Il faut établir d’emblée une distinction entre divination et magie, quand même les deux pratiques sont proches, se retrouvent parfois chez le même « sujet », et ont une base commune.
La divination cherche à connaître le cours de l’histoire passée, présente ou future, que cette histoire concerne la société ou un homme en particulier. Elle use de moyens que nous ne saurions citer tous, car ils sont littéralement innombrables. Les plus connus sont l’astrologie, la cartomancie, la chiromancie. Mais une bibliographie complète comprendrait une liste de plus de deux cents noms. Pour mémoire, citons-en quelques-uns : l’alphitomancie ou divination par le pain d’orge dont il reste l’imprécation populaire : « Si je vous trompe, que ce morceau de pain m’étrangle » ; l’anthropomancie, divination par l’inspection des entrailles, dite aussi aruspicine, bien connue chez les Romains ; la cléromancie ou art de lire la bonne aventure par le sort jeté, par exemple avec des dés ou des fèves noires ou blanches ; l’oomancie, ou divination par les œufs, soit à la manière ancienne par l’étude des formes intérieures de l’œuf, soit à la manière moderne par l’étude des figures que forme le blanc d’œuf tombé dans un verre d’eau. Et l’on pourrait parler de la pégomancie, divination par l’examen des eaux de fontaine, de l’oniromancie où divination par les songes, de la pyromancie, ou divination par la couleur et la forme des flammes, et de la non moins célèbre divination par l’examen du marc de café. Toutes ces « mancies » sont détaillées dans de nombreux manuels adéquats, pratiquées et enseignées par des milliers de personnes. Toutes font plus ou moins appel à :
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Dans la recherche des causes, la description, même sommaire, de l’art divinatoire des occultistes peut nous apporter quelque enseignement. Penchons-nous sur :
La cartomancie. C’est certainement la divination la plus commune, sinon la plus arbitraire. Elle fait usage ordinairement d’un jeu de trente-deux cartes où les figures, contrairement au jeu ordinaire, ne sont pas doublées. Selon une règle quasi immuable, chaque carte a une signification. De plus, la série à laquelle elle appartient — exemple : les piques ou les carreaux — présage quelque chose de déterminé. La couleur des figures annonce des personnes d’une couleur précise : blondes ou brunes. Le roi d’une certaine couleur sera un personnage honorable qui vous veut du bien. Mais si la figure apparaît renversée, c’est qu’il va être entravé dans ses généreuses intentions à votre égard. Tandis que le roi d’une autre série ou couleur représente une autorité avec laquelle vous aurez des démêlés. Idem pour la reine qui, dans une couleur, vous annonce une femme bienfaisante, tandis que dans une autre couleur, elle devient jalouse ou malfaisante si elle apparaissait renversée. Et ainsi de suite pour chacune des trente-deux cartes.
Il y a encore les combinaisons des cartes : quatre rois de suite, ou trois, ou deux, ou alors quatre sept, ou trois neuf, ou deux dix, etc., sont autant de nouvelles indications.
Enfin, à tout cela s’ajoute la méthode elle-même qui comporte plusieurs opérations laissant finalement entre les mains de la « tireuse » douze cartes auxquelles le consultant aura à ajouter une treizième « parce qu’il est reconnu qu’il faut treize cartes ». Coupées « par la main gauche » du consultant, elles seront rangées en six tas successifs qui concernent chacun la réponse à donner : 1° au sujet de la personne elle-même ; 2° pour sa maison ; 3° pour les questions en suspens ; 4° pour l’inattendu ; 5° pour ce qui est possible ; 6° pour sa consolation.
On mesure la liberté d’interprétation laissée à la « tireuse », qui va broder l’histoire passée et surtout future du consultant sur cette trame à la fois permanente et sans limite. Cet art, qu’on pourrait appeler mineur, connaît une version majeure, appelée le jeu de tarots. Il s’agit d’un jeu de cartes ordinaires, mais accompagnées de quarante-six cartes, soit au total soixante-dix-huit cartes, dites aussi « lames ». Dans ce jeu, les figures du tarot, selon la fameuse loi analogique chère aux occultistes, servent de base à des considérations qui tiennent à la fois de la philosophie, de la mystique et de la métaphysique. Comme le dit l’un de ses fervents joueurs, « le tarot relie en les dévoilant le passé à l’avenir, le présent à l’éternel, le provisoire à la pérennité de l’être, le relatif à l’absolu, toujours en révélant des probabilités de l’avenir se manifestant dans le présent. La transmission des secrets (que je préfère appeler des clefs) initiatiques demeure assurée, dans le temps et l’espace, par le tarot pour qui sait épeler, lettre à lettre, grâce à ces figures toutes de naïvetés graphiques et polychromes ». Avec cette remarque importante : le tarot peut connaître un double usage : comme les cartes à jouer, il peut être un pur jeu de la pensée — une alchimie de l’image symbolique — sans relation aucune avec l’occultisme ; mais il peut aussi servir de support à la divination.
La chiromancie. Cette divination s’appuie sur l’étude des lignes de la main gauche et des éminences que l’on trouve à la racine de chaque doigt et à l’intérieur même de la paume de la main. Sont prises en considération les lignes de jointure à la limite du poignet et de la main, la ligne dite de vie ou du cœur allant du bord gauche à la racine du pouce ; la ligne dite de la santé et de l’esprit appelée aussi ligne médiane, traversant la main d’un bord à l’autre ; enfin la ligne dite de la fortune ou du bonheur qui commence à la racine de l’index et rejoint la racine de l’auriculaire.
Les éminences ou gonflements charnus portent également des noms précis : mont Vénus à la racine du pouce, mont Jupiter à celle de l’index, mont de Saturne à celle du médius, mont Soleil à celle de l’annulaire ; enfin mont de Mercure à celle de l’auriculaire. On donne le nom de mont de la lune à la partie charnue droite de la paume et mont de Mars à l’espace situé entre la ligne de l’esprit et celle du cœur.
L’étude de chacune de ces lignes, leur caractère particulier quant à la largeur, la longueur, la profondeur, la couleur, l’aspect flou ou marqué, strié ou net, tortueux ou droit ; l’endroit où elles commencent ou finissent, l’étude de leur parallélisme ou au contraire de leur point de jonction ; l’aspect des différentes tubérosités, suivant qu’elles sont unies, chargées ou non de petites rides, d’une ou de plusieurs croix, de plis tortueux, de ligne se dirigeant dans une direction donnée, colorées fortement ou pas ; chacun de ces détails et l’ensemble de ceux-ci sont autant d’indices permettant, selon les devins, l’interprétation du passé, du présent et de l’avenir du consultant.
