Le Ciel

5. LE CIEL ET SES RICHESSES

Amassez-vous des trésors dans le ciel car là où est ton trésor là aussi sera ton cœur. Mat 6.20.

Personne ne se croit riche tant qu'il n'a pas tout ce qu'il désire ; bien peu sont contents de ce qu'ils possèdent. Celui qui envie ce qu'il ne peut obtenir, se croit dans une sorte de pauvreté ; il est ainsi parfois d'autant plus pauvre qu'il est plus riche de biens terrestres. Quelqu'un a dit fort sagement qu'acquérir des richesses coûte beaucoup de travail et les garder beaucoup de soucis. Si l'on en abuse, voici les remords qui vous saisissent ; si on les perd, on les pleure. C'est donc une erreur très grande de faire un tel cas des trésors temporels.

Mais nous ne saurions trop apprécier ceux qui sont impérissables et réservés dans les cieux pour les rachetés de Jésus. Quelle que soit notre fortune ou notre position, il nous manque toujours quelque chose. L'avantage le plus grand que le riche ait sur le pauvre et celui dont il profite le moins, c'est de rendre le pauvre heureux. Les biens de ce monde ne rendent pas réellement heureux ; ils prennent souvent des ailes pour s'envoler. On raconte que Midas transformait en or tout ce qu'il touchait ; mais ce roi aux longues oreilles ne s'en trouvait pas mieux pour cela ! Il y a beaucoup de vrai dans ces anciennes fables. Ni l'argent, ni le temps ne devrait être gaspillé ; je plains celui qui ne sait plus comment employer l'un et l'autre, tant il en a de reste. On peut dire, en vérité, que celui qui fait du bien avec son argent y imprime, pour ainsi dire, l'image de Dieu comme à une monnaie qui a cours dans le ciel, bien que tout l'or du monde ne puisse ouvrir à une seule âme les portes éternelles. Le salut doit être reçu comme un don fait à quiconque le demande ; nul n'est trop pauvre pour devenir un millionnaire céleste.

L'or est une fausse sauvegarde.

Qu'ils sont nombreux de nos jours les adorateurs de l'or ! Là où la guerre en tue des milliers, la soif de l'or en tue des millions. Son histoire parle d'esclavage et d'oppression, et quel empire il exerce ! Voyez les mines et les souffrances de ceux qui les creusent, les plantations et leurs travailleurs lassés ; la bourse et ses habitués aux traits hagards et vieillis avant le temps ! ce ne sont là que des spécimens des plus pauvres de ses esclaves. L'or a des titres et des honneurs pour récompenses ; des trônes mêmes sont à sa disposition. Les rois sont au nombre de ses conseillers, et des puissants et des nobles lui sont humblement soumis. Cette soif du gain. voudrait transformer la terre entière en or.

On raconte que Tarpéia, fille du gouverneur de la forteresse du mont Capitolin, séduite par la vue des bracelets d'or des soldats sabins, consentit à leurs ouvrir les portes s'ils lui donnaient ce qu'ils portaient au bras gauche. Le pacte fut conclu et les Sabins lui tinrent parole. Tatius, leur chef, lui remit le premier ses bracelets et son bouclier ; puis chaque soldat jeta sur la traîtresse sa part des trésors convoités, jusqu'à ce qu'elle s'affaissa sous le poids et expira.... Ainsi l'or entraîne les hommes à leur perte.

Lors du naufrage du vapeur l'Amérique centrale, des centaines étaient à bord qui retournaient au milieu de leurs familles et de leurs amis après avoir fait fortune dans les mines. Mais la perspective du désastre ôta subitement toute valeur à l'or qu'ils apportaient. Ils jetaient leurs ceintures précieuses, des sacs de sable d'or jonchaient le plancher des cabines ; un homme y laissa même 100 000 dollars en disant qu'il les donnait à qui voudrait les prendre ; mais à l'heure suprême du danger, l'or n'avait plus d'amateurs.... Il peut être bien utile, mais souvent il est une mauvaise sauvegarde, car son poids nous entraîne en enfer.

