Ce n’est pas contre la chair et le sang que nous avons à combattre mais contre les dominations, contre les puissances, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais qui sont dans les régions célestes 1.
Ce texte est le plus fréquemment cité quand il s’agit du combat spirituel et des armes du chrétien. Il n’a pas encore retenu notre attention. Et pour cause&nbsop;! La révélation qu’il apporte est si fondamentale qu’une place particulière devait lui être faite. Pour en saisir l’importance, il faut l’éclairer par d’autres passages de l’Ecriture.
Le deuxième commandement du décalogue nous interdit de nous faire une quelconque “représentation des choses qui sont dans les cieux” 2. Par cette mise en garde, Dieu veut sans doute prévenir nos justes réactions devant ce constat éprouvant : dans l’histoire de notre monde, la souveraineté du Dieu d’amour, de justice et de bonté se trouve en beaucoup d’occasions démentie par l’action souvent abominable des puissances de mensonge, de méchanceté et de corruption. A croire qu’elles échappent à l’autorité divine.
2 Exode 20.4.
Les essais d’explication de cet état de fait n’apportent pas toujours lumière et apaisement. Faut-il relever qu’ils sont pour la plupart le fruit de raisonnements strictement humains — on devrait dire avec Paul de “tâtonnements” 3 — et méconnaissent “la représentation des choses” que Dieu nous donne par sa Parole ?
3 Actes 17.27.
Pour éviter de nouveaux malentendus et engager nos lecteurs dans une réflexion conforme à l’Ecriture, il nous paraît nécessaire de rappeler ici quelques vérités élémentaires.
a) Le monde visible n’est qu’une partie de l’ensemble de la création.
b) Une autre partie, les cieux créés avant la terre 4, est peuplée de créatures différentes des créatures terrestres. Invisibles à nos yeux de chair, elles ont une activité en rapport avec notre création.
4 Genèse 1.1.
c) Notre perception immédiate de la réalité se limite aux choses visibles, palpables et mesurables. Notre connaissance même biblique de l’invisible est tributaire de représentations, d’images, de paraboles. Ce que Paul explique aux Corinthiens en parlant du “miroir des choses créées” 5. C’est pourquoi la seule véritable connaissance du monde invisible est celle qu’apporte l’Ecriture interprétée selon la sagesse du Saint-Esprit.
d) L’enseignement de Jésus tient compte de l’existence des anges et des archanges. Il nous les fait connaître comme des créatures célestes bonnes, agissant en notre faveur 6. Mais il tient compte aussi de l’existence d’autres créatures nommées ‘‘dominations, autorités, princes de ce monde de ténèbres, esprits méchants dans les lieux célestes”. En révolte contre le Créateur, elles ont des desseins aux conséquences redoutables pour la création tout entière 7.
6 Matthieu 18.10 ; Actes 5.19 ; 8.26 ; 10.3 ; 12.7 ; Hébreux 1.14.
e) Jésus n’a jamais laissé entendre que ces créatures “invisibles” puissent être considérées comme des forces impersonnelles. Il s’adresse à elles comme à des êtres ayant leur propre identité, leur propre caractère, leur propre nom, c’est-à-dire aussi leurs propres possibilités, leur propre responsabilité et leur propre histoire.
f) Il est absolument contraire à la révélation biblique de faire de Satan et de ses armées une sorte d’antidieu, de puissance éternelle des ténèbres à opposer à la puissance éternelle de la lumière, de pôle du Mal équivalant au pôle du Bien que serait le Créateur. Il n’y a pas d’équivoque possible : “C’est moi qui suis Dieu, il n’y en a pas d’autre”, dit le Seigneur par la bouche d’Esaïe 8. C’est pourquoi toute invocation à l’une quelconque des puissances célestes, tout recours à leur intervention — ce sont là les agissements des religions païennes et des praticiens de l’occultisme — sont sévèrement condamnés et tenus pour de l’idolâtrie 9. Seraient-elles invoquées, elles exercent sur notre vie une autorité qui interfère avec celle de Dieu et nous détourne de lui. Elles tiennent lieu de “représentation divine”. Incognito, elles peuvent dès lors exercer sur nous leur hégémonie. Et le Christ de nous avertir comment, adorateurs du seul vrai Dieu, nous pouvons pratiquement devenir des idolâtres 10.
8 Esaïe 44.6.
9 Exode 20.3-5. Note : De la même manière, toute divinisation, c’est-à-dire promotion au rang de valeur absolue, d’une vérité (la justice, le beau, l’unité), d’un esprit, d’une doctrine, d’une classe (le parti, le social, la bourgeoisie, le prolétariat), d’une chose (l’argent, le sport, le travail, la nation), d’une personne (le chef, la vedette) tombe sous la condamnation du deuxième commandement.
10 Matthieu 6.24. — Au risque de peiner certains frères qui, dans leur culte personnel ou communautaire, font large place à l’icône, il faut rappeler que l’importance qu’ils accordent à la représentation visuelle de la Trinité ou de créatures angéliques peut devenir une transgression du deuxième commandement selon Exode 20.4-6. En effet, à cause même de l’importance qu’ils lui donnent, cette représentation pourrait permettre à une créature céleste d’exercer sur eux une action extérieure à la médiation de Jésus-Christ.
g) Il est capital de souligner que Satan et ses armées, au même titre que toutes les créatures terrestres, sont créés par Dieu 11. Or, l’Ecriture précise, sans équivoque possible, que tout ce que Dieu a créé est bon 12. Il est donc insensé de raisonner à partir d’une création dans laquelle Dieu aurait placé volontairement, au ciel et sur la terre, des êtres originellement mauvais, prédestinés à faire le mal et — comble de contradiction — tenus de lui en rendre compte éternellement !
11 Colossiens 1.15.
12 1 Timothée 4.4.
h) Particulièrement élevé en dignité et pouvoir, Satan est l’animateur de tout le mal qui se commet sur la terre. A l’accomplissement de ses desseins insensés et déicides, il a entraîné une multitude de créatures célestes. Il s’est aussi acharné à faire de l’homme son complice, c’est-à-dire l’instrument de sa divinisation universellement reconnue 13. Il ne faudrait surtout pas en déduire que l’homme n’est pas responsable, lui aussi, du mal dont il souffre avec toute la création. Satan serait-il mis aujourd’hui dans l’impossibilité d’agir sur terre, l’homme de ce siècle resterait un pécheur, “enclin au mal, incapable par lui-même d’aucun bien, transgressant tous les jours et de plusieurs manières les saints commandements de Dieu”. Et il aurait pleinement conscience de sa responsabilité dans le mal qu’il commet.