Le marc de café est une des divinations les plus simples quant au « support ». On laisse dans la cafetière le marc qui y est déposé. L’ayant fait chauffer avec un peu d’eau en vue de son délayage, on verse ce liquide en petite quantité dans une grande assiette propre et sèche. On agite l’assiette légèrement pendant un instant, et avec délicatesse on fait évacuer l’eau de manière à laisser le marc sur l’assiette. Par suite des mouvements opérés, les particules du marc forment un certain nombre de figures qu’il importe maintenant de déchiffrer. Il y a là plusieurs dessins géométriques entremêlés, allant du rond au carré, en passant par l’ovale, le triangle et Le rectangle ; il y a également des points, des courbes, des croix, des figures ressemblant à ceci ou cela, à des lettres, à des arbres, à des poissons, à des oiseaux, à des fleurs, à des serpents, à des animaux, etc., etc. Et le devin de lire tous ces signes, tous ces présages et de les interpréter.
L’astrologie. C’est l’art divinatoire certainement le plus popularisé par les courriéristes d’horoscopes de presque tous nos journaux quotidiens ou illustrés. C’est également l’art divinatoire le plus galvaudé, celui qui occupe les loisirs du plus grand nombre d’exploiteurs de gogos. Mais à côté de ces charlatans existent des astrologues sincères, qui travaillent avec une parfaite bonne foi et une volonté sincère de parfaire leurs connaissances.
Par l’astrologie, ils cherchent à définir les rapports qu’ils croient avoir découvert entre les mouvements de l’univers sidéral, autrement dit, les mouvements des astres, et ceux qui agitent les créatures terrestres, aussi bien les inanimées (matière et énergie) que les animées (plantes, animaux, hommes, collectivités).
A l’appui de leur recherche, ils citent l’influence de la lune sur les marées, le rythme de la menstruation, les périodes de crise chez les aliénés. Ils comparent les formes elliptiques des révolutions sidérales et leur progression en spirale le long de l’écliptique, et les mêmes formes dans le dessin ou le mouvement des coquillages marins par exemple, ou des vrilles de certaines plantes. Ils démontrent un synchronisme entre certains rythmes cosmiques et le rythme cardiaque et respiratoire de l’homme. La découverte, par la science nucléaire du système solaire en miniature qu’est la structure de l’atome, viendrait corroborer l’axiome bien connu : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. »
L’observation de ce qui est en haut a permis de discerner, dès les temps anciens, que les astres, dans leur apparente évolution autour de la terre, tracent dans le ciel un chemin circulaire. Celui-ci est appelé le Zodiaque. Ce cercle se trouve divisé en 12 fractions aux noms connus de : Bélier, Taureau, Gémeaux, Cancer, Lion, Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire, Capricorne, Verseau et Poissons.
Le soleil met exactement une année à les parcourir, séjourne donc un mois dans chaque signe, tandis qu’il faut 28 jours à la lune pour faire le tour du cercle zodiacal. Quant aux huit planètes de notre système solaire, à cause même de leur distance, elles parcourent le cercle zodiacal selon des vitesses très différentes.
Il existe des tables dites Ephémérides, qui donnent avec précision la position exacte de chacun des corps célestes à une date, même à une heure déterminée.
Deux éléments entrent en cause dans la détermination des rapports à établir entre ce qui est en haut et ce qui est en bas : le lieu, la date (même l’heure) de la naissance du sujet consultant.
Le cercle zodiacal avec la position de chaque astre va se trouver coupé par une ligne transversale figurant la ligne d’horizon du lieu de naissance du sujet, tandis qu’une ligne verticale marquera le méridien de ce même lieu. Cette ligne d’horizon et la ligne du méridien deviennent les deux axes d’un cercle qui sera superposé au cercle zodiacal. Par suite de cette double figure, l’astrologue a en mains tous les éléments lui permettant l’analyse du cas examiné.
Le premier cercle, avec ses douze signes, représente le grand univers, ou ce qui est en haut, avec toutes les virtualités correspondant à chaque signe : Bélier, principe de puissance, Balance, principe d’équilibre, etc., etc. Le second cercle, divisé en « maisons », figure le petit univers ou ce qui est en bas. A cela s’ajoute le fait qu’à une certaine date, telle planète se trouvait à l’orient, telle autre à l’occident, ou alors, suivant le lieu de naissance, dans une partie visible ou invisible du ciel.
Une autre correspondance peut encore être établie. Imaginons l’être humain disposé en cercle autour du Zodiaque, la tête rejoignant les talons. Chaque signe correspond à une partie du corps : le Bélier à la tête, les Gémeaux aux bronches, le Sagittaire aux cuisses, etc.
Une dernière correspondance est à établir entre les deux cercles, car les douze maisons représentent chacune un aspect particulier de la vie : maison I, la vie physique ; maison II, les ressources nécessaires à cette vie, etc., etc.
C’est sur ces données fondamentales que s’établit toute révélation astrologique.
Nous avons déjà noté la différence à établir entre divination et magie. Alors que la première vise à la connaissance surnaturelle d’événements passés, présents ou futurs, la seconde prétend modifier le cours des événements. On peut dire du devin qu’il est un contemplatif, alors que le magicien est toujours un homme d’action. On pourrait dire aussi que le magicien est un révolté. Il n’admet pas qu’une autre volonté que la sienne — par exemple celle de son client — limite son pouvoir. Si Dieu existe, si les lois scientifiques existent, le magicien refuse d’en tenir compte et prétend les plier à sa fantaisie.
Les moyens mis en œuvre sont extrêmement variés et ne sauraient être rapportés dans cette brève notice. Cela va des formules incantatoires les plus simples, du genre « Sésame, ouvre-toi », aux cérémonies les plus compliquées dont plusieurs éléments se trouvent aussi bien dans les rites d’envoûtement hindous que dans les danses rituelles des Africains, ou encore dans les séances d’initiation franc-maçonniques.
La similitude des formules ou des gestes amènerait facilement à confondre ce qui tient à la magie, à la science, ou à la religion. C’est pourquoi le magicien peut être pris pour un habile technicien apparenté au prestidigitateur, ou alors pour un homme de science animé d’un esprit profondément religieux. Cependant une observation plus précise nous fait découvrir des différences profondes qui marquent très nettement la frontière entre le magicien et le prestidigitateur, ou le magicien et l’homme de science, ou le magicien et le chrétien. Et là encore, c’est la fameuse loi dite des analogies qui les différencie.
Alors que l’homme de science étudie ou applique les lois de relations de cause à effet vérifiables sans cesse dans le temps et l’espace, Le magicien n’en tient pour ainsi dire nul compte. Indifférent aux lois scientifiques, il cherche les analogies et, les ayant trouvées, les utilise pour agir dans une situation donnée afin, si possible, d’en modifier le cours. Il établit ainsi un inventaire extrêmement varié et riche de paroles ou de prières à dire, de gestes à faire, d’objets ou de moyens à utiliser dans des circonstances déterminées.
