Le Ciel

6. LE CIEL ET SES RÉCOMPENSES

Chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail. (1Co 3.8.)

Ma rétribution est avec moi pour rendre à chacun selon ce qu'est son œuvre. (Apo 22.12.)

Je suis convaincu, d'après l'opinion que j'ai pu me faire, que celui qui s'attend à être récompensé ici-bas pour le bien qu'il fait, n'est pas du tout qualifié pour le service de Dieu. S'il recherche l'approbation des hommes, il compromet la vérité ; il craint alors de heurter les sentiments de ses semblables, de soulever l'opposition, de provoquer des critiques ou des articles de journaux contre lui. Mais il faut fouler le monde sous nos pieds si nous voulons recevoir une récompense après cette vie ! Si nous servons Dieu, nous pouvons nous attendre à être persécutés. Le royaume des ténèbres et celui de la lumière ont été, sont et seront en guerre aussi longtemps qu'il sera permis à Satan de régner sur le monde ; il y aura un constant conflit entre eux, et si vous voulez être admis dans les cieux et y recevoir une rétribution éternelle, il vous faut consentir à être méprisé sur la terre.

Si vous recherchez les applaudissements des hommes, vous n'entendrez pas sortir de la bouche du Seigneur, au terme de votre vie, cette parole « Cela va bien ! » Impossible de concilier les deux choses ! Pourquoi cela ? Parce que le monde est en guerre avec Dieu. Il n'est pas vrai de dire qu'il va s'améliorant ; le vieux cœur de l'homme est tout autant révolté contre son divin Maître que lorsque Caïn tua Abel. En la personne de Caïn, le péché s'élança dans toute sa force et armé de toutes pièces ; depuis, la guerre a continué entre la créature et le Créateur. Le monde n'a pas accepté la grâce ; c'est pourquoi nous avons à combattre le monde, la chair et le diable. Le monde et la chair ne nous aimeront pas si nous luttons contre eux. Il nous faut mortifier la chair, crucifier le vieil homme et l'asservir ; alors nous ne tarderons pas à recevoir notre récompense, oui, même une glorieuse récompense. C'est ce que nous trouvons dans Luc 16.15 : « Jésus leur dit : Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs, car ce qui est élevé devant les hommes est une abomination devant Dieu.

Nous devons remonter le courant. Si le monde n'a rien à dire contre nous, nous pouvons être presque sûrs que le Seigneur Jésus a très peu de chose à dire en notre faveur. Bien des personnes redoutent de suivre un chemin opposé à celui du monde, et, bien que telle ou telle chose leur paraisse condamnable, elles se gardent de la blâmer de peur de compromettre la bonne opinion qu'on a d'elles. Si nous voulons obtenir le prix de la course, il nous faut combattre le bon combat de la foi ; car à tous ceux qui font ainsi, le Seigneur, juste juge, réserve pour ce jour là une couronne de justice et il la donnera. (2Ti 4.8)

La crainte de la mort.

Le sens profond du mot éternité nous échappe. Le temps compris entre la création et la fin du monde, ne formerait pas un jour de l'éternité. Il en est du temps comme de l'espace ; dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Nous lisons dans Hébreux (Heb 11.14) : « Ainsi donc, puisque les enfants participent du sang et de la chair, il en a également participé lui-même, afin que par la mort, il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c'est-il dire le diable, et qu'il délivrât tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans la servitude. » Un grand nombre de ceux qui font profession de piété, vivent dans une servitude continuelle par la crainte qu'ils ont de la mort. Je crois qu'en cela ils déshonorent Dieu, qui ne veut certainement pas qu'un seul de ses enfants vive dans la crainte, pas même un instant. Pourquoi trembler à ce sujet si nous connaissons la vérité qui est en Christ, puisque la mort ne fera que hâter notre arrivée dans la gloire où nos noms sont déjà inscrits ? Notre préoccupation se porte d'abord sur ceux qui nous sont chers ; c'est notre privilège d'avoir inscrits dans les cieux, non seulement nos noms, mais aussi ceux des enfants que Dieu nous a donnés. La promesse est pour nous et aussi pour eux. Bien des parents sont inquiets sur le salut de leurs enfants ; eh bien ! si nos propres noms sont gravés là-haut, le principal désir de nos cœurs doit être que celui de nos enfants le soient aussi.

