Je suis prêt non seulement à être lié, mais encore à mourir pour le nom du Seigneur Jésus. Saint Paul.
Pendant les premières années de son travail, Sundar Singh arriva un jour dans un village nommé Doniwala ; épuisé à l'extrême par une longue marche, il avait grand besoin de nourriture et surtout de repos et cherchait un abri pour la nuit ; mais dès qu'on apprit qu'il était chrétien, tout secours lui fut refusé. Il pleuvait et le temps était froid. Il trouva une pauvre hutte abandonnée, sans porte ni fenêtre, et trop fatigué pour aller plus loin, il étendit sa couverture dans le coin qui lui parut le moins humide et, remerciant Dieu pour cet abri, s'endormit affamé. Quand il se réveilla à l'aube, il remarqua soudain, dans la pénombre, une large tache sombre et ronde sur sa couverture ; il regarda plus attentivement ; c'était un énorme cobra enroulé tout près de lui. Il se leva promptement, sortit, puis rentra sans faire de bruit ; prenant la couverture par un bout, il secoua le gros serpent venimeux qui, brusquement réveillé, alla paresseusement s'enrouler dans un autre coin de la hutte, sans se soucier de celui qui venait de le troubler. Sundar bénit Dieu qui l'avait protégé durant son sommeil.
Une fois, raconte un élève du collège théologique de Delhi, alors que j'étais en séjour avec le Sadhou à Béréri, près de Kotgarh, nous vîmes, avant de nous coucher, des lumières se mouvant dans la vallée ; ce devait être sans doute des hommes à la poursuite d'un léopard.
Au milieu de la nuit, Sundar se leva et descendit, à l'extérieur de la maison, l'escalier de bois dont j'entendis les craquements. Sachant que souvent le Sadhou passait des heures de la nuit en prière, je ne fus pas surpris, mais voyant le temps passer et me souvenant du léopard rôdant dans les environs, je devins anxieux. Je me levai et regardai par la fenêtre du côté de la forêt. A peu de distance de la maison, le Sadhou était assis, le regard tourné vers la profonde vallée.
La nuit était splendide, les étoiles étincelaient dans un ciel sans nuage, une légère brise agitait les feuilles des arbres. Je fixai la paisible silhouette du Sadhou, lorsque mes regards furent attirés par quelque chose se mouvant à sa droite. Un animal s'avançait vers lui : je reconnus un léopard. Saisi de frayeur, je demeurai immobile, incapable d'appeler. Alors le Sadhou se tourna vers l'animal, puis étendit sa main en un geste silencieux. Comme un chien fidèle, le léopard se coucha non loin de lui et baissa la tête, subjugué par une puissance invisible.
Ce fut une scène étrange que je ne pourrai jamais oublier. Peu après le Sadhou rentra et s'endormit bientôt ; mais je restai éveillé, me demandant ce qui donnait à cet homme un tel pouvoir sur les bêtes féroces...
Au matin, le jeune homme demanda au Sadhou si, en face de ce fauve, il n'avait pas été effrayé ? – Pourquoi ce léopard m'aurait-il fait du mal, répondit-il, je n'étais pas son ennemi, – et il ajouta : – Aussi longtemps que je me confie en Jésus-Christ je n'ai aucune raison d'avoir peur.
Cependant le Sadhou lui-même confessa qu'en une autre occasion, il fut un moment terrifié, lorsque, s'éveillant subitement dans une grotte où il s'abritait, il vit un énorme léopard dormant tout près de lui. Pourtant il reprit bien vite son sang-froid et sortit doucement, remerciant Dieu d'avoir préservé sa vie.
Chassé d'une localité, il s'en fut s'asseoir sur un rocher et là, perdu dans ses réflexions, il n'aperçut pas une grande panthère noire s'approchant en rampant, prête à sauter sur lui. Quand il la vit, le coeur battant, mais plein de confiance en Dieu, il se leva tranquillement et s'éloigna. De retour au village, il raconta son aventure ; elle remplit les villageois d'étonnement : cette panthère avait tué plusieurs des leurs. Ce Sadhou, pensèrent-ils, devait être un très saint homme et, dès ce moment, leur attitude envers lui changea totalement. Ils s'assemblèrent autour de lui, heureux de l'entendre parler de ce Jésus qui est toujours avec ses serviteurs et qui aime tous les hommes.
