Des premières pages de la Bible aux dernières exhortations de l’Apocalypse, Dieu se révèle aux hommes comme l’Etre Saint par excellence.
Le mot "saint" désigne ce qui est souverainement élevé et parfait, essentiellement pur et conforme à la loi divine. Par son étymologie, sainteté dit séparation, mise à part et aussi consécration.
L’image par laquelle l’Écriture nous la dépeint est celle de la lumière, c’est-à-dire de la pureté même, Esa 10.17; Jacques 1.17; 1 Jean 1.5. La sainteté est donc l’essence même de Dieu, Exode 15.11. Appliqué aux choses, ce terme est opposé à "profane", "commun", "vulgaire" et parfois même à "souillé" et "impur.
Si l’on pouvait, à la rigueur, enlever à Dieu par la pensée tel ou tel de ses attributs, sans qu’il cessât d’être, le dépouiller de sa sainteté serait l’anéantir. Appliquant ce principe à l’amour, quelqu’un a pu dire qu’à supposer que nous fussions réduits à l’épouvantable alternative de renoncer à l’amour de Dieu ou de renoncer à sa sainteté, c’est celle-ci qu’il faudrait sauver, puisqu’en supprimant en Dieu l’amour, l’homme ne ferait que rendre impossible son propre bonheur, tandis qu’en supprimant en Lui la sainteté, c’est l’Univers moral qu’il ébranlerait jusque dans ses fondements. Le dernier fond des choses divines et le dernier but des créatures morales n’existeraient plus (Voir J. Monod: Enc. Sciences relig. Tom. XI, p. 407).
Selon Frédéric Godet, le surnaturel sous sa forme la plus élevée, ce n’est pas le miracle, mais la sainteté. "La sainteté, écrit-il, c’est le bien moral dans son apparition la plus sublime", (Frédéric Godet: "Conf. Apol").
Mais qu’est-ce que le bien?
Pour Ernest Naville, "le bien n’est pas un être ou une chose. C’est un ordre déterminant les rapports des êtres, rapports qui doivent être réalisés par des volontés", ("Prob. du mal", p. 17).
En Dieu, la sainteté est donc la pleine possession de Lui-même, ou l’union indissoluble et harmonieuse de toutes ses perfections. C’est Sa volonté inébranlable de maintenir l’ordre qui doit régner entre les êtres et les amener tous à une relation qui doit les unir.
En l’homme, la sainteté consiste dans la réalisation complète de sa vocation véritable qui n’est autre que l’accord parfait de sa volonté avec celle de Dieu. La sainteté chez la créature, c’est son acquiescement volontaire à la position suprême de Dieu.
Ainsi, dans le domaine de l’absolu, comme dans celui du relatif, la sainteté est en réalité toujours identique à elle-même.
En disant que Dieu est saint, la Bible n’affirme pas seulement que Sa volonté est conforme au bien, mais qu’elle est la nature du bien, la loi morale elle-même. C’est pourquoi cette sainteté s’appelle aussi "la gloire de Dieu" qui doit resplendir de tout son éclat après avoir triomphé de toutes les contradictions, Esa 60.
Souverainement élevé au-dessus de toutes choses, Esa 57.15, de tous les peuples et de tous les dieux, Psaume 99.2-3, le Saint béni ne peut être atteint par le mal, et aucune imperfection ne saurait être trouvée en Lui, Jacques 1.13. Toute initiative sainte vient de Lui, car Ses perfections ne sont nullement figées en Lui. Sa sainteté, loin d’être inerte et oisive est comme une flamme qui consume le péché et, parfois le pécheur. Si Dieu se possède pleinement, si Sa patience est longue à l’égard du coupable, il n’en est pas moins vrai que le jour vient où Dieu sort de son silence apparent et s’affirme Lui-même avec une jalousie invincible — qui n’est en réalité que l’activité de Sa sainteté, Habakuk 1.12-13. Le mal moral attire Son courroux. Sa colère ardente anéantira finalement tous les obstacles et Sa volonté sainte aura le dernier mot, Heb 10.26-31.
