Prends courage, ma fille ; ta foi t’a sauvée.
En lisant l’histoire évangélique, on ne peut s’empêcher de remarquer avec intérêt la part qu’y prennent les femmesa. Outre cet être mystérieux et touchant, que le choix du ciel semble avoir signalé au genre humain pour en faire l’idéal de son sexe, et que la vénération des âges a rendu l’objet d’une idolâtrie, qui serait excusable si quelque chose pouvait l’excuser, nous trouvons autour du Sauveur un groupe de femmes saintes, où le caractère religieux de la femme se présente sous toutes les formes qu’il se plaît à revêtir. Et toutes ces formes sont attrayantes et douces. Depuis la piété contemplative de Marie, qui aime et qui admire en silence, jusqu’à l’activité de Marthe, qui aime et qui veut servir ; depuis la céleste pureté de la Vierge jusqu’au repentir plein de chaleur et de force de Magdeleine pleurant aux pieds de Jésus ; depuis le mécompte résigné des sœurs de Lazare jusqu’à la foi inébranlable de cette femme obscure, qui, perdue dans la foule, disait encore : « Si je puis toucher le bout de son manteau, je suis sauvée ; » toutes les nuances que la religion peut prendre dans un cœur aimant et dévoué, dans une âme pleine de chaleur et de vie, nous les retrouvons dans ces femmes qui, pendant son apparition sur la terre, semblent presque avoir été seules à connaître, à aimer, à sentir tout le Sauveur. L’orage n’étonne point leur amour, n’ébranle point leur constance. Elles viennent pleurer sous sa croix, en présence de ses bourreaux. Elles recueillent son corps meurtri pour lui rendre les derniers honneurs. Elles veillent sur la tombe sacrée qui doit conserver sa dépouille, pendant que ses disciples sont dispersés par la tempête et glacés de crainte à la voix d’une servante. Et elles reçoivent bientôt, pour récompense de tant de dévouement et de tant d’amour, le bonheur inexprimable d’être les premières à voir, à reconnaître, à entendre leur ami ressuscité. Si la religion devait s’offrir à l’imagination des hommes sous une forme matérielle et visible, il semble que c’est celle de la femme qu’elle devrait revêtir.
a – Discours prononcé dans le grand temple, à Nîmes, pour une réception de catéchumènes jeunes filles, le 5 juin 1828.
C’est qu’il y a dans le caractère de la femme quelque chose d’éminemment religieux, qui fait pour elle de la religion une seconde ou plutôt une première nature. Toutes les dispositions, toutes les affections, tous les sentiments que la religion demande de nous, se trouvent déjà déposés par la nature dans le cœur de la femme, quoique souvent appliqués à d’autres objets. Pour la rendre vraiment et profondément religieuse, il n’est pas besoin de changer son être moral, il ne faut que l’éclairer et que l’ennoblir.
Jeunes encore et sans expérience, vous savez néanmoins assez de la religion et de votre propre cœur pour pressentir l’harmonie qui se trouve entre l’une et l’autre. Vous comprendrez sans peine qu’il faudrait faire violence aux dispositions les plus intimes et les plus généreuses de votre âme, qu’il faudrait vous dégrader, pour vous dépouiller de la religion que vous venez de recevoir dès vos jeunes ans avec tant d’enthousiasme.
En effet, si vous l’avez un peu comprise, vous aurez vu que cette religion, dont l’homme éprouve le besoin, et que le Christ est venu lui donner des cieux, est une affaire de sentiment et d’amour. Son siège est dans le cœur ; et quand elle règne là, sa tâche est remplie et l’Évangile a triomphé. De toutes les erreurs, la plus grave, sans doute, est de faire de la religion une affaire d’intelligence, qui doit être décidée à force de subtilités. Elle est le lien qui unit les créatures ensemble et avec leur Créateur ; mais ce lien ne saurait être que l’amour, et s’il est besoin de connaître et de comprendre, ce n’est que pour mieux aimer. L’Évangile est l’amour éternel et infini, manifesté sous sa forme la plus touchante, pour gagner à jamais tout le nôtre. Son secret se trouve tout entier dans cette parole si simple : « Dieu est amour, » et dans cette autre : « Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu’il a beaucoup aimé. » Le cœur est l’homme tout entier : et l’on pourrait presque dire que l’intelligence est là, comme le corps, pour l’éclairer et pour le servir.
