Échec à l’oppresseur

7. Quelques clefs du ministère de délivrance

Il aurait été possible — peut-être nécessaire — d’ajouter ici un chapitre qui aurait rappelé et mis en valeur ce que des sciences telles que la psychologie, la psychophysiologie, la parapsychologie, la psychiatrie, disent de l’homme utilement lorsqu’elles reconnaissent leurs limites 1. Car il serait aberrant de confondre ce qui est psychosomatique avec une manifestation démoniaque ou vice-versa.

1 Quand elles les ignorent, il y a tout lieu de craindre qu’elles contribuent à ne soigner finalement que le vieil homme.

L’image des clefs va nous rendre un double service. En effet, un trousseau est constitué d’un anneau servant de support et d’attache à des clefs.

L’anneau réunit ici un certain nombre de vérités premières dont le bref rappel évitera à nos lecteurs — nous l’espérons du moins — des confusions possibles lorsque nous entrerons dans la description du ministère pratique de la libération.

Quant aux clefs, nous n’avons pas la pensée d’en établir ici la liste exhaustive. Liberté est laissée d’en ajouter à celles que nous aurons retenues.

L’anneau

— Un corps, une âme, un esprit, voilà les trois constituants de l’homme, qu’il soit païen ou chrétien. La relation, la solidarité, l’interaction entre eux sont telles qu’hormis celle du corps physique, il est impossible d’établir une frontière certaine, délimitant chacun d’eux.

— Une autre limite est difficile à tracer : celle qui sépare le conscient du subconscient. Tous deux sont en relation avec notre être pensant, affectif, spirituel, imaginatif, moral, actif.

— Dans notre personnalité se manifestent :

— Mon inconscient m’appartient, même si j’ignore ce qu’il recèle. Je ne puis non plus me désolidariser de l’humanité et de la création auxquelles j’appartiens. J’ai part à leur existence présente comme à leur expérience passée (inconscient collectif).

— Les mécanismes constitutifs de l’unité de notre personne ne peuvent être décrits. Mais on ne saurait nier qu’une conversion — serait-elle l’œuvre d’une idéologie tel le Marxisme ou le pacifisme — par ses mécanismes agit sur toute la personne. De même, si notre esprit ne peut avoir connaissance immédiate de ce que recèle notre subconscient, nous éprouvons que les forces qui y sont à l’œuvre influencent nos pensées, nos sentiments, nos comportements et nos actions. Il y a cependant une différence fondamentale entre une conversion à Marx et une conversion à Jésus-Christ. Cette dernière est spécifique de trois manières :

  1. Le bouleversement qu’elle apporte, avant d’être opérationnel au niveau du mécanisme, est régénérateur de l’être tout entier. C’est une nouvelle vie qui entre en l’homme par le Saint-Esprit créateur. Les prophètes l’annonçaient : Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous 2.
  2. Le Saint-Esprit apporte à l’homme la certitude du pardon des péchés. Mais son pouvoir d’action et sa connaissance lui permettent aussi de sonder le subconscient et d’y apporter libération et guérison 3.
  3. Le Saint-Esprit rétablit l’être tout entier dans une profonde communion d’amour avec son Créateur 4.

2 Ezéchiel 36.26-27 ; cf. aussi Jérémie 31.31-34 ; Jean 1.4, 10-13 ; 2 Corinthiens 5.17 ; Tite 3.4-8.

3 Hébreux 4.12-13 ; cf. Romains 5.5, 11.

4 Ephésiens 2.4.

— Il n’est dit nulle part, dans l’Ecriture, que l’Esprit de Dieu habite naturellement dans l’homme dès sa naissance. Par contre, il est clairement dit que Dieu veut faire de tout homme le temple de son Esprit, avec toutes les conséquences résultant de cette habitation 5.