Jamais, dira le Sadhou, une bête féroce ne m'a fait le moindre mal.
Le Tibet possède des chats sauvages, des tigres, des léopards, des lynx, des yacks. Si le yack est un animal très utile comme bête de somme quand il est apprivoisé, n'étant pas sujet au mal de montagne comme le cheval ou le mulet, il est dangereux à l'état sauvage.
Sundar fut attaqué une fois par un yack sauvage qui fonça furieusement sur lui. Il trouva un refuge sur le sommet d'un rocher qu'il escalada avec agilité. Lorsque son compagnon tibétain vit l'animal posté au pied du roc, il poussa de grands cris qui firent surgir une bande de brigands. Ceux-ci mirent le yack hors de combat en le lapidant, puis ils dépouillèrent les deux voyageurs de tout ce qu'ils possédaient, et les emmenèrent dans leur logis.
Là, le Sadhou saisit l'occasion de parler du Dieu au service duquel il était. Ils furent vivement impressionnés, rendirent tout ce qu'ils avaient dérobé, et offrirent à leurs prisonniers de la nourriture et un gîte.
Les Tibétains boivent un thé couleur chocolat, avec du sel et du beurre, qui n'a rien de commun avec le nôtre ; ils nettoient leurs assiettes et leurs tasses en y passant la langue. Le Sadhou, sachant cela, leur dit : – Voulez-vous, s'il vous plaît, me permettre de nettoyer ma tasse ? – Alors l'un d'eux, devançant son désir, tira une longue et large langue avec laquelle il arriva sans peine jusqu'au fond du bol. Il n'y avait rien à faire qu'à attendre que l'opération soit terminée. Quand le thé fut versé, le Sadhou, au lieu de le boire, s'en servit pour nettoyer sa tasse à son tour. Les Tibétains, très étonnés, se mirent à rire pensant sans doute que leurs hôtes étaient des gens bien étranges ; le compagnon de Sundar leur expliqua qu'un Hindou ne pouvait boire dans une tasse qui n'avait pas été purifiée ; à quoi les brigands répliquèrent que s'il fallait laver les coupes et les plats, il faudrait en faire de même, chaque jour, pour son estomac, ce qui n'était pas possible.
Les maisons des Tibétains, bâties en pierre et en boue, sont très petites et sales ; les vêtements, bien que faits avec de la laine blanche, sont complètement noirs n'étant jamais nettoyés. Un jour que le Sadhou et son compagnon tibétain chrétien lavaient leurs vêtements dans une rivière près du village de Kiwa, les habitants s'assemblèrent, fort curieux de voir une chose aussi extraordinaire.
Le lama réprimanda le Sadhou, disant : – Il n'y a point de mal pour les méchants à laver leurs vêtements, mais pour les saints hommes, c'est une chose très mauvaise en vérité. – Ce fut un supplice que l'on peut facilement imaginer, pour un homme habitué à une propreté raffinée de vivre au milieu de ce peuple d'une saleté indescriptible.
Les brigands étaient constamment à redouter. – Vous devriez avoir une arme avec vous, disait-on au Sadhou, une épée ou un fusil, car bien des gens ont été tués dans ces contrées. – J'ai ma Bible et une couverture, répondait-il ; la Parole de Dieu est mon épée ; le Seigneur de la vie est avec moi et il me délivrera.
– En vérité, ces mêmes brigands qui avaient commis tant de meurtres, vinrent à nous et ne nous firent pas de mal, grâce à Dieu. – Car, en dépit de leur violence et de leur manière de vivre si répugnante, les Tibétains ont bon coeur et sont naturellement religieux : dans chaque famille le fils aîné est destiné à devenir lama.
Un jour, alors qu'il enseignait dans une ville tibétaine appelée Rasar, Sundar fut fait prisonnier et conduit devant le chef des lamas. Accusé d'avoir enseigné le christianisme, il fut déclaré coupable et condamné à mort.
Une des manières de mettre un criminel à mort sans le tuer soi-même, ce qui est contraire à la loi bouddhique, consiste à le jeter dans un puits et à le laisser périr lentement au milieu des ossements et des cadavres putréfiés. Sundar, suivi d'une foule véhémente et avide d'un pareil spectacle, fut conduit au bord d'un puits profond de quarante pieds et entouré d'un mur d'enceinte. Avec une grosse clef, on ouvrit la lourde porte recouvrant l'orifice de la citerne, puis, afin d'ôter au prisonnier toute possibilité de ressortir, on lui cassa brutalement le bras gauche avant de le jeter dans la fosse. Les deux portes, celle du mur d'enceinte et celle du puits, furent soigneusement refermées et le Sadhou fut abandonné dans les ténèbres de cet horrible charnier dont l'odeur nauséabonde était écoeurante. Les heures s'écoulaient lentement.