13 Ce dessein, épaulé par une chrétienté apostate est aujourd’hui visible universellement. Il a pour religion un humanisme scientifique, matérialiste, définitivement débarrassé de Dieu et travaillant à l’établissement sur terre d’une société fraternelle et juste, acquise à la paix et à la liberté, grâce à l’effort conjugué de tous ceux qui la constituent. Cette idéologie assure que les efforts de l’homme et ses sacrifices aboutiront au paradis retrouvé. Ce sera l’œuvre de chefs salués comme les bienfaiteurs et les sauveurs de toutes les nations. L’un d’eux sera l’incarnation d’un messie non plus envoyé par Dieu mais sorti du milieu des hommes, revêtu de toute la puissance que lui conférera son véritable maître : Satan. La Bible lui donne le nom d’Antichrist (1 Jean 2.18, 22 ; 2 Thessaloniciens 2.3-12).
i) Ce défi diabolique a suscité, de la part du Créateur, une réponse connue et qui constitue précisément l’Evangile de Jésus-Christ. La croix en est la pièce maîtresse. Jésus remporte au Calvaire une double victoire. Sa mort expiatoire accomplit le juste jugement de la créature révoltée et elle donne à celle-ci la possibilité d’être “arrachée au pouvoir des ténèbres” 14. La résurrection de Jésus atteste sa victoire sur les puissances du mal et de la mort. Elle signe leur totale défaite, la mise en échec définitive de leur dessein d’hégémonie universelle. Ainsi Jésus est véritablement le Sauveur offrant à tout homme le salut.
j) Ce serait méconnaître la mesure de l’orgueil et de la prétention des Puissances sataniques que de les tenir pour convaincues de leur échec. Devant le Christ aujourd’hui Seigneur du ciel et de la terre, elles se savent sans possibilité de véritable résistance 15. Mais l’Ecriture nous avertit de leur tactique visant à parer aux conséquences de leur défaite. De siècle en siècle, Satan travaille à détruire le peuple d’Israël et celui de l’Eglise. Cette double entreprise vérifiable dans l’histoire est, à sa manière, un éloquent témoignage de la vérité de l’Ecriture. Parallèlement, Satan s’ingénie à susciter faux prophètes et faux docteurs, promoteurs d’un Evangile ayant les apparences de la vérité mais reniant son seul vrai fondement : la croix, sa seule vraie structure : la Parole révélée par l’Esprit et reconnue comme seule autorité en matière de foi et de conduite.
15 Philippiens 2.10.
En résumé, des créatures célestes bonnes et des créatures célestes mauvaises exercent une autorité influente, et sur la création visible, et sur le déroulement de l’Histoire 16. Notre intérêt allant, ici, à celles que nous avons à combattre, c’est d’elles seulement que nous nous occuperons.
16 Daniel 10.13.
Qui sont-elles ?
Nous savons leurs noms. Ce sont les Trônes (tronoi), les Seigneuries (kuriotès), les Principautés (archai), les Autorités (exousiai), les Puissances (dunameïs), les Eléments du monde (stoikeia tou kosmou).
Il est intéressant de noter que le psaume 110 est le plus souvent cité dans le Nouveau Testament. Or, il prophétise la victoire du Seigneur sur les Puissances ennemies. Ce que soulignent également les épîtres, celles de Paul en particulier, à chaque fois qu’il est question de ces Puissances 17. L’apôtre démontre que le Christ a mis fin à leur hégémonie, qu’il a jugulé leurs prétentions et les a dépouillées du droit qu’elles avaient acquis et prétendaient garder sur la création tout entière 18.
17 Galates 4.3-9 ; Ephésiens 1.21 ; 3.10 ; Colossiens 2.10, 15, cf. aussi Hébreux 10.13.
18 On peut relever que les philosophies et les religions païennes leur font une grande place dans leurs spéculations et leurs mystiques. En astrologie, les Puissances, par le biais des planètes et des signes du zodiaque, ont trouvé un support à leurs prétentions autoritaires. Cela explique les superstitions anciennes et modernes quant aux influences astrales et, parallèlement, les violentes diatribes des prophètes d’Israël, puis des apôtres de l’Eglise primitive, contre les sciences et les pratiques occultes, et contre les cultes rendus à ces divinités. En effet, toute forme d’idolâtrie sert leur cause et contribue à leur hégémonieusurpée.
Il ressort de cet enseignement que ces créatures célestes jouent un rôle important à l’arrière-plan des événements qui marquent l’histoire, celle du salut en particulier. Pour exemple : Paul explique aux Corinthiens 19 la responsabilité des Puissances et leur aveuglement quand elles menaient le combat contre Jésus et croyaient en triompher par la crucifixion. Elles ne savaient pas qu’elles travaillaient ainsi à sa victoire et à leur perte définitive. Autre exemple : dans l’épitre aux Romains, Paul établit une relation étroite entre les autorités terrestres — celles de l’Etat en particulier — et les Exousiai dans le ciel 20.
20 Romains 13.1, cf. exégèse de ces textes par O. Cullmann dans Etudes de théologie biblique, Delachaux et Niestlé, p. 99-120.
Mais la question qu’il faut ici élucider est moins celle de leur identité que celle de leur liberté d’action depuis leur défaite à la croix. Comment, en effet, déclarer d’une part qu’elles sont maintenant dans la dépendance du Christ alors que, d’autre part, nous sommes invités à les combattre ?
Dans l’Ecriture, la soumission au Christ des Puissances et Principautés célestes est présentée sous deux aspects.
Elle est actuelle : Dieu a souverainement élevé Jésus et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux et sur la terre… En tout, Jésus-Christ a le premier rang dans les cieux et sur la terre… 21
Mais par rapport aux Puissances, cette Seigneurie définitive est aussi présentée comme une réalité à venir, donc en cours d’accomplissement. Aux Corinthiens, Paul présente Jésus-Christ comme celui qui règne jusqu’à ce que Dieu ait mis tous ses ennemis sous ses pieds 22. Plus explicitement encore, l’auteur de l’épître aux Hébreux dit de Jésus : Après avoir offert pour les péchés un sacrifice unique, il siège pour toujours à la droite de Dieu et il attend désormais que ses ennemis soient son marchepied 23. Cette contradiction n’est qu’apparente ; elle se retrouve en bien d’autres aspects de la révélation. Pour exemple : ce qui concerne notre salut. Nous sommes réellement sauvés par Jésus-Christ et aucune œuvre de notre part ne peut rien ajouter à ce que le Christ a parfaitement accompli pour nous 24. En même temps, nous avons à travailler à notre salut, à persévérer dans la foi si nous voulons obtenir ce qui nous a été promis 25.
23 Hébreux 10.12-13.
24 Romains 3.24-26.
En ce qui concerne les Puissances célestes — “représentation des choses” donnée par Dieu dans sa Parole — nous pouvons établir ce qui suit : Originellement, les Puissances des ténèbres n’étaient pas mauvaises. Elles le sont devenues par le même processus de rébellion et de prétention à l’autonomie qui a fait de l’homme l’ennemi de Dieu. Constituées autrement que l’homme, elles ont irrévocablement dit non à Dieu, sans que jamais soit perçue en aucune d’elles, même la lueur d’une pensée de repentance. L’œuvre du Christ a mis fin définitivement à leur volonté d’hégémonie. Elles sont aujourd’hui sous son autorité et, jusqu’à l’heure où elles seront jugées, elles sont tenues de remplir le rôle qui leur avait été assigné dans le cosmos et dans la création 26.