Que la femme ne se plaigne donc point du sort qui lui fut réservé par la sagesse créatrice. Cette faculté si excellente, que Dieu recherche avant tout dans ses enfants, elle la possède au plus haut degré. La femme est essentiellement aimante. Elle vit de sentiment et d’affection. La faiblesse même qui distingue sa nature physique tourne au profit du développement de son cœur, et devient pour elle, dans toutes les circonstances de sa vie, une source ou plutôt une occasion de sentiment et de tendresse. On a besoin d’appui quand on est faible. Mais un appui ne rend heureux que lorsqu’on l’aime, lorsqu’on confond avec lui sa vie ; autrement il décourage et flétrit. Cette tendresse si profonde et si pure de l’enfant pour sa mère, qui embellit ses premiers ans, et dont il conserve dans le tumulte de la vie un souvenir si délicieux, c’est presque la vie entière de la femme. Fille, épouse, mère, c’est toujours d’affection que son cœur se nourrit. C’est en aimant qu’elle remplit sa noble tâche sur la terre et qu’elle conserve sa dignité, même en cessant de vivre pour elle-même. Et ce cœur, ouvert à tant d’amour, resterait-il étranger à l’amour le plus grand, le plus profond, le plus durable, le plus doux ? Ce cœur, qui est heureux en se donnant, se refuserait-il à Celui qui est seul digne de le posséder à jamais ? Et les mécomptes mêmes que la fille, que l’épouse, que la mère éprouvent si souvent dans leurs affections les plus douces et les plus sacrées, ne les ramèneraient-elles pas vers le Dieu qui ne trompe jamais, qui aime toujours d’un amour immense, et qui seul peut remplir à jamais un cœur aimant et généreux ? Aussi ne sommes-nous point étonnés que la religion de Jésus, cette religion qui est tout amour, ait été dans tous les temps reçue par les femmes avec un véritable enthousiasme. Pour la comprendre, il faut aimer. Pour bien juger de son esprit et de ses préceptes, pour n’être point choqué de ses enseignements et de ses mystères, il faut être accoutumé à faire de l’amour le principe et la clef de sa vie ; il faut comprendre le dévouement et sentir le prix du sacrifice. C’est en effet là ce qu’emporte le sentiment, dès qu’il doit se manifester au dehors dans la vie active et réelle. Il faut qu’il devienne renoncement et sacrifice. Considérée sous ce point de vue, la religion est le triomphe du sentiment sur la sensualité ; du genre humain sur l’individu ; de Dieu et de sa volonté sur les penchants et sur les affections terrestres ; du ciel, de l’ordre infini, de l’amour immense converti en pureté et en vertu, sur l’égoïsme, sous quelque forme qu’il se cache, soit celle de l’orgueil qui blesse, ou de la bassesse qui révolte, ou du vice qui dégrade, ou celle plus séduisante des affections qui embellissent parfois la vertu. C’est dans cette lutte toujours renaissante que s’écoule la vie humaine. C’est par là qu’elle est une épreuve, une carrière, dont l’homme ne peut sortir que par le tombeau, un combat à outrance, où la victoire n’est jamais complète ni définitive, parce que le véritable ennemi c’est le vainqueur lui-même, avec toutes les conditions sous lesquelles il a reçu la vie. Soumettre ses penchants, ses désirs, ses jouissances, ses affections même et ses plaisirs les plus doux à la volonté d’autrui ; savoir triompher de soi-même, pour faire régner l’ordre suprême que l’on a choisi, que l’on a senti, auquel on a consacré son existence ; voilà la religion, quand elle sort de la contemplation pour passer dans la vie active. C’est le renoncement et le sacrifice dans leur étendue la plus complète et dans tout leur abandon. Mais dans ces traits, dont vous avez reconnu la justesse, ne semble-t-il pas que je viens de peindre la vie entière de la femme ? Renoncement et sacrifice ; dévouement et abandon ; soumission de sa volonté à la volonté d’autrui ; existence tout entière consacrée non pas à elle-même, mais à la famille ; bonheur cherché et trouvé non dans sa satisfaction personnelle, mais dans la satisfaction des objets auxquels son choix ou la nature l’ont liée à jamais par les nœuds les plus étroits ; voilà la vie de la femme, voilà sa destination sur la terre, voilà sa gloire et son bonheur : le père, l’époux, les enfants, voilà tout pour elle ; il semble qu’elle-même n’y soit pour rien. Ajoutez à ces objets un objet de plus, encore plus doux, plus aimable que tous les autres ensemble ; ajoutez à ces volontés auxquelles elle soumet si complètement la sienne parce qu’elle aime, à cet ordre domestique auquel elle fait, sans le sentir, tant de sacrifices, une volonté plus puissante, mais plus aimante et plus éclairée, un ordre plus vaste, mais où règne toujours la bienveillance, jamais le caprice ni l’égoïsme, et vous aurez toute la religion. Un attachement de plus, un renoncement de plus, une obéissance de plus, un sacrifice de plus, et la femme est religieuse. Elle n’a pas besoin de changer la direction et les habitudes de sa vie. La nature, par une éducation puissante, mais douce, l’a conduite à la porte de la religion, le christianisme la lui ouvre. Comment n’entrerait-elle pas dans le sanctuaire, quand la religion se présente à elle pour contenter le premier besoin de son cœur, et ne lui demande en échange que ce qu’elle fait tous les jours ?