– Pendant trois jours je fus sans manger et sans boire, mon bras me faisait cruellement souffrir, mais au fond de cette prison, je fis l'expérience d'une paix et d'une joie ineffables, et la présence de mon Sauveur changea pour moi cet enfer en le ciel même. Je pensais que Dieu allait me reprendre à lui. – Mais le troisième jour Sundar entendit une clef tourner dans la serrure, et une bouffée d'air frais pénétra jusqu'à lui. Une voix lui enjoignait de saisir la corde qui lui était lancée. Puis il se sentit doucement, mais fermement, soulevé et déposé hors du puits. Il faisait nuit, il ne put reconnaître son Sauveur, qu'il prit pour un soldat tibétain venu pour le conduire à un nouveau supplice. Le lourd couvert fut remis en place et refermé avec la grosse clé. Lorsque le Sadhou eut franchi le mur d'enceinte, il ne vit plus personne ; il attendit vainement et réalisa qu'une vie nouvelle l'envahissait, et que la douleur de son bras avait entièrement disparu. Tout ce qu'il put faire fut de rendre grâces à Dieu pour sa miraculeuse délivrance. N'avait-il pas envoyé son ange selon les anciennes promesses de sa Parole ?
Le Sadhou retourna à Rasar et, le jour suivant, recommença à prêcher dans les rues de la ville. Quand les gens virent celui qu'ils croyaient mort, vivant devant eux, ils furent stupéfaits. L'extraordinaire nouvelle fut rapidement rapportée au lama qui pensa qu'un traître avait délivré le condamné. Il fit comparaître Sundar qui raconta ce qui était arrivé. Quelqu'un fut envoyé pour vérifier si le puits était fermé : tout était en parfait état. La clef, la seule qui existât, se trouva comme à l'ordinaire suspendue à la ceinture du lama.
Celui-ci commença à se sentir fort mal à l'aise et demanda à Sundar de lui montrer son bras. Il l'étendit sans difficulté et se souvint qu'au sortir du puits son sauveur avait posé sa main sur lui et qu'il avait été guéri. Le lama lui dit : – Ton Dieu est un Dieu puissant, Il t'a protégé et nous ne voulons pas te faire de mal, mais va-t-en de notre province, de peur que la malédiction ne nous frappe.
Ne croyons-nous pas lire le livre des Actes des Apôtres et entendre le Sadhou dire, comme Pierre délivré de sa prison : « je vois maintenant d'une manière certaine, que le Seigneur a envoyé son ange et qu'Il m'a délivré de la main d'Hérode, et de ce que tout le peuple attendait. »
– Le temps des miracles n'est pas passé, disait le Sadhou, mais bien le temps de la foi. – Aucun de ceux qui ont eu le privilège de l'entendre lui-même, ne peuvent mettre en doute que Dieu fasse encore des miracles de nos jours.
Dans bien d'autres occasions, Dieu vint en aide, d'une manière surnaturelle, à son fidèle serviteur.
Dans la localité de Kamyan, nul ne semblait désirer l'écouter, et il ne lui fut pas donné le moindre morceau de pain. Quand vint la nuit, fatigué et affamé, il ne trouva ni asile pour dormir, ni fruits sauvages pour apaiser sa faim. Il se coucha sous un arbre et s'assoupit. Au milieu de la nuit il fut réveillé par un attouchement et vit deux hommes debout à ses côtés, lui offrant de la nourriture et de l'eau. Pensant que c'étaient deux villageois plus compatissants que les autres, il prit avec reconnaissance ce qui lui était offert mais lorsqu'il voulut remercier ses bienfaiteurs, ils avaient mystérieusement disparu sans laisser de traces.