Le révérend John Newton alla visiter une famille qui venait de perdre toute sa fortune dans un incendie. Il entra en disant :

— Madame, je vous félicite

La dame, qui était pieuse, fut surprise et prête à s'offenser.

— Comment, dit-elle, vous me félicitez de ce que tout ce que je possédais est brûlé !

— Oh ! non, répondit Newton ; mais je vous félicite de ce que vous possédez d'autres richesses que le feu ne peut atteindre,

Cette allusion aux trésors célestes, apaisa le chagrin de la dame et l'amena à se soumettre plus complètement à la volonté de Dieu. « Il y a une grande abondance dans la maison du juste mais il y a du trouble dans les profits du méchant. » (Pr 15.6.) Je n'ai jamais vu mourir avec regret un chrétien riche des biens célestes ; je ne l'ai jamais entendu se plaindre d'en avoir trop.

Un de mes amis se trouvait, il y a quelques années, sur les bords de la Mersey à Liverpool au moment où l'on remorquait un navire dans le port avec de grandes précautions. Ce navire se tenait à fleur d'eau et l'on s'étonnait qu'il ne sombrât pas. Bientôt un autre vaisseau qui pouvait se passer de remorqueur, remontait lestement la rivière en cinglant les autres embarcations. Mon ami apprit que le premier, chargé de gros bois, avait fait une voie d'eau et avait sombré en partie ; aussi entrait-il dans le port à grand'peine. Je crois que bien des chrétiens de profession, ou même de réels chrétiens, sont dans ce cas difficile. Trop alourdis par leurs trésors terrestres, ils ont besoin des renforts de l'Eglise toute entière pour ne pas retourner dans le monde. Si l'Eglise, comme le disait Wesley, travaillait constamment avec énergie, quelle puissance elle déploierait ! comme elle atteindrait vite les masses Mais elle n'a pas d'action sur le monde parce qu'elle se conforme au monde ; il ne faut donc pas s'étonner qu'un si grand nombre de chrétiens ne croissent pas dans la grâce puisque les choses de la terre ont tant de prise sur leurs cœurs.

Si leurs trésors étaient dans le ciel, les ministres de l'Evangile n'auraient pas besoin de les presser de vivre pour le ciel ; ces chrétiens ne pourraient faire autrement. Si leurs cœurs vivaient au ciel, leurs esprits y seraient aussi et leurs vies tendraient en haut.

Une petite fille disait un jour à sa mère :

— Ma monitrice nous a dit que Dieu ne nous plaçait sur la terre que pour peu de temps et afin que nous puissions nous préparer pour un monde meilleur. Pourtant, je ne vois personne qui se prépare ! Je vois que tu te prépares, maman, pour aller à la campagne, que tante Elisa se prépare à venir ici ; mais personne ne se prépare pour aller au ciel. Pourquoi ne cherche-t-on pas à être prêt ?

Un propriétaire du Sud avait un de ses esclaves qui était pieux. Après la mort du maître, chacun disait qu'il était allé au ciel. Le vieil esclave secoua la tête :

— Moi craindre Massa pas allé là-haut ! dit-il

— Mais pourquoi. Ben ? lui demanda-t-on.

— Parce que quand Massa devait aller en voyage, lui parlait longtemps et se préparait. Moi jamais entendre lui parler d'aller au ciel ; jamais voir lui se préparer pour cela.

Un grand nombre ne se préparent pas. Jésus nous enseigne à ne pas nous amasser des trésors sur la terre où la teigne et la rouille détruisent et où les voleurs dérobent et à nous amasser des trésors dans les cieux, où la teigne et la rouille ne gâtent rien et où les voleurs ne percent ni ne dérobent ; « car, ajoute-t-il, là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. »

Les trésors de nos cœurs.