5 Ephésiens 1.4-14 ; Jacques 4.5 ; Actes 2.17, 21, 38-39.

— Il ne faut pas confondre occulte et caché ou non révélé. Nous n’avons pas immédiate connaissance de l’action de notre subconscient sur certains de nos comportements. Ceux-ci seraient-ils bizarres ou inquiétants, il serait insensé de les attribuer d’emblée à une origine occulte. Il y a donc deux sources possibles et cachées de nos actions et réactions : le subconscient qui nous est propre, l’occulte originellement extérieur à nous-mêmes, mais pouvant agir en nous spontanément (par hérédité, par suggestion) ou parce que nous l’aurions sollicité.

— Il y a des forces psychiques qui appartiennent au subconscient : le rayonnement, l’intuition, la télépathie avec son double mouvement de prémonition et de suggestion. L’occulte n’est pas à confondre avec ces forces et ces lois psychosomatiques mises en évidence par la parapsychologie.

— La frontière entre les forces psychiques subconscientes et les forces occultes n’est pas facile à établir. Elles peuvent agir de concert, partiellement ou totalement, et dans l’ignorance de la personne qui s’y prête. Certains voudraient expliquer les phénomènes occultes à partir de la seule parapsychologie. D’autres ramèneraient tout à l’occultisme. Cet exclusivisme ne rend pas compte de la réalité et fait obstacle, ou à la guérison, ou à la libération.

— Toute manifestation surnaturelle n’est pas nécessairement d’origine divine et ne saurait être saluée comme un antidote réjouissant contre le matérialisme ambiant. Les religions et l’occultisme ont beaucoup de miracles à leur actif. Moïse le savait bien. Les apôtres aussi 6 !

6 Exode 7.11-13 ; Matthieu 24.24.

— La présence et l’abondance de citations bibliques à l’appui d’une mystique ou d’une idéologie ne sont pas la preuve de leur inspiration chrétienne. De nombreux versets arrachés à la vérité scripturaire, comme feuilles mortes à l’arbre vivant qui les a portées, peuvent faire dans la main un impressionnant bouquet ou au sol un tapis moelleux. Le serpent peut s’y dissimuler d’autant mieux, et des pièges peuvent être d’autant mieux tendus sous les feuilles.

— Les mystiques étrangères à la vie de l’Esprit Saint, même farcies de versets bibliques, se reconnaissent à des signes connus. En dépit des apparences “nouvelles” qu’il se donne, le diable reste très fidèle à lui-même. Ce qu’il offre est de stricte auto-consommation. C’est toujours à usage interne ; et quand cela devient externe, c’est encore et finalement au bénéfice de la secte qu’il constitue. Son utilisation de l’Ecriture n’est pas au service de l’Ecriture, c’est-à-dire à la louange de Dieu et au bénéfice de tous, mais à la défense et à l’illustration de lui-même.

Les sept clefs

1. La foi

C’est presqu’une vérité de la Palisse que de la désigner comme clef numéro un d’un trousseau où, arbitrairement nous en compterons sept.

Ce qu’il faut rappeler, c’est que le pouvoir d’expulsion des démons n’est pas présenté dans l’Ecriture comme un charisme du Saint-Esprit tels les dons de guérison et d’opérer des miracles. L’évangile de Marc l’annonce comme un “signe accompagnant ceux qui auront cru” 7. Cette “simplification” est littéralement éprouvante. Il nous conviendrait que ce signe soit par exemple conjoint à nos titres ecclésiastiques — évangélistes, pasteurs, professeurs, diacres — à tel aspect flatteur de notre personnalité ou à tel don particulier. Mais non. Il tient à notre foi, et non à quelque chose qui serait extérieur à ce que nous sommes, en vérité et devant Dieu. Il se pourrait donc que les gens sans “titre”, sans apparente personnalité, voient ce signe accompagner leur foi, et que d’autres aient à s’interroger devant l’absence de ce signe.

7 Marc 16.17.

A vrai dire, la description de cette première clef pourrait à elle seule nous amener à écrire un livre ! Plus sagement, plus humblement aussi, nous ramènerons notre propos à ce qui suit.