Cet inventaire s’accompagne de la description détaillée des attitudes, des gestes et de leur succession. Mais la magie ne s’arrête pas à ce ritualisme simple ou compliqué. Elle admet l’existence d’un monde supra-naturel, peuplé d’êtres invisibles doués de puissance et capables d’interventions dans notre monde terrestre. La magie, dans son déploiement rituel, vise d’abord à entrer en communion avec ces « esprits », maîtres des forces naturelles du bien et du mal. Elle veut se les rendre favorables avec l’arrière-pensée de les soumettre à son action. Avoir autorité sur ces puissances, c’est en même temps disposer de forces défiant les lois naturelles. C’est aussi jouir d’un prestige suscitant à la fois le respect et la crainte, puisque le magicien prétend conjurer le mauvais sort, guérir les malades, agir à distance sur une personne ou un groupe de personnes, ou sur le déroulement d’un événement.
Les magiciens, qui ne sont pas des prestidigitateurs, avouent que leur art s’accompagne parfois d’invocation à des puissances surnaturelles. Ils utilisent aussi amulettes, talismans, sortilèges, enchantements, ont des pratiques mystérieuses comportant jusqu’à des pactes traités avec des puissances infernales.
Précisons enfin que beaucoup d’entre ces praticiens sont à la fois devins et magiciens et que leur art s’apparente aussi bien à la connaissance de la Cabale (écrit théosophique juif) et de tous les livres d’initiation de l’antiquité, qu’au spiritisme, à l’astrologie, aux tarots, et autres pratiques divinatoires évoquées plus haut. Ils croient aux vertus magiques des chiffres, des mots, des formules, des gestes, également à celles de certains objets, comme le fer à cheval ou une croix, ou alors à celles des pierres précieuses. Ils interprètent les songes, attirent l’attention sur les présages (miroir cassé, croassement d’un corbeau, étoile filante, rencontre d’un ramoneur, découverte d’un trèfle à quatre feuilles), enseignent les contre-charmes (se tenir les pouces, toucher du bois, cracher par terre et compter jusqu’à treize), et la valeur des talismans (une corde de pendu, un Saint-Christophe, une branche de gui).
Tout cela se trouve consigné dans de petites brochures qu’on se passe sous le manteau, dans des livres très savants, au nombre desquels on peut citer plusieurs apocryphes, ou encore dans des œuvres comme celles du magicien et maître de théologie Albert le Grand († 1280), connues à l’heure actuelle sous le nom « Les secrets du grand Albert ». Citons également des apocryphes attribués à Moïse.
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De nos jours, l’occultisme doctrinal a trouvé un regain de vitalité dans un grand nombre de sectes ou fraternités inspirées surtout par la littérature hindouiste. Les intellectuels de langue française, quand ils ne sont pas marxistes ou existentialistes, sont volontiers sectateurs de cette spiritualité orientale. Beaucoup parmi eux ont un intérêt marqué pour les yoga, vieille pratique hindoue.
Cette nouvelle « mode » religieuse doit son succès momentané à son caractère de nouveauté pour les Occidentaux blasés et amateurs d’’inédit. En fait, cette mode n’est qu’une réédition de l’occultisme le plus authentique.
Ceux qui pratiquent le yoga croient qu’on peut acquérir un parfait contrôle des forces subtiles de la nature mortelle et s’en rendre victorieux. Ainsi, au premier chef, le yoga est une méthode visant à détruire la mort. Et quelle méthode ! C’est à vous couper le souffle. Cette expression n’est du reste pas déplacée, car la maîtrise du souffle, de l’inspiration et de l’expiration, est un des exercices réguliers auquel se livre le yogi. Selon lui, en diminuant la quantité d’air expirée, la vie augmente ; en augmentant la quantité d’air expirée, la vie s’abrège.
Il y a beaucoup d’autres exercices à côté de celui-ci : exercices de gymnastique afin de redonner au corps, et par lui, à l’esprit, le repos qu’il a perdu ; exercices d’assouplissement des muscles de contraction afin de retenir le souffle à l’intérieur du corps. Exercices de purification par le lavage des cavités du corps, l’estomac étant considéré comme l’une d’elles ; exercices de concentration, de jeûne, de privation ; exercices tendant à contrôler notre système circulatoire, nerveux, pour en arriver finalement à des exercices d’entraînement psychique.
Quel est le but de ces heures, de ces mois, de ces années d’entraînement à recommencer sans cesse ? Obtenir des pouvoirs merveilleux, calmer et purifier son esprit, exalter sa puissance psychique. De même que, par l’alphabet, on peut à force de pratiques, devenir maître en beaucoup de sciences, de même par les exercices successifs, le yogi croit pouvoir acquérir la connaissance de la vérité. Voyez plutôt :
« En rendant conscient et volontaire le travail créateur de notre pensée, nous nous identifions avec la Pensée universelle. En nous identifiant avec la pensée universelle, nous réunissons le moi relatif avec le moi absolu, inconditionné, source unique de toute pensée, et par suite de toute action et de toute réalité…
» En dégageant notre personnalité vraie de notre personnalité apparente, c’est-à-dire, en nous libérant de la chaîne des renaissances en l’Adam, nous nous créons une personnalité immortelle…
» Une question souvent posée est de savoir si l’appui et les conseils d’un guide, d’un « gourou », sont absolument nécessaires pour s’aventurer et persévérer dans la voie de la réalisation. Oui, ils le sont dans la mesure où vous croyez qu’ils le sont. Le seul vrai gourou est Dieu ; les gourous de chair n’en sont que l’image et cette image est dans votre esprit. Si donc vous ne rencontrez pas le gourou de chair, faites appel à Dieu. Dieu vous répondra immanquablement parce que Dieu, c’est le moi, et le moi c’est vous, bien que vous vous ignoriez encore vous-mêmes. »
On retrouve dans la pensée des yogis, sous une forme nouvelle, le vieux principe pourtant toujours pareil : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». C’est que Satan continue de redire à l’Adam de tous les temps et de toutes les latitudes : « Si vous écoutez ma parole, vous serez comme des dieux. » Il n’a jamais cessé de faire cette promesse aux hommes. Hélas ! Ils n’ont jamais cessé d’y croire, parce que, selon la parole de saint Jean, leurs œuvres étant mauvaises, les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, le mensonge à la vérité. D’où le succès de l’occultisme. D’où aussi la nécessité de le montrer sous son vrai jour : un moyen de maintenir l’homme dans la dépendance du « serpent ancien, appelé le diable ou Satan, celui qui séduit toute la terre » 1.
Jusqu’ici, nous n’avons fait que prendre connaissance de la doctrine et des pratiques de l’occultisme, pour aider le lecteur à mieux discerner la multiplicité des domaines auxquels touche l’occultisme et la grande variété des pratiques auxquelles il conduit.
Au-delà de cet exposé de la théorie et des faits, quelques questions essentielles sont à poser : Qu’il s’agisse de divination ou de magie, les miracles ou les manifestations en apparence d’ordre surnaturel sont-ils à ranger véritablement parmi les phénomènes paranormaux, voire d’essence divine ? Faut-il chercher ailleurs la source de ces possibilités inhabituelles ? Les connaissances accumulées par l’occultisme rendent-elles compte vraiment de la réalité invisible, ou bien cette connaissance est-elle le fruit, savant peut-être, mais non moins illusoire d’une prodigieuse imagination ? En ce dernier cas, comment une doctrine imaginaire et illusoire pourrait-elle donner naissance à des faits constatés, vérifiés, dont on ne saurait honnêtement nier le caractère miraculeux ? Serait-ce alors que ces miracles seraient sans rapport avec les théories sur lesquelles ils se fondent et ressortissent à une tout autre origine ?
