Analyse du parler en langues

Chapitre 6

L’interprétation

Nous allons à présent aborder le don de l’interprétation. Au charisme des langues, le Saint-Esprit y a adjoint celui d’interpréter ces langues. À la Pentecôte, les disciples s’étant mis à parler miraculeusement dans des langues étrangères que la foule comprenait, il n’y avait pas lieu de les traduire. Quand l’apôtre Paul exerçait ce don, et il le faisait plus et mieux que n’importe qui d’autre, c’était dans des circonstances similaires. Il se défendait d’exercer ce don dans l’Église qui est un cercle composé généralement de croyants. Comme ce signe était pour les Juifs incrédules, il dit que, dans l’Église, il préfère dire cinq mots intelligents que dix mille en langues. Il est donc DEUX MILLE fois plus favorable à ce qu’on y parle le langage de tous les jours qu’à ce qu’on y parle en langues ou, si l’on préfère, il était deux mille fois plus opposé à ce qu’on y parle en langues qu’autrement. Quand Paul parlait en langues c’était non pas comme battant l’air, comme un airain qui résonne ou comme une trompette qui rend un son confus. Non, il est efficace. Il exerce ce don dans le cadre prévu à cet effet, c’est-à-dire celui de l’Israël hyper-patriotique et hyper-saint qui rejetait ces corps étrangers qu’étaient les païens. Si on le suit dans ses nombreux voyages, on le trouve partout et toujours en conflit avec les Juifs, et même avec ses frères Juifs convertis, qui étaient en désaccord avec lui sur ce point capital. Quand il rentra de son premier voyage missionnaire à l’Église d’Antioche d’où il était parti, il raconta “comment Dieu avait ouvert aux nations (les langues étrangères) la porte de la foi” (Actes 14.27). C’est vraisemblablement dans de telles occasions, qu’il exerçait ce don de langue des païens. Il voulait ainsi confirmer, à ceux qui étaient réticents à l’admettre, autant sa vocation auprès des nations que son apostolat envers eux. (Galates 2.7, 9)

Fausse piste

Du côté de Paul il n’y avait pas de risque de dérapage. Mais il n’était pas le seul à parler en langues. D’autres, qui avaient ce charisme, n’en faisaient pas le même usage. Oubliant à qui le signe devait faire signe, ils éprouvaient une satisfaction personnelle à se faire entendre jusque dans les réunions de l’Église, et en l’absence d’opposants Juifs, là donc où il n’y avait aucune raison de le faire, sinon occasionnellement, une fois sur DEUX MILLE par exemple (1 Corinthiens 14.19). Puisque c’était, à l’époque, un authentique don de l’Esprit, Paul ne voulait pas en interdire l’exercice. Mais c’était devenu chez certains comme la force herculéenne de Samson qui était aussi un don de Dieu. Tels de nouveaux Samson, ils s’en servaient à tort et à travers, sans intelligence. C’est ce que Paul leur rappelle : employer aussi leur intelligence. Ce n’était pas les dons qui manquaient aux Corinthiens, mais l’intelligence de ces dons. Paul doit leur faire le reproche d’être restés au stade de l’enfance. N’en étant encore qu’au lait, spirituellement parlant (1 Corinthiens 3.2), ils y allaient tous ensemble de leur petite démonstration linguistique. N’étant que des bébés sous le rapport de la foi, ils étaient tout fiers de montrer qu’ils avaient au moins “ça”. Nous allons paraphraser en tournure populaire ce que Paul doit leur dire aux versets 16 et 17 du chapitre 14 : “C’est bien beau de faire de belles prières et de belles actions de grâce en égyptien, on en perse, ou en latin, mais il n’y a même pas un Juif intégriste venu d’Alexandrie, de Persépolis et de Rome parmi vous cette semaine. On veut bien croire que ton latin est du plus haut classique et que ça te fait plaisir et peut-être même du bien. Mais à quoi ça peut bien servir, personne ici n’y comprend goutte ? Comment veux-tu qu’on dise amen après toi puisqu’on ne sait pas ce que tu as dit ?

Quatre choses se dégagent déjà en rapport avec la pratique corinthienne de l’interprétation :

  1. Associée au parler en langues, l’interprétation devait le compléter et atteindre le but premier qui restait de servir de signe à “ce peuple” et à son incrédulité, sujet largement débattu précédemment.

  2. À tout parler en langues il fallait nécessairement qu’une traduction l’accompagne. Pourquoi ? Afin, comme le dit Paul, que l’on comprenne ce qui avait été dit et qu’ainsi on puisse y ajouter son amen personnel et adhérer intelligemment à la prière enfin comprise. Pour traduire le parler en langues dans l’Église, Dieu avait donné à celui qui parlait (verset 13), où à à quelqu’un d’autre présent dans l’Église, le don non moins miraculeux de l’interprétation.

  3. Ce qui était dit en langues devait obligatoirement être interprété. Il ne pouvait en aucun cas s’exercer sans son complément explicatif (verset 28). De plus, il y avait obligation de s’assurer qu’il y avait un et dans l’assemblée AVANT de commencer à parler en langues et non après : “…s’il n’y a pas d’interprète, qu’on se taise”. À la lumière de ces quelques précisions, on s’aperçoit que les Corinthiens eux-mêmes étaient loin du modèle divin. Aujourd’hui plus qu’alors, ces textes sont écartés avec la plus grande désinvolture.

  4. Une autre pratique, qui elle aussi était anti-biblique, c’était de prier ou de chanter tous ensemble en langues. L’interprétation, même si elle était envisagée, devenait impossible dans le brouhaha qui en résultait. C’était, encore là, une façon de faire que Dieu réprouvait par un terme fort : le désordre. Son Saint-Esprit ne pouvait pas produire le contraire de ce qu’il ordonnait. Et qu’ordonnait-Il ? Voici la réponse  :

    En est-il qui parlent en langue ? Que deux ou trois au plus parlent, chacun à son tour et que quelqu’un interprète” (verset 27).