Nul n’a jamais vu Dieu. Croire à son existence, répéter simplement ou savamment tout ce que l’Ecriture et ses commentateurs disent de lui, ce n’est pas encore avoir la foi. Dieu n’est “notre” Dieu que si nous le rencontrons personnellement. Du reste, cette même vérité est applicable à notre Adversaire. Sa liberté d’action à notre égard est en rapport direct avec notre communion avec lui, soit que nous consentions à son action en nous et de concert avec la nôtre, soit que dans notre refus de la Seigneurie du Christ nous nous conformions au monde dont il est le prince. Ce qu’enseigne Jésus : Votre père, c’est le diable, et vous avez la volonté de réaliser les désirs de votre père 8. Et l’apôtre Jacques en tire une juste exhortation : Soumettez-vous à Dieu ; mais résistez au diable, et il fuira loin de vous 9.

8 Jean 8.44.

9 Jacques 4.7.

Avoir la foi, c’est donc bien évidemment connaître Dieu, non pas en vertu d’une opinion que nous nous serions faite à son sujet. Non pas non plus en vertu d’une adhésion, même libre et intéressée, à un ensemble de dogmes chrétiens. Non pas, enfin, en vertu d’une appartenance même active à une dénomination ecclésiastique.

Avoir la foi, c’est avoir une communion personnelle avec le Christ de l’Evangile et avec son Eglise. Et ce n’est pas là formule gratuite. Quand cette foi est véritable, elle est l’expression — avec et sans parole — d’une expérience et du témoignage obligé qui l’accompagne :

Cette clé de la foi est donc la première en importance puisqu’elle est la vie du Christ en nous, la seule qui ait triomphé de l’Adversaire encore à l’œuvre au ciel et sur la terre. Car ce n’est pas nous qui libérons. Christ est libérateur ; nous ne sommes que ses serviteurs.

2. Le sang de Jésus

Cette clef-là a été souvent égarée au cours de l’histoire de l’Eglise. En effet, elle n’a de valeur qu’aux yeux de ceux qui tiennent l’Ecriture pour une Parole inspirée de Dieu. Que cette Parole soit quelquefois symbole ou parabole, l’Ecriture elle-même le laisse entendre. Ainsi du sang dans l’Ancienne Alliance. Dès la nuit de la Pâque qui vit précisément la libération du peuple d’Israël, cette ‘‘figure” du sang garde sa place constante et centrale dans le culte juif.

Selon l’enseignement de Moïse, “la vie d’une créature est dans le sang” et il est bien précisé : “Le sang procure l’absolution parce qu’il est la vie 10.”

10 Lévitique 17.11, 14.

L’épître aux Hébreux 11 nous dit que le sang était l’image momentanée d’une réalité future, efficace jusque dans le ciel. Cette même épître nous révèle que la substance même de cette réalité était le sang du Christ. Pourquoi le sang de Jésus? Dans notre création, tout est altérable et tout ce que l’homme, lui-même mortel, pourrait acquérir ou offrir ne change rien à cette corruption. Et l’Adversaire le sait bien qui pousse l’homme à l’idolâtrie de lui-même, de sa science, de sa sagesse et de ses œuvres.

11 Hébreux 8.5 ; 9.9, 23.

La venue du Christ, semblable à l’homme en toutes choses hormis le péché 12, sema la déroute dans le camp de l’Adversaire. D’où le combat qu’il mena contre Jésus. Contredire son message, défigurer son œuvre, c’était loin d’être suffisant. Il fallait s’attaquer à la personne du Christ.

12 Hébreux 4.15 ; 1 Pierre 2.22.

Il ameuta la foule, usa de moqueries, d’insultes, de mensonges. Cela restait encore inopérant. Il s’en prit alors à sa personne : crachats, fouet, épines, clous, coups de lance. Cette fois, cet homme était réellement mort. Oui, il l’était, mais cette mort réelle ne signifiait pas que Satan en ait disposé à sa guise et la lui ait infligée. Père, je remets mon esprit entre tes mains. A l’instant de mourir, Jésus ne laissait pas la mort, juste salaire du péché, agir en lui telle une victoire à mettre au compte de l’Ennemi. Ainsi qu’il l’avait librement décidé — en approbation de la justice divine — il offrait sa vie et sa mort en rançon du péché des hommes. De fait, Jean rapporte un détail significatif 13 : A son expiration, attestée par le coup de lance d’un soldat, son sang, substance de vie sans défaut et sans tache, s’écoulait avec de l’eau. C’était une libation agréée de Dieu et offerte pour le salut de toute créature. Au matin de Pâques, cette victoire de l’amour, accomplissant toute justice et absolvant le coupable, éclatait au grand jour. C’était la défaite définitive de l’Adversaire, accusateur et meurtrier.

