Étude pratique sur l’épître de Jacques

4. La Tentation

1.12-15

12 Bienheureux l’homme qui supportera avec fermeté la tentation, parce qu’après avoir été mis à l’épreuve, il recevra la couronne de la vie que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment. 13 Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise : « C’est par Dieu que je suis tenté ; » car Dieu est à l’abri de toute tentation au mal, et lui même ne tente personne. — 14 Mais chacun est tenté parce qu’il est attiré et séduit par sa propre convoitise ; 15 ensuite la convoitise ayant conçu, devient la mère du péché, et le péché dans sa pleine maturité enfante la mort.

Jacques ne perd pas de vue les souffrances qu’ont à endurer les chrétiens opprimés auxquels il s’adresse ; les considérant comme des tentations qui doivent servir à éprouver et à épurer leur foi, il déclare bienheureux l’homme qui supporte avec fermeté la tentation, parce qu’après avoir prouvé par là sa fidélité, il obtiendra la couronne de la vie éternelle que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment. On se demande quel est le lien de cette pensée avec la suivante, savoir que les tentations ne viennent pas de Dieu. Jacques lui-même ne vient-il pas de déclarer que Dieu permet les souffrances comme servant de tentations, c’est-à-dire de moyens d’éprouver la foi ? Il importe ici de distinguer entre la tentation extérieure et la tentation intérieure. Toute tribulation que nous rencontrons au dehors peut avoir un double effet : tantôt elle est l’occasion de réveiller en nous cette vertu supérieure et cachée que nous tenons de Dieu et qui en face des difficultés déploiera toute son énergie ; tantôt elle sert à nous faire sentir notre faiblesse ; le vieil homme que nous portons en nous peut en profiter pour accroître sa rébellion contre Dieu, et ainsi le moyen même par lequel Dieu voulait éprouver et affermir notre foi et notre vie chrétienne peut devenir pour nous, par notre propre faute, un moyen de nous tenter à l’incrédulité et au péché. Par là, la tentation extérieure se transforme en tentation intérieure et l’homme se trouve exposé au plus grand danger. Cette distinction est essentielle à maintenir ; Jésus, en insérant cette demande dans le modèle de prière qu’il nous a laissé : « ne nous induis pas en tentation, » n’entend évidemment parler que de la tentation intérieure, puisque ses disciples devaient demeurer au milieu des tentations du monde, « nécessaires à l’épreuve de leur foi ; mais plus ils en rencontrent, plus ils doivent demander avec ardeur que la tentation extérieure ne devienne pas une tentation intérieure. Le lien entre ces deux manières d’envisager la tentation étant très étroit, Jacques passe sans transition de l’une à l’autre. En outre, il est hors de doute qu’il voyait dans les églises auxquelles il s’adresse un motif particulier pour cet avertissement. Ce motif il faut le chercher dans l’esprit de formalisme que nous avons déjà indiqué. C’est lui qui avait donné naissance dans ces églises à l’erreur qu’il s’applique maintenant à combattre. Ce formalisme ne se montrait pas dans l’idée qu’elles se faisaient de la vertu, mais aussi dans leur manière d’apprécier le péché. On ne manquait pas de raisons plausibles pour l’excuser, car on s’était habitué à considérer le péché comme un mal accidentel et facile à expliquer par des causes extérieures, au lieu d’en chercher le siège dans la volonté mauvaise, inhérent à l’homme. Il paraît, entre autres, que plusieurs cherchaient à se disculper en disant : « Nous sommes assujettis à une force supérieure qui, malgré nous, nous entraîne au mal ; le Tout-Puissant, celui auquel personne ne peut résister, nous a lui-même livrés sans défense à ces tentations. » Mais Jacques réplique : Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise : c’est par Dieu que je suis tenté ; car, comme Dieu est à l’abri de toute tentation au mal, comme il est élevé au-dessus de tout mal, il ne peut non plus venir de lui aucune tentation mauvaise. Puis il montre que la vraie cause de la tentation est au dedans de l’homme et, suivant l’histoire du péché, depuis son origine jusqu’à sa consommation, il en décrit le développement graduel. La source première du mal, c’est la convoitise que chaque homme porte en lui-même ; elle le séduit, l’enivre, l’entraîne, elle épie en quelque sorte ses pas pour le faire tomber ; néanmoins, l’homme conserve toujours la faculté de lui résister ; mais si au lieu d’employer ses forces à vaincre la convoitise, il se livre à elle, celle-ci alors, ne rencontrant pas de résistance, se fortifie. Lorsqu’elle a pris le dessus et que son fruit arrive à maturité, elle enfante le péché qui, une fois accompli, consommé, produit la mort. L’ensemble du passage montre clairement quelle est la pensée de Jacques : il ne veut assurément pas dire que dans la convoitise, considérée en elle-même, il n’y ait point encore d’élément de péché, ni que le penchant opiniâtre de la volonté au mal, alors même que ce mal ne trouverait pas l’occasion de se manifester, ne produise pas la mort ; il ne présente nullement le péché comme ne résidant que dans l’acte extérieur ; mais il montre que le mal a un développement continu et graduel, depuis le moment où perce le premier désir mauvais, jusqu’à celui où par une suite de résistances à toutes les impulsions meilleures, il éclate au dehors. Par là se révèle plus ouvertement la puissance du péché, et tandis qu’en résistant à son funeste attrait, l’homme eût été capable jusqu’alors d’entretenir et de ranimer en lui la véritable vie, celle du nouvel homme, maintenant qu’il a laissé le péché remporter en lui une complète victoire, il se voit assujetti à la mort.

C’est ainsi que Jacques dissipe les pernicieuses illusions de ses lecteurs qui regardaient Dieu comme l’auteur du mal.

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