Et cette vie calme, intérieure, retirée et si souvent solitaire, à laquelle la femme est presque toujours appelée, n’est-elle pas éminemment propre à favoriser le développement et les progrès de la religion dans le cœur ? C’est dans son âme que l’homme trouve surtout la religion. C’est en se repliant sur lui-même, c’est en vivant beaucoup avec sa conscience, c’est en se recueillant souvent dans ce sanctuaire de l’amour et du devoir, qu’il devient éminemment religieux et que sa foi se montre inattaquable au matérialisme de la nature et au scepticisme de la logique. Converser beaucoup avec son propre cœur, sortir souvent du monde matériel pour chercher dans son âme la première révélation et le premier gage du monde spirituel et moral, tel est le chemin de la religion. Quoi de plus propre à y conduire que cette vie intérieure et domestique, ces longues heures passées dans le recueillement et la retraite, sans distraction du dehors, sans autre compagnie, sans autre spectacle que celui de son âme ? Et telle est la vie de la femme. Le foyer domestique, la vie de famille, telle est sa place ; tel est l’élément où tout est sain pour elle. Tandis que la vie de l’homme se répand sans cesse au dehors par l’action qu’il doit exercer sur les choses et sur la nature, celle de la femme est appelée sans cesse à se replier sur elle-même, à se nourrir de ses propres pensées et de ses propres affections. Quelle place pour ces méditations religieuses, où le cœur est bien plus indispensable que l’esprit, où sentir est bien plus important que comprendre, où aimer est déjà une sorte de révélation du ciel ! Et ces méditations silencieuses, ces pensées dont l’âme se nourrit dans la retraite, ce commerce d’affection et de confiance que les affaires du monde troublent si souvent, constituent ce qu’il y a de plus réel et de plus doux dans la vie religieuse. La religion, quoi qu’on dise, quand elle pénètre un peu avant dans l’âme humaine, a toujours quelque chose de rêveur, de contemplatif et de mélancolique, qui s’accorde parfaitement avec le caractère de la femme ; et par un privilège qui n’appartient qu’à elle, ses affections, même terrestres, quand elles sont élevées et pures, n’étouffent point et développent parfois avec énergie cette exaltation religieuse, cet enthousiasme de la piété, qui enlève les âmes au ciel.
Prise dans son ensemble, saisie dans ses vrais caractères et dans ses rapports immuables, qui sont l’expression de la volonté créatrice, la vie de la femme est donc sur la terre une sorte de religion, qui ne demande qu’à être purifiée et élevée pour devenir la religion elle-même, pour devenir le christianisme. Admirable disposition de la Providence, qui a donné le plus grand penchant pour la religion à cette partie du genre humain, pour qui la religion devrait être le plus bienfaisante et le plus indispensable !
La vie de la femme est une fleur délicate que le moindre vent peut flétrir et qui est exposée à mille tempêtes. Son plus indispensable mérite, son plus irrésistible charme, son plus assuré bonheur sur la terre consistent dans cette pureté, dans, cette innocence, sans laquelle nul n’est content d’elle, pas même elle-même. Avec ce charme indéfinissable que la pudeur répand autour d’elle et qui respire jusque dans ses plus légers mouvements, la femme est toujours un objet d’attachement et de respect. Quels que soient les avantages extérieurs dont la nature l’ait douée, chacun sent en elle, et elle se sent elle-même un mérite plein de calme et d’attraits qui embellit tous les autres. Toutes les qualités de son âme, tous les agréments de son esprit, tous les avantages de sa position dans le monde, tous les charmes de la jeunesse et de la beauté n’ont de valeur aux yeux des hommes que lorsqu’ils sont, pour ainsi dire, embaumés par le parfum délicieux de la pureté et de l’innocence. Et quand ce parfum s’est dissipé, quand le vent de la corruption l’a fait exhaler, quand le feu des passions intérieures l’a dévoré, alors la femme n’est plus qu’une vaine ombre d’elle-même. Plus d’attraits, plus d’égards, plus de respect, plus d’estime, plus d’amour. Tous les sentiments affectueux qui s’attachaient à ses pas se sont changés en dégoût et en mépris. Elle a perdu son rang dans la société. Fille dédaignée, épouse flétrie, mère condamnée par ses propres enfants, elle ne goûte rien de ce qui embellit la vie, et elle n’est pas digne d’en rien goûter. Ses qualités mêmes se tournent pour elle en un sujet nouveau de