On a publié que les Phéniciens et les Égyptiens furent les premiers de tous les hommes qui regardèrent comme des dieux le soleil, la lune et les étoiles, qu’ils prétendaient être les causes uniques de la génération et de la destruction de tous les êtres, et que telle fut l’origine de ces générations de dieux, de ces théogonies publiées chez tous les peuples. Toujours est-il qu’avant eux personne ne connaissait rien au-delà des phénomènes célestes, à l’exception d’un petit nombre d’individus dont les Hébreux ont fait mention, et qui s’élevant, par les yeux les plus clairvoyants de l’intelligence, au-dessus de tout ce qui est visible, ont rendu hommage à l’auteur du monde et au formateur de l’univers, admirant sa sagesse et sa puissance, dont ils se faisaient une idée d’après les ouvrages qui frappaient leurs regards. Ils crurent et annoncèrent également qu’il n’y avait qu’un seul Dieu ; les enfants gardèrent précieusement cette religion, seule pure et la seule vraie qu’ils avaient reçue de leurs pères. Mais, quant au reste des hommes, s’écartant de l’unique et véritable religion, étonnés comme des enfants à l’aspect des flambeaux des cieux qui brillaient à leurs yeux de chair, ils prononcèrent que c’étaient des dieux, et ils les honorèrent par des sacrifices et des adorations, sans toutefois leur construire des temples, ni représenter leurs statues et leurs images sous la forme des mortels ; ils se bornaient à fixer leurs regards sur l’air et le ciel, et leurs âmes ne franchissaient pas les bornes des objets visibles. Mais ce polythéisme erroné ne s’en tint pas là : poussant les hommes d’un âge postérieur vers un abîme sans fond, cette funeste doctrine enfanta une impiété plus affreuse encore que l’athéisme. Elle prit naissance chez les Phéniciens, elle passa ensuite chez les Égyptiens ; Orphée, fils d’Hyagre, fut, dit-on, le premier d’entre eux qui, ayant transporté avec lui les mystères des Égyptiens, les communiqua aux Grecs, de même que Cadmus leur apporta les mystères des Phéniciens, avec la science des lettres ; car les Grecs, à cette époque, ne connaissaient pas encore l’écriture. C’est pourquoi nous considérerons d’abord tout ce qui concerne la création primitive du monde, selon l’ordre dans lequel les auteurs célèbres en ont traité ; nous aborderons ensuite la vie superstitieuse que menaient les hommes dans le principe, et depuis un temps immémorial ; en troisième lieu, nous examinerons les doctrines des Phéniciens, ensuite celles des Égyptiens ; après quoi, et en cinquième lieu, nous exposerons celles des Grecs que, nous diviserons en deux parties : dans la première, nous examinerons leur ancienne doctrine remplie d’erreurs et de fables ; ensuite nous passerons à l’époque où leur théologie devenue plus grave, se montra aussi plus rapprochée de la nature, puis nous traiterons de leurs merveilleux oracles, et nous terminerons notre examen par celui des monuments les plus importants de leur philosophie si vantée. Quand nous aurons discuté ces sujets avec soin, nous aborderons la doctrine des Hébreux, nom primitif et véritable de la nation qui, depuis, a reçu le nom de Juifs. Enfin nous terminerons cet examen par l’exposition de nos propres doctrines. C’est pour nous une nécessité de faire l’histoire de tous ces systèmes, afin que l’exposé de ce qu’il y a de plus remarquable dans chacun d’eux fasse ressortir davantage la force de la vérité, et afin que chacun de nos lecteurs voie clairement quelles sont les doctrines que nous avons abandonnées, et quelle est celle que nous avons embrassée. Arrivons d’abord au premier point. D’où tirerons-nous les bases de nos démonstrations ? ce ne sera certainement pas de nos livres, afin que nous ne paraissions pas rapporter seulement les choses qui pourraient cadrer avec notre sujet. Produisons donc pour témoins ceux des Grecs qui ont fait parade de leur philosophie, et qui ont encore porté leur attention sur l’histoire des autres nations. La théologie des Hébreux nous est décrite dès son principe par Diodore de Sicile, le plus érudit des historiens grecs, qui acquit une grande célébrité pour avoir rassemblé en un seul corps tous les documents historiques. J’en citerai seulement les premiers traits qui ont rapport à la création de l’univers : on les trouve au commencement de son ouvrage, où il rapporte en ces termes les opinions des anciens à ce sujet.