Éprouvé, tenté de toutes manières, le croyant sait que Dieu est Dieu. Il a l’assurance que le mal ne triomphera pas. Dans la foi, il garde l’espérance et se réfugie dans l’amour du Père dont le témoignage irrécusable lui a été donné à la Croix, dans le sacrifice de Son Fils unique, Jésus-Christ. Là, dans la chair du Christ, Dieu a condamné le péché des hommes tout en offrant à ces derniers un merveilleux Sauveur. La sainteté de Dieu reste donc inséparable de Son amour, Dieu ne voulant pas que le méchant meure, mais qu’il se convertisse et qu’il vive, Eze 18.23.
Que nous lisions l’Ancien Testament, ou le Nouveau, partout retentit ce suprême appel de Dieu à Ses créatures: "Soyez saints, car Moi, je suis saint", Le 11.44-45.
Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de la Loi, des Psaumes et des Prophètes, est le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ et de ses apôtres. Créateur et Rédempteur, l’Être même "qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant", Apocalypse 1.8, est proclamé trois fois saint par les séraphins que contemple Ésaïe, et par les quatre êtres vivants décrits par Jean, le voyant de Patmos, Esa 6.2-3,Apocalypse 4.8. Le nom de Dieu, symbole de Sa personne est Saint et redoutable, et doit être reconnu comme tel, Psaume 111.9. Pour toute créature, Il est le Saint incomparable, Esa 40.25. En relation avec les descendants d’Abraham, il est le Saint d’Israël, Esa 47.4. Jésus Lui-même l’appelle "Père saint", Jean 17.11, et apprend à Ses disciples à sanctifier Son Nom, Matthieu 6.9. Il leur demande même d’être "parfaits comme leur Père céleste est parfait, Matthieu 5.48. Cette sainteté consiste à être séparé du monde profane, c’est-à-dire pécheur, 2 Corinthiens 6.16-18, et consacré à Dieu dans notre esprit, notre âme et notre corps, 1 Thessaloniciens 5.23.
Comme ce fut déjà le cas au cours de l’histoire du monde, nous vivons à nouveau dans une époque où le sacré et le profane tendent de plus en plus à se confondre. Les mots "sécularisation", "désacralisation", "démythification", sont à l’ordre du jour dans les discours et les écrits des philosophes, des sociologues et des théologiens.
Si certains hommes se réclament encore d’un Dieu d’amour, la majorité du monde, issu de "feu la chrétienté", ne se soucie plus d’un Dieu saint. Quand la notion de la sainteté diminue, celle du péché se perd et, par conséquent l’idée d’un châtiment temporel ou éternel ne se conçoit même plus.
Nous serions les premiers à nous réjouir de la conjonction du sacré et du profane, si nous pouvions croire que tous les hommes et toutes les choses de l’existence sont actuellement pénétrés par Dieu et réunis dans l’harmonie des perfections divines.
La distinction entre le sacré et le profane vient du péché. Lorsque ce dernier ne sera plus, nous savons par les Écritures que l’Univers entier participera à la sainteté de Dieu, Actes 3.19-21.
Mais l’homme qui prétend aujourd’hui être arrivé à l’âge adulte, a-t-il vraiment atteint la stature de la plénitude du Christ, Eph 4:13? A-t-il renoncé à ce mal qu’il commet contre lui-même, contre son frère et contre Dieu? S’est-il débarrassé du péché et de ses funestes conséquences? Les progrès de la science et de la technique nous font-ils avancer vers la plénitude des temps et la réunion de toutes choses dans le Christ, Eph 1:10?
Un simple coup d’œil sur l’humanité en "mutation" nous enlève toute illusion.
Aux jours où l’homme marche sur la lune et, de cet astre, fait entendre sa voix et manifeste son image dans les foyers les plus isolés de la terre, sous le même toit, des gens mariés n’ont plus rien à se dire, et le dialogue entre parents et enfants devient souvent impossible.