Arrivés à ce point de notre étude, si on additionne les entorses faites à l’enseignement divin, on constate déjà que les pentecôtistes conservateurs sont, autant que les charismatiques qu’ils honnissent, “à côté de la plaque”. En terme d’alpinisme on dirait qu’ils ont dévissé, ou en terme de slalom spécial qu’ils ont enfourché toutes les portes.

Fantaisies

Tout ceci est déjà très grave, mais il y a plus grave encore. Dans tous les cas d’interprétation que j’ai personnellement vérifié avec le plus grand soin et un esprit ouvert, je n’ai découvert rien d’autre qu’une fabrication humaine, une tromperie délibérée. Ce qui m’avait surpris, c’était le décalage inadmissible entre la brièveté des parlers en langues et la longueur démesurée des interprétations comme, par exemple, quelques lentes syllabes d’un chant très court qui s’est transformé en une traduction fleuve. À force de questionner en procédant par recoupement, on a fini par m’avouer en haut-lieu que :

  1. celui qui parle en langue ne comprend pas ce qu’il dit,
  2. l’auditoire ne comprend pas non plus ce qui est dit,
  3. celui qui interprète ne comprend pas non plus ce qu’a dit celui qu’il traduit !

M’étant offusqué de pareilles tricheries, on m’a candidement répondu que l’interprétation n’était pas une traduction réelle, mais que c’était une traduction du cœur ! C’était donc n’importe quoi laissé à la fantaisie d’un pseudo-interprète. Ce n’est là, ni ce que la Bible dit, ni ce qu’a enseigné Donald Gee, le maître à penser du pentecôtisme qui affirme que l’interprétation était bel et bien une traduction. (Les dons spirituels, page 75) Un autre, pour essayer de se sortir de cette situation embarrassante, m’a dit que l’interprétation n’était pas la traduction de ce qui était dit en langue, mais la réponse du ciel à ce qui venait d’être dit ! On est ici en pleine divagation. L’Écriture est délibérément foulée aux pieds, cette Parole qui précise (verset 16), que les actions de grâces en langues devaient être interprétées de telle sorte que l’on comprenne “CE QUI EST DIT” afin que l’auditoire puisse marquer son accord et faire siennes ces actions de grâces en disant : il en est ainsi, amen !

Un autre responsable charismatique a osé me dire qu’un seul parler en langues pouvait engendrer plusieurs types différents d’interprétation ! Si je comprends bien, c’est comme un semis de froment qui, à la récolte, donnerait aussi du maïs, de l’orge et du tournesol sans que le fermier s’en étonne. Peut-on s’attendre à ce qu’une chatte donne naissance à des chiots, des chatons et des poussins ? Et personne ne s’indigne quand, dans le domaine spirituel, UN parler en langue engendre plusieurs types d’interprétation ? Existerait-il un darwinisme charismatique et assisterions-nous là à une sorte de mutation des espèces ? Devais-je accepter passivement sans crier à la fraude ?

Une vraie traduction

Pour se convaincre que l’interprétation dont il s’agit est une vraie TRADUCTION, le terme “hermenêia” employé ici par Paul se retrouve ailleurs dans le Nouveau Testament. En voici quelques exemples :

Marc 5.41
(J.N. Darby)
Ayant pris la main de l’enfant, il lui dit Tabithe coumi ; ce qui interprété (hermenia) est : Jeune fille, je te le dis, lève-toi”.

Jean 1.38 …Rabbi, ce qui interprété (hemneneia) signifie maître”.

Jean 1.42 Nous avons trouvé le Messie, ce qui, interprété (hermeneia) est Christ”.

Jean 9.7 Va, et lave-toi au réservoir de Siloé, ce qui est interprété (hermeneia) Envoyé”.

Actes 9.36 …une femme disciple nommée Tabitha, qui, interprété (henmeneia) signifie Dorcas”.

Il suffit maintenant de poursuivre avec :

1 Corinthiens 12.10 …à un autre l’interprétation (hermeneia) des langues”.

1 Corinthiens 14.26 …chacun de vous a… une interprétation (hermeneia)”.

Sur ce point en tous cas, nous arrivons avec Donald Gee, l’un des grands maîtres du Pentecôtisme à l’incontournable évidence que l’interprétation (hermeneia), le terme choisi par le Saint-Esprit, ne peut rien être d’autre que TRADUCTION.

Un Colonel de l’Armée du Salut à la retraite m’a raconté à quel point il avait été consterné lors d’un culte auquel il assistait. Il avait rendu grâce en lingala, la langue vernaculaire de l’ouest africain, son champ de mission. Dans l’assemblée, un “interprète” croyant avoir à faire à un parler en langues puisqu’il n’avait rien compris, a donné une “interprétation” qui n’avait rien à voir ni de près ni de loin avec ce qui venait d’être dit.

Évidente contrefaçon

J’ai personnellement constaté que cette contrefaçon était connue des milieux concernés. Un chrétien des îles du Cap Vert venait de prier dans sa langue ; à peine avait-il dit amen, qu’un responsable plus avisé que les autres a coupé la parole d’interprétation en disant : “Notre frère vient de rendre grâce dans la langue de son pays”. Cela veut dire que, sans cette intervention, il y aurait eu le miracle d’une “interprétation”, évangélique au niveau des termes employés, mais aussi fausse dans l’esprit que les paroles de la jeune pythonisse d’Actes 16.17 qui, par le même esprit de confusion a pu dire : “Ces hommes sont les serviteurs du Dieu très-haut et ils vous annoncent la voie du salut” !

De quelle oreille attentive n’ai-je pas écouté ce parler en langues heurté, saccadé, incompréhensible comme tous les autres, au cours duquel, tout à coup a surgi trois fois, un “spiriti santi” en italien. Ayant saisi cette triple répétition, j’ai guetté l’arrivée de ces trois expressions dans l’interprétation. Je les ai attendues en vain. Le Saint-Esprit qui était censé les avoir inspirées dans le parler en langues, les aurait-Il oubliées dans l’interprétation ? Ou bien l’Esprit de Dieu ne serait-Il pour rien dans un cas comme dans l’autre ? Mais alors, quel “esprit” à pris la relève ?