13 Jean 19.34.

Encore faut-il apporter ici une importante précision, à défaut de laquelle l’Ennemi garderait sur nous ses droits. En effet, il n’a possibilité d’intervention que dans la mesure où nous lui offrirons, volontairement ou par ignorance, une porte d’accès puis un champ d’action.

Nés pécheurs, nous sommes assurés que le sang du Christ efface nos transgressions, nous libère à toujours de toute culpabilité. La grâce qui nous est faite nous autorise à dire en vérité que nous sommes justifiés. Mais, dans notre nouvelle condition de gracié, il en va de nous comme d’un homme en pleine santé. En son corps, son sang bien oxygéné tient en échec l’action possible de sa nature mortelle, pour autant également que protégé par sa peau sans blessure, il n’offre pas délibérément aux microbes la possibilité de l’infecter. Son état se modifierait rapidement s’il négligeait de soigner telle blessure accidentelle.

Le Christ nous appelle à la sanctification, au refus de tout mal, c’est-à-dire à la responsabilité non seulement de marcher par l’Esprit, mais de soigner nos blessures passées ou présentes. Or, nombreux sont les chrétiens qui laissent ces blessures ouvertes, quand ils ne les entretiennent pas par endurcissement, par faiblesse ou par lâcheté.

On peut dire que toute blessure non soignée, donc non guérie, est une porte ouverte à l’Ennemi, soit aussi une limite à l’action de l’Esprit. Et le diable est habile; il nous aveugle sur la réalité de telles blessures résultant de nos affrontements avec nous-mêmes ou avec le prochain ; il nous aveugle aussi sur les moyens de nous en débarrasser. Il n’est pas jusqu’au stoïcisme, jusqu’à l’oubli de soi, dont il usera pour nous mieux circonvenir. Paul avait raison de le combattre sur ce terrain-là 14.

14 Colossiens 2.23.

Gardons-nous enfin de faire de l’invocation au sang je ne sais quelle formule magique qui, parce que prononcée, nous donnerait de fausses garanties. Là encore les avertissements du Seigneur ne nous manquent pas 15. Et le pire aveuglement qui pourrait nous guetter serait :

15 Matthieu 7.21-23.

C’est pourquoi, se réclamer du sang de Jésus, c’est proclamer la Seigneurie de Jésus sur notre vie. C’est mettre entre l’Adversaire et nous une muraille infranchissable pour lui ; c’est donc lui arracher des mains toute possibilité de garder en nous quoi que ce soit qui nous mettrait sous sa dépendance.

Tous ceux qui pratiquent le ministère de la libération le savent bien : invoquer devant les démoniaques la puissance du sang de Jésus, c’est les jeter dans la panique, c’est provoquer leur colère, parfois même leurs cris d’horreur, c’est les débusquer dans leur repaire et les tenir à la merci de l’ordre d’expulsion qui va retentir.

3. La sainteté

Cette clef mérite examen, car elle aussi, dans l’histoire de l’Eglise, a connu de regrettables déformations. Il n’y a de sainteté que celle de Dieu. Ce que souligne l’Ecriture, au seuil même de l’histoire de la création : Au septième jour, Dieu sanctifia l’œuvre qu’il avait faite en s’y reposant 16. C’est la présence de Dieu qui rend saints les lieux et les personnes, et non les efforts d’un homme, fût-il un saint ! La sainteté, c’est ce que la sève est au sarment. C’est la présence de l’Esprit de Dieu en nous.

16 Genèse 2.3.

A deux reprises, Jésus nous exhorte à apprendre de lui. Cet apprentissage concerne la miséricorde (c’est une clef dont nous parlerons plus loin) et l’humilité : Apprenez de moi car je suis doux et humble de cœur 17.