26 Un exemple typique nous en est donné dans Esaïe 19 où l’Eternel met fin à l’action de la Domination à l’œuvre en Egypte, ou encore dans Daniel 10 où l’action de la Principauté de la Perse est mise en échec par l’archange Micael suite à la prière du prophète Daniel.
Suivant le rang qu’elles occupent et l’autorité qu’elles détiennent dans la hiérarchie céleste, leur pouvoir s’étend à un homme, à une famille, à un lieu, à une ville, à une région, à une nation, à un ensemble de nations. Elles agissent seules ou en nombre. Elles s’organisent et s’entraident dans l’accomplissement de leurs desseins. Dans la liberté que Dieu leur laisse, elles régissent le cours de l’univers et participent au déroulement de l’histoire des nations, dont l’hostilité envers Dieu sert leur cause. Certes, quelles que soient la puissance et l’étendue de leurs moyens d’action, “elles ne peuvent aller plus loin que la longueur de leur chaîne”, comme le disait Luther. Cependant, dans les limites de leur pouvoir d’intervention, leur nature ‘‘ennemie” et “démoniaque” se manifeste dès l’instant où, sur la terre, elles trouvent des répondants dociles à leur volonté permanente de suprématie :
27 Psaume 2 ; Actes 4.25-27.
Il en sera ainsi tant que durera l’économie actuelle (le présent éon, dit l’Ecriture).
Il est intéressant de relever ici ce que Jacques Ellul écrit au sujet des Puissances :
Je reste fermement convaincu avec Barth et Cullmann que les “Exousiai” dont parle le Nouveau Testament correspondent à des réalités spirituelles. Elles sont caractérisées par leur relation avec le monde concret des hommes. Elles s’expriment dans des réalités sociales, humaines. interviennent à l’occasion de ce que l’homme fait et décide… (Leur action a pour effet de) transformer une réalité naturelle, sociale, intellectuelle, économique, en une force excédant les capacités humaines de résistance ou de contrôle, une force dépossédant l’homme de la situation où Dieu l’avait mis pour diriger la création, une force qui attaque l’homme de l’intérieur comme de l’extérieur… La chair et le sang ne sont pas redoutables en tant que tels… ils le deviennent lorsqu’ils sont saisis, modifiés par les Puissances… Il en est de même de la plupart des Eléments que nous considérons d’un point de vue naturaliste comme des institutions, structures, forces sociales, etc. 28
28 Ethique de la liberté, nouvelle série-théologique, Labor et Fides, tome 1, p. 174-175.
Mais ce qu’il faut dire en même temps, c’est que jusque dans le champ d’action de ces Puissances, n’importe où et n’importe quand, Jésus-Christ au ciel et sur la terre a autorité pour intervenir, pour dévoiler ou renverser leurs plans, pour juguler leur activité, pour semer la déroute dans leur camp, pour faire servir leur plus néfaste entreprise à l’accomplissement de son dessein de salut 29. Car depuis son retour à la droite du Père, le Christ a repris à sa base le projet séculaire de Dieu : l’unité et l’harmonie d’une création réconciliée avec lui et définitivement délivrée de ses agents corrupteurs. C’est ainsi que lors du “rétablissement de toutes choses”30, les Puissances connaîtront leur ultime et définitive défaite.
29 Psaumes 110.1 ; Actes 2.23 ; 4.28 ; 13.27 ; 1 Pierre 3.22.
30 Actes 3.21.
Quand donc l’apôtre nous invite au combat, nous ne sommes pas conviés à une escarmouche contre des diablotins. Nous avons à prendre notre place de “résistants” et de ‘‘soldats” mobilisés à plein temps. Sur un terrain déjà arraché au contrôle et au pouvoir de. l’Ennemi, la bataille est gigantesque. Elle est cosmique. Elle nous oppose réellement au diable et aux Eléments dévoyés.
Mais ce qu’il faut dire aussitôt, c’est que ce combat a des aspects très différents de celui que connurent les serviteurs de l’Ancienne Alliance.
On s’indigne aujourd’hui du fait que les Israélites vouaient à l’interdit, c’est-à-dire à la destruction, les lieux et les gens de Canaan 31.
Notre indignation ne tient pas compte de la situation d’alors. Face à l’étendue et à la puissance d’action des démons — Canaan en était littéralement investi 32 — face également à la volonté corruptrice et meurtrière 33 des Puissances célestes, les Juifs ne disposaient d’aucun moyen réel de guérir et de libérer ceux qui étaient démonisés. On peut donc comprendre que devant la menace dont ils étaient l’objet, cette action ‘‘terre brûlée” — en soi difficilement acceptable — ait été ordonnée à tout Israël, comme la seule possible, aussi bien par le valeureux Josué que par l’humble et doux Samuel. Autre aspect de la situation d’alors : ni Moïse ni Elie ne pouvaient modifier directement le cours des circonstances. C’était en réponse à leur prière de foi, ou alors par une intervention directe de Dieu, que cessait telle plaie ou que s’arrêtait la pluie 34.
33 C’est encore vrai aujourd’hui.
Mais à partir de la victoire de la croix et de la Seigneurie du Christ au ciel et sur la terre 35, il y a du nouveau sous le soleil. Une nouvelle économie est née.
Rachetés par le Seigneur, dans la connaissance de sa volonté et dans notre unité avec lui, nous sommes mis au bénéfice d’une autorité qui nous permet de combattre directement les mauvais desseins des Dominations célestes. Quand elles menacent une région, ou une ville ou une famille, quand elles s’acharnent à faire obstruction à la prédication de l’Evangile, “assis avec Christ dans les lieux célestes” 36 nous avons le pouvoir de juguler leurs forces et de mettre un terme à leur volonté d’opposition 37. Nous disposons des armes que le Christ nous a acquises et dont il veut nous équiper 38. Nous pouvons combattre les Puissances, mais cette fois, dans la compassion pour tous les hommes tombés en leur pouvoir. La chair et le sang du prochain — sa personne — ne sera jamais la cible à atteindre et détruire. Nos interventions auront à s’en prendre à l’Ennemi lui-même et et aux personnes qu’il nous oppose et dont il a fait ses instruments 39.
36 Ephésiens 2.6.
37 L’histoire de l’Eglise et de la mission comporte de nombreux récits de combats et de victoires de cet ordre.
39 On peut relever que dans ce combat, nous sommes soutenus par les Puissances angéliques “‘bonnes”. Cf. Actes 5.19 ; 12.7 ; 27.23.
En réponse aux intentions subversives du diable et des Puissances ennemies, ce combat est à livrer sur deux terrains. Hélas ! ni l’un ni l’autre ne sont aujourd’hui reconnus comme des lieux où la vigilance personnelle et communautaire des chrétiens devrait être constamment tenue en éveil.
Nous éclairerons les dimensions du premier par quelques citations bibliques. Paul écrit aux Colossiens :
Que nul ne fasse de vous sa proie avec de la philosophie (spéculation religieuse), cette vaine duperie qui s’appuie sur la tradition des hommes, sur les Eléments du monde, et non sur le Christ 40.