Un ami espagnol, dans une communauté pentecôtiste francophone, avait prié le “Notre Père” dans sa langue maternelle. Il s’en était suivi une interprétation qui était tout sauf le Pater Noster. Ce fut, pour lui aussi, une preuve de plus que celui qui interprétait, non seulement ne comprenait pas plus que les autres, mais qu’il trompait tout son monde sous le couvert d’une phraséologie évangélique. Profondément attristé par cette nouvelle malhonnêteté, je me suis décidé à passer à une vérification plus poussée. J’ai demandé à un ami écossais ayant un accent typique de son pays, de mettre le Notre Père, deux fois de suite sur magnétophone. Muni de cet enregistrement et de deux autres parlers en langues pris sur le vif et suivis des interprétations qui en avaient été données, je suis allé voir des amis pentecôtistes très modérés pour qui les exagérations et les dérapages ne se rencontrent que chez les autres. Personne, dans la communauté, ne mettait en doute leur conversion, ou leur sincérité, ou la réalité de leur “charisme”. Après avoir prié ensemble, je leur ai demandé d’interpréter ce pseudo et ces “vraies” langues. Cela fut fait sans objection ni réticence. Hélas, mille fois hélas, le Notre Père en anglais s’est transformé en un message d’encouragement en français. Quant au reste, c’était aussi différent de la première interprétation que le Rhône est différent du Rhin et coule dans la direction opposée. Cette aventure, rapportée à mon ami écossais, l’a laissé sans voix. Il ne pouvait que bredouiller : “Mais alors ! Mais alors !…”, En effet, peut-on encore se dire chrétien quand on s’acoquine de si près avec celui qui se déguise aussi en ange de lumière ? (2 Corinthiens 11.14) Pour se sortir de cette mauvaise passe, certains allègueront, sans trop y croire, qu’on ne soumet pas un don de l’Esprit à une épreuve électronique. Il faut donc faire remarquer que ce n’est pas l’épreuve qui a créé la tricherie, elle n’a fait que la confirmer et elle a de surcroît démontré que ces prétendus dons viennent d’ailleurs que d’en-haut.

Dr. Jeckyll et Mr. Hyde

Ce qui va suivre ne relève pas de l’électronique ; voyez pourtant. Plusieurs ont découvert que ce qui se disait en langue était orienté dans des sens opposés en fonction des courants de sympathie ou d’antipathie. J’ai personnellement été la cible de deux exhortations en langues, ayant trait à une même situation. Selon les sentiments cultivés, les paroles “divines”, étaient toutes de consolation dans un cas et toute condamnation dans l’autre ! Est-ce sérieux ? Le Saint-Esprit serait-Il selon l’humeur du moment, Dr. Jeckyll et M. Hyde ? Un pasteur pentecôtiste n’y croyait pas non plus. Sa situation particulière était difficile. Dans certaines Églises, il se voyait gratifié d’une prophétie en langue trop bien documentée et orientée pour ne pas être préméditée. Il le savait. Sa conclusion était la suivante :

Je n’accepte ce qu’on dit en langue que là où on ne me connaît pas ! Il admettait donc la supercherie. Mais à ses yeux, elle n’était que d’un côté ; dans le camp de ceux qui, ne le connaissant pas, ne lui décochaient aucune flèche. Or, chacun sait que si une pièce de monnaie est fausse d’un côté, elle l’est des deux : pile, face, et même tranche !

En supplément, ce qui démontre à suffisance que tout n’est qu’humain et subjectif dans l’actuel don des langues, et que le Saint-Esprit n’y est pour rien, c’est que l’interprétation est toujours le reflet de courants et de sentiments particuliers :

Immunité diplomatique

J’ai aussi remarqué que mes interlocuteurs, ou mes correspondants, n’étaient jamais autant irrités que lorsque je leur parlais de vérification de ces deux dons-là. Cela les mettait hors d’eux-mêmes, certains allant jusqu’à jeter l’anathème.

Ainsi donc, seul le parler en langues ne devrait pas subir l’épreuve de la vérité ? La Bible, au contraire, nous dit d’éprouver les esprits (1 Jean 4.1-3) :

Pourquoi, seuls ces deux charismes jouiraient-ils d’une sorte d’immunité diplomatique ou devraient-ils être mis au-dessus des lois de l’épreuve ? À des gens qui rechignaient à soumettre leur don au test décisif du magnétophone, au nom d’une ambiance qui ne serait pas propice à l’action de l’Esprit, j’ai rappelé :

  1. que David Wilkerson, qu’ils admirent, affirme (et beaucoup d’autres avec lui) pouvoir parler en langues à volonté, n’importe quand et n’importe où ;
  2. qu’en 1986, TF1 a programmé une émission où trois pentecôtistes ont posé devant les caméras de télévision et ont engagé entre eux une conversation en langues. Le cadre d’un studio d’enregistrement s’est prêté à cette manifestation spirituelle aussi bien qu’une réunion d’Église et que, toujours dans cette même ambiance de prises de vues, une interprétation avait été enregistrée ;
  3. qu’un de leurs chefs de file, Gordon Lindsay, dit dans “The Gift of the Spirit”, page 147 “qu’à UN parler en langues, il pouvait y avoir PLUSIEURS DÉSIRS D’INTERPRÉTATION” !

À partir de ces trois prémisses pentecôtistes qu’ils ne pouvaient pas rejeter, ma proposition a été celle-ci : PRÉPARER UNE RENCONTRE OÙ UN DES LEURS PARLERAIT EN LANGUE ET TROIS AUTRES INTERPRÉTERAIENT ISOLÉMENT SOUS ÉCOUTE MAGNÉTIQUE. LES INTERPRÉTATIONS QUI DEVRAIENT DIRE LA MÊME CHOSE À QUELQUE NUANCE PRÈS, SERAIENT ALORS COMPARÉES. Cette proposition qui est restée sans réponse, je la maintiens ici par écrit, à mon corps défendant, face à toutes les communautés charismatiques de la francophonie. Pourquoi n’y a-t-il pas eu et n’y aura-t-il jamais de réponse à cette offre pourtant loyale ?