On connaît bientôt quel est le trésor d'un homme. Au bout d'un quart d'heure d'entretien avec lui, vous pourrez comprendre si ses affections sont en bas ou en haut. Parlez à un patriote de son pays, vous verrez son regard s'enflammer parce que ce sujet l'intéresse vivement. Si vous causez avec un homme qui est dans les affaires, dites-lui où il pourra gagner une forte somme, et vous apercevrez que c'est là ce qui lui tient le plus à cœur ; c'est leur cœur qui vous écoutera avec attention. A des gens qui vivent dans le monde de la mode, parlez des modes du jour ; verrez aussitôt leurs yeux briller, leur intérêt captivé, leur cœur saisi. Abordez la politique un diplomate, le voilà tout à son affaire. quand vous parlerez de la patrie céleste à un enfant de Dieu qui a placé ses trésors dans le ciel, alors son enthousiasme s'allumera, car son trésor et son cœur sont en haut.

Souvenons-nous que c'est un commandement qui nous est donné d'amasser des trésors dans le ciel, un ordre tout aussi positif que de ne pas dérober. Quelques-uns se figurent que tous les commandements sont sur les tables de pierre écrites sur le Sinaï. Mais Jésus-Christ nous en a donné bien d'autres quand il était sur la terre :

« Cherchez premièrement, a-t-il dit, le royaume de Dieu et sa justice et toutes les autres choses vous seront données par-dessus. » — « Amassez-vous des trésors dans le ciel. » Si l'on rencontre tant de meurs brisés, tant de gens désappointés, c'est qu'ils ont amassé des trésors pour la terre.

Le docteur Arnot supposait ce qui suit pour montrer la vanité des richesses d'ici-bas. « Un navire chargé d'une colonie d'émigrants et entraîné à la dérive, a fait naufrage. Tous les passagers ont atteint une île déserte, éloignée de tout secours humain. L'océan les entoure, mais ils ont des provisions de vivres, une abondance de semences, un terrain fertile et un soleil vivifiant ; ils ne sont point en danger de mourir de faim. Mais voici qu'une bande d'explorateurs découvre une mine d'or ; toute la colonie s'y porte. Jour après jour ils fouillent péniblement et recueillent des monceaux du précieux minerai. Cependant le printemps est passé, pas un champ n'a été défriché, pas un grain de semence jeté en terre. L'été arrive ; leurs trésors augmentent et leurs provisions diminuent. En automne, ils reconnaissent l'inutilité de leur or, car la famine les regarde en face. Ils se hâtent d'abattre et de déraciner les arbres des bois, de labourer et de semer. Mais il est trop tard ! L'hiver est venu, le grain pourrit dans le sol et ils finissent par périr tous au sein de leurs amas d'or.... »

Notre terre est cette petite île et l'océan qui l'entoure c'est l'éternité ; nous avons été jetés sur cette plage. Nous pouvons obtenir une semence de vie, mais ce sont les mines d'or qui nous attirent. Nous y passons le printemps et l'été de notre courte existence ; l'hiver nous surprend au milieu de nos agitations et, comme nous ne possédons pas le vrai pain vivifiant, nous sommes perdus sans retour.... Nous, chrétiens, apprécions par-dessus tout la patrie où sont nos impérissables trésors.

Une leçon au tableau noir.

Il y a quelques années que me trouvant à San Francisco, je me rendis à une école du dimanche. Il pleuvait et il vint si peu d'enfants que le directeur pensait à les renvoyer. Il m'invita pourtant à parler à tous les élèves réunis. La leçon du jour était sur ce texte du sermon sur la montagne : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre où la teigne et la rouille détruisent et où les voleurs percent et dérobent. »

J'invitai un moniteur à venir au tableau noir pour étudier avec moi quelles sont les choses qu'on peut posséder sur la terre, en les comparant à celles du ciel.

— Nommez quelque trésor terrestre, dis-je aux enfants.

— L'or, répondirent toutes les voix.

— C'est cela ! Je suppose que l'or soit votre plus grand bien ici en Californie. Citez-m'en un autre.

— Des terres.

— Ecrivons : des   terres.   Que recherche-t-on encore de tout son cœur en ce pays ?

Des maisons, les plaisirs, l'honneur, la renommée.

— Ecrivez.

— Les affaires.

— Oui. Beaucoup de gens ne vivent que pour leurs affaires.

— La toilette, dit un autre d'un ton un peu effrayé. Toute l'école se mit à rire.

