudrais au moins que dans ses actions ordinaires et médiocres, il y eût un certain degré de plénitude qui laissa l’esprit de l’auditeur content et rempli. Il ne faut pas toujours le porter hors de soi-même, ni le ravir en extase, mais il faut toujours le satisfaire et le maintenir dans l’amour et dans le désir de pratiquer la piété.
En troisième lieu, il faut qu’un prédicateur dans sa tractation, soit sage, sobre et chaste. Je dis sage, par opposition à ces impertinents qui débitent des mots pour rire, des comparaisons burlesques, des quolibets, et des extravagances. Et telles sont, une grande partie des prédicateurs de l’Église romaine.
Je dis sobre, par opposition à ces esprits téméraires qui veulent tout pénétrer, et qui pousse la curiosité sur les mystères, au-delà des bornes de la modestie chrétienne. Tels sont ceux qui ne font pas difficulté de débiter en chaire toutes les spéculations de l’École sur le mystère de la Trinité, ou sur celui l’incarnation, ou sur celui la réprobation éternelle des hommes. Tels sont ceux qui font en chaire des questions à perte de vue, touchant ce qui eût été si Adam fut demeuré dans son état d’innocence, ou touchant l’état des âmes après la mort, ou sur le sujet de la résurrection future, ou sur notre état dans la gloire éternelle du paradis. Tels sont ceux qui remplissent leurs sermons des diverses interprétations d’un terme, ou des différents sentiments des interprètes touchant le sens d’un passage, ou qui accablent leurs auditeurs par des récits importuns d’histoires anciennes, ou par le rapport des diverses hérésies qui ont troublé l’Église sur quelque matière. Tout cela pèche contre la sobriété dont nous parlons, et qui est une des plus belles vertus de la chaire.
Je dis de plus qu’il faut qu’il soit chaste, par opposition à ces esprits hardis et impudents qui ne craignent point de dire beaucoup de choses, lesquelles font naître de mauvaises images dans l’esprit. On ne peut pas appeler chaste un prédicateur, qui traitant la matière de la conception de Jésus-Christ dans le sein de la Vierge par la vertu du Saint Esprit sans l’intervention d’aucun homme, ne se souciera pas de dire des choses ou qui choqueront la pudeur, ou qui donneront lieu au profane de dire quelque méchant mot. Il y a je ne sais combien d’occasions de cette nature, comme quand on traite la génération éternelle du Fils de Dieu, ou quand on presse le terme de régénération que l’Écriture emploie pour exprimer notre conversion, ou quand on explique cette semence de Dieu de laquelle nous sommes nés selon l’apôtre saint Jean, ou quand on traite les passages qui marquent les devoirs de la femme envers son mari et du mari envers sa femme, ou quand on parle de l’amour de Jésus-Christ envers son Église, sous l’idée de l’amour conjugal, ou quand on traite la félicité éternelle, sous l’image d’un banquet ou d’une solennité de noces. Dans toutes ces occasions et autres semblables, la chasteté veut qu’on pèse tellement ses expressions, et qu’on fasse un si bon choix de ses pensées, que l’esprit de l’auditeur soit entièrement éloigné de toutes sortes d’idées charnelles et terrestres. Or le vrai moyen de réussir en cela et de ne presser point trop les termes métaphoriques, de se tenir dans des considérations générales, et si l’on peut d’expliquer le terme métaphorique en deux mots, et s’attacher ensuite à la chose même.
En quatrième lieu, il faut qu’un prédicateur dans sa tractation, soit simple, et grave. Simple, c’est-à-dire, qu’il dise les choses qui font du sens naturel, sans se jeter dans les spéculations métaphysiques. Car il n’y a rien de plus incommode que ces gens, qui débitent en chaire ces sortes de pensées abstraites, qui donnent des définitions en forme, qui font des questions scolastiques sur leur texte. Par exemple, touchant la manière de l’existence des anges, et le moyen par lequel ils se communiquent entre eux leurs pensées ; touchant la manière dont les idées sont éternellement dans l’entendement divin, et autres choses de cette nature, qui sans doute résistent à la simplicité. Mais il faut aussi qu’il soit grave, et qu’il évite toute sorte de pensées et même d’expressions basses, toutes sortes de proverbes, et de choses populaires. La chaire est faite pour le bon sens naturel, mais pour le bon sens des honnêtes gens. Elle ne veut point d’un côté qu’on philosophe trop ; mais elle ne veut pas aussi qu’on s’abaisse, ni qu’on rampe dans la lie du peuple.