L’occultisme prétend former un tout logique et convaincant. En fait, à l’intérieur même de ses principes, les incohérences ne manquent pas. Elles déchirent souvent la belle apparence du système, touchent parfois à la contradiction pure, rencontrée non seulement entre différents initiés, mais aussi sous la plume d’un même auteur.
L’occultiste verra là une difficulté mineure à laquelle il donnera très facilement réponse. Il dira que doctrinaires et praticiens sont souvent encore au stade des recherches quand ce n’est pas des suppositions, ce qui laisse le champ encore largement ouvert aux erreurs possibles, donc aussi aux contradictions.
Il faut donc lui faire des objections plus sérieuses.
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La littérature occultiste abonde en principes et en croyances qui sont du domaine de la pure spéculation, si ce n’est celui de la pure imagination. Mais il faudrait ajouter aussitôt que cette imagination n’imagine en fait rien de très nouveau et qu’elle range parfois au nombre des découvertes tout ce que les hommes, depuis les temps les plus reculés, dans leur ignorance, ont supputé quant. à l’existence de Dieu, de la nature et de l’homme.
De tous temps, les hommes ont cherché à percer le mystère de la vie universelle. Derrière les généreuses affirmations de l’occultisme moderne, nous retrouvons tout ce que les paganismes les plus anciens ont élaboré et transmis par leurs écrits ou leurs coutumes. Qu’il s’agisse des peuplades jaunes, rouges ou noires, leurs religions étaient des moyens de se rendre favorables les puissances surnaturelles et d’obtenir d’elles secours, protection et délivrances face aux fatalités de ce monde. Par leurs observations rituelles, elles voulaient retrouver et maintenir l’harmonie avec l’existence universelle. Toutes, et surtout les plus primitives, croyaient avoir trouvé un sérieux appui dans des lois à observer scrupuleusement et, à cause de ces lois, dans des rites sacrés, dans des tabous.
Autrement dit, l’occultisme moderne n’est qu’une prise en charge, ou encore une rénovation, de tous les paganismes que le monde a connus. Il ne s’en cache guère puisqu’il justifie ses principes et ses pratiques en se réclamant des Livres sacrés des religions antiques, parmi lesquels il faut nommer : les Védas, recueil d’écrits hindous, Le Tripitaka, écrits canoniques du Bouddha, le Toa Tehking, la bible des Taoïstes chinois, le livre de Confucius, autre livre sacré chinois, le Zend Avesta, livre de foi des sages de l’Egypte, puis ceux de tous les gnostiques anciens ou récents, sans omettre ni la cabale juive déjà nommée, ni le Coran, la bible des musulmans.
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Dans le cadre de cette objection, il faut souligner encore la pauvreté effarante des réponses que l’occultisme apporte aux problèmes de la souffrance, de l’injustice et de la méchanceté dont s’accompagne la vie des hommes. Expliquer par la fabrication du cliché astral, lors d’une existence précédente, les infirmités de cette vie présente, c’est confondre ce monde avec un conte de fées, et encore aurait-il pour auteur un mauvais plaisant.
Il y a aussi le caractère enfantin, pour ne pas dire grotesque, des explications que l’occultisme donne de notre vie, et de ses rapports avec le monde de l’invisible, ou encore de l’avenir qu’il prête aux hommes et à l’univers. Il ne nous coûte rien, évidemment, de broder un monde imaginaire, haut en couleurs, à la mesure décuplée des désirs humains les plus raffinés, même à partir de la trame incolore de notre vie momentanée. On a déjà relevé la fertilité de l’imagination de l’homme. Pourquoi, en effet, rester prisonnier du. champ exigu de nos connaissances rationnelles, alors qu’en imagination, on peut sans aucun frais, franchir toutes les limites et se transporter dans toutes les régions de l’univers connu et inconnu et cela après une ou cent métamorphoses, s’il nous plaisait d’en imaginer un si grand nombre ? Mais suffit-il de rassembler en un bouquet plus ou moins plaisant ces fleurs de rhétorique imaginaires et d’assurer qu’elles n’ont rien d’artificiel pour qu’aussitôt on les tienne pour l’expression vivante de la vérité ?
Enfin, il faut relever la facilité et la médiocrité de la morale du devoir qui accompagne toute considération occultiste. Parée d’intentions altruistes, elle est l’expression de l’égoïsme le plus intéressé ! Elle ne vise qu’au perfectionnement de l’individu lui-même et à la constitution de son astral préfabriqué. Sous des déguisements humanistes bienveillants, ce n’est, en fait, que de l’égoïsme sacré.
Nombre de magiciens et devins savent admirablement voiler le caractère illicite et scandaleusement intéressé de leur bienfaisance. L’humanité au profit de laquelle ils prétendent travailler, ne dépasse souvent guère les limites de leur portefeuille 2, quelquefois encore celui de leurs petits amis. ou amies. Jetez un coup d’œil aux journaux dans lesquels, titres à l’appui, ils multiplient leurs réclames. Comme de bien entendu, les « fakirs » y sont tous plus « célèbres » les uns que les autres ; les voyants et voyantes ont une réputation « mondiale » ; les médiums « extraordinaires » sont d’une classe « diplômée » et ont même reçu des « premiers prix » ! Quant aux mages et aux grands maîtres es yoga, ils ont des noms à consonance mystérieuse qui, à eux seuls, seraient une attraction pour le client.
2 Selon une statistique, Paris, à lui seul, compterait plus de cinq mille voyants et voyantes. La profession d’astrologue serait parmi les mieux rétribuées.
Les occultistes sérieux eux-mêmes se montrent excédés par ces mercantis de la crédulité humaine. Visant ces exploiteurs, un occultiste écrit : « Rien de plus irritant pour les sincères zélateurs de l’astrologie que le déballage d’âneries sans nom, de pronostics insensés, de conseils ridicules auxquels se livrent sous les yeux des éternels gogos, ces fouille-ciel et mages de tous poils, pour la plupart ignares, sinon tarés, les dames astrifiantes, les courriéristes sidéraux, les grands trusteurs d’horoscopes et autres jongleurs ou trafiquants d’étoiles. »
A juste titre, on peut déplorer que presque tous nos directeurs de journaux admettent cette littérature truquée à côté d’articles qui se veulent sérieusement informés et pensés. Les éditeurs responsables objecteront que la clientèle elle-même fait pression pour que l’horoscope quotidien ou hebdomadaire entre dans les rubriques habituelles de journal. On aimerait bien savoir quelle clientèle a exigé cela, et qui, du directeur de journal ou de la clientèle, a pris le premier l’initiative de cette rubrique ! N’est-ce pas plutôt que, neuf fois sur dix, la clientèle a pris au sérieux les pronostics des horoscopes précisément parce qu’ils étaient publiés sous la responsabilité d’une équipe rédactionnelle à laquelle elle faisait confiance ?