Embuscade

Voici la réponse combinée de deux d’entre eux qui, échaudés, ont pris leurs distances vis-à-vis d’une position doctrinale et d’une attitude morale qu’ils réprouvent :

Prenez garde, frère, si ces gens entrent dans votre jeu, ce n’est que pour vous faire entrer dans le leur et tenter de vous abuser par la fraude. Ils n’entreront dans la vérification de leur don que s’ils sont sûrs de tricher dès le départ, c’est-à-dire se concerter par avance sur un texte court, comme par exemple le Psaume 23 qu’ils apprendront par cœur, en changeant un mot ici et la. Mais si vous exigez une interprétation spontanée avec des interprètes qui ne se connaissent pas entre eux, Vous n’essuierez que leur refus.

Nous aussi, nous avons cru pendant longtemps, que notre Église était le théâtre des manifestations de l’Esprit. Au culte, lors de parlers en langues interprétés, on entendait des “révélations” à caractère privé, indéniablement exactes qui touchaient presque toutes les familles de l’Église. On mettait cela sur le compte d’un don de “connaissance” qui se révélait en langues. On a quand même fini par s’en étonner puis par s’en inquiéter. Cela a duré jusqu’au jour où le pot aux roses fut découvert. L’occasion qui révéla la mascarade, fut une bisbille qui tourna à la division dans l’Église. Les langues se délièrent alors. On apprit qu’un des anciens faisait le tour des familles et s’arrangeait ensuite avec deux autres qui, le dimanche, révélaient en langue d’abord et en interprétation ensuite, des faits souvent anodins qui avaient été notés dans les contacts des jours précédents

Face à cette tricherie organisée, le conseil de ces amis à être sur ses gardes reste de saison, car là où la fraude est érigée en principe, on doit s’attendre au pire. Là où il n’y a plus de chrétien que le nom, tous les coups bas sont permis. Qu’il faille, telles des brebis au milieu des loups, être prudents comme des serpents et simples comme des colombes, vis-à-vis du monde on peut l’admettre. Mais que l’on doive appliquer ces mesures extrêmes à ceux pour qui, sincérité, droiture et loyauté devraient être la règle de vie, cela fait chavirer le cœur jusqu’à la nausée. “Le Seigneur dit : Quand ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres : mais son cœur est éloigné de moi, et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un précepte de tradition humaine” (Ésaïe 29.13).

Certes, on ne peut pas, à priori, faire un procès d’intention à tous les frères pentecôtistes en les accusant d’imposture et de mauvaise foi. La charité chrétienne commande de croire, surtout chez les modérés, à leur sincérité JUSQU’À CE QUE l’occasion leur soit offerte de prouver le bien-fondé de la confiance qu’on leur témoigne. Nous avons bien dit JUSQU’À CE QUE, et pas au-delà. Car, quand la vérification du don incriminé est refusée, l’honnêteté morale prend fin et l’erreur doctrinale devient un péché. C’est la même conclusion que Jésus a donnée au péché d’aveuglement des pharisiens lors de la guérison de l’aveugle-né de Jérusalem : “Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : Nous voyons, c’est pourquoi votre péché subsiste” (Jean 9.40-41).

Rapport charismatique sur l’électronique

Obstinément, beaucoup, pour ne pas dire tous, refusent l’épreuve magnétique sous le fallacieux prétexte qu’on n’a pas le droit de soumettre un don de l’Esprit à un examen électronique. Ceux qui disent cela ont-ils à ce point peur de découvrir la vérité ? Comment admettre que pour ces mêmes charismes, on se sert tant et plus de l’audio-visuel ? Des guérisons ou des miracles dits de l’Esprit sont photographiés, filmés, reproduits, diffusés. Des parlers en langues et leur interprétation sont enregistrés puis réentendus et commentés dans des cercles privés ou élargis. Des millions de cassettes avec des messages évangéliques circulent dans le monde et sont diffusées sur les ondes, écoutées, copiées et analysées par des multitudes. Ces cassettes magnétiques sont à ce point porteuses de l’Esprit de Dieu que beaucoup sont édifiés et que d’autres naissent de nouveau par le Saint-Esprit en les écoutant.

Non, ce refus d’analyse par le moyen d’une technique neutre et impartiale n’est motivé que par la crainte de découvrir que le combiné langues-interprétation n’existe qu’à l’état de contrefaçon. Nous apportons maintenant la preuve décisive que ce refus d’analyse n’est pas le fruit d’une conviction scripturaire, mais une dérobade qui n’est autre chose que l’art très politique d’esquiver les questions embarrassantes.

La revue Expériences est incontestablement d’obédience pentecôtiste. Dans le n° 73 de 1989, il n’y est question que de “l’extraordinaire découverte des stupéfiantes structures mathématiques de la Bible, au moyen des ordinateurs ultra-rapides (page 24 et autres). Les moyens humains de ces recherches sont les plus grands mathématiciens Israéliens et Américains des universités de Jérusalem, Tel Aviv, Yale et Harvard. Ces recherches sont des travaux sérieux menés par des gens sérieux… (page 24). On est au bout des superlatifs pour qualifier l’entreprise et surtout les résultats. L’ordinateur démontre que la Bible est unique et contient en elle-même la signature du Créateur au-delà de ce que les hommes de Dieu les plus remplis de foi pouvaient imaginer (page 4)”. Et qu’est-ce qui met cette vérité en lumière ? De l’électronique. Or, la rédaction de Bible a été un charisme que 1 Corinthiens 13 appelle don de connaissance et de prophétie. L’Écriture est constituée de ces deux éléments. Autrement dit, tout dans la Bible est connaissance et prophétie. C’est là le contenu de la révélation écrite et c’est le charisme non pas le plus inspiré, mais le plus indubitablement inspiré de tous. “Toute l’Écriture est inspirée de Dieu” (2 Timothée 3.16) et “ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussé par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu” (2 Pierre 1.18).