En cinquième lieu, il faut que la tractation instruise l’esprit ; mais d’une manière pourtant qui touche aussi la conscience, soit en la consolant, ou en l’excitant aux actes de la piété, de la repentance, et de la sainteté. Or cela se peut faire en deux manières. L’une formelle, en tournant les matières qu’on traite du côté de la morale, et les appliquant semblablement à vos auditeurs. L’autre, par le simple choix des choses qu’on dira. Car il est certain, que si elles sont bonnes, solides, évangéliques, édifiantes d’elles-mêmes, quand on n’en ferait formellement aucune application, les auditeurs ne manqueront pas de se la faire eux-mêmes ; parce que ces sortes de choses sont d’une telle nature, qu’elles ne sauraient entrer dans l’esprit, qu’en même temps elles ne pénètrent jusqu’au cœur. Je ne blâme point la manière dont usent quelques prédicateurs, qui est qu’à mesure qu’ils ont traité quelque point de doctrine, ou qu’ils ont fait quelque importante considération ils en font en même temps une brève application morale aux auditeurs. C’est ainsi qu’en use très souvent Monsieur Daillé. Je dirai seulement qui ne faut pas faire de cela une coutume perpétuelle. Premièrement parce que ce qui se tourne en coutume ne fait presque plus d’effet, l’esprit de l’auditeur y étant préparé. Deuxièmement, parce que cela même interrompt en quelque manière le cours de l’explication que vous devez donner à votre texte, et par conséquent interrompt aussi l’attention de votre auditeur, ce qui est un inconvénient assez fâcheux. Néanmoins quand cela se fera rapidement et bien à propos, on en tirera sans doute quelque avantage.
Il y a aussi, outre cet usage que je viens de marquer, une autre manière pour tourner les choses du côté de la morale, qui est à mon avis, plus grande, plus noble, et plus efficace. C’est de traiter la doctrine contenue dans votre texte par voie d’application perpétuelle. Cette manière produit un grand effet, car elle plaît, elle instruit, elle touche partout et en même temps. Il ne faut pas pourtant s’en faire une habitude, par la raison que je viens de marquer que les choses qui sont tournées en habitude ne produisent presque plus aucun fruit. Il faut diversifier ses manières afin qu’on ne dise pas que vous n’avez qu’un chemin, et que l’esprit de l’auditeur ne se fatigue de se voir toujours traité d’une même sorte. Car il n’y a rien de plus délicat ni qui se rebute plus facilement que l’esprit humain. Il faut donc choisir bien ses occasions et ses sujets ; car il y a sans doute des temps qui sont plus propres pour cela, comme sont les jours de jeûnes et les jours de Cène, et il y a aussi des manières qui sont plus propres à être traitées de cette manière, je veux dire par voie d’application perpétuelle, comme est entre autres celle de la justification. Car vous pouvez fort bien dire à vos auditeurs, que vous allez leur proposer, non la doctrine de la justification, mais la manière dont il faut que chacun soit justifié, et les mouvements de conscience qu’ils doivent avoir pour cela.
Je mets en ce rang l’explication de plusieurs commandements de la loi. Comme : Tu ne déroberas point, tu ne paillarderas point, tu ne diras point de faux témoignage etc. Car ces commandements se peuvent fort bien traiter par une exacte énumération des vices auxquels nous sommes sujets, et qui sont contraires aux commandements dont il s’agit, et en même temps, par l’énumération des vertus auxquelles le commandement nous oblige, et dont nous sommes fort éloignés. Or cela est une espèce d’examen que nous faisons de nous-mêmes.
Sur la règle de ce commandement je mets aussi en ce rang les textes d’exhortation, comme sont ceux-ci : Que chacun s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain, et boive de cette coupe. Si nous sommes ressuscités avec Christ, cherchons les choses qui sont en haut, et non point celles qui sont sur la terre. Épluchez-vous, épluchez-vous, nations non-désirablesa et plusieurs autres de cette nature car alors au lieu de faire des réflexions de théorie sur l’épreuve de soi-même, sur notre résurrection avec Jésus-Christ et notre élévation aux choses du ciel, sur cet épluchement auquel le prophète nous exhorte, on peut avec beaucoup d’utilité obliger l’auditeur sur-le-champ à mettre en pratique ce que le texte porte, et en effet l’exécuter dans tout le corps de l’action. Cette méthode est sans doute grande, belle et pleine d’admirables fruits ; mais il faut qu’elle soit bien exécutée, avec adresse, avec force, avec choix des pensées et des expressions. Autrement un prédicateur ne fera que se faire moquer de lui, il aura ouvert une carrière, et il ne l’aura pas su remplir ; et alors on dira de lui : Parturiunt montes, nascetur ridiculus musb, ou Quid dignum tanto feret hic promissor hiatu ?c.