D’autre part, dans l’ère spatiale où tout est fait pour faciliter les communications, les rencontres et les ententes, paradoxalement, les conflits politiques, sociaux et religieux se multiplient et s’exacerbent.
Et tandis que l’homme justifie les dépenses qu’il consacre â la domination du Cosmos, en répertoriant déjà "les fruits de l’espace", ces sensationnelles "retombées", tous les bienfaits dont l’humanité bénéficiera bientôt grâce aux innombrables recherches et aux découvertes révolutionnaires dues à la* recherche spatiale, les tremblements de terre multiplient leurs victimes, les guerres atroces se perpétuent, les hommes, les femmes, les enfants des pays sous-développés meurent de faim. Chez les peuples grisés par l’indépendance, les idéaux racistes et nationalistes divisent les états et rallument des incendies sanguinaires que les intérêts des grandes puissances ne font qu’attiser par leur aide ou leur opposition hypocrites. La torture, la violence, l’injustice, le meurtre, prolifèrent sur notre planète. Éros et la Drogue sont divinisés, et tous ces Molochs, nouveaux et anciens, dévorent les enfants des hommes.
Non! Jusque dans les pays les plus christianisés, ce n’est pas l’Évangile qui pénètre les divers éléments du monde pour les sanctifier. Au contraire, partout ce sont les éléments du monde qui submergent les Églises demeurées trop longtemps infidèles. Ce qui restait de saint se transforme en choses profanes par une transvaluation des valeurs. C’est la sainteté à notre mode, une sainteté selon nos vues, selon nos désirs, une sainteté qui ne coûte rien et que dénonçait déjà Bourdaloue au 17e siècle.
Bien avant le prédicateur de l’Ordre des Jésuites, Dieu, par la bouche de son prophète Ézéchiel, reprochait aux sacrificateurs de Jérusalem de violer Sa Loi et de profaner Ses sanctuaires.
Nous lisons: "Ils ne distinguent pas ce qui est saint de ce qui est profane, ils ne font pas connaître la différence entre ce qui est impur et ce qui est pur, ils détournent les yeux de mes sabbats et je suis profané au milieu d'eux", Eze 22:26.
Dans le Lévitique, nous apprenons que Dieu avait pris certaines mesures afin que les prêtres puissent distinguer ce qui est saint de ce qui est profane, ce qui est impur de ce qui est pur, et enseigner aux enfants d’Israël toutes les lois que l’Éternel leur avait données par Moïse, Le 10:8-11.
Au dernier chapitre de l’Apocalypse retentit également un avertissement significatif pour nous tous "Le temps est proche. Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore. Voici, je viens bientôt, et ma récompense est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu’est son œuvre", Apocalypse 22.10-12.
Mais faut-il rappeler des textes bibliques à une génération qui, depuis juillet 1969, pense vivre déjà au-delà de Babel?
Après avoir vu l’empreinte du premier pas de l’homme sur la lune, d’aucuns prétendent que l’humanité n’a plus rien à attendre d’autre avant la fin du siècle que "le fatal second acte: La naissance du premier enfant d’homme sur un autre monde, début de la véritable colonisation de l’espace. Quand il y aura des hommes pour ne plus tenir notre planète pour leur terre natale, les Terriens se rapprocheront bien davantage les uns des autres" (Voir "Le Courrier de l’UNESCO, mars 1970).
Grâces soient rendues à Dieu! Nous n’attendons rien de fatal, mais avec l’apôtre Paul nous aimons à redire en toute humilité: "Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec cette force qu’il a de pouvoir se soumettre l’Univers", Philippiens 3.20-21.
A chacun son Espérance et sa responsabilité.
Si nous voulons saisir ce qu’est la sainteté, il nous faut revenir à la lecture et à l’étude de la Parole de Dieu.
Dans les Écritures, nous apprenons qu’invariablement Dieu veut le salut de ses créatures, Eze 18.32; 1 Tim 2.3-4. Pour atteindre ce but et faire rayonner Sa sainteté parmi les hommes, Dieu a suivi une méthode d’éducation progressive et historique.