— Ecrivez encore, car je suis persuadé que bien des personnes dans le monde pensent plus à leur toilette qu'à quoi que ce soit. Elles ne vivent que pour cela. On me racontait l'histoire d'une jeune fille qui se mourait de consomption. Elle n'avait vécu que pour le monde et l'amour du monde avait pris entièrement possession de son cœur. Un jour qu'elle croyait de mourir, elle se fit friser les cheveux pour paraître plus belle dans son cercueil. Elle ne mourut pas, mais languit encore quelques jours désirant garder toujours ses cheveux frisés jusqu'à son dernier soupir. Ses amis trouvèrent qu'elle était fort belle dans son cercueil ! Oh ! que penser de ceux qui s'attachent à de pareilles choses ? Citez encore.

— Le rhum, dit une voix toute honteuse d'articuler un pareil mot.

— Oui, écrivez ! plus d'un homme pense avec plus de plaisir au carafon de rhum qu'au royaume de Dieu ; pour lui, il sacrifiera sa femme, le bonheur de son foyer, sa mère même, sa probité, sa réputation. Il semble dire par sa conduite : Donnez-moi du rhum et je vous abandonne le ciel et ses gloires ; je vous vendrai, pour en avoir, ma femme et mes enfants ; j'en ferai des mendiants, je les dégraderai, les déshonorerai pour une bouteille de rhum. C'est lui qui est mon trésor. Je l'adore ! — Et il tourne le dos au ciel et à toutes ses gloires.

Quand le petit garçon avait prononcé le mot rhum, plusieurs des enfants avaient cru qu'il s'était trompé et que ce n'était point là un trésor. Mais c'est un trésor pour des milliers.

Un autre dit :

— De beaux chevaux.

— Ecrivez ! car bien des gens font grand cas de leurs beaux chevaux ; ils s'en servent pour aller se promener le dimanche et profanent ainsi le jour du repos. Mes enfants, notons maintenant quelques-uns des biens célestes. Sur quoi la Parole nous dit-elle de placer nos affections ?

— Sur Jésus.

— C'est bien ! mettons ce nom en tête de là liste. Citez encore.

— Les anges.

— Nous vivrons dans leur société lorsque nous serons au ciel ; c'est bien réellement un trésor que nous avons là-haut. Quoi de plus ?

— Nos amis qui sont morts dans la foi.

— Notez ! La mort nous les a enlevés, mais bientôt nous serons auprès d'eux.

— Des couronnes.

— Oui, une de gloire, une de justice, des couronnes inflétrissables. Quoi encore ?

— L'arbre de vie.

— Nous y aurons droit ; nous cueillerons de son fruit pour vivre à jamais.

— Le fleuve de vie.

— Notez ! C'est sur les bords de ce fleuve d'eau pure que nous marcherons.

— Des harpes, des palmes.

— Très bien ! Nous aurons là-haut tous ces trésors-là.

— La sainteté.

— Oui. Rien de souillé n'entre au ciel. Nos robes blanches n'auront ni taches ni faux pli. On peut trouver bien des taches dans notre conduite ; mais bientôt Jésus nous présentera à son Père, sans tache ni ride ; nous serons parfaits en lui. Et encore ?

— Nous chanterons un cantique nouveau.

— C'est le cantique de Moïse et de l'Agneau. Je ne sais qui l'a composé, mais ce sera là un beau cantique. Nos chants d'ici-bas sont bien inférieurs à ceux de là-haut. Savez-vous quelle est la principale chose qui nous occupera dans le ciel ? Ce sera de chanter. Il faut donc chanter sur la terre, commencer maintenant afin que nous sachions le faire dans le ciel. J'ai compassion du chrétien dont le cœur ne chante pas ; il me semble qu'il devrait se réjouir. En arrivant dans le paradis, nous ne pourrons retenir nos voix de pousser les acclamations retentissantes qu'on entend dans les régions glorieuses.