reproche : elles font sentir avec un plus profond regret l’absence de celle qui pouvait seule leur donner du prix. Elles deviennent sans cesse l’occasion d’une comparaison douloureuse entre ce que la Providence avait voulu faire d’elle et ce qu’elle est en réalité. Et, ne vous y trompez pas, pour éprouver la plus grande partie de ces maux, pour dénaturer et flétrir sa vie tout entière, il n’est pas toujours besoin qu’elle succombe ; il suffit qu’elle soit tentée ; il suffit qu’elle soit imprudente ; que dis-je ? il suffit que les apparences tournent contre elle. Pour la femme, il n’est presque pas de faute, il n’est que des crimes ; et le soupçon, si aisément soulevé, est déjà une flétrissure. C’est donc pour la femme surtout que la vie est un véritable combat. Il faut qu’elle lutte sans cesse et contre elle-même et contre tout ce qui l’entoure. Il faut qu’elle se préserve, avec une égale vigilance, et du mal réel et de tout ce qui porte avec lui la plus légère ressemblance. Dans ce combat de tous les instants, la moindre chute c’est la mort. Ah ! s’il est une situation dans la vie où l’appui de la religion soit vraiment indispensable, la femme s’y trouve placée, par la nature et par la société, depuis sa première jeunesse jusqu’à son dernier soupir. C’est ce feu sacré d’une âme éminemment religieuse ; c’est cette conscience profonde et inaltérable d’un Dieu toujours saint, toujours fort et toujours présent ; c’est cette espérance, la plus vive et la plus chère de toutes, d’un avenir plein de charmes, où l’innocence seule peut avoir place ; c’est cet amour immense et tout-puissant d’un Dieu plein d’amour et d’un Sauveur, sa ravissante image ; ce sont toutes ces idées, tous ces sentiments, toutes ces affections, régnant fortement sur l’âme et la possédant tout entière, qui peuvent seules la rendre invulnérable dans ce combat à outrance du monde et du vice contre l’innocence et la vertu. Les anciens, dans leur génie poétique, avaient peint un combat, où l’un des deux athlètes, près d’être vaincu, reprenait toute sa force en touchant la terre, notre nourrice commune, et ne put être étouffé qu’en étant soulevé vers le ciel. Le combat du chrétien est d’une tout autre nature. C’est en s’attachant à la terre qu’il succombe ; c’est en s’élançant vers les cieux qu’il triomphe. Et la femme, pour qui ce combat se renouvelle sans cesse, pour qui la défaite est déjà l’enfer sur la terre, ne peut, au moment du péril, trouver cette force calme, qui impose le respect, qu’en élevant vers les cieux ces regards d’amour et de confiance, où la religion se peint tout entière.
C’est dans ces contemplations religieuses, dans la conscience du Dieu qui l’entoure et qui l’aime, du Sauveur qui est mort pour elle et qui l’attend dans les cieux, de l’avenir qui lui est acquis, qu’elle puisera et qu’elle conservera dans toute sa plénitude le sentiment de sa dignité, dont sa position sur la terre tend souvent à la dépouiller. Appelée par ses devoirs à une vie monotone et retirée, privée, par sa faiblesse naturelle et par les lois de la société, de toute action puissante sur les circonstances extérieures, obligée à vivre pour autrui, et souvent peut-être regardée par ceux de qui son sort dépend, comme un moyen et non comme un but, combien ne serait-il pas naturel qu’elle tombât dans le découragement, et qu’avec le sentiment de son indépendance elle perdît aussi celui de sa dignité ? Déplorable situation, dans laquelle l’humanité se montre dépouillée de tout ce qui fait son prix, et finit bientôt par perdre des forces qu’elle ne peut plus employer ! Avec le sentiment de sa dignité, on perd tout, et l’être moral est détruit. Mais la religion de Jésus apparaît là, bienfaisante et conservatrice, pour relever la femme à ses propres yeux, et lui rendre, au sein même de sa dépendance, le sentiment de la dignité humaine dans toute son intensité. C’est justement dans sa retraite que la femme sent le mieux l’esprit divin qui l’anime à l’égal de l’autre moitié du genre humain. C’est en conversant avec elle-même, c’est en écoutant en silence les révélations de son cœur, qu’elle connaît mieux le prix infini de cette âme qui porte en elle l’image divine aussi vivement empreinte, que dans ceux qui maîtrisent son sort. Il y a le Dieu qui commande à la nature ; il y a le Dieu qui se manifeste sur la terre pour servir et pour se donner. Et dès lors la condition de la femme, toute modeste qu’elle est, s’embellit à ses propres yeux. Les devoirs que