Après l’appel d’Abraham et l’accomplissement de Ses promesses en Isaac et Jacob, Dieu forma dans la fournaise égyptienne un peuple à part. Au temps convenable, Dieu se révéla aux esclaves hébreux comme le Dieu Saint, "le Saint d’Israël". Ayant fait des douze tribus Son peuple, Dieu le délivre, le protège et le guide avec un soin jaloux. La vocation unique qu’Il lui propose est de refléter Sa sainteté: "...vous serez pour moi une nation sainte! Les nations sauront que je suis l’Éternel qui sanctifie Israël", Exode 19:6.
La proclamation de la sainteté de Dieu était le fond même des institutions de ce peuple:
Les ordonnances multipliées et minutieuses qui constituaient son culte, purification, distinction entre aliments, sacrifices divers, ustensiles sacrés, n’étaient que l’expression infiniment détaillée et sans cesse remise sous les yeux d’Israël de cette double vérité: Jéhova est saint, son peuple est appelé à être saint. "Vous vous sanctifierez et vous serez saints, car moi je suis saint", Le 11.44.
Les prêtres chargés de la célébration du culte étaient à leur tour séparés du reste du peuple, en qualité de représentants du Dieu Saint, comme le peuple lui-même l’était du reste de l’humanité, Exode 28.1; 29.1. Aaron, le premier grand prêtre, est appelé "le saint de l’Eternel", Psaume 106.16. Il devait ainsi que ses successeurs, porter au front ces mots gravés sur une plaque d’or: "Sainteté à l’Éternel", Exode 28.36-38.
Comme il y avait en Israël des personnes saintes et des cérémonies saintes, il y avait aussi pour le service de Dieu des instruments sacrés et des lieux saints, séparés de tous les autres, un temple rempli de la sainteté de Jéhova, 1 Rois 8.10-11. Cet édifice était l’image terrestre du temple céleste où Jéhova a Son trône, Psaume 11.4. Dans ce temple même, il existait une séparation entre "le lieu saint" et "le lieu très saint", Exode 26.33.
Enfin, il y avait tout au long de l’année, des époques saintes, des sabbats, des fêtes solennelles où se concentrait la vie religieuse du peuple de Dieu, Le 23.
Le terme ultime de ce vaste symbolisme sera un état de choses où toute la vie, et tous les objets de l’existence, seront consacrés à l’Éternel, jusqu’aux clochettes des chevaux et aux chaudières, Zacharie 14.20-21. La séparation partout accentuée dans l’Écriture entre le sacré et le profane — séparation rendue nécessaire à cause du péché — sera finalement abolie. Alors sera réalisée la pensée première de Dieu pour la création, savoir le bonheur suprême de ses créatures par une entière communion de volonté avec Lui.
En l’homme, la sainteté est l’affirmation invariable, humble, joyeuse et filiale de Dieu, par toutes les puissances de son être et jusqu’au complet sacrifice de lui-même, 1 Jean 3.16.
La sainteté en nous n’est donc pas un dépassement dû au travail laborieux de notre nature. C’est Dieu manifesté dans notre chair mortelle par le Saint-Esprit, 2 Corinthiens 4.11. Cette sainteté devient visible en nous dans la mesure où nous diminuons nous-mêmes et où Dieu devient tout, 1 Corinthiens 3.21-23. Par la foi nous plongeons dans l’océan de Sa sainteté. Sa vie, Son royaume, Sa gloire, tout appartient aux disciples qui entendent leur Seigneur s’écrier: "Soyez saints, car moi je suis saint", Le 19.2.
Un Dieu qui parle ainsi ne peut pas rester un inconnu pour ceux qu’Il appelle et qui Lui obéissent, Jean 14.21. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que l’appel de Dieu ne va pas sans une révélation de Sa Personne glorieuse à nos âmes, Jean 17.3.