Dans l'une de nos cités de l'est, une mère de famille se mourait de consomption. Comme elle s'affaiblissait de plus en plus, on eut la pensée de lui amener ses enfants l'un après l'autre. L'aîné reçut d'abord conseils et bénédiction, puis le second, puis le troisième et tous jusqu'au bébé. Elle prit ce dernier et le pressa contre son cœur, son tendre cœur... Voyant que ceci l'agitait et pouvait hâter sa fin, on lui reprit l'enfant. Alors elle dit à son mari :

« Je te donne charge d'amener avec toi tous ces enfants dans la maison éternelle. »

C'est ainsi que Dieu charge les parents d'amener au ciel tous leurs enfants, afin que leurs noms soient, aussi bien que les leurs, inscrits dans les demeures célestes.

Un éminent chrétien de New-York me racontait un jour cette touchante anecdote :

« Un père avait un fils dangereusement malade il ne croyait pourtant pas qu'il fût à l'extrémité jusqu'au jour où, en rentrant, il trouva sa femme tout, en larmes.

Il l'interrogea :

— Notre garçon est bien changé depuis ce matin, répondit la mère ; je crains qu'il ne soit mourant. Viens le voir ; et si tu comprends qu'il est près de sa fin, je désire que tu le lui dises, car je n'ai pas le courage de le faire moi-même.

Le père entra dans la chambre et s'assit au chevet du malade. Puis, en plaçant la main sur le front de son fils, il sentit la froide sueur de la mort et comprit que la séparation était proche.

— Mon enfant, lui dit-il, sais-tu que tu vas mourir

— Non ! est-ce bien vrai ? répondit le garçon. Est-ce la mort que je sens dans tous mes membres, papa ?

— Oui, c'est elle.

— Vivrai-je jusqu'à demain

— Tu peux mourir à chaque instant. » L'enfant regarda son père et dit :

— Eh bien, je serai ce soir auprès de Jésus, n'est-ce pas ?

— Oui, mon enfant. Tu passeras la nuit auprès de ton Sauveur.

Et le père se détourna pour cacher ses larmes, afin que le petit garçon ne le vît pas ; mais celui-ci s'en aperçut :

— Papa, ne pleure pas ! dit-il. En arrivant au ciel, j'irai droit à Jésus et je lui dirai qu'aussi loin que mes souvenirs peuvent aller, tu as toujours cherché à me conduire à lui. »

J'ai trois enfants moi-même, et je puis dire que le plus cher désir de mon cœur, c'est qu'ils soient sauvés et que je sache que leurs noms sont écrits dans le livre de vie. Je puis leur être bientôt enlevé et les laisser orphelins dans un monde où tout change ; mais je voudrais qu'ils pussent dire de moi ce que cet enfant disait de son père. S'ils venaient à mourir avant moi, je désirerais qu'ils pussent dire au Maître que j'ai toujours cherché à les conduire à lui. Cela me serait plus précieux que d'avoir sur ma tombe un monument aussi haut que les cieux.

On n'envisage pas le plus souvent la mort comme on le devrait. L'évêque Héber écrivait au sujet d'un ami décédé :

« Tu es descendu dans la tombe, mais nous ne te pleurerons pas, bien que la tombe nous apparaisse environnée de ténèbres et de douleur. Avant toi, ton Sauveur en a franchi les portes et c'est son amour qui éclaire ton sentier à travers l'abîme. Tu es descendu dans la tombe ! Nos yeux ne peuvent te voir et nous ne foulons plus à tes côtés les routes épineuses de la vie. Mais les bras de la miséricorde éternelle t'enlacent. Les pécheurs peuvent mourir puisque celui qui fut sans péché est mort pour eux. »

Dans le ciel on fait l'appel et chacun à son tour doit comparaître. Si nous savons que nos bien-aimés sont sauvés et que leurs noms sont enregistrés, il nous sera bien doux de penser après leur départ que nous les retrouverons un jour et que nous les reverrons quand les ombres de la nuit se seront dissipées, au grand matin de la résurrection !