40 Colossiens 2.8.
Si vous êtes morts avec Christ, donc soustraits aux Eléments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, êtes-vous l’objet d’interdictions : Ne prends pas, ne goûte pas, choses dont l’usage conduit à la perdition… 41
Il écrit aussi aux Galates, chrétiens d’origine païenne que des judaïsants voulaient ramener dans leur giron légaliste : L’enfant est soumis à des tuteurs et à des régisseurs jusqu’à la date fixée par son père. Nous, de même, quand nous étions des enfants soumis aux Eléments du monde, nous étions esclaves. Mais Dieu a envoyé son Fils… qui a payé… notre libération.
Plus loin :
Quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous étiez asservis à des dieux qui, de leur nature, ne le sont pas ; mais maintenant que vous connaissez Dieu… comment pouvez-vous retourner encore à ces Eléments. dans la volonté de vous y asservir à nouveau 42 ?
42 Galates 4.2-5, 8-9 ; cf. Ephésiens 2.2.
Une lecture attentive de ces paroles et de leur contexte souligne un rapport évident entre la loi et les Eléments, c’est-à-dire entre la loi et les Puissances angéliques. Ce qui résulte de ce rapprochement est redoutable, mais combien significatif.
Commençons par dire, avec l’apôtre Paul précisément, que la loi est “spirituelle… et bonne” 43. Du reste Jésus n’a-t-il pas souligné l’intangible valeur de la loi en disant qu’il ne disparaîtrait d’elle ni un iota ni un trait de lettre aussi longtemps que le ciel et la terre n’auraient pas fait place à la nouvelle création 44 ? Mais ce qu’il ajoutait ne saurait être assez entendu. Il précisait en effet qu’il était venu non abolir la loi mais l’accomplir.
44 Matthieu 5.18.
Une fois encore citons Jacques Ellul : Dieu impose à l’homme un commandement. Mais l’acte décisif et toujours renouvelé de l’homme consiste à séparer de cette parole celui qui la dit et à prétendre l’accaparer pour en faire sa propre parole. Cela a commencé en Eden. La ruse satanique est à la source de ce détournement. Influencé par le serpent, l’homme sépare la parole entendue de celui qui la lui ordonne. Ainsi, il dispose du commandement pour lui donner une autre portée, un autre sens. Finalement, l’homme prétend faire de ce commandement sa propre parole, c’est-à-dire, il prétend formuler par lui-même le bien et le mal. Alors la relation avec Peu est rompue et l’homme transforme sa finitude en aliénation 45.
45 Opus cité, p.166.
Pourrait-il en être autrement ? L’autorité qui dictait le com- mandement et en permettait l’accomplissement était celle du Dieu d’amour. Maintenant que l’homme dispose de la loi, elle n’est plus qu’un commandement investi d’un pouvoir que l’homme lui confère. A lui seul déjà, ce pouvoir est contraignant. Mais il faut ajouter que cette contrainte opère dans une situation où la rupture intervenue entre Dieu et l’homme fait de ce dernier non seulement un être asservi à lui-même, mais encore une proie facile pour l’Ennemi désireux de l’aliéner. Et c’est précisément par le moyen de la loi qu’il travaillera à cette aliénation.
Devant les justes exigences de la loi, l’homme ou bien se culpabilise (ce qui ne change rien à sa propre condamnation), ou bien cherche à établir sa propre justice. Cela le conduit à des spéculations “religieuses” qualifiées par l’apôtre Paul de “creuses duperies” 46. Cela le conduit aussi à cette religion littéralement épuisante, le légalisme, qui fait de l’homme non pas un serviteur de Dieu, donc un disciple du Seigneur, mais un inquiet constamment préoccupé de satisfaire aux exigences de la loi.
46 Colossiens 2.8.
Y a-t-il, en effet, plus dérisoire tromperie ? Sa vie durant, l’homme s’astreint à une liturgie d’ascétisme, de privations, conjointe à une observation plus ou moins stricte de commandements. Aveuglé sur lui-même, il cherche et croit trouver dans le légalisme sa justification et sa sécurité. Il en arrive à se faire toutes sortes d’illusions sur lui-même ; à mener une vie sectaire et frustrante en conséquence de ses opinions complètement erronées sur les exigences de Dieu ; à prévoir enfin un avenir éternel aménagé selon ses propres idées. Ajoutons que selon ce légalisme, Dieu n’a qu’une face : celle d’un implacable justicier 47.
47 L’horrible histoire de l’Inquisition ne cesse de nous rappeler, en effet, à quelle caricature peut conduire le christianisme légaliste et apostat. Hélas ! toujours à nouveau, de faux prophètes ou de faux bergers s’évertuent à le remettre en honneur. A la recherche d’une meilleure spiritualité, ils prônent aujourd’hui, par réaction contre le matérialisme et sa morale relâchée :
— le légalisme de la pauvreté (meubles et vêtements remplacés par un dénuement volontaire, un habillement de toile grossière, etc.) ;
— le légalisme de l’abstinence sexuelle (on prône le célibat, on interdit aux membres mariés de la communauté de se rencontrer) ;
— le légalisme du végétarisme, du naturisme (régimes alimentaires, retour à la nature, à la nudité adamique) ;
— le légalisme de l’autorité (on établit des règles contrôlées par un “berger” aux verdicts absolus).
Ce n’est pas là simple métaphore. Chez beaucoup de gens, ce méfait du légalisme correspond à un comportement justement décrit par le vocabulaire suggestif de la psychologie : complexes, peurs, inhibitions, sentiments de culpabilité…
Ou bien, en réaction à ce légalisme générateur de paralysies et de névroses, de non moins faux bergers enseignent une nouvelle liberté et une nouvelle morale, dont le seul résultat est qu’elles maintiennent l’homme dans les mêmes illusions et le même asservissement, sous d’autres trompeuses apparences de libération :
— le légalisme du bonheur, par des acquisitions au plan social et économique ;
— le légalisme de la liberté sexuelle (droit à l’amour, au divorce, au libre échange de partenaires, etc.) ;
— le légalisme de l’abondance des moyens matériels à disposition ;
— le légalisme de la liberté anarchique et révolutionnaire.
Ce légalisme correspond aussi à un comportement et un vocabulaire qui le décrivent.
Il est significatif que dans l’évangile de Jean, le premier contact de Jésus avec les hommes soit caractérisé par cette parole de Jean-Baptiste : “Voici l’Agneau de Dieu…” 48 non pas qui dénonce le péché du monde, mais ‘‘qui ôte le péché du monde”. Les chrétiens s’en souviennent-ils, qui trop souvent commencent par dire aux gens : “Si tu veux être chrétien, voilà ce que tu dois faire ou ne pas faire !”
48 Jean 1.29 et 34.
Il est également significatif que parmi tous les hommes rencontrés par Jésus, celui duquel il est dit : “Jésus l’ayant regardé l’aima”, celui-là ait été justement un strict observateur de la loi ! Devant l’offre d’une vie libérée, il préféra s’en tenir à sa position légaliste sous l’autorité de cette puissance céleste nommée Mamon 49.