lui imposa la nature, sous l’ombre du toit domestique, lui apparaissent plus respectables et plus doux. Elle fait partie de l’humanité ; toute la dignité de l’homme lui appartient. Et dans sa demeure modeste, ce sont des hommes, des êtres immortels comme elle, qu’elle doit élever, former, corriger, rendre plus parfaits, plus dignes de leur immense avenir ; ce sont des hommes dont elle doit assurer le bonheur, auxquels elle doit consacrer sa vie. Oh ! comme sa tâche s’embellit, comme elle grandit dans son estime, quand elle considère l’influence énorme que les devoirs d’épouse et de mère, fidèlement accomplis, peuvent exercer sur le sort de la race humaine ! et l’influence plus bornée, mais plus immédiate, que sa propre existence individuelle et l’accomplissement fidèle de ses devoirs exercent sur le sort de ces objets chéris, dont le bonheur lui est plus cher que le sien propre, sur le développement et sur la valeur réelle de ces âmes innocentes mais faibles devant lesquelles est tant d’avenir, et sur cet avenir lui-même, vers lequel s’élancent tous ses vœux ! Par le christianisme, quand elle le reçoit dans son cœur, la femme s’élève à la dignité d’homme. Elle le sent elle-même, et tout autour d’elle est forcé de le sentir. Sa tâche devient sublime. La soumission même devient une action volontaire et de choix, qui ne lui fait rien perdre à ses propres yeux, et le toit domestique un sanctuaire vénérable, un véritable univers, où peuvent s’exercer dans toute leur plénitude et produire tous leurs fruits les plus grandes, les plus utiles, les plus généreuses vertus.
Inférieure à l’homme pour agir, la femme lui devient infiniment supérieure pour souffrir. Elle est vulnérable sur tous les points, et chaque blessure attaque la vie. Un corps plus fragile et plus faible l’expose à des souffrances fréquentes, à des incommodités sans nombre, qui troublent et qui flétrissent son modeste bonheur. Son cœur, qui ne vit que d’affections, est ouvert sans défense à toutes les douleurs dont les affections sur la terre sont l’inévitable source. Elle vit avec sa peine ; elle s’en nourrit dans les longues heures de la retraite ; et tandis que l’homme se distrait et s’étourdit dans l’activité de la vie, la femme, sans action contre le mal, demeure avec elle-même pour en savourer toute l’amertume. Les facultés qui la distinguent, cette imagination souvent brillante, toujours vive et prompte, qui du présent s’élance dans l’avenir ; cette sensibilité délicate, qui saisit toutes les nuances et voit le cœur dans une parole, dans un regard, deviennent pour elle comme un nouveau poison qui envenime toutes ses douleurs. Oh ! qui pourrait dire tout ce que la femme est capable de sentir et de souffrir dans les situations diverses où la Providence l’appelle à vivre ? Qui pourrait dire, sans les avoir éprouvées, les insupportables douleurs dont est mille fois navrée l’âme de la fille, de l’épouse et de la mère ? Qui pourrait raconter les douloureuses étreintes de l’innocence calomniée, de la tendresse méconnue, du dévouement et du sacrifice payés par la froideur et l’ingratitude, et les étreintes plus douloureuses encore de l’amour condamné à se repaître des malheurs et des souffrances de ceux auxquels il s’est donné pour jamais ? Et pour terminer cette triste nomenclature, qui pourrait décrire l’amertume de ces sacrifices sans retour, mille fois plus douloureux pour la femme, parce qu’elle a aimé mille fois davantage, et qu’il faut pourtant accomplir ? C’est contre de telles douleurs que la vie terrestre est aride et le monde sans consolation. Pour des maux qui percent l’âme jusqu’à la moelle, il faut des consolations et des espérances qui la saisissent tout entière et qui l’enlèvent jusqu’au ciel. Il faut la plénitude du sentiment d’une autre existence, d’une autre destination, d’un autre ordre, d’un autre bonheur et d’un autre amour, pour soutenir et pour consoler la femme dans toutes les contrariétés et dans toutes les douleurs dont l’ordre actuel se hérisse à chaque instant pour elle. Il faut qu’elle vive déjà dans le ciel, afin de pouvoir supporter la terre. La religion, l’immortalité, un Dieu, un Sauveur, peuvent seuls fournir la tige élancée et vigoureuse sur laquelle viendra s’appuyer et s’étendre cette plante débile, battue, effeuillée et tordue par le vent de l’adversité. La femme n’est qu’une fleur qui se fane et que tout dédaigne, jusqu’à elle-même, si elle n’est embaumée et conservée par le parfum de la religion.