Or, Expériences approuve sans réserve et avec un enthousiasme débordant (que nous partageons), l’examen électronique de ce charisme divin qui a présidé à la rédaction du canon des Écritures. Nous ne pouvons pas faire à Dieu l’injure de croire que les Paroles qu’il est censé mettre dans la bouche des frères pentecôtistes soient moins vérifiables que celles prononcées puis écrites par Moïse, ou par Jérémie ou par Jésus, Pierre ou Paul. Si la technique moderne ne fait que décupler notre confiance en la Parole, elle devrait en faire autant envers ces autres paroles dont on nous affirme avec force qu’elles sont de Dieu. Pourquoi toutes ces tergiversations ? Y aurait-il un doute ? Où est le problème ? La raison du problème est dans le texte de la revue précitée que nous allons reproduire intégralement (pages 6 et 7). Au lieu de “Bible”, nous y mettrons simplement “langues” qui vaudra pour les dons de parler et interpréter. Nous demandons aux lecteurs de lire et de relire avec la plus grande réflexion les lignes qui suivent.

Nous sommes arrivés à des conclusions fantastiques. Ce sont des faits auxquels on ne peut rien changer. Un scientifique qui veut des évidences pourra vérifier les faits. Mais nous nous heurtons à un problème psychologique (moral). C’est une question essentielle qui touche la vie et la mort, et qui implique un engagement, car ou bien les langues sont vraies, ou bien tout est à jeter ; ou bien ce travail apporte une découverte nouvelle, ou bien il n’y a rien. Nombreux sont ceux qui se sont intéressés à nos travaux, mais plusieurs, DÈS QU’ILS S’APERÇOIVENT OÙ CELA LES MÈNE REFUSENT D’ALLER PLUS LOIN EN DISANT : “CHACUN PEUT CROIRE CE QU’IL VEUT…”. MAIS NON ! Dans son imagination, sur le plan psychologique, chacun peut trouver ce qu’il veut, mais ici nous nous trouvons devant une structure mathématique… Deux et deux font quatre pour tout le monde. On ne peut pas croire ce qu’on veut dans ce domaine”.

Voilà la raison cachée de l’objection à aller plus loin dans l’investigation du don des langues ; c’est la peur de devoir admettre que, si l’épreuve électronique confirme que la Bible est la signature de Dieu, la même épreuve ne fasse apparaître la signature de celui qui contrefait l’ange de lumière. N’importe qui peut s’assurer de la chose. La vérification est d’autant plus facile qu’elle n’exige aucun appareil coûteux ou compliqué. Qui, à l’heure qu’il est, n’a pas un enregistreur portatif chez soi ? Que l’honnête chercheur de vérité y enregistre son propre parler en langues, ou qu’il en capte un dans son Église. S’il croit que ce don est authentique, il doit obligatoirement croire que le don d’interprétation des autres ne l’est pas moins. Qu’il aille vers ceux qui sont reconnus pour avoir ce charisme. Qu’il demande à plusieurs SÉPARÉMENT, c’est-à-dire à l’insu les uns des autres, d’interpréter ce qui a été mis sur bande, qu’il compare ensuite les diverses “interprétations”. Personnellement je l’ai fait. La signature n’était pas celle du Père des lumières mais plutôt celle du père du mensonge (Jacques 1.17 ; Jean 8.44).

Autre type de test

Puisque l’épreuve électronique fait bondir d’une feinte indignation ceux qui ont peur de découvrir leur erreur, je leur ai suggéré un autre type de vérification. Voici ce que, par écrit, j’ai proposé à deux des plus hautes sommités du charismatisme de France et de Suisse :

Puisque vous croyez, soi-disant en toute bonne foi, que votre don des langues existe encore et qu’il est authentique, vous êtes tenus de croire que son inséparable corollaire, le don d’interprétation existe encore lui aussi et qu’il possède les mêmes caractéristiques miraculeuses et divines. Nous prendrons chacun deux témoins et nous irons tous ensemble dans une Assemblée charismatique de mon choix où personne ne nous connaît et où l’interprétation de tout parler en langues est exigé. Pendant le culte, j’y parlerai votre charabia et vous mon baragouin. Nous constaterons alors que de ces deux “rien du tout”, du vôtre autant que du mien, vont sortir deux “interprétations” 100 % au niveau de l’énoncé, ce qui démontrera que toute l’affaire n’est rien d’autre que fabrication humaine et vulgaire contrefaçon. Ayant constaté la fraude, vous, moi et nos témoins, nous établirons sur le champ un rapport des faits que nous sépare et que nous enverrons à toutes les Églises de nos deux pays”.

Le premier n’a jamais donné suite à cette proposition ; l’autre a décliné l’offre dans une lettre où il m’accusait d’être à la fois un blasphémateur contre le Saint-Esprit et un faux prophète !!! Un chrétien serait-il encore digne de ce nom s’il se montrait moins honnête que les abominables prophètes de Baal qui, eux, acceptèrent le défi d’ Élie quant à l’authenticité de leur dieu ? (1 Rois 18).

Nécessaire explication

En ce qui concerne les langues et leur interprétation, comment expliquer que des gens dûment ou prétendument convertis, nés de nouveau et dont la vie a été changée, parfois même en profondeur, puissent être à ce point manipulés par le père du mensonge ? Cela paraît impossible. Un vrai chrétien ne peut ni mentir ni continuer à se mentir à lui-même systématiquement. Cela mérite une explication. Il faut avoir vécu ou côtoyé largement ces milieux pour saisir l’atmosphère dans laquelle ils baignent à longueur d’années. Par exemple, on comprend mieux la vie décousue d’un Samson, quand on sait qu’il vivait à une époque ou “chacun faisait ce qu’il lui semblait bon”. Samson était un enfant du siècle conditionné par son entourage. C’est vrai pour un chrétien qui évolue dans une communauté où l’usage du tabac est admis, où des conducteurs montrent l’exemple et où l’on a bien soin de ne jamais souffler mot sur le sujet. Ce chrétien ne sera jamais délivré de l’asservissement de la plante à Nicot. Il en aura d’autant moins envie que la drogue aura passé dans son sang et dans son mode de vie sans que sa conscience en soit alertée. Pourquoi se repentirait-il d’un lien que son entourage approuve ou en tout cas ne désapprouve pas ?