On peut comprendre l’exclamation indignée de l’apôtre Paul : O Galates stupides, qui vous a envoûtés (version Darby : qui vous a ensorcelés ; version Osterwald : qui vous a enchantés), alors que sous vos yeux a été exposé Jésus-Christ crucifié ? 50
50 Galates 3.1.
L’usage de telles expressions n’est pas fortuit. On sait bien qui est l’envoûteur, l’ensorceleur, celui qui procède par fascination, séduction ou enchantement. En effet, le légalisme est le terrain de prédilection des puissances célestes. Faisant état de l’origine divine du commandement — Paul dit que la loi fut promulguée par les anges 51 — elles font appel à la dévotion du croyant, elles le persuadent de se faire le serviteur chevronné de toutes sortes d’exigences.
51 Galates 3.19.
Aussi, dans l’épître aux Colossiens, l’apôtre procède-t-il à une remise en ordre qu’il voudrait libératrice — on pourrait écrire aussi désenvoûtante. Il écrit : Ne vous laissez pas frustrer de la victoire par des gens qui se complaisent dans une dévotion, dans un culte des anges ; ils se plongent dans leurs visions, et leur intelligence charnelle les gonfle de chimères 52.
52 Colossiens 2.18.
Mais n’allons pas croire que les “dévots” soient les seules victimes de ce légalisme aux mains des Puissances.
Qu’ils s’affichent à l’enseigne du “politique” ou à celle du matérialisme athée, les servants des idéologies actuelles sont, eux aussi, sous l’asservissement des Autorités et des Dominations célestes. Cela est patent en chacune de ces idéologies. Le sectarisme y sévit avec une rigueur impitoyable, portant la marque de celui qui l’inspire et dont l’Ecriture nous dit qu’il est meurtrier dès le commencement. Et l’on s’étonne des Goulag, de la torture, du monde concentrationnaire auxquels conduisent ces chauvinismes ! Et l’on nous affirme ne pas comprendre qu’à l’âge “adulte” de cette moderne culture, on en soit encore là ! Et voici que, pour y remédier, on ne sait faire qu’une chose : rajouter des lois, raffermir des doctrines, les absolutiser, au nom du Parti et par raison d’Etat.
Jésus est venu pour que nous recouvrions la vue. Nous resterions volontairement aveugles si nous refusions de voir que, là aussi, même plus gravement que chez les dévots, par le moyen de la loi et de l’endoctrinement les Exousiai asservissent les hommes, piétinent leurs derniers espaces de liberté, étouffent en eux toute voix qui crie à l’aliénation. Oui, on refuse de voir que ce monde antichristique est la démonstration — dès longtemps prophétisée par l’Ecriture — de l’ultime combat que mènent les Puissances vaincues par la croix mais obstinées à nier leur défaite.
Et lorsqu’on sait que chez beaucoup de chrétiens l’idéologie trouve crédit surtout parce qu’elle apparaît comme une juste réaction au légalisme étouffant, on peut mesurer par quel jeu “ensorcelé” les Puissances tiennent l’homme en leur pouvoir.
En conclusion, et sur ce premier terrain, le combat passe par une phase combien nécessaire : simplement redonner à la loi son véritable sens et sa juste place.
La loi de Dieu ne vise nullement à culpabiliser l’homme pécheur et à le condamner. Elle est au contraire la démarche par laquelle Dieu, certes, révèle à l’homme sa condition de captif mais aussitôt trace les chemins de la merveilleuse liberté à laquelle il vient en personne l’appeler et l’entraîner 53.
53 Cf. épître aux Romains, ch. 7 à 8.4.
Donc, la libération du mal ne consiste pas à remettre les gens sous l’autorité d’une loi, mais à les ramener dans la communion du Créateur dont Jésus est le vrai visage et l’incarnation.
Encore faut-il ajouter, car c’est loin d’être une évidence, même pour ceux qui se disent chrétiens : dans ce face à face avec Dieu, les hommes auront d’abord à se laisser aimer par lui.
Encore une fois, cet amour n’abolira pas la loi. Il en sera d’elle comme des sentiers, des chemins, des routes ou des voies à sens unique, des trottoirs et des passages cloutés dans chacune de nos cités et régions : ils sont une facilité de parcours et une sécurité. Ainsi de la loi dans notre vie en Christ !
C’est lui notre direction, c’est à lui que nous regardons, c’est à son service que nous marchons. Nous ne sommes disciples ni de la marche, ni de la route (ni de la loi, ni des commandements). Nous sommes disciples du Christ. En chaque cas, en chaque circonstance, il nous indique où nous allons, quel chemin suivre, quel passage traverser.
Cela étant entendu, entrons sur le deuxième terrain. Une parole du Christ l’éclairera 54 :
54 A noter que dans Matthieu 16.13-19, il est aussi enseigné : “Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délie aux cieux…” Commentaire : quand Pierre et, après lui les chrétiens, confessent en Jésus le Messie Fils de Dieu, ils constituent l’Eglise et sont alors revêtus de l’autorité de l’Esprit Saint. Celle-ci est évidente lorsqu’ils enseignent, témoignent, font entendre la Parole de Celui auquel tout est soumis au ciel et sur la terre. Alors, selon la promesse, ils lient et délient, ils ouvrent ou ferment l’accès au royaume de Dieu. Et la clef, selon l’illustration connue, c’est l’autorité conférée par l’Esprit au ministère de la Parole (cf. Esaïe 22.22 ; Apocalypse 1.18 ; 3.7).
Si ton frère a péché, va le trouver et reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux frères afin que toute l’affaire soit liquidée sur la déposition de deux ou trois témoins. S’il ne les écoute pas, dis-le à l’Eglise, et s’il n’écoute pas l’Eglise, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. En vérité, je le déclare : tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et fout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. En vérité, je vous le dis encore : si deux d’entre vous s’accordent dans leur requête au sujet de n’importe quelle affaire, mon père céleste le leur accordera. En effet, là où deux ou trois s’assemblent en mon nom, je suis au milieu d’eux 55.
Disons d’abord que certains aspects de cette exhortation prendraient davantage de relief encore si nous nous souvenions que cette péricope, dans Matthieu, fait suite à l’histoire de la brebis perdue. Le propriétaire — Dieu le Père — met tout en œuvre pour la retrouver et dit sa joie d’y avoir réussi. Sous l’éclairage de ce bonheur de Dieu retrouvant sa créature égarée, revenons au texte qui lui fait suite.
Comment l’Eglise a-t-elle reçu cette exhortation à rejoindre tel frère défaillant ? Elle y a discerné une marche à suivre quand s’égarait l’un des membres de la communauté.
Il n’y a rien à redire à cette compréhension du texte, sinon que sa mise en pratique demande beaucoup de grâce et de sagesse ; ce qui explique peut-être que, dans l’Église, la démarche proposée soit trop souvent remplacée par un mutisme gêné. L’expérience rend d’autant plus prudent qu’elle n’est pas toujours concluante.