Nous remplîmes deux colonnes de tout ce qu'il fallut écrire sur le tableau noir pour établir le contraste entre les trésors terrestres et les célestes ; à côté des biens que Christ nous a acquis, les terrestres nous parurent bien peu de chose. Que serait pour nous un monde rempli d'or en comparaison de Christ ! Vous qui aimez Christ, consentiriez-vous à vous en séparer pour de l'argent ? le renieriez-vous pour avoir les honneurs de la terre qui durent quelques années ? Pensez à Jésus ! pensez aux trésors du ciel ! et mettez les dans la balance à côté des biens d'ici-bas auxquels nos cœurs s'attachent si aisément et pour lesquels un si grand nombre vivent.

Dieu bénit étonnamment cette leçon, car le moniteur qui écrivait sur le tableau n'était pas converti ; l'argent était son idole, le dieu pour lequel il vivait. Il fut convaincu de péché à cette heure même ; ce fut la première âme que le Seigneur me donna sur cette côte de l'Océan pacifique, et cet homme fut le dernier qui me serra la main lorsque je quittai San Francisco. Il avait compris le vide des choses humaines et le prix des richesses glorieuses des cieux. Oh ! si Dieu voulait ouvrir vos yeux ! je suis sûr qu'il le fera si vous le lui demandez sincèrement, — il vous montrerait combien ce monde est vain en comparaison dés trésors célestes réservés pour vous.

Bien des chrétiens se demandent pourquoi ils ne progressent pas davantage dans la vie spirituelle, pourquoi ils ne s'élèvent pas plus haut ? Peut-être qu'ils ont trop de biens terrestres, quoiqu'il ne soit pas du tout nécessaire d'être riche pour y attacher son cœur. Notre cœur peut demeurer affectionné au monde sans que nous vivions comme tant d'autres dans le monde. Les inclinations de l'enfant prodigue avaient devancé ses pas dans le pays éloigné ; son cœur y était déjà avant son départ de la maison paternelle. Plusieurs qui ne participent pas aux choses du monde, le feraient s'ils en avaient l'occasion, car ils les aiment : Or Dieu regarde au cœur.

Nous devons obéir à la voix du Maître et nous amasser des trésors dans le ciel. Nous ne serons alors jamais désappointés.

Il est évident que les idolâtres n'entreront pas dans le royaume de Dieu. Je puis faire une idole de mon commerce , de la femme que Dieu m'a donnée, de mes enfants. Pour trouver ce péché là il n'est pas nécessaire d'aller chez les païens ; regardez autour de vous. Tout ce qui vient se placer entre Dieu et moi est une idole, oui, tout, et n'importe quoi ! Je fais bien de m'occuper de mes affaires et ne crains pas d'aimer trop ma famille si j'aime encore plus mon Sauveur ; mais le Sauveur doit avoir la première place dans mon cœur ; s'il ne l'a pas, c'est que j'ai une idole. Demandons que l'Esprit de Dieu les bannisse toutes de nos cœurs afin que nous ne soyons plus coupables d'idolâtrie.

Toute l'éternité pour nous reposer.

Nous avons des besoins profonds qui ne sont jamais entièrement satisfaits ici-bas ; nous aspirons après une connaissance sans limite, une paix complète, un amour infini. C'est là-haut que tous ces besoins recevront leur pleine satisfaction , et ce ne sera pas là une des moindres bénédictions célestes. Semblable à un beau portrait qui aurait été gâté, sali, puis restauré jusqu'à recouvrer sa première beauté, notre âme, lavée dans le sang de Jésus, retrouve sa primitive excellence. L'image insensible peinte sur une toile ne peut cependant guère se comparer à une âme vivante et intelligente.