Pendant la dernière guerre d'Amérique, un jeune homme blessé était couché dans une cabane ; on l'entendit crier : « Présent ! présent ! »

Quelqu'un s'approcha pour lui demander ce qu'il voulait dire.

— Ecoutez ! chut ! n'entendez-vous pas ? dit-il.

— Quoi donc ?

— Ils font l'appel dans le ciel.

Bientôt après on l'entendit répondre encore « Présent ! » et il expira.

Si nos noms sont écrits dans le livre de vie, lorsque l'appel se fera là-haut et que nous serons nommés, nous dirons comme Samuel : « Me voici ! » et nous nous hâterons d'aller à la rencontre de notre Dieu. Si nos enfants sont rappelés de bonne heure, oh ! qu'il est doux de penser qu'ils sont morts en Christ, que le bon Berger les rassemble dans ses bras, qu'il les porte dans son sein et que bientôt nous irons les rejoindre

Paul, le héros chrétien.

Le moyen d'aller au ciel, c'est d'être sauvé par la foi en Jésus-Christ. Nous recevons le salut comme un don, mais nous devons faire valoir ce don. Si l'on nous donnait une mine d'or, nous l'exploiterions ; je ne puis acquérir une couronne en me faisant recevoir membre d'une Eglise ou en louant à mes frais l'un des bancs de cette église. Voyez Paul ! Il a obtenu sa couronne. Il livra plus d'un rude combat, il se mesura avec Satan sur plus d'un champ de bataille, il le vainquit et reçut la couronne des vainqueurs. Il faudrait bien dix mille des chrétiens d'aujourd'hui pour faire un Paul. Quand je lis la vie de cet apôtre, je rougis de honte pour les chrétiens du XIXe siècle, tant ils sont faibles et misérables.

Voyez ce qu'il eut à supporter. Cinq fois il fut flagellé. Cette ancienne coutume romaine consistait à lier ensemble les poignets du malheureux et à le faire tenir courbé. Puis, un soldat romain lui infligeait sur le dos nu des coups d'un fouet tressé et garni de petites lamelles d'acier. L'acier déchirait la peau du patient, qui expirait souvent pendant qu'on le frappait. Paul dit qu'il avait été flagellé à cinq reprises différentes. Si nous avions à recevoir un seul coup de ce fouet-là, que de gémissements nous ferions entendre ! Avant la fin du jour, quarante éditeurs s'empresseraient .autour de nous pour écouter notre récit, publier notre vie et s'enrichir par ce moyen. Mais Paul dit simplement : « J'ai reçu cinq fois quarante coups moins un. » C'était peu de chose pour lui ! Prenez place à ses côtés et interrogez-le.

— Paul ! tu as été battu quatre fois par ces Juifs et ils vont encore te donner trente-neuf coups de fouet. Que feras-tu après avoir ainsi souffert ? Que penses-tu faire

— Ce que je ferai ? vous répondra-t-il, je tendrai de toutes mes forces vers le but afin d'obtenir le prix de ma haute vocation, car je cours dans la lice pour avoir une couronne.

— Cette couronne, il ne voulait pas la perdre !

— Quelques coups de fouet ne me décourageront pas ; ces légères afflictions du temps présent ne sont rien...

Et ses persécuteurs ajoutèrent encore trente-neuf autres coups.

Paul s'était élancé dans l'arène et il bondissait, pour ainsi dire, vers le ciel. Le diable trouva en lui son maître ; — passez-moi l'expression, — l'apôtre ne s'égara jamais vers une fausse piste. « Je n'ai qu'une seule choses à faire, disait-il, c'est de ne pas perdre ma couronne. » Prenez garde que personne ne vous ravisse la vôtre.