C’est cette rencontre personnelle de l’âme avec Dieu qui fait de la sainteté une réalité simple et lumineuse, alors qu’elle reste une notion insondable pour la pure intelligence. Si nous n’avons au sujet de la sainteté que des définitions abstraites, nous n’aurons aucun goût pour elle, et nous serons sans force pour marcher dans le chemin qui y conduit.
Le secret de tous les saints, qu’ils appartiennent à l’Ancienne ou à la Nouvelle Alliance, réside dans la révélation personnelle que Dieu leur accorda en les appelant. Cette révélation nécessaire n’est pas donnée en vertu des mérites, des œuvres, des expériences, de la position sociale ou de l’âge de ceux qui en bénéficient. Elle vient uniquement de la pure grâce de Dieu qui apporte le salut à tous les hommes. Là où la grâce est reçue dans la vie, le Saint-Esprit détermine un changement radical, 2 Corinthiens 5.17. Sans cette opération divine, la vie de Dieu reste un désir, une espérance, mais n’est pas une possession, une certitude, 1 Jean 3.1-3.
Dans tous les temps, une telle révélation a toujours eu pour effet de jeter l’homme aux pieds de Dieu, dans le sentiment de son infinie misère.
Le meilleur parmi les hommes se voit comme une ronce, et le plus droit comme un buisson d’épines, Mic 7.4.
Le plus fort se sent devenir comme de l’étoupe devant un feu consumant, Esa 1.31.
Le plus sage reconnaît sa folie, 1 Corinthiens 1.20.
Le plus parfait s’écrie: "Je suis une créature de rien" Job 40.4.
Dans le faisceau lumineux des perfections divines, le plus fidèle découvre son impureté, et toutes ses justices lui apparaissent comme un vêtement souillé, Esa 6.5.
Le visage du plus intègre change de couleur et se décompose, Daniel 10.8.
Devant Dieu, la lune même ne brille pas et les étoiles ne sont pas pures à Ses yeux: combien moins l’homme, un ver, et le fils de l’homme, un vermisseau, Job 25.5-6.
Si l’homme pourtant se relève après une telle révélation, ce n’est que par une intervention providentielle de Dieu. Une grâce lui est faite. S’il se met à marcher, c’est soutenu uniquement par une promesse divine que son être entier croit et s’approprie. Désormais, il n’est plus le même. Sa vie se détache du monde et se fixe en Dieu. Une création nouvelle paraît. Les tendances naturelles ne sont plus maîtresses, mais dominées. L’entendement est renouvelé. Une vision nouvelle est donnée. Un feu s’allume en lui. Une passion l’anime. Une force surnaturelle le soutient et l’entraîne, et la course s’achève dans une pleine victoire, 2 Tim 4.7-8.
Dans l’histoire des premiers siècles de l’Église, il n’est fait aucune mention d’honneurs religieux rendus à ce qu’on appelle aujourd’hui des "saints". Ce mot n’avait nullement alors le sens qu’on lui a donné depuis. Il n’était point exclusivement réservé aux fidèles morts dans la pratique des vertus chrétiennes, et que la vénération des vivants plaçait au Paradis. Il s’appliquait indistinctement à tous les membres "vivants" des nouvelles communautés ecclésiales. Le livre des Actes des Apôtres et les Épîtres du Nouveau Testament en font foi.
Les saints selon Dieu ne sont donc pas des hommes qui ont cru une théorie, ou qui ont adhéré intellectuellement, ou même du cœur, à une doctrine particulière. Ce ne sont pas non plus des individus qui, à force de discipline et d’efforts sont parvenus à un dépassement d’eux-mêmes, ils n’ont pas nécessairement accompli des miracles ou des actions extraordinaires. Ce sont des êtres qui ont cru Dieu, Jean 6.29, — Personne vivante qui leur a révélé leur état et l’amour de Son cœur. Désormais, ils connaissent Sa voix, ils savent en qui ils croient, et qui ils adorent. S’ils ont encore des manquements et souffrent de mille imperfections, ils savent pourtant qu’ils n’ont plus à croupir dans leur misère, ni à se décourager et à s’arrêter en chemin. Ils connaissent Dieu et n’acceptent plus la défaite, puisqu’ils se savent aimés de Lui, et prédestinés à être conformes à l’image de son Fils Jésus-Christ, Romains 8.29. Dieu n’a pu leur mentir. Aussi, cessant de regarder à eux-mêmes, à ce qu’ils sont par nature, ils fixent sans cesse leurs regards sur Celui qui a promis et qui est fidèle et puissant pour tout accomplir en eux et par eux. Rachetés par le Christ, ils appartiennent à Dieu qui a fait Sa demeure en eux par Son Esprit. Ils sont saints par Celui qui habite en eux, par la vie du Cep qui coule dans les sarments, Jean 15.1-3.