a – Sophonie 2.1 Recueillez-vous, recueillez-vous, race sans pudeur… Claude emploie ici le verbe éplucher, dans le sens d’examiner.
b – Les montagnes sont en travail, une ridicule souris va en naître. (Horace)
c – Qu’est ce que ce prometteur va produire, qui soit à la hauteur de sa vantardise ? (Horace)
En sixième lieu, un des plus importants préceptes pour la tractation d’un texte, et pour la composition d’un sermon, et d’éviter en toutes choses l’excès : Ne quid nimis. Il n’y faut point mettre trop d’esprit, je veux dire, trop de ces sortes de choses brillantes, surprenantes et agréables, car cela fait plusieurs méchants effets. L’auditeur ne manque jamais de dire : c’est un homme qui fait le bel esprit et qui se prêche soi-même ; ce n’est point l’Esprit de Dieu, mais l’esprit du monde qui l’anime. D’ailleurs l’auditeur en est accablé, l’esprit humain a ses bornes et ses mesures, et comme l’œil est ébloui et offensé d’un trop grand éclat de lumière, notre esprit de même l’est d’un trop grand amas de belles choses. De plus cela empêche le principal effet de la prédication, qui est de sanctifier la conscience. Car quand l’esprit est accablé de trop belles choses il n’a pas le loisir de faire réflexion sur les objets pour les faire passer jusqu’au cœur ; de plus ces sortes de choses qui égayent fort l’esprit, ne sont pas trop propres à émouvoir la conscience ; cela flatte l’imagination, et puis c’est tout. On ne manque aussi jamais de dire d’un tel prédicateur : il a de l’esprit, il a l’imagination vive et abondante ; mais le plus souvent on ajoute : il n’est pas solide. Enfin il est impossible que quand on se pique de remplir un sermon de beaucoup d’esprit, on soit en état de se soutenir toujours de même sans tomber dans des redites importunes Il est même bien difficile, que dans un même sermon il ne s’y trouve plusieurs faux brillants qu’on appelle du faux esprit, comme cela se voit tous les jours par l’expérience.
Il ne faut point aussi charger son sermon de trop de doctrine, tant parce que la mémoire de l’auditeur ne sera pas capable de retenir cela, et que voulant retenir tout, elle ne retiendra rien, que parce qu’aussi quand on remplit un sermon de trop de doctrine, il faut nécessairement ou être excessivement long, ou proposer la doctrine de manière sèche, serrée et scolastique ; ce qui lui ôte presque toute sa beauté et son efficace. Il faut dans un sermon instruire, plaire et toucher, c’est-à-dire, qu’il faut toujours faire ces trois choses autant qu’il se peut. Ainsi dans la partie instructive qui est la doctrine, il faut se souvenir qu’on la doit proposer d’une manière agréable et touchante ; de même dans les agréments, il faut qu’ils soient tels que non seulement ils plaisent, mais aussi qu’ils instruisent et qu’ils touchent. Et dans la partie touchante, qui est la conclusion, il ne faut pas aussi négliger l’agrément, ni même tout à fait l’instruction. On doit donc bien prendre garde de ne charger pas son sermon de trop de matière.
On doit aussi prendre bien garde de n’outrer jamais aucune matière particulière, soit en voulant l’épuiser absolument, soit en voulant la trop pénétrer. Si on la veut épuiser, il faut dire quantité de choses communes, sans choix et sans discernement. Et si on la veut trop pénétrer on ne saurait éviter qu’on ne tombe dans des questions curieuses et dans des subtilités peu édifiantes ; souvent même pour trop subtiliser on s’évapore, et l’auditeur ne vous peut plus suivre.
Il ne faut point outrer la métaphore ou les figures, ce qui se fait en poussant la métaphore jusqu’à l’allégorie, ou en poussant le parallèle. On change la métaphore en allégorie, quand on entasse un nombre de choses qui conviennent à un sujet en gardant toujours la métaphore. Comme par exemple, si on expliquait ce texte : Dieu nous est un soleil et un bouclier. Ce serait pousser la métaphore jusqu’à l’allégorie, que de faire un grand amas de ce que Dieu est en soi-même, de ce qu’il est à notre égard, de ce qu’il fait dans l’entendement et dans la conscience des fidèles, de ce qu’il opère sur les méchants, de ce que son absence nous cause, et sous des termes qui eussent un perpétuel rapport au soleil. Ce n’est pas qu’on ne puisse quelquefois faire des allégories, et qu’elles ne soient très belles, mais il ne les faut pas outrer, c’est-à-dire, qui ne faut pas épuiser tout ce qu’on peut dire sur le sujet. On pousse trop le parallèle, quand on a entassé un trop grand nombre de conformités qui sont entre la figure et la chose représentée par la figure. C’est le vice presque perpétuel des prédicateurs bas et médiocres. Car quand ils vous attrapent un mot figuré, ou une métaphore, comme par exemple lorsque la Parole de Dieu est appelée, un feu, une épée, etc. où l’Église, une maison, une colombe, etc. ou Jésus-Christ, une lumière, un soleil, un cep, une porte, etc. ils ne manquent jamais de vous enfiler un grand nombre de conformités entre ces figures et les choses elles-mêmes ; et le plus souvent ils en disent de ridicules. C’est donc un vice qu’il faut éviter, en se contentant d’expliquer la métaphore en peu de mots et d’en marquer les principaux fondements, pour ensuite s’attacher à la chose même.