Trois fois Paul fut battu de verges. Interrogez-le de nouveau :

— Voyons, Paul ! on t'a battu deux fois et l'on s'apprête à te battre encore. Que vas-tu faire ? As-tu l'intention de continuer tes prédications ? S'il en est ainsi, permets que je te donne un petit conseil. Ne sois pas si absolu dans tes convictions ; deviens plus accommodant. Emploie un langage plus élégant ; enveloppe, si je puis ainsi dire, la doctrine de la croix d'une éloquence plus relevée et d'un style plus fleuri ; dis aux hommes qu'ils sont assez bons, après tout, et point si mauvais. Tâche d'apaiser les Juifs et de t'en faire des amis ; transige avec le monde et le monde te considérera. Ne sois ni si zélé ni si radical. Je te prie d'écouter mes avis. Que vas-tu faire ?

— Ce que je vais faire ? répond l'apôtre, je vais courir vers le but pour remporter le prix de ma sainte vocation.

Aussitôt on lui applique les verges et à chaque coup, son âme s'élève plus près de son Dieu... Tenez-vous encore à ses côtés : on commence à le lapider, car c'était là le supplice infligé à ceux qui ne parlaient pas selon le désir des persécuteurs. Il semble qu'on va lui rendre ce qu'il mérite, car il consentit à la lapidation d'Etienne alors qu'il s'appelait encore Saul.

— Maintenant, Paul, ceci devient grave. Ne ferais-tu pas mieux de rétracter quelques-unes des paroles que tu as prononcées au sujet de Jésus ? Que vas-tu faire ?

— Eh bien, s'ils prennent ma vie, je n'en recevrai que plus tôt ma couronne ! s'écrie l'apôtre. Il ne recula pas d'un pouce. Il possédait ce que le monde ne peut donner, ce qu'il ne peut citer, savoir une vie éternelle et une couronne de gloire.

Une légère affliction.

Trois fois Paul fit naufrage ; il passa un jour et une nuit dans « l'abîme. » Voyez ce puissant apôtre passant une nuit et mm jour dans l'abîme ! Il est naufragé, et dans quel but ? Est-ce pour gagner de l'argent ? Oh ! non, car il ne court pas après la fortune. Il allait simplement de ville en ville et de bourgade en bourgade, prêchant le glorieux Evangile de Jésus-Christ, arborant la croix partout où il en trouvait l'occasion. Il descendit à Corinthe et y prêcha durant dix-huit mois sans qu'aucun des coryphées de l'endroit vînt l'entendre. Personne ne le secondait. Quand il arriva, aucun des principaux de la ville ne le patronna ni ne l'encouragea. Le petit faiseur de tentes y vint comme un étranger, et s'occupa tout d'abord de son travail manuel afin de gagner son pain à la sueur de son front. Représentez-vous le grand apôtre confectionnant une tente, puis allant se tenir au coin d'une rue pour prêcher...

La vie d'un tel homme m'humilie ; je pense à la chrétienté de nos jours, si maladive et rabougrie, où des centaines ne prennent nul souci de travailler pour Christ et de l'honorer.

Paul dresse pourtant un inventaire des biens qu'il possède quand il écrit aux Corinthiens. Il est riche, à ce qu'il dit. Il a été fréquemment en voyage, en péril sur les fleuves, de la part des brigands, de ceux de sa nation, de la part des païens ; en péril dans les villes, dans les déserts, sur la mer, parmi les faux frères... Ce dernier danger a dû être le plus cruel de tous. Il a vécu dans le travail et la peine, exposé à de nombreuses veilles, à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés, au froid et à la nudité, assiégé encore chaque jour par les soucis que lui donnaient toutes les Eglises. (2Co 11.27-29.) Voilà quelques-unes des peines qu'il cite. Mais savez-vous ce qui le rendait excessivement joyeux ? Il croyait l'Ecriture ; il croyait le sermon sur la montagne, auquel nous croyons beaucoup trop peu. Ecoutez une seule phrase de ce sermon : « Réjouissez vous et soyez dans l'allégresse lorsqu'on vous outragera et vous persécutera, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. » Or donc la persécution était à peu près toute la richesse de Paul.