17 Matthieu 11.29.

Si Jésus a pu dire du Prince de ce monde : Il n’a en moi aucune prise 18, c’est qu’en Jésus, il n’y a aucune trace de ce qui nous caractérise et fait de nous les complices de Satan. Un moi orgueilleux et revendicateur est sans rapport avec sa pensée, ses sentiments ou son activité, alors que ce moi est la disposition fondamentale, la substance sans cesse active et prioritaire de la nature du diable.

18 Jean 14.30.

Tous les vices des anges et des hommes déchus naissent et vivent de l’orgueil du moi… D’autre part, toutes les vertus d’une vie selon l’Esprit sont les vertus de l’humilité. Il n’est ni joie, ni gloire, ni louange dans:le ciel qui ne porte l’empreinte profonde de l’humilité. C’est l’humilité, elle seule, qui creuse entre le ciel et l’enfer l’abîme infranchissable qui les sépare. S’il y a des anges dans le ciel, c’est que l’humilité est leur vie même. S’il y a des démons dans l’enfer, c’est qu’un feu les dévore et que ce feu est le feu de l’orgueil. Il y a une lutte pour la vie éternelle. Elle n’est rien d’autre que le conflit entre l’humilité et l’orgueil. Tout le reste n’est qu’une troupe de forces subalternes. Les deux puissances maîtresses, les deux royaumes qui se disputent la possession éternelle de l’homme, ce sont l’humilité et l’orgueil 19.

19 William Law dans La puissance de l’Esprit, S. Delattre, éd. Privas.

C’est pourquoi aussi l’ordre est là, et c’est une exigence de sainteté : Soyez remplis de l’Esprit 20. Si nous ne nous connaissons pas toujours, l’Adversaire, lui, nous connaît bien. A l’heure du combat, il sait qu’il affaiblira notre offensive jusqu’à la rendre inopérante s’il a pu maintenir en nous ses postes de résistance qui s’appellent l’amour de soi, l’estime de soi, la recherche de soi, la sauvegarde et la mise en valeur de soi, avec tout ce que ces postes peuvent contenir de compromission, de désobéissance attristante, paralysante pour l’Esprit. Aussi, lorsque l’apôtre nous invite à ‘‘revêtir l’armure de Dieu pour être en état de tenir face aux manœuvres du diable” 21, la vérité est la première arme qu’il veut voir entre nos mains. Nous cacherions-nous à nous-mêmes nos faiblesses, les démons, eux, les repéreraient et trouveraient à s’y agripper. La vérité, c’est que Jésus est venu pour ôter le péché du monde et que “si nous confessons nos péchés, fidèle et juste comme il est, il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de toute iniquité” 22.

20 Ephésiens 5.18.

21 Ephésiens 6.11.

22 1 Jean 1.9.

Deux paroles entendues dans la bouche de démoniaques corroborent cette vérité. (Il faut les entendre comme des réflexions des démons eux-mêmes.) La puissance à laquelle nous ne pouvons nous opposer, c’est l’humilité combattant l’orgueil, la pureté combattant l’impudicité, c’est le pardon combattant la rancune… Nous fera céder celui-là seul qui, tenté par le feu de la tentation, ne s’y sera pas brûlé 23.

23 van Dam, opus cité, p. 233.

4. L’autorité

Obliger quelqu’un à déloger n’est possible que si notre parole et l’ordre d’obtempérer laissent clairement entendre que nous avons mandat et pouvoir d’exécution.

Faut-il le préciser : pour l’Adversaire, nos titres ecclésiastiques, notre stature ou le volume de notre voix n’ont rien d’impératif. Une seule autorité le fait céder : le nom du Seigneur. A condition, bien sûr, que le serviteur qui en appelle au nom de Jésus s’avère autorisé à s’en réclamer. L’Ennemi est trompeur maïs ne se laisse pas lui-même abuser 24. Autant il est vrai que la puissance d’action d’une personne peut s’exprimer par son nom, autant il va de soi que prononcer le nom de Jésus c’est tout simplement faire du bruit inutile si l’Esprit Saint ne ratifie pas, au travers de nous et en accord avec nous, l’autorité et la puissance de ce nom. Ce qu’en d’autres termes Jésus expliquait aux disciples indignés de voir à l’œuvre et au nom du Seigneur un homme qui chassait les démons et n’était pas du groupe des douze : Ne l’en empêchez pas, car il n’est personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt après parler mal de moi 25.