Idem pour le catholique qui ne peut se séparer d’une mondanité qui lui est tellement naturelle que sa vie religieuse en est imprégnée. Du porche de l’Église il passera sans transition à la porte de la taverne d’en face, y jouera aux cartes avec les amis, pointera le tiercé ou le loto sportif, poussera la chansonnette en trinquant avec son curé qui lui confiera l’organisation du prochain bal paroissial. La mondanité ambiante qu’il partage, l’empêchera de prendre conscience de son état de perdition. Il croira de bonne foi plaire au Bon Dieu et ajouter une bonne œuvre à la fabrication de son salut. Comment ouvrirait-il la porte de la repentance ? La clé en a été enlevée par son directeur de conscience !

C’est aussi ce qui se passe dans les communautés à forte influence charismatique. L’expérience y prime la doctrine. L’exaltation mystique est appréciée. Historiettes, expériences, témoignages, visions ou prophéties y supplantent l’étude sérieuse et en profondeur de la Parole de Dieu. C’est la préparation idéale à la démission de la raison. Le manque de foi est stigmatisé à outrance. “Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir” (Marc 11.24), est le genre de vérité biblique qui s’hypertrophie à force de la pressurer à l’extrême. Chacun se fait une obligation de témoigner de ce qu’il a déjà reçu, même s’il ne l’a pas encore reçu ou qu’il ne le recevra jamais. Un pied dans la tombe, on vous affirme sans vergogne que l’on est guéri. Ce n’est pas un mensonge, c’est au contraire le triomphe de la foi. Il faut continuer à croire coûte que coûte et surtout ne pas douter.

C’est cette démesure dans la distorsion des textes qui façonne les mentalités, à telle enseigne que, quand quelqu’un interprète mal une langue dont il n’a rien saisi, il ne fraude pas, il ne ment pas, il croit tout simplement. Il honore Dieu par sa foi en l’exercice d’un don qu’il croit avoir reçu parce qu’il l’a demandé ou parce qu’on lui a fait croire qu’il l’avait. Et comme personne dans sa congrégation ne se permet de contester et de contrôler les platitudes évangéliques qu’il débite, il s’enferre toujours plus dans ce qu’il croit être vrai, même si cela heurte la vérité de front. Quand ce pasteur affirma que la grande salle où il avait prêché ce soir-là était comble, alors qu’il y avait moins de quinze personnes présentes, il ne mentait pas ; il croyait tout simplement que Dieu, à qui il avait demandé avec foi de la remplir, ne pouvait qu’avoir tenu sa promesse. Puisqu’il est écrit : “…croyez que vous l’avez reçu”, il le croyait, donc il l’avait reçu, et il pouvait le dire tout haut dans la présence de ceux qui avaient été témoins du contraire.

Ce sont là des vérités devenues folles qui engendrent des états d’âme, qui deviennent vite des états d’esprit, inconnus des autres chrétiens évangéliques qui ont de la peine à croire que de tels abus puissent exister réellement. C’est en fait une maladie spirituelle proche des religions orientales. C’est l’abandon de la volonté, la démission de l’esprit, la dévalorisation du raisonnement.

L’un des leurs, G. Ramseyer, n’a-t-il pas écrit un livre (dont nous reparlerons) intitulé “Vous raisonnez trop ?” C’est l’annihilation du moi jusqu’à en perdre conscience, pour être rempli d’un autre esprit. Mais quel esprit ? Il est facile d’y coller le texte de 1 Corinthiens 14.14 : “Si je prie en langue mon esprit est en prière mais mon intelligence demeure stérile”. Séparé du verset qui suit, qui fait la rectification en recommandant aussi l’usage de l’intelligence, on en arrive à accueillir tout ce qui n’est pas de la pensée intelligente. Indirectement cela devient le mépris de ce qui distingue l’homme de l’animal, et cela conduit à la négation du premier et plus grand commandement : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute… ta pensée”, c’est-à-dire de tout ton savoir, de tout ton raisonnement, de toute ta volonté, de toute ton intelligence, de tout ton esprit. Là où le langage favori est au contraire : “Ne résistez pas, abandonnez-vous, ne raisonnez plus, donnez toute la place à l’Esprit, laissez-vous aller, faites-Lui confiance, laissez-vous envahir et subjuguer par lui, faites le vide en vous-même”, on peut être sûr que, selon Matthieu 12.44, l’ennemi, trouvant la place vide de la résistance préconisée en Jacques 4.7, s’empressera de venir la remplir sous la fausse appellation du Saint-Esprit. Et Jésus lui-même de dire : “La condition de cet homme est pire que la première” C’est la seule explication du “don” d’interprétation que nous venons d’analyser longuement.

Faux et usage de faux

En définitive, ce qui va donner plus de poids à notre enquête sur le sujet, c’est l’aveu de ceux qui ont trempé dans ce trafic de dons falsifiés et qui, une fois convertis de cette imposture, ont déclaré que leur usage de ces “dons” n’avait été que FAUX ET USAGE DE FAUX. Si cette dernière formule devait faire de la peine à quelqu’un, puisse-t-il se rappeler que c’est dans des termes plus virulents, que le pentecôtisme classique condamnait naguère ses frères charismatiques qui exercent les mêmes dons qu’il leur a par ailleurs transmis.