Avec l’Évangile, nous voyons combien nous sommes loin des indigestes inepties, des bigotes niaiseries, des légendes bouffonnes et des balivernes que l’on trouve dans les "Vies des Saints" écrites par des auteurs religieux du Moyen Age. Avec beaucoup d’autres, nous sommes convaincus que des ouvrages de ce genre ont jeté sur la religion un ridicule plus ineffaçable que les amers sarcasmes de Voltaire.
Si nous avons vu dans un précédent chapitre qu’en dernière analyse "la médiocrité" n’était rien d’autre que notre "moi", nous pouvons souligner maintenant que la "sainteté" c’est Dieu Lui-même contemplé et possédé dans le sanctuaire de Sa gloire, Psaume 63.2-3.
Les vérités que nous venons de rappeler au sujet de cette révélation que Dieu donne de Sa Personne, se voient comme à l’œil nu dans la vie des hommes de la Bible.
C’est cette révélation qui fit du païen Abraham, l’homme qui obéit, quittant tout pour vivre de la volonté de Dieu dans une terre étrangère, Gen 12.4. Devenu "le père de tous les croyants", Abraham nous laisse les traces de sa foi pour que nous y marchions, Romains 4.12.
C’est une rencontre avec Dieu qui fit de l’escroc Jacob un homme au nom nouveau: Israël. C’est dans ce contact qu’il fut béni. Après une nuit de lutte épuisante, son âme tourmentée fut enfin délivrée, Gen 32.24-31.
Moïse, un meurtrier en fuite, vit son exil prendre fin après la vision du buisson ardent. Il devint le sauveur de son peuple et le plus doux des hommes de la terre, Exode 3.
Le craintif Josué, écrasé par de lourdes responsabilités verra venir à Lui le Chef de l’Armée de l’Éternel. Il trouvera dans cette conversation sainte la force et les directions nécessaires pour accomplir jusqu’au bout sa mission, et conquérir le pays de Canaan, Jos 5.13-15.
Le pauvre et chétif Gédéon deviendra, après son tête-à-tête avec l’Éternel, le vaillant héros vainqueur des Madianites, Juges 6.11.
Manoah et sa femme, couple âgé et stérile, mettront au monde le puissant Samson après avoir vu et entendu Celui dont le Nom est merveilleux, Juges 13.
Un enfant, Samuel, deviendra, par cette révélation, le dépositaire des pensées de Dieu à la place du vieux sacrificateur Éli, 1 Samuel 3.
Ésaïe, dans la vision de l’Ineffable, découvrira son impureté, mais, après s’être vu perdu, il connaîtra le bonheur que procure l’assurance de l’expiation de nos péchés, et la joie d’un service pour Dieu parmi les pécheurs, Esa 6.
Jérémie perdra ses complexes d’infériorité et deviendra le prophète à la parole de feu, "une ville forte", "une colonne de fer", "un mur d’airain", quand Dieu aura parlé avec lui, Jer 1.
Ézéchiel après avoir vu l’image saisissante de la gloire de l’Éternel, sera dans la main de Dieu l’homme au front de diamant plus dur que le roc, pour s’opposer aux Israélites infidèles, Eze 1-3.