24 Actes 19.13-17.

25 Marc 9.39.

Interpeller l’Adversaire au nom du Seigneur, c’est confesser la Messianité de Jésus. C’est mener une action avec son approbation, c’est-à-dire aussi, en sa présence et avec son aide, assurée par l’Esprit Saint. Depuis l’Ascension, Jésus est Seigneur et l’Ennemi connaît bien, lui, les conséquences des paroles du Christ glorifié rapportées par Matthieu 26.

26 Matthieu 28.19-20.

5. Le glaive de l’Esprit

C’est la puissance sans laquelle l’autorité dont nous nous réclamons resterait inopérante. Et Paul nous en rappelle le métal précieux et incomparable, “la Parole de Dieu” 27. Dans le récit de la chute, c’est par une déformation, une contestation, une dévalorisation de la Parole divine que Satan amena l’homme à sa merci 28. Lors de la tentation, la liberté victorieuse du nouvel Adam s’affirma simplement par un inébranlable : Non, car il est écrit 29. Satan n’avait rien à répliquer. En effet, qui pouvait ajouter ou enlever à la Parole ? Devant Jésus, il ne lui restait plus qu’à mentir, en s’octroyant une souveraineté dont il ne disposait pas du tout. Il lui fit voir tous les royaumes de la terre et dit : “Je te donnerai tout ce pouvoir avec la gloire de ces royaumes parce que c’est à moi qu’il a été remis et que je le donne à qui je veux 30.”

27 Ephésiens 6.17.

28 Genèse 3.1-5.

29 Matthieu 4.4, 7, 10.

30 Luc 4.5-6.

Effronterie dévoilée à qui connaît la Parole 31. Jésus le dira à Pilate : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut 32. Du premier au dernier acte de sa vie, le Seigneur dénonce le mensonge de l’Adversaire qui s’attribue une liberté, une autorité, un pouvoir dont il ne dispose jamais, sinon sous la souveraineté du Dieu tout-puissant. C’est à rétablir cette souveraineté de la Parole dans l’esprit, le cœur, la vie de toutes les créatures que Jésus se consacra : Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma propre volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé 33. De fait, la puissance de son action contre toutes les forces du mal tient uniquement à ce profond accord entre ses actes et la volonté de Dieu 34. C’est également la seule force du serviteur. Et si Paul en fait le glaive de l’Esprit, c’est qu’il ne suffit pas — là encore — d’une mémoire exercée et d’une connaissance livresque. L’Ennemi est rusé. Lors de la tentation de Jésus, il usait lui aussi de la Parole adroitement séparée de son contexte et par là même déformée 35.

31 Deutéronome 32.8 ; Job 12.23 ; Daniel 2.21 ; 4.17, 25.

32 Jean 19.11.

33 Jean 6.38.

34 Marc 11.33 ; Jean 4.34 ; 5.19.

35 Cf. Matthieu 4.6 et Psaumes 91.11-16, surtout le verset 12.

Au cœur du combat, nous pourrions être inquiets de ne pas disposer de la parole appropriée à la situation : tantôt lumière éclatante, tantôt sagesse qui fait taire le contradicteur, tantôt réplique au mensonge de l’Ennemi, tantôt promesse, encouragement, appel à la volonté de celui qu’on veut délivrer, tantôt fulgurante puissance pour faire reculer l’Adversaire.