Un frère en Christ nous a laissé par écrit cette courageuse mais terrible confession-réquisitoire : “Avec nous, l’argumentation logique n’est pas la bonne façon de s’y prendre ; nous n’y sommes sensibles que quand elle nous avantage. Nous sommes des malades ; ce dont nous avons besoin, c’est d’être guéris”. Cela, il nous l’a écrit après sa guérison. Nul ne peut empêcher les faux-monnayeurs d’imprimer des “bonnes” coupures, ni de s’en servir, ni de les faire circuler. Les faux billets, comme les faux dons, procurent à leurs possesseurs de la vraie joie, des vrais biens, une vraie notoriété, une belle confiance en soi et en l’avenir jusqu’à ce qu’ils se fassent prendre. Le jour approche où tous les faussaires devront faire face à cette terrible échéance ainsi libellée :

  1. Rends compte de ton administration…” (Luc 16.2),
  2. …il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement” (Hébreux 9.27).

Que feront en ce jour-là ceux qui, dans le domaine du sacré, se seront servis du mensonge sous prétexte de mieux parler au Nom du Seigneur. Ils ne pourront plus l’invoquer. Ce sera trop tard pour rendre les choses justes. C’est vers les rochers qu’ils se tourneront pour leur dire ainsi qu’aux montagnes : “…tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l’Agneau ; car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister ?” (Apocalypse 6.16-17).

S’être trompé, chacun le sait, c’est déjà grave ; avoir refusé de vérifier si l’on s’est trompé ou si on a été trompé, c’est encore plus grave ; mais en avoir entraîné d’autres dans la tromperie et par la tromperie, cela ne peut déboucher que sur une seule issue, celle dont le Bien-Aimé Sauveur a parlé : “Si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tomberont tous les deux dans la fosse” (Matthieu 15.14).

Que personne, qui pratique de telles iniquités, ne s’abuse en espérant pouvoir Lui dire en ce jour-là : “Seigneur, Seigneur, n’ai-je pas prophétisé par ton nom ? N’ai-je pas chassé des démons par ton nom ? N’ai-je pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité” (Matthieu 7.22-23).

La vieille horloge

Quand j’étais un jeune garçon, mon père revint un jour à la maison avec une antiquité. C’était une horloge en bronze ciselé sous globe en verre, représentant une scène et des personnages champêtres. Chaque visiteur avait droit à une contemplation de l’objet, accompagnée de commentaires sur cette précieuse œuvre d’art. On remontait le mécanisme avec d’infinies précautions. C’était un cérémonial quasi religieux. Pendant quinze ans cette pièce d’orfèvrerie a trôné sur la cheminée du salon, faisant bien des envieux. Je passais de longs moments à contempler cette merveille qui sonnait les heures et les demies. Elle prenait bien vingt minutes d’avance entre deux remontages, mais ça on le gardait pour nous. Vénérable pendule qui depuis si longtemps supportait le temps tout en le traversant et le marquant. Elle fut notre fierté pendant quinze ans. Quand mon père mourut, il fallut s’en séparer. Ma mère et moi, avons pris conseil d’un spécialiste pour en fixer le montant. L’homme en indiqua un prix tellement dérisoire que nous en fûmes choqués. Comment, une antiquité de bronze travaillé pour une croûte de pain ! Avec un sourire navré, l’expert prit le trésor dans ses mains, l’inclina et me fit voir l’intérieur. Ce n’était que de l’étain coulé recouvert de dorure ! L’authentique était tout en toc ! Ce n’était qu’une imitation sans valeur réelle. On a eu quand même le cœur gros de la voir partir, elle qui nous avait donné de la joie, du rêve, du bonheur même et surtout l’illusion d’une certaine richesse, d’un “plus” qui, finalement, n’était qu’un “moins” puisque mon père avait fait un marché de dupe. Cela ne serait pas arrivé si, au départ, il avait fait faire une simple expertise. Le parallèle avec le parler en langues est évident. Nous aurions pu garder la pendule et son triste secret et, en secret, continuer à admirer son clinquant, à rêvasser en écoutant avec extase ses tintements bi-horaires tout chargés d’une vraie fausse histoire. C’est ce que beaucoup font avec le parler en langues. L’expertise biblique et magnétique leur à révélé ce qu’ils pressentaient confusément, à savoir que ce n’était, au mieux, qu’une extase psychique sans rapport, ni de près ni de loin, avec l’antique authenticité apostolique. Mais ils ont de la peine à se détacher de leurs souvenirs, de leurs états d’âme, des rêves caressés, du tintement des paroles qui ont marqué leur parcours. Cette nostalgie, on peut la comprendre.

Pour en revenir à notre horloge, ce qui aurait été plus grave que d’en garder la nostalgie, ce qui déjà aurait été une façon de me mentir à moi-même, c’eût été de mentir aux autres en continuant à leur en parler comme si elle était authentique et d’aller jusqu’à essayer de leur refiler la marchandise.

Faire l’article

C’est hélas ce que beaucoup font dans le domaine des choses sacrées. Ils organisent des réunions de recherche et d’attente et ils font l’article. La façon dont ils s’y prennent sonne aussi faux que ce qu’ils proposent. Ce qui va suivre n’est que le pâle reflet de ce que nous avons vu et de ce qui nous a été rapporté par des témoins oculaires.