Prenez donc une fois la peine de lire les horoscopes et d’en analyser les formules. C’est le summum de l’art de prétendre sans jamais affirmer ou d’apporter des mises en garde qui ne sont pourtant jamais des interdictions 3.
3 Tirés de la Feuille d’Avis de Lausanne du 6.4.1959.
Bélier (21 mars-21 avril). Un problème familial risque de vous demander un léger sacrifice. Faites-le sans hésiter. Vous vous en trouverez bien. (C’est tous les jours que, sur le plan de la famille, il y a des sacrifices à risquer. On ne risquait rien à nous en avertir et à nous demander de les faire.)
Gémeaux (21 mai-21 juin). Vos vœux les plus chers sont en train de prendre forme et d’aller au-devant d’une bonne réalisation. Ne mettez pas d’écran entre ce que vous désirez et vous-même en ayant une altitude pessimiste et découragée. (La ficelle est jolie… Si le vœu très cher ne se réalise pas, on pourra toujours incriminer l’écran… fruit de nos doutes. Pas mal trouvé !)
Cancer (21 juin-21 juillet). Quelques petits ennuis possibles à la suite d’une indiscrétion. Il ne tient qu’à vous de rétablir et de manifester l’harmonie en faisant preuve de compréhension, d’indulgence, de souplesse. (Autre ficelle. On a eu soin de nous dire que les ennuis étaient possibles. Donc si l’indiscrétion ne crée pas d’ennuis, l’horoscope ne s’est pas trompé ! Et s’il en crée, il l’avait prévu… Il a même été plus loin, il vous donne la recette. Vous ne l’auriez pas trouvée tout seul : « Il ne tient qu’à vous de rétablir l’harmonie…» En effet, si quelqu’un vous a calomnié, et que vous fassiez preuve de compréhension et d’indulgence, ça n’ira pas plus loin et vous maintiendrez l’harmonie. Et si vous avez calomnié quelqu’un et qu’il se retourne contre vous, en vous demandant cent francs de dommage-intérêt, vous ferez preuve de compréhension et de souplesse, vous reconnaîtrez vos torts, vous payerez les cent francs, vous maintiendrez donc l’harmonie… Remarquable prédiction, vous ne trouvez pas ?)
Sagittaire (21 novembre-21 décembre). Votre situation devrait se redresser. Redoublez d’efforts. C’est le moment d’exiger la réparation de plusieurs petites injustices qui vous ont troublés et dont vous avez été victimes. N’hésitez pas à mettre les choses bien au point. (Encore et toujours de la « ficelle ». Votre situation devrait se redresser. Quel agréable conditionnel ! Il laisse déjà sous-entendre qu’il pourrait y avoir une aggravation et non redressement. En ce cas, l’horoscope le prévoyait… Mais il a prévu aussi le contraire et il pousse l’audace jusqu’à vous donner le moyen de ce redressement conditionnel : redoublez d’efforts… Profitons de le dire : en l’occurence, le consultant en fait davantage que l’astrologue ; car il ne s’est pas foulé l’imagination à trouver le conseil adéquat : N’hésitez pas à mettre les choses bien au point. En effet, avec ou sans horoscope, une franche explication pourrait faire apparaître les injustices et aider à leur liquidation. La sagesse de Salomon est de petite réputation comparée à ce débordement de bons conseils. C’est ce qui s’appelle se payer la tête des gens.)
On pourrait conclure avec un commentateur attristé : « En vérité, il est poignant de lire ces horoscopes à la petite semaine en songeant à la médiocrité spirituelle de leurs auteurs et à la pauvre nourriture qu’y trouvent leurs lecteurs. Effusions, alanguissements, molles aspirations qu’ils entretiennent chez un public affamé de sentiments, tout cela fait leur succès et leur malfaisance tout à la fois, en détournant les gens de réfléchir par eux-mêmes au sens de leur vie. »
La même grossière ficelle se retrouve dans les revues astrologiques qui prétendent à plus de sérieux que les journaux où l’horoscope est hebdomadaire. Voyez plutôt ! Pour le mois de mars : Impasse, crise et échecs politiques pendant les deux premières dizaines de mars… En juillet : La lunaison de ce mois donne à penser que l’on est à un tournant sur le plan de la politique internationale… En décembre : Il est certain qu’à travers tout le monde, décembre constituera un mois d’entraves politico-sociales. La disparition de personnalités de tout premier plan pourra ajouter au marasme comme une sorte de fatalité — toute problématique d’ailleurs — planant sur les efforts de l’humanité.
Ouf ! L’éloquent charabia ! On ne risque rien à l’appliquer à n’importe quelle situation internationale. En tirant un peu sur la trame, ça recouvrira toujours quelque chose. Encore que parfois — il faut aussi le souligner — cela ne recouvre rien du tout. Exemple : le mois de mars cité ci-dessus ! Selon une enquête rapide mais non moins sérieuse, faite par le journal « Jeunesse » au sujet d’une revue astrologique connue, sur quatre-vingt-cinq prédictions pour une année, quarante-quatre étaient fausses, dix-sept étaient des lapalissades et vingt et une se sont trouvées exactes. Le journaliste enquêteur faisait remarquer que si l’astrologue s’était trompé quarante-quatre fois, c’était par pure malchance, parce que ces prédictions auraient pu « être rigoureusement corroborées par les événements tant il était logique de les faire ». Ce qui revient à dire que si vingt et une se sont trouvées exactes, c était parce qu’elles entraient dans le calcul le plus anodin des probabilités que tout homme un peu renseigné pouvait établir.
En cette année-là (1957), au lieu « d’impasses » ou de « crises » annoncées par cette revue astrologique « sérieuse », on vit la conclusion de trois accords commerciaux, la naissance de l’Etat souverain du Ghana, la signature des six sur l’Euratom et le marché commun, et d’autres succès encore, tous sur le plan politique !
Décidément, ce genre de divination n’a aucun aspect sérieux sinon, hélas ! celui de la crédulité qu’il continue à susciter dans un public aussi naïf que superstitieux.
L’on en pourrait dire autant d’innombrables voyants et voyantes, avec où sans support, et de certains magiciens capables d’agir par l’envoûtement ou autres procédés de sorcellerie.
Je sais que cette accusation fera dire à tout consultant que son voyant ou sa tireuse de cartes n’est pas à mettre au nombre de ces profiteurs, puisque leurs prédictions et avertissements ont été confirmés par les faits.