Le Christ, présent par l’Esprit, mettra dans notre bouche le glaive qui rétablira la vérité, coupera les liens de l’injustice, menacera, et finalement contraindra la puissance adverse à lâcher prise. L’Esprit peut nous révéler à l’instant propice la parole qui fait autorité. Mais il est nécessaire également de la connaître. Le Seigneur nous a confié le précieux dépôt de l’Ecriture inspirée. Il reconnaît pour ses serviteurs ceux qui, chaque matin, écoutent comme des disciples et, de ce fait, ont “une langue exercée” et des mains habiles à tenir le bouclier protégeant des flèches du Malin et à brandir l’épée qui le terrasse 36. On pense à la prophétie de Jean : Il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l’ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage… 37

36 Esaïe 50.4 ; Psaumes 18.35-41.

37 Apocalypse 12.10-11.

6. La prière

Peut-on imaginer que nous sachions faire usage des clefs jusqu’ici nommées sans que nous soyons éclairés, soutenus, fortifiés, en un mot vivifiés par la prière ? Dire qu’elle est aussi essentielle au combat que notre propre respiration l’est à notre vie, ce n’est pas encore, dans l’exercice d’un tel ministère, rendre compte de ce que signifie “prier”. Bien sûr, dans la bataille, un soldat respire, sinon il est littéralement hors combat ; mais il pourrait aussi respirer, voire s’époumoner en vain. Savoir au besoin retenir son souffle et au juste moment en user à fond, c’est l’art du combattant. Il y a aussi un bon usage de la prière, rappelé par l’apôtre. Il dit qu’on parvient au salut “en confessant de la bouche ce que l’on croit dans son cœur” 38. Dieu n’est pas sourd. Il sait même avant nous et mieux que nous la pensée de notre propre cœur. Dans la bataille qui conduit au salut et à la libération, ce sont les anges, nos serviteurs 39, et les Puissances adverses qui doivent entendre ce que nous croyons. Les premiers pour qu’ils s’engagent à nos côtés et nous soutiennent dans notre initiative et notre service 40. Les secondes, pour que la proclamation de notre foi ne leur laisse aucun doute quant à notre volonté arrêtée de rendre libres les personnes qu’elles aveuglent et asservissent. En l’occurence, cette prière est davantage une proclamation qu’une intercession. On pourrait même aller jusqu’à dire qu’elle est une évangélisation des Puissances et des Dominations. Elle leur déclare ce qu’elles refusent d’admettre : leur défaite à Golgotha, le prix payé pour la libération de tout homme, le mensonge de leur prétention à l’hégémonie, la vérité de la Parole, la souveraineté du Seigneur, leur impuissance à y contredire. Cette prière est en même temps une acclamation du Christ Seigneur dans la communion de l’Esprit Saint et en accord avec toutes les créatures célestes. Comme nous, elles sont heureuses de manifester qu’au ciel et sur la terre un seul est Roi à la droite du Père, et que devant lui tout genou doit fléchir, toute langue confesser que le Seigneur, c’est Jésus-Christ.

38 Romains 10.10.

39 Hébreux 1.14.

40 A cet égard, l’épisode raconté par Daniel 10.12-14 est significatif. De même que Matthieu 4.11.

Les démons ne supportent pas une telle prière. En paraphrasant une parole connue, on pourrait dire qu’elle leur ferme toute porte d’accès à nos personnes et-qu’elle leur ouvre bien large la porte par laquelle, sur notre ordre, ils seront chassés.

C’est l’expérience encourageante qui accompagne le ministère de la libération. Elle nous fait mieux comprendre la joyeuse découverte du psalmiste : Je m’écrie : ‘‘Loué soit l’Eternel”, et je suis délivré de mes ennemis 41. Mais une telle expérience peut être aussi éprouvante lorsqu’elle révèle la faiblesse, quelquefois aussi la pauvreté de notre prière et — en conséquence — l’inefficacité de notre combat. Cela nous aide alors à saisir l’importance de la prière selon l’Esprit.