Je trouble à regret, par une sombre perspective, les riantes images dont on se repaît à votre âge. Je sais quelle en est la douceur ; mais je sais aussi combien vite elles se dissipent et quelles sont les réalités par lesquelles elles sont remplacées. Quels que soient nos vœux pour votre bonheur, votre sort sur la terre sera celui de l’humanité, c’est-à-dire quelques plaisirs et beaucoup de peines, quelques espérances et beaucoup de mécomptes, quelques affections et beaucoup de déchirements, en un mot, une existence qui n’aura de valeur qu’autant qu’elle sera consolée, une vie qui n’aura de prix qu’autant qu’elle viendra se rattacher à une autre plus durable et plus belle. Fleur d’un jour qui demain sera flétrie ; créatures fragiles qui ne connaissez encore que le monde enchanté, dont la tendresse paternelle a pris soin de vous entourer ; âmes tendres, bercées jusqu’à ce jour dans les plus douces illusions ; c’est maintenant que va commencer la vie réelle avec ses mécomptes et ses amertumes. Je vous aurais trompées, si je n’en avais pas déployé devant vous le sombre mais trop fidèle tableau ! Et les pleurs qui coulent de vos yeux, les habits de deuil que j’aperçois çà et là parmi vos vêtements de fête, ne me racontent-ils pas que, pour quelques-unes, ce tableau qui vous effraye s’est déjà converti en une déplorable réalité ?
C’est donc la religion de Jésus, la religion du sentiment et du cœur, la religion de la miséricorde et de l’amour, la religion de la consolation et de l’espérance, que votre âme appelle de tous ses vœux, comme l’amie dont elle a besoin dès l’entrée d’une vie inconnue. C’est la religion de Jésus qui seule peut fournir le complément nécessaire de tous les plans de la Providence dans la création de la femme. C’est elle seule qui peut vous embellir de cette beauté céleste, reflet d’une âme sainte et pure, à l’abri des ravages du temps ; vous entourer de ce charme indéfinissable d’un bon cœur, bien plus précieux et bien plus doux que celui de la beauté corporelle ; faire de vous la fille obéissante, l’épouse tendre et toujours pure, la mère dévouée, se dépouillant elle-même et ne vivant plus que dans ses enfants ; l’être bienfaisant, image terrestre de l’amour céleste, dont la présence porte le calme et le bien-être, dont les soins constants et doux embellissent jusqu’aux moindres détails de la vie, dont la voix touchante réjouit et console encore au sein des plus amères douleurs ; en un mot, la femme telle que Dieu a voulu la former pour en faire la mère et la première bienfaitrice du genre humain, la femme heureuse elle-même de ses affections et de ses sacrifices comme de la noblesse de sa tâche, et répandant autour d’elle, comme une émanation de son cœur aimant et tendre, la paix, la joie et le bonheur.
Et ne vous y trompez pas, ce ne sont pas les charmes fragiles d’un corps si promptement déformé par l’âge, par les fatigues et par le malheur, qui peuvent vous conduire à l’accomplissement d’une si haute destinée. Rien n’est plus fatal pour la femme que cette erreur à laquelle elle se laisse si aisément entraîner. Trompée par de vains hommages et peut-être par les suggestions d’un cœur plein de vanité, elle place sa vie entière dans ce qui n’en est que l’enveloppe, et pour la vaine forme d’un corps, qui demain sera flétri et après-demain réduit en poussière, elle oublie l’âme et son éternelle beauté, l’avenir et son immense durée, le ciel et le Dieu qui l’y appelle. Que dis-je ? Après avoir oublié l’âme pour le corps, on dirait qu’elle oublie le corps lui-même pour l’enveloppe qui le couvre. Et la vie d’un être si noble et si beau, devant qui s’ouvre tant d’avenir, de qui dépend tant de bonheur, à qui sont imposés de si graves et de si saints devoirs, se consume à méditer sur une coiffure et à contourner un ruban ! Non, ce n’est point pour cela que vous avez été faites. Ce n’est point pour cela que la Providence vous a prodigué de si beaux dons. Ce n’est point pour cela qu’elle a créé pour vous une tâche si grande et si noble, et ce n’est pas de tels soins qu’elle doit un jour vous demander compte. Le corps est toujours assez beau quand l’âme est belle ; il est toujours assez orné quand il s’enveloppe de modestie et d’innocence et quand il reflète une âme qui se respecte elle-même, et l’organe que Dieu lui donna pour connaître, pour sentir et pour agir, au milieu de sa création. C’est par votre âme que vous serez tout ce que vous pouvez être sur la terre ; que vous serez véritablement aimables et véritablement aimées ; que vous répandrez autour de vous le contentement et la paix, au lieu du trouble et de l’inquiétude ; que vous serez pour votre famille tout entière une bénédiction de tous les jours et de tous les moments ; que vous pourrez braver la vieillesse et les coups du sort, et, sur le soir de votre vie, vous voir entourées encore de respect et de tendresse, en même temps que vous trouverez dans le fond de votre conscience l’amour céleste, la consolation et l’espérance. C’est par votre âme que vous entrerez dans les cieux.