Si maintenant nous pouvions voir ceux qui nous ont devancés dans les cieux tels qu'ils sont, nous serions peut-être tentés de nous jeter à leurs pieds. L'apôtre Jean avait déjà vu bien des choses merveilleuses et, cependant, lorsqu'un ange resplendissant de gloire se tint devant lui pour lui révéler de grands mystères, il se prosterna pour l'adorer ; mais l'ange lui dit aussitôt : « Garde toi de le faire ! Je suis ton compagnon de service et celui de tes frères les prophètes et de ceux qui gardent les paroles de ce Livre. Adore Dieu ! »

La soif de connaître est l'un des grands besoins qu'éprouve notre âme. Le péché, qui a affaibli nos facultés, n'a pu nous ôter ce désir-là. Mais l'homme, malgré tout ce qu'il croit savoir en fait d'astronomie, de chimie, de géologie et des autres sciences, n'a pu pénétrer encore tous les secrets de la nature. Il ignore tant de choses ! Des milliers d'astronomes ont vécu et sont morts, les siècles ont passé comme un fleuve , et ce n'est pourtant que depuis peu qu'on a découvert les deux satellites de la planète Mars. Peut-être un jour comprendra-t-on que ce ne sont pas des satellites du tout. Voilà où en sont la plupart des connaissances humaines.

Nos savants, dont plusieurs ont fouillé tous les domaines, désirent apprendre davantage et faire de nouvelles découvertes ; nous connaîtrions les étoiles du firmament aussi bien que notre terre, que nous ne serions pas encore satisfaits.

Tant que nous ne sommes pas devenus semblables à Dieu, il nous est impossible d'embrasser l'infini. La manière imparfaite dont notre foi nous révèle Dieu, ne fait que stimuler notre désir d'en savoir davantage : « Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, dit Paul (1Co 13.12), et d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face. Aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. »

Supposez que nous ne connaissions du soleil que la lumière réfléchie par la lune, de quel étonnement nous serions frappés en apprenant à quelle immense distance il est de nous, quelle est sa splendeur et son pouvoir vivifiant ! Or tout ce que nous voyons, le soleil, la lune, les étoiles, l'océan, la terre et surtout l'homme, n'est qu'un grand miroir où se réfléchissent imparfaitement les perfections de Dieu.

Nous avons aussi besoin de repos. Nous nous lassons d'un travail incessant, mais nous ne trouvons jamais sur la terre de vrai repos. Dans Hébreux (Heb 4.9-12) , nous lisons : « Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses œuvres comme Dieu s'est reposé des siennes. Efforçons-nous donc d'entrer dans ce repos , afin que personne ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance. »

Plusieurs personnes se trompent en se figurant que l'Eglise d'ici-bas est un lieu de repos. Quand elles deviennent membres de l'une d'elles , c'est avec de fausses idées de leur nouvelle position puisqu'elles croient s'y reposer. Un repos est réservé pour le peuple de Dieu, mais il n'est pas dit que ce soit dans une Eglise. Sur la terre il nous faut travailler, puis nous aurons toute l'éternité pour nous reposer. Quand notre œuvre sera terminée, le Seigneur nous rappellera dans la maison paternelle pour jouir de ce repos. Pourquoi parler de repos dans le pays de l'ennemi, dans un monde où le fils de Dieu fut crucifié et rejeté. Bien des chrétiens, je le crains, perdront leur récompense parce qu'ils se sont joints à une Eglise pour s'y reposer, au lieu d'employer toutes leurs énergies à édifier le royaume de Christ. Il est dit dans Apo 14.13 : « J'entendis une voix du ciel qui disait : Ecris : Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur ! Oui, dit l'Esprit, afin qu'ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent.

La mort peut nous priver de notre fortune, de notre position, de nos amis, mais elle ne peut nous enlever le travail que nous faisons pour Dieu et qui doit subsister à toujours. Il est écrit :

« Leurs œuvres les suivent ? » Oui, tout ce que nous accomplissons pour le Seigneur et pour nos semblables par de nobles motifs tout à fait désintéressés, demeurera ; c'est ainsi que notre privilège est de faire des œuvres qui continueront à vivre après que nous serons morts et oubliés des hommes. Nous pouvons, de cette manière, vivre encore plus dans l'avenir que dans le présent, et notre vie pourra avoir plus de valeur dans cinquante ou cent ans quelle n'en a aujourd'hui. L'influence de Wesley se fait sentir maintenant mieux que de son vivant. Il vit réellement encore dans ses enfants spirituels qu'on peut compter par milliers et par centaines de milliers. Martin Luther, après trois siècles, a plus d'action de nos jours que lorsqu'il réveilla l'Allemagne. Il ne vécut qu'un temps comparativement très court, mais il revit dans des milliers et des millions de gens ; aux yeux du monde il est mort, mais « ses œuvres le suivent. » Les enseignements de Jean-Baptiste retentissent aujourd'hui dans le monde entier après dix-neuf cents ans. Hérode croyait étouffer sa voix en le décapitant, mais cette voix s'élève encore ; le prophète vit toujours parce qu'il vécut pour Dieu ; il est entré dans son repos, mais ses œuvres le suivent.