C'était son capital et ce capital était considérable ; il l'avait amassé et il devait lui valoir une récompense. Le Christ a dit : « Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse parce que votre récompense sera grande dans les cieux. » Il parle d'une grande récompense. Nous appelons grandes des choses qui peuvent paraître petites au Seigneur, et celles qui nous semblent bien petites peuvent être très grandes aux yeux de Christ. Quand Celui qui a créé le ciel et la terre et qui les a agencés par sa toute-puissance, parle d'une grande récompense, que doit-elle être ?

Peut-être quelques-uns disaient alors à Paul Voyons ! tu rencontres trop d'oppositions, tu souffres trop ! Mais écoutez sa réponse : « Nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous au delà de toute mesure un poids éternel de gloire. (2Co 4.17)

« Nos légères afflictions ! » Nous les aurions trouvées pesantes, accablantes, n'est-ce pas ? Paul dit : « Ces légères afflictions, que sont-elles en comparaison de la gloire qui m'attend, du couronnement qui se prépare, de la récompense qui m'est réservée ? Le juste Juste me donnera tout cela quand le moment sera venu. » Cette pensée le remplissait de joie.

Et maintenant, réfléchissez à l'œuvre que Paul a accomplie. Représentez-vous ce premier des missionnaires en pays païens, allant prêcher le glorieux Evangile de Jésus-Christ à des hommes méchants, hostiles et pleins de haine, pour leur dire que celui qui fut crucifié hors des murs de Jérusalem comme un vil criminel aux yeux du monde, était le Messie promis ! Il les exhortait à croire à ce Messie pour pouvoir entrer dans le royaume des cieux. Figurez-vous quels sinistres obstacles se dressaient devant lui, quelles oppositions il rencontra, quelles persécutions se déchaînèrent contre lui ; et puis, comparez tout cela avec les petites épines qui embarrassent notre chemin

Chanter dans la prison.

Les gens du monde pensent que la vie de Paul a été un échec, Ses ennemis, en le mettant en prison, croyaient sans doute le réduire au silence, Cependant je crois qu'il rend maintenant grâce à Dieu pour les prisons, les coups, les persécutions et les oppositions qu'il a endurés plus que pour tout autre chose. Que de fois ce qui nous répugne le plus est le plus salutaire ! Si Paul n'avait pas été mis en prison, il est probable que l'Eglise ne posséderait pas quelques-unes de ses glorieuses épîtres. C'est là qu'il prit la plume pour écrire aux chrétiens d'Ephèse, de Philippes, de Colosse, à Philémon et à Timothée. Quelle bénédiction pour le monde et pour l'Eglise que les deux épîtres aux Corinthiens ! Que de lumière elles ont répandue dans les cœurs. Sans la persécution, nous aurions été peut-être privés de ces épîtres.

John Bunyan est porté à bénir probablement le Seigneur à cette heure quand il se souvient de la geôle de Bedford. S'il n'eût été enfermé dans cette prison, nous n'aurions pas sans doute le Voyage du chrétien. Satan croyait remporter une grande victoire lorsqu'il le mit là pour douze ans et demi ; mais quel bien en est résulté pour le monde ! Je pense que Paul bénit Dieu maintenant pour son emprisonnement à Rome, car il put avoir là le loisir nécessaire pour écrire ses précieuses lettres, Admirez si vous le voulez, Alexandre et ses conquêtes ; vantez la valeur d'un César et d'un Napoléon ! Voici un pauvre faiseur de tentes qui, sans avoir d'armée, a bouleversé le monde… Et comment ?