Mais votre âme elle-même, par quoi peut-elle être embellie ? C’est par son union de choix avec un ordre de choses plus grand et plus beau que celui qu’elle voit se réaliser sur la terre ; c’est par un amour sans bornes pour un Dieu qui est tout amour et pour des créatures qu’il a faites à son image ; c’est par une tendresse profonde pour ce Jésus, qui vint nous sauver en faisant apparaître devant la faible humanité la Divinité tout entière, avec toute sa sagesse, toute sa grandeur et tout son amour ; c’est par la foi dans l’avenir, par la vie du ciel déjà commencée dès ce monde ; en un mot, par le christianisme, vous inondant de sa lumière, dominant toutes vos affections et vivifiant toutes vos espérances ! Sans le christianisme, qui purifie votre cœur, qui spiritualise votre vie, vous retombez dans la vie grossière et sensuelle ; vous n’avez pour défense contre vous-mêmes que l’opinion d’un monde trompeur, pour appui dans une vie de sacrifices que des résultats toujours incertains, et pour consolation dans des souffrances inévitables que le doute qui dévore ou l’indifférence qui tue.
Que la religion de Jésus, dont vous venez de recevoir les enseignements avec tant d’enthousiasme, et qui vous a déjà donné de si doux moments soit donc votre compagne fidèle pendant tout le cours de votre vie ! Qu’elle embellisse pour vous le présent et l’avenir ! Qu’elle soit l’objet constant de vos méditations et la base de vos espérances ! Que votre cœur s’en nourrisse pour trouver en elle la véritable santé ! Qu’elle respire autour de vous, et qu’on l’y sente toujours à ses bienfaisantes émanations, l’ordre, l’amour du travail, la modestie, la pureté, la sainteté, la résignation, la douceur, la patience, le dévouement et l’amour ! Qu’elle vous rende mille fois plus aimables par le reflet céleste qu’elle répandra sur votre caractère et sur votre vie, et qu’elle devienne plus aimable elle-même en se présentant aux hommes sous l’attrayante enveloppe de votre innocence, de votre amour et de vos vertus ! C’est à vous à lui faire des amis, dans un monde qui la dédaigne, en montrant dans votre propre vie, sans éclat et sans prétention, tout le bien qu’elle fait à l’âme, et en lui gagnant, par cette influence secrète, mais irrésistible, les cœurs de vos frères, de vos amis et de vos époux !
Pour atteindre à un tel but, pour réaliser de telles espérances, ne craignez pas de remplir des devoirs qui deviendront bientôt pour vous un besoin et une jouissance. Ne reculez point devant des sacrifices, d’abord rigoureux peut-être, mais dont bientôt vous ne sentirez plus le poids. La vanité, les plaisirs du monde vous séduisent : sachez vous dire que votre âme vaut encore mieux qu’eux, et sachez trouver dans ce sanctuaire le contentement, bien préférable aux plaisirs et à la vanité. Le monde qui vous entoure est corrompu : faites-vous dans votre cœur, où vous aurez appris à rentrer avec délices, faites-vous autour de vous, par le bon emploi de votre vie, un monde petit mais vertueux, heureux et sûr. Votre cœur lui-même conspire avec les tentations du dehors : réfugiez-vous dans le sein de Dieu ; venez lui parler et l’entendre dans son temple, l’implorer au pied de son autel, lui emprunter toute sa force en lui rendant tout son amour, et vous faire invulnérables en vous entourant de ces devoirs chers et sacrés qui furent imposés à la femme à la fois comme sa plus noble lâche et le plus doux de ses plaisirs. Pour résister à tout, soyez plus complètement filles, épouses et mères ; soyez religieuses et chrétiennes, et tournez vers l’avenir des regards agités par les tentations de la terre ou humectés par les larmes de la douleur.