Commence d’abord la séance d’échauffement où tous les déboires des non-baptisés dans l’Esprit sont passés en revue et où toute la panoplie d’efficacité et de puissance a été évoquée pour ceux qui parleront en langue. Quand l’auditoire est acquis à d’aussi brillantes perspectives (et qui ne succomberait pas au charme de ce mental training ?), on passe à la phase active. C’est alors la prière intense, émotive, l’attente de l’événement surnaturel au milieu de soupirs, de paroles et de cris confus allant presque toujours jusqu’à la vocifération. Puis vient l’imposition des mains accompagnée d’appels tonitruants et d’ordres donnés à l’Esprit pour qu’il (ou il) tombe sur le chercheur. Ce dernier est alors pressé de prier avec l’espoir qu’il ne le fera plus en français. Quand le sujet est résistant, son conseiller le poussera jusque dans ses derniers retranchements. Il lui inculquera une courte phrase comme : “Alléluia, Jésus est vivant !” qu’il devra répéter dix fois, vingt fois, cinquante fois, de plus en plus vite, encouragé en cela par des “encore plus vite, encore plus vite” jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, sa langue se retourne dans sa bouche et émette des sons forcément étranges. Une clameur de victoire saluera ce “baptême dans l’Esprit”. Suivront alors félicitations, embrassades, accolades, visages rayonnants et regards larmoyants. Depuis quelques années, dans certaines communautés une nouveauté est à l’honneur ; les nouveaux “baptisés de l’Esprit”, afin d’être sûrs de persévérer dans cette voie pourront suivre des COURS DE PARLER EN LANGUES ! Révoltant, diront certains ; n’est-ce pas là, au nom du Saint-Esprit une façon de blasphémer contre Lui ? S’il est des frères pentecôtistes qui sont outrés par ces pratiques proprement scandaleuses, beaucoup d’autres par contre, racontent ces choses le plus naturellement du monde, donnant leur pleine adhésion à ce lavage de cerveau qu’ils ont subi et, qu’à leur tour, ils font subir à d’autres. Paul dirait de ces gens : “Ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte” (Philippiens 3.19). Dans notre région, un homme exerce le don qu’il s’est découvert, celui de conduire des jeunes enfants dans le baptême du Saint-Esprit. Avec l’accord des Assemblées de l’endroit, il visite les familles chrétiennes et enseigne aux enfants comment parler en langues.

Certains frères du Mouvement diront que cela ne se passe pas chez eux. Mais allez donc savoir. Cet ami pieux et tranquille qui se défend d’extrémisme quand il vous parle seul à seul, pourquoi se transforme-t-il en agité quand il rentre dans son cercle. Ces frères chrétiens prenaient un air navré quand je leur rapportais de tel excès. Étaient-ils sincères quand ils m’ont donné la réponse passe-partout : “Cela se passe chez les autres mais pas chez nous”. C’est chez eux pourtant que, dans la banlieue parisienne, je me suis trouvé inopinément à la réunion de prière de leur groupe de jeunes auquel j’allais m’adresser une heure plus tard. Ce que j’y ai vu et entendu défie toute description. Les lignes qui suivent sont écrites devant Dieu. J’emploie la formule quatre fois utilisée par Paul : “Je dis la vérité, je ne mens pas”. Voici la seule comparaison capable de faire comprendre de quoi j’ai été le témoin ce soir-là : Un jour je me suis arrêté sur l’aire de parc d’un grand supermarché à Bienne, occupé en partie par la ménagerie d’un cirque. Je suis arrivé à l’heure du repas des fauves. C’était effrayant de les entendre rugir. La réunion de prière à laquelle je fais allusion, c’était ça : clameurs, rugissements, vociférations, où chacun semblait vouloir crier plus fort que tous les autres ensemble, au point que je me suis trouvé en train de contre-prier intérieurement. J’étais atterré ; c’est bouleversé jusqu’à l’écœurement que je suis sorti de là (6).

(6) À quelques décibels près, j’ai personnellement subi deux fois encore cette navrante expérience.

Ailleurs encore, et 25 ans avant “la bénédiction de Toronto”, là où l’on vous dit qu’on est digne et modéré et surtout pas comme chez les autres, au culte du dimanche matin, une femme fut prise d’un rire “spirituel” strident. Le pasteur, à l’en croire un modèle de modération, confirma ce “rire spirituel” en encourageant tout l’auditoire à rire : “Riez, riez dans le Saint-Esprit”. Des rires fusèrent alors de partout jusqu’à ce que toute l’assemblée se mette à rire. Tout le monde riait sauf un, ou plutôt une, qui ne devait pas être dans la ligne de l’Esprit ce matin-là. C’était mon épouse !

G.H. Lang a écrit un livre qui ne se veut pas doctrinal mais qui est extrêmement bien documenté sur la question. Nous en recommandons vivement la lecture : “D’où viennent ces langues”, Edition du C.C.B.P, F-19440 LIGINIAC. Il explique à l’aide d’une foule d’exemples comment ces gens, une fois rendus à la normale, semblent avoir perdu conscience de ce qui s’est passé et affirment ne pas être au courant des débordements auxquels ils ont pris part. Voici un exemple tiré des pages 75 et 83 :

À Coonoor résidaient un homme pieux et sa femme d’un rang social élevé. C’étaient des chrétiens partout estimés. J’étais heureux de la relation spirituelle que j’avais avec eux, qui n’était nullement entravée par le fait qu’ils étaient responsables dans le Mouvement. Lors de son “baptême”, il prononça seulement quelques syllabes en langues, ce qui fut suffisant pour provoquer des alléluias et des cris que nous entendions encore à plus d’un kilomètre de là. Je racontai à ce couple les faits de l’année précédente ; ils ne pouvaient les contester. Leur réponse me sidéra. Ils avaient été à ces rencontres mais n’avaient jamais vu de tels actes. Leur sincérité ne peut être mise en doute ; alors, comment expliquer qu’ils ignoraient tout cela ? Il semblerait qu’à Coonoor et à Londres, de puissantes forces de ténèbres aient ôté la faculté de perception à de braves personnes qui ne voyaient pas et n’entendaient pas les réalités auxquelles elles assistaient, tandis qu’elles voyaient effectivement des choses irréelles. Leur bonne foi n’est pas à mettre en cause puisqu’elles étaient inconscientes de la confusion à laquelle elles participaient. Elles étaient an contraire persuadées que ces rencontres étaient de caractère céleste. Tout cela nous porte à croire que ces expériences SONT ISSUES DE LA MÊME ORIGINE REDOUTABLE”.

Quand on se laisse aller à l’engrenage de la contrefaçon douloureusement évoquée dans ce chapitre, le mauvais esprit qui la préside fini par déteindre sur ceux qui s’y livrent. Quand les cœurs s’endurcissent dans cette voie, Dieu les livre à leurs sens réprouvés au point que, dépassant les mythomanes qui racontent ce qui n’est pas, eux ne peuvent même plus raconter ce qui est.

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