Naïfs que nous sommes ! Le procédé n’a rien de sorcier. Il existe, en effet, des sciences précises aptes à nous donner la clef des réussites attribuées à la clairvoyance où à la magie. Graphologie et physiognomonie sont deux sciences aux lois connues qui étudient l’une, l’écriture, l’autre les formes du visage ou des mains. On sait avec assurance que la forme des traits de l’écriture, comme celle du visage ou des doigts, correspond à quelque aspect précis du caractère, de l’intelligence, de la sensibilité, de la mentalité, du développement de la personne. Ajoutez à cela un certain art qui consiste à interroger les gens de manière à leur faire dire, sans qu’ils s’en rendent compte, des détails utiles à connaître. Complétez le tout par quelque connaissance psychologique, un peu d’intuition et de logique, assaisonnez-le d’un brin de bon sens, et vous servirez tout chaud à votre client émerveillé des indications trouvées soi-disant dans les cartes, dans les lignes de sa main ou dans sa configuration astrologique. A cinquante francs la séance, sans vous fatiguer beaucoup les méninges, vous gagnez largement votre vie. Si vous voulez augmenter vos tarifs, il faudra alors perfectionner la mise en scène. La pièce dans laquelle vous recevrez le client vous permettra de demander le gros prix si elle est parée de tentures noires ou violettes, brodées de signes zodiacaux ou cabalistiques ; si vous êtes vous-même vêtu d’une tunique orientale ornée de dragons aux yeux verts. Pour peu que vous puissiez, par de savants jeux de lumière, projeter sur vos tentures quelque ombre mystérieuse ; que vous ayez, dominant la scène, un hibou en paille ; que brûle dans un vase aux formes antiques un parfum aromatique ; qu’à votre droite reste allumé pendant le temps de l’évocation magique, « un cierge pascal », vous aurez atteint le maximum de possibilités. Vous n’aurez plus de scrupules à vous faire. Vous pouvez demander le gros billet. Le client trouvera lui-même que ça vaut bien ça ! A ce prix-là, qui ne deviendrait un bienfaiteur « dévoué à la cause de l’humanité » !
Les mages et les sorciers de ce calibre sont aujourd’hui légion. Leur art tient à la fois de l’esbrouffe, de la prestidigitation, et d’une connaissance intuitive ou réelle des sciences nommées plus haut. Ils font d’autant plus de publicité qu’ils gagnent bien leur vie. Ils la gagnent d’autant mieux que la disparition de la vraie foi s’accompagne toujours d’un regain équivalent de crédulité superstitieuse.
Ayant ainsi fait la part belle aux charlatans de toutes catégories qui ramènent l’occultisme à un moyen licite de gagner facilement leur vie, nous aurons les coudées d’autant plus franches pour nous aventurer à la découverte des causes réelles d’un occultisme sérieux, et examiner avec d’autant plus d’attention des réussites qui attestent indéniablement la possibilité de la divination et de la magie.
Serait-ce donc qu’on puisse dire l’avenir et agir surnaturellement sur le cours des choses et des événements ? Cette question a toujours intrigué les hommes. Si certains d’entre eux sont devenus devins ou magiciens, c’est précisément qu’en étudiant objectivement les faits venus à leur connaissance, ils n’ont pu nier l’évidence de leurs propres découvertes et sont devenus, peu à peu, les acteurs d’une réalité dont ils avaient d’abord été les observateurs sceptiques.
Notre époque a un préjugé très favorable pour tout ce lui pourrait être transplanté du domaine de la religion dans celui de la science. C’est du reste sur ce terrain expérimental que se retrouvent la plupart des occultistes sérieux. Mais leurs allégations concordent-elles avec les constatations des hommes de science ?
En astrologie, elles se trouvent démenties absolument et sans rémission possible. Aucun astronome ne conteste l’influence du soleil ou de la lune sur un ensemble de phénomènes bien connus comme les marées, la météorologie, et toute science biologique ou climatologique. Mais il s’agit là de « perceptions sensibles » que l’on peut mesurer et interpréter rationnellement. Elles n’ont rien de comparable à celles que l’on prétend provoquées par les planètes auxquelles l’astrologie confère un rôle majeur. « Pourquoi, diront les hommes de science, accorder de l’influence aux planètes et ne point s’intéresser à celle des étoiles, visibles à l’œil nu ? Si influence il y a, pourquoi celle des planètes devrait-elle être plus grande que celle des étoiles ? En outre, de quel droit attribuer à telle planète une influence maléfique tandis qu’une autre sera dite bénéfique ? Quand on attribue à Mars ou à Vénus de mauvaises ou de bonnes influences, on sort du domaine de la science pour entrer dans celui de la mythologie. Il faudrait alors avoir l’honnêteté de le reconnaître. »
Parce que l’astrologie se dérobe à cet aveu capital, la science ne lui ménage pas ses critiques. M. Pierre Bouvier, astronome genevois, écrit : « L’’astrologie ne repose sur aucune base scientifique ; caractérisée par une confusion de valeurs, elle apparaît philosophiquement indéfendable. Est-elle un art ? Je ne le pense pas, car un art suppose des connaissances raisonnées au lieu d’un fatras d’hypothèses gratuites ; en outre, l’attribution de telle influence psy- chique à tel astre ne satisfait aucune nécessité esthétique universelle. »
Une autre critique porte sur l’application même de la loi analogique. Un des mouvements de la terre appelé la précession des équinoxes fait rétrograder ceux-ci à raison de cinquante secondes d’arc par an. Or, les valeurs en usage dans l’astrologie sont encore celles d’il y a plus de deux mille ans, alors que le mouvement de précession, dans cet espace de temps, a décalé de presque un rang chaque signe de l’horoscope. Autrement dit, une personne née sous le signe du Sagittaire, selon l’astrologue, est née sous le signe du Scorpion, selon l’astronome. L’homme de science d’en conclure : l’astrologie était une croyance de nature religieuse à une période où l’on avait déifié les planètes. Elle n’a jamais changé de nature ; ses pratiques relèvent non de la science mais de « l’activité sacerdotale ».
Une autre critique à faire à la divination en général pourrait porter sur la méthode d’analyse elle-même. Car à supposer que la loi d’analogie ait un fond de vérité, toute divination par le moyen d’un support — position des astres, lignes de la main, tarot, jeu de cartes, marc de café — demanderait un travail d’études, de réflexions, de comparaisons, de déductions, de calcul des probabilités, puis de synthèse, qui pourrait demander des jours, voire des semaines de travail. Et encore les conclusions auxquelles on arriverait ne seraient-elles jamais des certitudes. C’est dire, une fois de plus, la vanité des horoscopes publiés par la presse, et celle, non moins grande, des prédictions de devins qui, en un quart d’heure, quand ce n’est pas en cinq minutes, sur un champ de foire ou dans une antichambre bourrée de clients, vous font un jeu, vous examinent la main, et vous dévoilent votre avenir immédiat et lointain.