Il faudrait réfléchir aux difficultés rencontrées et se demander d’abord si l’enseignement du Christ n’a pas été entendu avec une oreille faussée par le légalisme. En effet, neuf fois sur dix, le coupable prête aux paroles de ses frères la tonalité de l’accusateur 56 et non celle du Saint-Esprit ; il ne voit pas dans leur démarche une promesse de libération, mais une intervention de la jurisprudence ecclésiastique. Aussitôt, l’histoire de la poutre et de la paille encombre son entendement 57, et le fait d’être “à deux” pour le convaincre ne le rend pas nécessairement plus accessible. Dans un tel état d’esprit (sans e majuscule !), l’intervention de la communauté donne à penser au “fautif” qu’il est conduit devant un tribunal du peuple ! Il est vrai que l’histoire des “exclusions” ou des “excommunications”, dans telle église ou communauté, est de triste mémoire, en dépit de tout le miel des propos qui les accompagnait.
56 Apocalypse 12.10.
57 Matthieu 7.5.
Ces difficultés reconnues tiennent une fois de plus à une interprétation légaliste du commandement et non au clair enseignement de Jésus.
En recourant à l’illustration de la brebis perdue, il décrit, en effet, une situation à ne jamais oublier, quelles que soient les apparences contraires. L’homme pécheur, donc éloigné de Dieu souffre de sa situation quoi qu’il en dise, et, inconsciemment peut-être, lui le premier, serait réjoui d’en être libéré.
A partir de ce premier fait, à ne jamais négliger ou omettre, la démarche des personnes appelées à ramener l’égaré, connaît quatre étapes. La succession et l’éventuelle nécessité des trois premières s’expliquent sans peine. Quant à la quatrième, elle peut nous paraître surprenante puisque l’opération ultime proposée a des effets jusque dans le ciel.
De l’échec auquel pourraient aboutir les trois premières étapes, nous ne retiendrons que la conclusion : Qu’il soit pour toi comme un païen.
Une note de la TOB (traduction œcuménique de la Bible) traduit : Ne t’en occupe plus, tu n’en es plus responsable. Singulier commentaire qui démobilise le chrétien à l’heure où, comme le Père patient et miséricordieux, il aurait tout au contraire à reprendre sa tâche d’évangéliste. Ce n’est pas sans raison si un homme en faute ne veut rien savoir de la démarche successive d’un frère, puis de deux frères, puis de l’Eglise entière. Son comportement atteste : ou bien qu’il ignore l’essentiel de l’Evangile, ou bien qu’il se trouve lié par les Puissances.
Comment agir ?
Dire à cet homme que tout est possible à Dieu et que l’intervention du Christ aura pour résultat une libération de son état malheureux, c’est fort bien. A condition que nous soyons assurés que ce “frère” connaît véritablement l’Evangile. Or, l’expérience montre que trop souvent les “chrétiens” savent théoriquement les promesses et les ordres du Seigneur, mais ignorent l’essentiel de l’œuvre première qu’il doit accomplir dans toute vie d’homme : la “régénération”, appelée aussi “la nouvelle naissance” 58, C’est à la Croix qu’elle nous est démontrée, c’est dans l’épitre aux Romains qu’elle nous est expliquée. Rappelons-le brièvement.
58 Jean 3.3, 7 ; 1 Pierre 1.3, 23.
Dans cette lettre de Paul, l’importance est d’abord donnée à la foi, puisque sans elle, nous ne saurions rien obtenir, rien accomplir. Puis, au chapitre 6, nous est transmise la plus extraordinaire des informations. A la croix de Golgotha, par la mort du Christ, Dieu a définitivement réglé notre sort. Là, une fois pour toutes, nous avons été jugés, condamnés ; et la sentence a été exécutée. Notre vieil homme, pécheur, est mort. Véritablement mort.
Par le Seigneur lui-même, nous sommes invités à croire cela : “Considérez-vous comme morts” puisque vous êtes morts à l’heure où je mourais à la croix.
C’est un fait, établi et déclaré par Dieu. C’est même un ordre : “Considérez-vous…”
Bien sûr, et pour autant, le péché n’a-t-il pas quitté ce monde. Mais si, par la foi, j’accepte d’être mort avec Christ, je suis soustrait à la domination du péché, je ne suis plus son obligé serviteur. Cette délivrance est aussi réelle qu’est réelle la mort de Jésus-Christ.
Mais il y a un second fait dont je suis informé. Il est lui aussi définitif et capital. “Considérez-vous comme vivants pour Dieu.”
Jésus est ressuscité. Par la foi, j’étais un avec lui dans sa mort. Par la même foi, j’entre avec lui dans sa vie de résurrection. C’est pourquoi l’occupant de ma vie, le péché, a définitivement et doublement perdu son pouvoir sur moi. En effet, dès lors, un autre s’offre à prendre sa place. Heureusement pour moi.
Dans mon passé, j’étais dominé par mon vieil homme pécheur. Aujourd’hui, dans les structures qui me constituent encore et que l’Ecriture appelle ma chair et mon sang, je ne saurais régir seul ma vie. C’est pourquoi j’accepte que le Christ non seulement soit mon Sauveur et mon libérateur, mais qu’il soit le Seigneur par la force duquel, dès lors, la victoire sur le péché, l’accomplissement de la volonté de Dieu, deviennent possibles dans ma vie.
C’est là qu’intervient, avec la foi, la libre volonté. C’est un choix à opérer constamment. Dans l’épître de Paul, cela est traduit par : Etant devenus vivants, donnez-vous vous-mêmes à Dieu ; offrez vos membres comme des instruments de justice.
W. Nee explique cela par une parabole éclairante 59, Un homme devenu chrétien fut invité à être le quatrième partenaire à un jeu d’argent. Avant sa conversion, il s’était passionné à ce jeu ; maintenant il le réprouvait ; il dit simplement : “Je ne puis plus y prendre part, je n’ai pas apporté mes propres mains.” “Que voulez-vous dire ?” demandèrent-ils. “Ces deux mains ne m’appartiennent pas” ; puis il leur expliqua le changement de propriétaire qui s’était fait en lui.
59 W. Nee : La vie chrétienne normale, p. 114 ; éd. Un témoin, 1 rue Offenbach, Paris 16e.
S’il est vrai que la réprimande d’un frère reste une démarche difficile, de toute manière elle n’est possible qu’à l’enseigne d’une volonté de pardon et d’amour fraternel. Bien évidemment, cela requiert plus que des mots. Il faut l’action du Saint-Esprit pour qu’ils soient agréés 60.