Parce que le Tout-Puissant était avec lui. Paul dit : « Je ne tiens nul compte des tribulations. » (Act 20.24) On le jetait en prison, que lui importait ? cela ne l'ébranlait nullement. Rien ne le troublait, à Corinthe, à Athènes, lorsqu'il prêchait il ne voulait qu'une chose, courir dans la lice pour saisir le prix de sa vocation sainte. Si, pour remporter ce prix, Dieu le laissait mettre en prison, il était prêt à tout souffrir, En prison il avait toujours le Seigneur avec lui, car il était si étroitement enchaîné à son maître que nul ne pouvait les séparer, Il préférait être en prison avec Jésus, qu'en liberté sans lui, souffrir avec lui dans les fers plutôt que d'être à l'aise dans le monde. Lorsqu'il entend ce cri : « Passe en Macédoine et viens nous secourir ! » il s'y rend, il prêche et on le jette en prison à Philippes. S'il eût été pusillanime comme nous le sommes pour la plupart, il aurait été désappointé et abattu. Il se serait plaint en gémissant : Voilà une étrange direction de la Providence ! aurait-il dit, Pourquoi suis-je emprisonné ? Je croyais que le Seigneur m'appelait à venir dans ce pays, et me voici enfermé dans une ville étrangère ! Comment en sortirai-je ? Je n'ai ni argent, ni amis, point d'avocat, personne qui puisse intervenir en ma faveur. Je suis abandonné.

Paul et Silas avaient aussi les pieds tenus dans les ceps ; ils étaient dans une prison intérieure, dans une cellule sombre, froide et humide. Mais à minuit, les détenus entendent un bruit étrange ; on chante ! Jamais de pareils accents n'avaient frappé ces tristes lieux. Je ne sais quel cantique chantaient les deux évangélistes, mais ce dont je suis certain, c'est que leur chant n'était ni plaintif, ni lugubre comme ceux qui auraient pu sortir d'un tombeau. Il nous est dit qu'ils entonnèrent des louanges. Singulier endroit pour chanter des louanges, n'est-ce pas ?

Je pense qu'ils faisaient ensemble leur culte et répétaient l'hymne du soir, Dieu exauça leur prière. La vieille prison fut ébranlée, les chaînes des prisonniers se rompirent et les portes s'ouvrirent. Oh ! oui, oui, je n'en doute pas ! Paul rend grâce à Dieu dans la gloire d'avoir été mis en prison et de ce que le geôlier s'est converti.

Dans la gloire.

Mais, voyez-le à Rome ! Néron vient de signer son arrêt de mort. Tenez-vous là, et observez cet homme de petite taille si méprisé du monde. (2Co 10.10.) On le dédaigne. Si vous alliez parler dans le palais du roi de ce criminel, vous êtes sûrs de voir un sourire railleur sur tous les visages.

« Oh ! c'est un fanatique ! dit-on. Il est fou ! » Pour ma part, je voudrais que le monde fût rempli de pareils insensés. Il nous en faudrait de nos jours qui fussent de cette trempe, des hommes qui n'eussent d'autre crainte que de pécher, d'autre amour que l'amour de Dieu.

Rome ne vit jamais dans ses murs un tel conquérant, ni dans ses Etats un homme d'une telle puissance. Le monde pouvait le regarder avec mépris et le trouver fort chétif, mais aux yeux des habitants des cieux il était le plus puissant qui eût jamais foulé le sol de cette reine des cités. Aucun de plus grand que lui ne parcourra probablement jamais ses rues. Le Fils de Dieu marchait avec lui dans la fournaise. (Dan 3.25.) Mais entrons dans sa prison. Il s'avance ; les officiers viennent lui annoncer que Néron a signé son arrêt de mort. Paul ne frémit pas, il n'est point effrayé...

— Paul ! dis ; ne regrettes-tu pas à cette heure ton grand zèle pour Christ ? Il va te coûter la vie. Si tu pouvais recommencer ta carrière terrestre, la consacrerais-tu à Jésus de Nazareth ?

Que va répondre le vieux lutteur ? Son œil s'enflamme et il s'écrie :

- Eusse-je dix mille vies, je les donnerais toutes pour Christ ! Mon seul regret c'est de n'avoir pas plus tôt commencé à le servir et de ne pas l'avoir mieux servi. Mon unique regret à cette heure, c'est d'avoir autrefois parlé contre Jésus de Nazareth.