Une autre fois, prêchant à Khantzi dans le Népal, les gens furent si furieux contre lui qu'ils le saisirent, l'attachèrent fermement dans sa couverture et le jetèrent hors du village. Un étranger passant par là, eut pitié de lui et l'aida à se libérer. Le jour suivant le Sadhou était de retour dans le même lieu, prêchant Christ comme auparavant. Cette fois, les villageois exaspérés lui lièrent les pieds et les mains et le fixèrent solidement à un arbre. Les heures passaient et Sundar défaillait, épuisé par la tension de ses membres et par la faim. Des fruits pendaient au-dessus de lui, mais il lui était impossible de les atteindre. La nuit vint ; anéanti de fatigue, il finit par s'endormir. A son réveil il se trouva, à son grand étonnement, couché au pied de l'arbre et libéré de ses liens. Quelqu'un avait dû couper les cordes qui le retenaient ; à sa portée, sur le sol, quelques fruits étaient posés.
Un jour, averti que des gens désiraient entendre son message, il partit à leur recherche. Mais ayant pris une mauvaise direction, il se perdit dans la jungle. Arrivé au bord d'une rivière, il ne put la traverser à cause de la force du courant. La nuit tombait, et dans la forêt toute proche on entendait déjà le réveil des fauves cherchant leur proie. Que pouvait-il faire, seul et désarmé, sinon élever son coeur à Dieu en une ardente prière ? Alors, à travers les dernières lueurs du jour, il distingua de l'autre côté de l'eau, un homme qui lui criait : – Je viens à ton secours. – Et plongeant dans la rivière, l'homme nagea rapidement jusqu'à lui, prit Sundar sur son dos et regagna l'autre rive. Là un bon feu était allumé et le Sadhou put y sécher ses vêtements. Soudain son étrange ami disparut, et il se retrouva seul, à l'abri des bêtes sauvages, émerveillé une fois de plus de l'amour et des soins de son Dieu.
Chassé d'un endroit où il avait en vain essayé de prêcher l'Évangile, il trouva un refuge dans une caverne ; torturé par la faim et la soif, il demandait à Dieu son secours, lorsqu'il trouva près de là quelques feuilles qui lui parurent la plus délicieuse nourriture qu'il eût jamais goûtée, et qui lui rendirent ses forces. Peu après il vit une troupe, armée de pierres et de bâtons, s'approcher de sa retraite.
Se recueillant, il pria : – Que ta volonté se fasse, je remets mon esprit entre tes mains. – Bientôt le silence se fit autour de lui, il rouvrit les yeux et vit la foule s'éloigner. Qu'était-il arrivé ?... Il se coucha et s'endormit. Le lendemain, la même foule de 50 à 60 personnes réapparut, mais cette fois-ci sans bâtons ni pierres. Il était cependant certain qu'on voulait le tuer. – Je suis heureux de donner ma vie pour mon Sauveur, me voici, faites de moi ce que vous voulez. – Un homme s'avança et prit la parole : – Nous venions pour te tuer hier soir, mais aujourd'hui nous sommes là pour te poser une question. Nous avons déjà vu des hommes de bien des pays, Chinois, Hindous, Européens ; nous les distinguons tous, mais nous ne connaissons pas d'hommes pareils à ceux qui entouraient ta retraite. Nous voudrions savoir de quel pays ils sont. Jamais nous n'avons vu des gens aussi merveilleux ! Ils encerclaient ta caverne et ne touchaient pas le sol, aussi n'avons-nous plus eu le courage de t'abattre. – Alors le Sadhou comprit que Dieu avait envoyé ses anges pour le protéger. Lui ne les avait pas vus, mais ils avaient été visibles aux yeux de cette foule. Ces hommes invitèrent Sundar à revenir chez eux et le prièrent de les instruire de ce qui concernait son Dieu, et plusieurs furent amenés à la connaissance de Christ.
La haine du christianisme, et en général de tous les étrangers, se retrouve aussi bien dans les États limitrophes de l'Inde qu'au Tibet. Au risque de sa vie, le Sadhou pénétra au Népal, sachant bien qu'il n'en ressortirait peut-être pas.
Le Népal est une longue vallée s'étendant entre deux montagnes très élevées de la chaîne de l'Himalaya. Elle est habitée entre autres par la fière tribu des Gourkas. Partout le Sadhou y rencontra une vive hostilité. Arrivé depuis peu dans la ville de Ilom, il lui fut enjoint de se taire ; il n'obéit pas et fut pris à partie par un indigène fort irrité auquel il donna un évangile de Marc. Celui-ci le déchira aussitôt, et alla dénoncer Sundar à la police qui l'arrêta et le condamna à six mois d'incarcération.