Ah ! si nous pouvions être assurés que vous vous appuierez toujours sur la religion, sur votre Sauveur et sur vos devoirs, dans la carrière épineuse où nous allons vous lancer, combien notre joie dans ce moment serait plus parfaite et plus pure ! Que de craintes seraient calmées ! Que de tristes pressentiments seraient dissipés ! Viendrait l’adversité, viendrait la prospérité, viendrait le plaisir, viendrait la douleur, viendraient le bon et le mauvais exemple, viendraient la séduction du dehors et la tentation du dedans, viendraient le monde entier conspirant contre vous, et le mal se déguisant sous toutes les formes, pour vous entamer et pour vous perdre, nous serions rassurés sur votre avenir. Votre foi, fondée sur le rocher des siècles, pourrait braver toutes ces tempêtes, et, pourvu qu’elle-même ne fût point ébranlée, elle porterait votre vie vers le ciel et la tiendrait à l’abri des orages qui frappent à chaque instant et flétrissent à jamais une vie qui rampe dans les jouissances et les attachements terrestres. Mais cette confiance, est-ce en vous seules que nous pouvons la placer, vous, si jeunes, si ignorantes encore, si faibles dans la foi et si fragiles dans la chair ? Et si nous n’avions pas une autre espérance, oserions-nous vous admettre à la communion de nos saints mystères, exiger de vous des serments, que nous saurions, hélas ! devoir être sitôt violés ? O Esprit immense, qui pénètres tout de ta force toute-puissante, toi dont l’action mystérieuse règne sur les âmes pour les conduire, par des voies cachées, vers ce monde spirituel où se trouvent le but et la clef de toute leur existence ; esprit de mon Dieu et de mon Sauveur, c’est toi seul qui me rassures dans ce moment solennel et décisif. Entends ma voix ! entends ces gémissements et ces sanglots ! entends la prière de ces âmes encore pures qui t’invoquent avec moi ! Sois leur force, sois leur appui, sois leur consolateur, sois leur maître ! Et dans le moment du danger ou de la souffrance, que ta lumière les pénètre de ses rayons qui portent la vie, pour dissiper les vaines erreurs de l’esprit, les passions trompeuses du cœur, les imaginations douces et perfides de la volupté, et que, sous ta direction bienveillante, l’épreuve amène le redressement et la force, et jamais le renversement et la ruine !
Et vous, parents attendris, dont le cœur palpite à m’entendre, parce que j’adresse à vos enfants les derniers conseils de la religion, dans un moment aussi solennel, vous qui venez vous joindre à leurs prières et aux nôtres avec toutes les forces d’un amour qu’un père seul peut comprendre ; vous, que leur serment va jeter, comme nous, dans une émotion pleine de doute et de terreur ; vous, qui les avez mis dans ce monde de tentations et d’épreuves, aidez-nous, aidez le christianisme, aidez votre Sauveur, aidez Dieu lui-même à les faire entrer dans ce monde de gloire et de bonheur qui leur est préparé, si elles sont fidèles à leur serment. Oh ! combien dépend de vous, et quelle responsabilité va désormais peser sur vos têtes ! Faites pour leur âme, faites pour leur salut éternel une portion de ce que vous faites tous les jours avec tant de persévérance pour leur corps, pour leur bonheur sur la terre, et nous pouvons encore être rassurés sur leur avenir. A quoi vous servirait-il, même pour le repos et le bonheur de vos vieux jours, de gagner pour elles le monde, de les entourer de richesses et de vanités, si vous laissiez s’accomplir la perte irréparable de leur âme ? Avancés dans la vie, vous en connaissez déjà le néant et la misère. Faites-leur choisir la bonne part, qui ne leur sera point ôtée. Tous les bons sentiments, toutes les généreuses résolutions, toutes les ravissantes espérances, dont leur âme est en quelque sorte enivrée dans ces délicieux instants, ne sont qu’une fleur délicate dont le fruit, s’il vient à bien, doit les nourrir à jamais de force, de vertu, de bonheur, mais qui, comme toutes les fleurs, craint la chaleur et la froidure, le soleil et la rosée, la sécheresse et l’humidité, le vent et le calme. Soyez toujours là pour préserver, par vos soins vigilants, cette plante si frêle et pourtant si chère de tous les ennemis dont le seul contact peut la flétrir. Voyez toujours avec ravissement ces enfants de votre tendresse se développer sous vos yeux sans rien perdre de leur innocence, croître en grâce et en beauté, s’entourer d’honneur et de respect, exhalant autour d’elles le doux parfum de leurs vertus et de leur piété, et consolant votre vieillesse par la délicieuse espérance de les laisser après vous meilleures que vous-mêmes, de les retrouver heureuses et pures dans le ciel, où vous irez les attendre, après les avoir imbues de la foi et de l’amour qui peuvent seuls y trouver place. O qu’elles soient heureuses par leur persévérance et par leurs vertus ! Que la Providence leur ménage sur la terre les épreuves les moins cruelles et les moins dures ! Que leur carrière mortelle soit douce et facile, sans être jamais corruptrice ! Et que vous, dont j’entends autour de moi les soupirs et les sanglots, trouviez ici-bas, sans un mélange trop fort d’amertume, les seules joies qui vous tiennent encore à cœur, celles qui vous viendront d’elles !