— Mais on va te décapiter.

— Eh bien ! qu'ils prennent ma tête, je ne m'en inquiètes pas ! Mon cœur est à mon Sauveur depuis des années ; nul ne peut me séparer de lui. Quand on me fera mourir, j'irai auprès de lui, ce qui me sera beaucoup meilleur.

On le tire hors de sa prison. Je ne sais à quelle heure, peut-être à la pointe du jour. Une tradition raconte qu'on l'emmena à deux milles de la ville. Voyez ce petit faiseur de tentes comme il avance d'un pas ferme à travers les rues de Rome ; contemplez ce géant comme il marche au supplice. Prenez place à côté de lui ; entendez-le ! il parle de la gloire à venir.

Désormais la couronne de justice m'est réservée. Aujourd'hui même, je verrai le roi dans sa beauté. Mon ardent désir était d'être auprès de lui ; il me tardait de le voir... Voici le jour de mon couronnement. »

On pouvait le plaindre, mais lui n'avait pas besoin de la pitié des hommes. Il possédait ce que le monde ne connaissait pas, un amour et un zèle dans le cœur dont le monde n'avait nulle idée. Ah ! quel amour que celui de Paul pour Jésus ! mais quel amour bien plus grand que celui de Jésus pour Paul !

L'heure était venue. D'après l'usage, le prisonnier devait se pencher en avant, puis un soldat saisissait une épée tranchante et lui emportait la tête d'un seul coup. Il me semble voir Paul, le visage radieux, incliner sa précieuse tête... L'épée de l'exécuteur s'abaisse sur elle et met son âme en liberté.

Avec les yeux d'Elisée, nous aurions pu la voir cette âme, s'élancer comme Elie dans un chariot de feu et prendre son glorieux essor à travers l'infini. Elle monte plus haut, encore plus haut ! Voyez-la s'élever toujours, toujours, toujours, toujours plus vers les cieux.

Contemplez-la enfin là-haut.

La voilà ! Elle entre dans la cité éternelle où sont les saints glorifiés, dans la demeure bienheureuse des rachetés. Elle va recevoir le prix qu'elle a si longtemps recherché. Voyez comme les portes du ciel s'ouvrent toutes grandes pour la recevoir... Entendez les anges, ces hérauts du ciel, debout sur les crénaux étincelants de la cité céleste, se dire l'un à l'autre avec des cris de joie : « Le voici ! le voici ! » L'âme de Paul vole à travers les portes de perles ; elle suit la voie royale jusqu'au pied même du trône de Dieu. Là, Christ le reçoit en disant :

« Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! Entre dans la joie de ton Seigneur ! »

Si le Maître vous disait cette parole, ne serait elle pas une compensation suffisante pour toutes vos peines, ne le croyez-vous pas ?

Chers amis ! nous l'entendrons bientôt cette parole pourvu que nous demeurions fidèles. Prenons garde de ne pas perdre notre couronne ! Réveillons-nous de notre sommeil ! Revêtus de l'armure complète de Dieu, élançons-nous dans la mêlée pour combattre le bon combat. Alors, nous aussi, comme les saints des temps passés, nous serons accueillis dans le ciel par ces accents de bienvenue : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! »

Après.


Après de longs soupirs, une joie éternelle,
Après de durs labeurs, le repos dans les cieux,
Après l'ignominie, une gloire immortelle,
Après d'obscurs sentiers, un soleil radieux...

Après de tristes deuils, une vive espérance,
Après la sombre nuit, l'aurore d'un beau jour,
Après l'incertitude, une ferme assurance,

Après les cœurs brisés, un fort et tendre amour.

Après nuits de souffrances, un appui pour nos têtes,
Après le tourbillon, un ciel pur et serein,
Pour l'amour de Jésus, ô Dieu ! tu nous apprêtes,
Après tant de douleurs, un abri dans ton sein...

Après de longs combats, des palmes de victoire,
Après une agonie, un cantique éternel,
Après l'amer calice, un fleuve dans la gloire,
Après nos lourdes croix, des couronnes au ciel.

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