60 La rencontre avec celui qui a fauté peut être rendue difficile par ceux-là même qui interviennent et en dépit du fait qu’ils ont invoqué le secours de l’Esprit Saint. En effet, il ne suffit pas de l’appeler à l’aide. Encore faut-il lui laisser liberté d’action. Cette vérité de la Palisse est souvent méconnue de ceux qui se soumettent à une obéissance n’ayant que les apparences d’une vie de disciple. Cela est plus fréquent qu’on ne le pense. On sait que l’obéissance de la foi ne peut être efficace que dans une réelle communion avec le Seigneur lui-même. Or, sur le fondement de l’Ecriture, il est relativement aisé d’établir une doctrine biblique de la plus pure orthodoxie, correspondant par certains aspects et toutes proportions gardées à un droit canon romain. Une piété ainsi ordonnée peut se dire évangélique et se réclamer du nom du Seigneur, voire de son Saint-Esprit. En réalité, à l’insu de celui qui la pratique, elle peut devoir davantage à un doctrinarisne évangélique qu’à la personne du Seigneur lui-même. Sous cet éclairage, la marche dans la foi (conséquemment toute démarche de cet ordre) est une fois encore confondue avec un comportement légaliste, paralysant l’action de l’Esprit Saint pourtant invoqué.
Cependant, même pratiquée avec la plus authentique compassion, la démarche envisagée pourrait essuyer un refus ou encore être manifestement inopérante. En l’un et l’autre cas, nous ne saurions admettre que l’interpellé demeure dans cet état répréhensible. Ainsi que nous l’avons relevé, l’ordre du Christ d’avoir à considérer le cou- pable ‘‘comme un païen” n’est pas à confondre avec un lâchage. A preuve l’assurance donnée : Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel, aussitôt suivie de cette seconde promesse : Je vous le dis en vérité, si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux. En d’autres termes : Quand un frère en dépit d’exhortations charitables s’avère sans force devant le mal qui le tient captif, notre intervention doit devenir une prière à deux, jointe à une action de “liement” et de “déliement”.
Ce langage n’était pas étranger à des oreilles juives habituées aux psaumes ou à certains textes prophétiques.
Au sens propre comme au sens figuré, le lien nous prive partiellement ou totalement de notre liberté d’action. Il nous retient, il nous impose son pouvoir, il nous maintient captifs.
Tu as délivré… mes pieds de la chute… Tu as détaché mes liens, dit David avec reconnaissance 61.
Le méchant est pris dans les liens de son péché, déclare Salomon 62.
62 Proverbes 5.22.
Esaïe nous invite à dénouer les liens de toutes les servitudes 63.
63 Esaïe 58.6.
Tu es dans les liens de l’iniquité, dira Pierre à Simon le magicien 64.
64 Actes 8.23.
Plus ou moins consciemment, tout homme se trouve relié à un réseau d’habitudes, de pensées, de traditions, de manières d’agir ou de réagir, qui ne tiennent pas à lui seulement, mais à la famille dans laquelle il a grandi, à la société humaine dans laquelle il a encore sa place.
Une sorte d’étude écologique ferait ressortir les nombreuses sphères d’influences souvent délétères dans lesquelles, intellectuellement et moralement, demeure l’homme que le Christ est venu libérer.
A moins qu’elle soit une adhésion formelle à un système ecclésiastique ou à certaines vérités de l’Ecriture, la conversion devrait nous faire ‘‘passer des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu” 65. Mais ce revêtement de l’homme nouveau s’accompagne de dépouillements. Il oblige à rompre des liens, à détacher des chaînes.
65 Actes 26.18.
Le pouvoir des clefs — cette autorité conférée à l’Eglise — est accordé d’abord pour attester au pécheur repentant la grâce et le pardon du Seigneur.
Mais il nous est aussi remis pour venir en aide à nos frères.
Ils sont nombreux à connaître des difficultés plus ou moins grandes suivant les péchés auxquels ils se sont adonnés autrefois, selon le train de ce monde, selon le Prince dominateur de l’espace, selon l’esprit qui agit dans les enfants de rébellion, selon les convoitises charnelles… 66
66 Ephésiens 2.1-3.
Après leur nouvelle naissance, beaucoup de chrétiens ressemblent à Lazare sorti du tombeau. Ils sont vivants mais encore prisonniers de leurs bandelettes. Jésus donne l’ordre aux disciples de les délier 67.
67 Jean 11.44.
Reprendre son frère, ce n’est donc pas lui faire des reproches. C’est lui venir en aide, parce qu’on le voit retenu par tel ou tel lien d’iniquité, ou prisonnier de fausses manières de penser, de se comporter, d’agir, de réagir, spirituellement, psychiquement, intellectuellement.
Et cette aide n’est pas toujours et simplement d’ordre psychologique. Comme le dit Paul, au lieu d’être une action touchant la chair et le sang, elle devient un combat libérateur de l’emprise des Puissances.
Et ces liens peuvent enserrer une personne, également une famille ou une communauté, ou encore une ville, même une région.
Est-il nécessaire de le préciser ? Même si le lien est une œuvre de l’Ennemi, il n’est pas à confondre avec lui.
1. Le lasso n’est pas le cowboy ; le lien n’est pas l’esprit méchant ou la Puissance céleste. Alors que le démon peut devenir un occupant qui agit de l’intérieur, le lien est une action de l’Ennemi opérant cette fois de l’extérieur. Elle sera d’autant plus effective que l’homme visé sera demeuré passif, voire consentant.
L’Ennemi investit souvent une personne en commençant par la lier. Exemple : un esprit d’impureté peut suggérer à quelqu’un la possibilité d’un adultère. Le consentement trouvé en l’homme ou la femme fera le jeu de ce mauvais esprit. Progressivement, il liera regards, sentiments, pensées et poussera à l’acte. On pourrait dire qu’au début, ce n’était qu’un fil ténu ; il est devenu un lien.
Ce ligotage s’exerce toujours à partir du consentement à un esprit dominateur. Toutes choses, toutes relations, peuvent être moyen ou occasion utilisés par l’Ennemi pour mettre sur nous et progressivement son filet : une tradition familiale, une position sociale, l’intérêt porté à un objet, à une personne, à une cause, à un souvenir, à un travail, à un loisir, à un sport, à un événement, à un attachement. Certes, ce conditionnement a des aspects psychologiques, mais la ruse de l’Ennemi est précisément de nous intéresser à ce seul aspect, alors qu’il en use pour établir progressivement sa domination paralysante.
L’exhortation apostolique : Que le soleil ne se couche pas sur vos ressentiments ; ne donnez aucune prise au diable68 veut nous soustraire à cette volonté de l’Ennemi de nous avoir à sa merci.
2. Un lien n’est pas à confondre avec une tentation ou avec un péché. La tentation n’est pas le péché. Jésus a été tenté et n’a jamais péché 69. On peut être tenté par l’adultère et résister à cette tentation. On peut donc refuser et le péché et la tentation. Si l’adultère est un péché 70, le consentement à l’adultère, sans avoir encore trouvé l’occasion de le commettre, est aussi un péché 71. On peut enfin être lié par la pensée de l’adultère sans avoir effectivement commis le péché d’adultère.
69 Hébreux 4.15.
70 Exode 20.14.
71 Matthieu 5.28.
3. Il ne faut pas confondre le lien avec l’habitude, même si telle habitude peut offrir à l’Ennemi un moyen de nous lier.