La science se trouve un peu plus embarrassée devant les phénomènes de l’occultisme qui tiennent à la fois de la prédiction pure et de la magie. Car si l’on exclut la supercherie valablement invoquée dans beaucoup de cas, il reste un assez grand nombre de phénomènes et de divinations qui n’ont absolument rien à voir, ni avec les tours de passe-passe, ni avec le calcul des probabilités. De multiples expérimentations méthodiques et minutieuses ont été faites qui attestent le sérieux des voyants et voyantes et la réalité miraculeuse d’une certaine magie. La science n’aime pas beaucoup les phénomènes qui tendraient à échapper à ses normes. Mais d’un autre côté, elle se passionne pour de tels phénomènes, puisqu’ils représentent à ses yeux un champ d’observations encore mal délimité. Ces dernières années surtout, médecins, psychiatres, psychologues, psychanalistes, parapsychologues se sont vivement intéressés à ces expériences pour leur trouver, si possible, une explication.
Nous ne saurions relater ici l’ensemble des considérations formulées par ces savants. Chacun d’eux cherche une explication évidemment en relation avec ses postulats et ses méthodes d’investigation. Parmi les chercheurs les mieux informés, il faut citer le Dr Kurt E. Koch. A la fois théologien, pasteur, évangéliste et psychiatre, son important ouvrage « Seelsorge und Okkultismus » peut être regardé comme un des plus documentés à l’heure actuelle. Avant de chercher une explication sur le plan religieux, M. Koch s’essaie à chaque fois d’en trouver une sur le plan scientifique. L’ensemble de ses observations fondées sur plus de mille cinq cents cas, dont un grand nombre sont décrits dans son livre, l’amène à une certitude partagée par beaucoup d’autres hommes de science.
Il y a, en l’homme, des facultés dites paranormales, difficiles à définir et à codifier, mais qui n’en existent pas moins. Les occultistes les rangent sous le nom commode de sixième sens, sans que cette appellation nous fasse avancer d’un pas dans la connaissance de ce qu’il est. On pourrait cependant le caractériser en disant qu’il est la faculté de percevoir des faits d’ordre supra-sensible. Nous l’illustrerons par un exemple.
Chacun sait que le petit enfant peut capter les pensées de ses parents, de sa mère plus particulièrement, et s’en inspirer pour agir, poser une question ou manifester son inquiétude. On sait aussi combien souvent l’enfant agit sous l’influence inconsciente de ceux qui l’entourent. Cela laisse sous-entendre que la pensée n’est pas seulement une image, mais en même temps une force, à la fois vivante et spirituelle et de puissance variable, suivant l’intensité du sentiment qui l’anime.
A lui seul, cet exemple fait comprendre de quel côté s’orientent les recherches des hommes de science, mais aussi les possibilités inhérentes à l’être psychique. Les phénomènes de voyance, de télépathie, de divination sous toutes ses formes, comme aussi les miracles de la magie (télékinésie ou action de commander des mouvements à distance, lévitation ou déplacement en l’air d’un corps quelconque, apparition de spectres, envoûtement, etc.) seraient explicables à partir de ces facultés psychiques, encore indéfinies et auxquelles on a donné des noms significatifs : magnétisme ou rayonnement humain, ondes vibratoires, radiations, émissions psychiques, énergie cérébrale, etc.
Il est difficile de vulgariser de telles considérations, alors que la multiplicité des solutions proposées par les hommes de science eux-mêmes souligne le caractère très relatif de leurs conclusions. Une nouvelle illustration nous permettra cependant de faire comprendre au lecteur sur quel plan se situent les solutions scientifiques.
On connaît la récente découverte du radar. On sait aussi que cette découverte a expliqué, entre autres, pourquoi un animal comme la chauve-souris, de nuit et à une très grande rapidité de vol, évite tous les obstacles. Notre esprit comme notre âme aurait un don semblable au radar, en friche chez les hommes en général, mais particulièrement développé chez les devins. D’où leurs possibilités de lire à distance, de retrouver des objets perdus, de connaître le sort momentané de personnes dont on était sans nouvelles, de percevoir des réalités qui échappent encore aux perceptions sensibles du commun des mortels.
On ne saurait nier l’intérêt d’une telle explication et il est juste de l’enregistrer comme l’une des solutions possibles des phénomènes échappant jusqu’ici aux mesures de la raison. Car il est souhaitable, chaque fois que cela reste honnêtement possible, de chercher aux causes mystérieuses une explication rationnelle.
Cela dit, et avec le même souci d’honnêteté, il faut aussi avouer que les succès des devins et voyants ne peuvent être dans tous les cas réduits à des phénomènes scientifiques explicables par la seule raison. Avec M. Koch, déjà cité, beaucoup d’autres chercheurs le reconnaissent : « Nier la transcendance dans les phénomènes occultes est tout aussi faux que de vouloir mettre tous les phénomènes occultes sur le compte du surnaturel. »
Les occultistes eux aussi souscrivent à cette assertion, car ils ont la certitude qu’ils détiennent leur pouvoir miraculeux de puissances surnaturelles auxquelles ils vont même jusqu’à donner des noms.
Mais alors de quelle nature est cette transcendance ? Quelles sont les puissances invisibles qui choisissent ainsi leurs candidats pour en faire des initiés doués ?
Si le Dieu de Jésus-Christ était à l’origine de ces dons et des expériences mystiques qui les accompagnent, ils seraient hautement recommandables. N’est-il pas dit : « Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira » ? 4 Or, l’abondante littérature publiée par l’occultisme, fait état non seulement d’expériences mystiques à elles seules révélatrices, mais des conséquences dangereuses qu’elles comportent pour celui qui s’y adonne, même en chercheur.
4 Matthieu 7.7.
L’un d’eux écrit : « L’effet de cette expérience sur moi fut quelque chose d’inexplicable. Je n’étais plus le même homme, quelque chose d’un autre monde avait passé en moi. Je n’étais plus ni gai, ni triste, mais j’éprouvais un singulier attrait pour la mort, sans être, cependant, aucunement tenté de recourir au suicide. Malgré une répugnance nerveuse très vivement sentie, je réitérai deux fois la même épreuve… » Et il conclut de ces expériences : « J’en crois la pratique dangereuse et nuisible ; la santé, soit morale, soit physique, ne résisterait pas à de semblables opérations si elles devenaient habituelles. »
Cet avertissement devient une sérieuse mise en garde sous la plume du Dr Philippe Encausse qui, dans son livre « Sciences occultes et déséquilibre mental », écrit :
« Certes, parmi les pratiquants… il en est beaucoup dont les troubles ne présentent pas un caractère d’une excessive gravité tant ils sont passagers ou peu marqués. Mais par contre, il en est d’autres qui paient chèrement les excès commis si imprudemment dans le domaine des « sciences maudites ». C’est le cas, par exemple, de ceux qui deviennent de véritables persécutés : des voix (qu’ils attribuent aux puissances surnaturelles) peuvent les poursuivre continuellement. Les dites voix raillent, insultent, commandent, se rendent odieuses ; quelquefois même elles ordonnent, imposent le suicide. D’autres hallucinations peuvent également prendre naissance et contribuer à augmenter le désarroi, la détresse de ces malades : visions plus ou moins terrifiantes ; sensations diverses telles que brûlures, morsures, piqûres, souffles, succions ; contacts étranges et repoussants. A noter que, selon la théorie occultiste, ces divers troubles peuvent parfois correspondre à une emprise réelle des éléments de l’astral… certains de ces malheureux persécutés se disent en butte aux assiduités et aux caresses nocturnes de « larves astrales », de « vampires », de « démons » ou de « démones »…
Lorsqu’on demande aux occultistes eux-mêmes d’expliquer pourquoi une communion avec « l’Invisible » s’accompagne de telles horribles conséquences, leurs explications ne manquent pas d’être significatives.