Il ne faut pas outrer le raisonnement, ce qui se peut faire en plusieurs manières. Ou en faisant des raisonnements longs et composés de quantité de propositions enchaînées les unes dans les autres, de principes et de conséquences, cela est embarrassant et donne trop de peine à l’auditeur. Ou en faisant des raisonnements de plusieurs branches, qu’on établit ensuite l’une après l’autre ; cela aussi est ennuyeux et fatigue trop l’esprit. L’esprit humain demande d’être conduit par un chemin plus uni et plus facile. Il ne faut pas tout prouver en une fois ; mais en supposant des principes qui d’ailleurs soient véritables et du bon sens, et que vous soyez en état de soutenir et de prouver quand il sera nécessaire, il se faut contenter de les employer à la preuve de ce que vous avez en main. Cependant je n’entends pas que quand on raisonne, on fasse des arguments en quatre mots d’une façon sèche et qui dérobe à la preuve la moitié de sa force, comme font plusieurs auteurs. J’entends qu’on garde mesure, c’est-à-dire que, sans fatiguer trop l’esprit et l’attention de l’auditeur, on donne néanmoins au raisonnement toute la force et la clarté nécessaire pour produire son effet. On peut aussi outrer le raisonnement par le nombre, en entassant une grande quantité de preuves différentes sur un même sujet. Le grand nombre de preuves n’est supportable, que quand il s’agit d’une chose capitale qui peut trouver de la résistance dans l’esprit des auditeurs. Ou quand il s’agit d’une chose controversée. Encore faut-il que vous soyez obligés de la traiter ex professo et à fond, car autrement l’auditeur regardera cette grande application que vous aurez apportée à prouver votre sujet, comme un écart et une digression inutile. Mais lorsque vous êtes obligés de traiter un sujet à fond, que ce sujet est très important, qu’il peut être révoqué en doute, ou qu’il est en effet controversé, alors le grand nombre de preuves a lieu. Car il faut en ce cas se proposer de convaincre l’esprit, et d’accabler l’adversaire en faisant triompher la vérité par trente manières différentes. Plusieurs preuves ajoutées, l’une sur l’autre, font comme plusieurs rayons qui se fortifient naturellement, et qui font tous ensemble un corps de lumière, auquel il n’est pas possible de résister
En septième lieu, il se faut abstenir autant qu’il se peut de toutes sortes d’observations étrangères à la théologie. Je mets en ce rang :
Les observations grammaticales de quelque nature qu’elles soient, lesquelles n’étant pas de la connaissance du peuple ne font que l’ennuyer et le rebuter. On s’en peut néanmoins servir quand elles fournissent un beau sens, ou qu’elles donnent lieu à quelque importante observation touchant la chose même, pourvu que cela se fasse rarement et bien à propos.
Je mets en ce rang les observations de critiques, prises ou des diverses leçons, ou de la variété des ponctuations, ou autres telles choses. On peut si on veut se servir des lumières que la critique donne, mais il faut encore épargner à un peuple le menu qui ne lui peut être que très désagréable.
Il faut encore mettre en ce rang les observations philosophiques ou historiques, ou celles qui appartiennent à la rhétorique, et si on s’en sert, il faut néanmoins y insister très peu et choisir celles qui peuvent donner quelque lumière pour l’intelligence du texte, ou en rehausser l’éclat et la beauté, et rejeter les autres.
Je dis la même chose des passages des auteurs profanes ou des rabbins, ou des Pères dont plusieurs enrichissent leurs sermons. Tout cela n’est qu’une vaine ostentation du savoir qu’on a acquis par la lecture ; et le plus souvent ceux qui remplissent les actions de ces sortes de choses, ne les savent que par le rapport d’autrui. Je ne blâmerais pourtant pas un homme qui en userait discrètement. Une allégation non commune et faite bien à propos fait un assez bon effet.