Il y a de bonnes habitudes ; il y a des habitudes recommandables et qui ne seront jamais un terrain d’action pour l’Ennemi. Mais il y a aussi des habitudes propices aux liens.
L’exemple connu de l’alcoolique ou du fumeur est instructif. A partir de quel moment un homme est-il lié par la nécessité de boire ou de fumer ? Il n’est pas nécessaire d’insister et d’expliquer que ce lien peut être rapidement noué. L’alcoolique ou le fumeur savent bien qu’il ne suffit pas de cesser de boire ou de fumer pour être libéré. La désintoxication au plan physiologique n’est pas encore la libération ou la rupture du lien. A preuve, les rechutes expliquées par un refrain connu et significatif : “Ça a été plus fort que moi !”
4. La sobriété des détails donnés par Luc dans son récit de la libération d’une femme liée depuis 18 ans 72 ne permet pas de tirer de ce récit un enseignement absolument fondé. Cependant, les termes employés à décrire la condition de la malade et les effets de l’intervention de Jésus restent instructifs.
72 Luc 13.10-17.
L’habitation en elle d’un démon et ce qui en est résulté pourrait confirmer ce que nous relevions plus haut : à partir d’un lien, progressivement la malade a été entravée dans son être physique. Elle s’est peu à peu courbée, sans possibilité de se redresser. Satan est désigné nommément comme l’auteur de cet asservissement. L’expulsion d’un démon permettra à la femme de retrouver sa liberté de mouvement.
On peut en déduire que le ligotage s’est fait de l’extérieur par l’action persévérante d’un méchant esprit. A son heure, il s’est installé en elle. Par ailleurs, rien n’indique que cette infirmité ait été progressive durant dix-huit ans. Elle s’est peut-être manifestée soudainement. De toute manière, l’intervention de Jésus est caractérisée par une rupture du lien, par une expulsion du démon, acolyte satanique de l’asservissement de cette femme.
Faut-il prendre le soin de préciser qu’il serait insensé de considérer toute infirmité comme un lien satanique ? Mais ce serait tout aussi erroné de nier la relation possible entre une infirmité et un lien.
5. Il n’est pas possible d’établir la liste de ces liens. Au moins faut-il laisser entendre leur nombre et leur diversité :
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En conclusion, être serviteur de Jésus-Christ, c’est entrer dans une résistance ouverte et victorieuse contre toute hégémonie que prétendraient garder sur nous les Eléments de ce monde.
Pour mémoire rappelons les armes défensives de ce combat : le casque du salut, la cuirasse de la justice, la ceinture de la vérité, le zèle et les bonnes dispositions, le bouclier de la foi.
Dans un monde régi par les Puissances asservissantes, notre communion avec le Christ nous réserve sans cesse et partout un espace de liberté. Notre responsabilité est de le sauvegarder, soit aussi de nous tenir sous la protection de cet équipement défensif.
Nous confessons que Jésus-Christ est notre Seigneur. Nous ne le disons pas devant les hommes seulement, mais devant les créatures célestes. Nous les informons de notre refus qu’elles puissent nous tenir en bride. Nous manifestons que “délivrés de la puissance des ténèbres, nous sommes déjà dans le royaume du Fils bien-aimé ” 73. Certes, nous sommes encore de ce monde. C’est pourquoi si, jusqu’à l’avènement du Seigneur, nous tenons compte de notre condition humaine, nous tenons compte aussi de l’existence des Puissances et reconnaissons la part qu’elles ont encore dans le déroulement de l’histoire de cette création. Donc nous les respectons. Mais ce n’est plus d’elles que nous dépendons.
73 Colossiens 1.13.
Mieux que cela, nous sommes appelés à en délier les autres. En effet, nous disposons d’une arme offensive que peut mouvoir la force surnaturelle de la prière personnelle et commune. Cette arme, c’est l’épée de l’Esprit, c’est-à-dire la parole prophétique, la parole inspirée, la parole que Dieu nous donne de prononcer avec autorité, en tout temps, en tous lieux, en toutes circonstances. Cette épée coupe les liens, défait les bandelettes, rompt les chaînes, débride les abcès, renvoie libres ceux qui sont dans l’oppression.
Dieu accomplit ce qu’il promet et ce qu’il ordonne.
Quand, au nom de Jésus-Christ, nous lions sur la terre, c’est-à-dire paralysons l’action asservissante des Puissances, cela s’accomplit dans le ciel.
Quand, au nom de Jésus-Christ, nous rompons sur la terre les mailles du filet qui tient les hommes captifs du Dominateur de ce siècle, cela s’opère dans le ciel.
Les Eléments demeurent impuissants lorsque, revêtus de l’armure, nous agissons au nom du Seigneur, avec cette arme invincible qu’est la Parole de Dieu.
Les démons ne sont pas à confondre avec les Puissances. Les premiers s’efforcent de cohabiter dans l’homme alors que les Principautés célestes l’investissent plutôt de l’extérieur, en tout cas le régissent.
C’est pourquoi, dans le ministère de la libération, nous sommes appelés parfois à délier les gens, parfois à chasser les démons. Mais nous sommes aussi appelés à lutter contre les Puissances, à les rendre inoffensives, à leur ordonner de lâcher prise, donc à œuvrer de telle manière que les hommes découvrent la liberté que Jésus est venu nous rendre 74.
74 A propos d’Ephésiens 6.12, il est encore important de relever que l’enseignement apostolique établit une nette différence centre, d’une part les esprits et démons, d’autre part les Eléments et Puissances. Ainsi que nous l’avons dit, ces derniers, même soumis à Christ (Colossiens 1.16 ; 2.10, 15), ont encore la possibilité d’agir contrairement à la volonté de Dieu (Ephésiens 2.2) dans le cosmos, sur la terre, dans l’histoire, à la direction des Etats et sur le plan culturel en général. Mais, pour autant, il n’est dit nulle part que nous ayons à les chasser et à les envoyer dans l’abîme, — Autres détails à relever : Les Puissances célestes ne cherchent pas un lieu, un corps où habiter. Les démons, oui (Matthieu 12.43). Alors que les démons savent pertinemment qui est Jésus et confessent sa Messianité, jusqu’à l’Ascension les Puissances ne l’ont pas reconnu, ignorent encore le dessein de Dieu (1 Corinthiens 2.8 ; Ephésiens 3.10). Relevons enfin, à l’intention de ceux qu’étonnerait la traduction Segond d’Ephésiens 6.12 (‘nous avons à lutter… contre les esprits méchants”) que l’original grec “tà pneumatikà tès ponèrias” ne permet pas la confusion entre “des esprits méchants” et “les Puissances”. Dans son commentaire du Nouveau Testament, éd. Delachaux et Niestlé, tome IX, Ch. Masson traduit : “Notre combat n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les Principautés, contre les Autorités, contre les Dominateurs de ces ténèbres, contre les Puissances spirituelles de la méchanceté dans les cieux.” En résumé, notre action au nom du Christ doit paralyser l’intervention des Puissances, mais chasser les démons.