Et si les bienheureux peuvent contempler d'en haut ce qui se passe sur la terre , quelle joie doit être la leur en voyant que des fleuves d'eau vive ont pris leur source par le moyen de leur vie et que leur œuvre continue après eux.

Un homme égoïste, qui vit terre à terre , descend-il dans la tombe , son nom et tout ce qui le concerne y descend après lui. Si, par ambition, il cherche à perpétuer sa mémoire, elle pourrit avec lui dans le sépulcre. Mais qu'un homme cesse de vivre pour lui-même et se mette à travailler pour Dieu, son nom vivra éternellement. En Ecosse et dans tous les coins du monde, vous retrouverez l'influence de Jean Knox ; il semble même que le souffle de ses prières traverse encore son pays, tant sa mémoire y est vivante. « Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ! Ils se reposent de leurs travaux et leurs œuvres les suivent ! » Bienheureux repos ! nous l'aurons bientôt ! mais il ne faut pas le chercher ici-bas.

L'Ecriture ne nous dit pas qu'au delà de la tombe nous pourrons essuyer les larmes des orphelins. C'est sur cette terre que je puis relever un homme tombé ; dans le monde à venir nous n'aurons pas le glorieux privilège de travailler pour notre Maître ; nous ignorons si nous aurons alors celui d'être ouvriers avec lui, tandis qu'ici-bas nous avons ce privilège. Il peut nous être ôté demain ; mais aujourd'hui, avant le coucher du soleil, avant d'entrer dans la gloire, nous pouvons aller et travailler dans la vigne du Seigneur.

Ici-bas nous avons besoin d'amour, mais au ciel seulement l'amour parfait sera possible ; il sera nécessairement réciproque. Chacun aimera tous ses frères ; tandis que dans ce monde de péché, il est impossible que nous vivions tous ensemble sur un pied de complète égalité. Nous n'avons pas grand'peine à aimer les personnes agréables et bonnes ; dans le ciel elles seront toutes ainsi. Nous ne craindrons pas de mal placer notre confiance et nous ne serons jamais déçus : dès que le doute ou le soupçon s'empare d'un cœur qui aime , son bonheur disparaît sur-le-champ ; mais là-haut le soupçon n'existera plus....

Ce qu'il te donne.

Sais-tu que ton Sauveur te donne
Plus qu'en Eden tu ne perdis.
Toute sa gloire sa couronne.
Son sang, son cœur, son paradis ?
Pour te monter jusqu'au ciel même
Il descendit dans les enfers,
Pour t'élever au rang suprême
Il ébranla tout l'univers.
Pour te ravir aux dents cruelles.
Son cœur s'ouvrit pour te cacher ;
Il prit tes douleurs éternelles,
A la mort il vint t'arracher...

Accepte et sa croix et sa gloire !
Un jour tu pourras voir Jésus.
Et triompher de sa victoire
Au ciel où l'on ne pleure plus...

Au ciel, plus de nuit, de détresse.
Au ciel, plus de mort, de douleurs !
Saints concerts et chants d'allégresse
Sortent brûlants de tous les cœurs.
Les anges voilés de leurs ailes,
Aux pieds du Sauveur prosternés,
Les élus, phalanges fidèles,
Autour du trône couronnés,
Tous sont heureux ! et ceux que j'aime,
A l'Agneau qui s'est immolé
Offrent aussi leur diadème.
D'un cœur pour jamais consolé !

Mais au milieu d'eux tous, plus beau que le ciel même,
Se tient mon Rédempteur ;
Près de lui le repos, la paix, l'amour suprême.
Et le parfait bonheur...

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