Dans l’astral, proches de nous, il y aurait d’abord les esprits des défunts dont l’existence sur terre a été si mauvaise qu’ils doivent expier sur terre, dans une réincarnation prochaine, l’existence mauvaise qui fut la leur. Cette réincarnation est laissée à leur libre décision. Dans l’attente de cette décision, ils errent loin des régions célestes et poursuivent leur triste existence dans les régions astrales inférieures. Un occultiste célèbre, Fernand Divoire, appelait ce plan astral inférieur « la poubelle de l’Au-delà ». Selon lui, ces esprits dominés par les passions mauvaises ne demandent pas mieux que d’entrer en communication avec les humains dont les passions sont semblables aux leurs. Ce qui faisait dire à Papus : « Si vous êtes magicien, vous commanderez à tous ces ivrognes de l’astral… si vous êtes thaumaturge, c’est-à-dire quelqu’un faisant des miracles, vous commanderez à des forces astrales supérieures. Si vous êtes théurge, c’est-à-dire magicien céleste, vous ne commanderez à rien du tout ; vous accepterez par la prière l’intervention des centres divins. Voilà la clef des trois sortes de forces et celle des moyens de les développer en chacun de nous. Voilà les trois voies ou les trois lois d’ascèse qui s’offrent à nous et nous sollicitent sans cesse. »
Dans la dernière partie de ce livre, nous aurons l’occasion d’apprendre à mieux connaître ces différentes « forces » dont fait état l’occultisme. Pour le moins, relevons ici que la Parole de Dieu les désigne aussi par le nom de forces ou puissances, mais en nous mettant sévèrement en garde à leur sujet. Toute communion avec les anges est bénie dans la mesure où elle est le fruit de notre soumission à Jésus-Christ 5. En dehors de Lui, nous tombons au pouvoir des puissances révoltées dont le Seigneur est venu nous délivrer 6. Chercher ailleurs qu’en Dieu seul conseil et secours, c’est selon le langage de l’Ancien et du Nouveau Testament, se tourner vers les idoles, vers les faux-dieux, ennemis du Dieu véritable. Ainsi que nous l’apprendrons par la suite, on ne le fait jamais impunément.
C’est pour nous éviter ces risques et leurs graves conséquences que la bible interdit toute pratique divinatoire et même tout commerce avec les devins et les magiciens. Toute transgression de cette loi sainte était punie de mort en Israël, au temps où les chefs du peuple restaient fidèles à Dieu. Citons à nouveau le texte connu du Deutéronome 18.9-15 : Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne, tu n’apprendras point à imiter les abominations de ces nations-là. Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille bar le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Eternel ; et c’est à cause de ces abominations que l’Eternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi. Tu seras entièrement à l’Eternel, ton Dieu. Car ces nations que tu chasseras écoutent les astrologues et les devins, mais à toi, l’Eternel, ton Dieu, ne le permet pas.
Il vaut la peine de remettre sous les yeux des lecteurs d’autres textes significatifs et traitant de ce sujet.
Lévitique 20.27 : Si un homme ou une femme ont en eux un esprit de divination, ils seront punis de mort.
Esaie 8.19 : Si l’on vous dit : consultez ceux qui prédisent l’avenir, qui poussent des sifflements et des soupirs, répondez : un peuple ne consultera-t-il pas son Dieu ?
Jérémie 2.7-8 : Vous avez souillé mon pays, vous avez fait de mon héritage une abomination. Les sacrificateurs n’ont pas dit : Où est l’Eternel ? Les dépositaires de la loi ne m’ont bas connu. Les pasteurs m’ont été infidèles. Ils ont prophétisé par Baal et sont allés après ceux qui ne sont d’aucun secours.
2 Rois 17.15-18 : Ils sont allés après des choses de néant comme les nations qui les entouraient et que l’Eternel leur avait défendu d’imiter… Ils se sont prosternés devant toute l’armée des cieux… Ils se sont livrés à la divination et aux enchantements… Aussi l’Eternel les a-t-il éloignés de sa face.
Jérémie 7.33 à 8.1-3 : Les cadavres de ce peuple seront la pâture des oiseaux du ciel et des bêtes de la terre… Le pays sera un désert… On étendra leurs os devant le soleil, devant la lune et devant toute l’armée des cieux qu’ils ont aimés, qu’ils ont servis, qu’ils ont suivis, qu’ils ont recherchés et devant lesquels ils se sont prosternés… Ils seront comme du fumier sur la terre. La mort sera préférable à la vie pour tous ceux qui resteront de cette race méchante.
Cette même terrible sanction concerne non seulement les devins, mais aussi ceux qui vont les consulter :
Lévitique 19.31 : Ne vous adressez point à ceux qui évoquent les esprits ni aux devins. Ne les consultez pas, afin de ne pas vous souiller avec eux. Je suis l’Eternel, votre Dieu.
Lévitique 20.6 : Si quelqu’un s’adresse à ceux qui évoquent les esprits et aux devins pour se livrer à leurs pratiques, je tournerai ma face contre cet homme, et je le retrancherai du milieu de son peuple.
Ainsi, la Parole de Dieu nous laisse sans illusion : la divination et la magie nous placent inexorablement dans la dépendance des puissances célestes. Rechercher leur communion, leurs conseils, c’est volontairement se soumettre à leur autorité : c’est écouter la voix du serpent 7, donc perpétuer l’attitude de révolte qui a jeté ce monde dans l’asservissement satanique. C’est vouloir l’y maintenir, à l’encontre de la volonté divine 8. Divination et magie, enseignées ou pratiquées, font de l’homme, à son insu, un suppôt de Satan. Beaucoup plus gravement, elles font du chrétien, à qui la lumière avait été donnée, un traître, un renégat, celui dont la Parole dit : « Mieux valait pour lui n’avoir pas connu la voie de la justice que de se détourner, après l’avoir connue, du saint commandement qui leur avait été donné. Il leur est arrivé ce que dit un proverbe vrai : Le chien est retourné à ce qu’il avait vomi, et la truie lavée s’est vautrée dans le bourbier » 9. Encore faut-il prendre soin de souligner ici que si les chrétiens sont tombés dans ces pièges, c’est souvent par pure ignorance, faute d’un enseignement précis de la part de leurs bergers. Et parce que ces mêmes pièges attendent les chrétiens dans d’autres pratiques encore, il faut maintenant nous intéresser à un autre champ d’activités occultistes.
7 Genèse 3.8-5.
8 Luc 1.74.