Daniel, décomposé et sans vigueur devant la vision divine, sera fortifié et assuré de l’amour de son Dieu, qui le rendra capable de comprendre et de connaître ce qui arrivera à la fin des temps, Daniel 10.8-21.
L’enseignement de l’Ancien Testament n’est pas sans importance pour nous, car toutes ces choses sont les ombres de la sainteté véritable qui doit se manifester dans nos vies par une consécration totale de tout notre être au Seigneur, et par une séparation de tout ce qui peut Lui déplaire, Heb 10.1.
Mais tandis que le Mosaïsme, qui répond à la période de l’enfance du peuple d’Israël, place surtout la sainteté dans les formes extérieures, Exode 19.10-15. Les Prophètes, en prêchant, la mettent principalement dans le cœur, Esa 1.16-17. Pour trouver la sainteté réalisée, c’est pourtant à la Personne et à la vie de Jésus-Christ qu’il faut regarder, Jean 8.48.
Lui seul a accepté toute entière la volonté de Dieu, et l’a parfaitement accomplie, Jean 6.38. En lui, la sainteté est descendue du domaine abstrait des préceptes, ou des promesses, dans la réalité historique. Depuis Sa venue dans le monde, non seulement nous savons, mais nous avons contemplé ce qu’est la sainteté véritable dans les conditions de la vie humaine, 1 Jean 1.1-3.
Par la foi, ayant reçu Jésus dans nos cœurs pour Sauveur et Seigneur, fixons nos yeux sur ce Modèle parfait. Nourrissons nos pensées de Sa Personne, et nous serons sûrs d’achever notre course et de n’être confus en rien, Philippiens 1.20.
Quand le Christ vint sur la terre, ceux qui s’approchèrent de Lui avec foi connurent la profondeur de leur misère, mais virent aussi leur vie physique, psychique et spirituelle complètement transformée; (Voir les évangiles).
Après Son Ascension à la droite du Père, c’est encore par la révélation de Sa gloire et de Sa sainteté, que le Christ saisit Saul de Tarse pour en faire l’apôtre Paul, Actes 9; Galates 1.13-16.
C’est aussi par la manifestation de la sainteté glorieuse du Christ que Jean, à Patmos, fut préparé à recevoir les révélations de l’Apocalypse, Apocalypse 1.9-20.
Pour que toute gloire revienne à Dieu seul, c’est toujours par un appel et une révélation que nous sommes rendus participants de Sa sainteté, 2 Pierre 1.3-4.
Comme pour le peuple élu, pour chacun de nous la sainteté consiste, répétons-le, à être séparé du monde profane, c’est-à-dire pécheur, et à être consacré à Dieu, 2 Corinthiens 5.17-18.
Le devoir absolu de tendre à la sainteté se fonde pour nous, enfants de Dieu, sur la sainteté de notre Père céleste à laquelle nous avons cru, et vers laquelle nous allons. Nous n’avons pas avec notre Père céleste une relation sentimentale, mais une relation de nature, 1 Jean 3.1. Nous sommes nés de nouveau et avons été engendrés par un Père dont le caractère essentiel est la sainteté.
Ayant reçu le Christ par la foi, à mesure que nous croissons dans la vie spirituelle, Sa personnalité doit se préciser en nous, se former, se développer, se dégager, et cela par le Saint-Esprit, dans une justice et une sainteté que produit la vérité, Colossiens 1.26-29.
Dieu nous a choisis pour le glorifier par notre sainteté. Que ferons-nous maintenant? Écouterons-nous l’appel de Dieu? Aspirerons-nous de tout notre cœur à une révélation plus parfaite de Sa personne, ou resterons-nous dans la médiocrité?
Dieu attend la décision de notre cœur. Son désir est de nous voir nous engager dans la voie qui conduit à la sainteté, état idéal et définitif.
Ce chemin, c’est la sanctification, travail spirituel et continu qu’opère le Saint-Esprit dans nos âmes, si nous Le laissons agir durant notre course terrestre. Suivre ce chemin suppose cependant une première rencontre avec le Fils de Dieu, Jésus-Christ.