Jeté dans la prison commune, avec des voleurs et des meurtriers, Sundar trouva ces hommes tout prêts à écouter l'histoire de Celui qui s'est appelé l'ami des pécheurs. La paix de Dieu descendit dans ce lieu de misère, et la semence répandue au travers de la douleur produisit une riche moisson. Beaucoup acceptèrent Christ comme leur Sauveur. Le geôlier, voyant le changement qui s'opérait à la prédication du Sadhou, lui ordonna de garder le silence. – Je ne le puis, je dois obéir à mon Maître et annoncer la bonne nouvelle, quelles que soient les souffrances qui m'attendent. – Le geôlier, se tournant alors vers les prisonniers, leur défendit d'écouter Sundar, mais ils répliquèrent qu'ils avaient été emprisonnés dans le but d'être rendus meilleurs : le Sadhou, par son enseignement, avait éveillé en eux une vraie repentance de leurs mauvaises actions. Comment cela pourrait-il être une offense contre qui que ce soit ?
Le geôlier devint perplexe ; ne sachant que répondre, il alla vers le gouverneur. Celui-ci donna l'ordre de transférer Sundar dans une prison où il serait solitaire.
On ne trouva qu'une écurie avec une seule porte et sans fenêtre. Dans ce lieu sordide et malodorant, le Sadhou fut dépouillé de ses vêtements et attaché, pieds et mains liés, à un poteau. Pour ajouter encore à son supplice, quelqu'un rapporta des sangsues de la jungle, et en couvrit le corps nu de Sundar. Ces bêtes voraces sucèrent son sang. Dans ses tortures il éleva son coeur à Dieu, et une grande paix l'inonda. A pleine voix il entonna un cantique de louanges. Le peuple se massa devant la porte de l'écurie, et il put annoncer Jésus. Dans cette foule se trouvait celui qui l'avait dénoncé et avait attiré sur lui tous ces maux. Rempli d'étonnement de ce qu'il entendait, il dit aux geôlier : – Que pensez-vous de cet homme qui est si joyeux malgré ses tourments ? – Il doit être fou, répondit le geôlier. – Si en étant fou on peut avoir une paix si profonde, je voudrais l'être aussi et non seulement moi, mais tous les habitants de la terre devraient le devenir, car cette sorte de folie transformerait le monde en un entier paradis !
Le geôlier, de plus en plus troublé et déconcerté, retourna auprès du gouverneur : – Notre but n'a pas été atteint, nous espérions faire souffrir cet homme et l'empêcher de prêcher, mais nous avons seulement contribué a augmenter sa joie. – Il est fou, dit le gouverneur, laissez-le aller.
Le Sadhou fut libéré ; il était très faible, ayant perdu beaucoup de sang ; cependant il trouva la force de traverser la ville, proclamant son message avec une nouvelle ardeur. Un grand encouragement lui fut donné. L'homme qui s'était montré son pire ennemi lui demanda s'il n'avait pas honte de prêcher l'Évangile qui lui apportait tant de souffrances : – Quand j'étais un Hindou comme vous, je n'ai pas eu honte de déchirer la Bible, comment serais-je honteux maintenant de dire ce que Christ a fait pour moi ?
– Alors son interlocuteur sollicita un autre exemplaire de l'Évangile qu'il avait déchiré, afin de chercher lui-même le secret de cette paix et de cette joie qui se manifestent au travers des plus grandes épreuves. Dans le Nouveau Testament de Sundar, on a retrouvé ces quelques mots : Népal, 7 juin 1914. La présence de Christ a transformé ma prison en un véritable ciel, alors que sera le ciel même ?
– Je bénis Dieu, écrira-t-il, de ce qu'il m'a choisi dès ma jeunesse, indigne comme j'étais, pour que je puisse mettre à son service les jours de ma vigueur. Dès mon baptême je demandai à Dieu de me montrer ma voie, et lui qui est le chemin, la vérité et la vie, m'a appelé à le servir comme Sadhou et à prêcher son saint nom. Et maintenant, bien qu'ayant souffert la faim, le froid, les chaleurs, la prison, les malédictions, les infirmités, la persécution et des maux sans nombre, je le bénis de ce que, par sa grâce, mon coeur est toujours débordant de joie. Après dix ans d'expériences je répète, sans la moindre hésitation, que la Croix porte ceux qui la portent.