41 Psaumes 18.4.

Cette prière ne requiert pas l’attention d’une intelligence attentive à la formulation mémorisée ou improvisée d’un credo efficace. Laissant l’intelligence occupée à d’autres aspects du combat, elle entraîne notre esprit — ce lieu très saint de notre personne — dans une communion profonde avec le Saint-Esprit. Il sait, lui, la langue des créatures célestes 42. Par notre bouche, il fait connaître alors aux Puissances et aux esprits méchants l’Evangile de la libération et l’impossibilité de le contredire ou d’y résister. Comparativement, si l’Ennemi apporte avec lui et partout où il se trouve quelque émanation de l’enfer, la prière selon l’Esprit est une émanation directe de la vie du royaume. C’est pourquoi elle est littéralement insupportable à l’Adversaire.

42 1 Corinthiens 13.1 ; 14.2.

De nombreux récits de libération l’attestent.

7. Le don du discernement des esprits

Dernière nommée dans notre liste, cette clef n’est certainement pas la moindre. A preuve, les libérations qu’opérait le Christ. Les évangiles ne nous le présentent jamais dans une relation avec autrui qui ait les tâtonnements de prudence, les craintes d’erreur ou de traumatisme que connaissent, par obligation, nos relations d’aide. Jésus ne s’interroge guère devant les malades qui lui sont présentés et, avant leur délivrance, ne poursuit pas avec eux de longs entretiens. Il va directement au but, connaît les pensées des cœurs, repère aussitôt la présence ou la pensée de l’Adversaire. En langage simplifié, on pourrait dire du Christ qu’il prend des “raccourcis”. C’est qu’il exerce à la perfection les dons de l’Esprit — don de connaissance, don de sagesse, don de foi, don d’opérer des miracles, don de guérison — mais parallèlement, quand ce n’est pas préalablement à ceux-ci, le don du discernement des esprits.

En effet, l’exercice du ministère nous rend dépendants de l’Esprit Saint dont l’assistance nous est assurée par le Seigneur 43. Cette assistance peut prendre la forme charismatique de ce “discernement des esprits”. C’est un don éminemment désirable. En cette fin de siècle, selon la prophétie de Jésus 44, nous baignons dans le faux prophétisme et les idéologies. Ajouté à cette confusion spirituelle, il y a un foisonnement de maladies psychiques, conséquence des bouleversements de la société. Dans le dialogue et dans l’aide apportée à autrui, il n’est pas aisé de discerner ce qui est la part de l’homme, ce qui demeure l’action de Dieu, et ce qui vient de l’Ennemi.

43 Jean 14.26 ; 16.13-15 ; Romains 8.14.

44 Matthieu 24.11.

Certes, face à cette situation, il peut y avoir un discernement fruit de l’étude, de la science et de l’expérience, et il n’est pas dans notre pensée d’en oublier l’importance. Cependant, il suffit d’évoquer les tâtonnements de la science, ses échecs — et cela en dépit de la pluralité des études, des méthodes, des écoles, des moyens de la pharmacologie moderne — pour comprendre que ce discernement-là ne suffit pas. Egalement et en conséquence, il faut être attentif, d’une part au désarroi grandissant de milliers de nos contemporains et, d’autre part, à l’impréparation de ceux qui, par vocation, avaient mission d’être la lumière du monde : les bergers des troupeaux et les gardiens de leurs frères. Nous avons à nous humilier de ce scandale : la rareté de la présence et de l’usage du don de discernement des esprits dans l’Eglise d’aujourd’hui.

Il n’est pas de notre propos d’expliquer les raisons de cette situation. Par contre, il nous appartient de supplier les chrétiens, conscients de leur responsabilité, d’aspirer à ce don, indispensable à la pratique du ministère de la libération. Ce que nous allons en dire n’est pas propre au seul don de discernement ; nous l’accompagnons de la richesse qu’apportent, en particulier, les dons de connaissance et de sagesse 45 :

45 En simplifiant, on pourrait dire que le don de connaissance au cœur d’une situation nous apporte le savoir, alors que le don de sagesse nous instruit, dans cette situation, quant au savoir faire. C’est l’occasion de préciser que les deux dons sont souvent conjoints au don de prophétie, et que ce dernier n’est pas à confondre avec une bonne prédication évangélique.

Après l’expulsion de l’Ennemi, le don de discernement permet de connaître si le terrain est réellement libéré et si, dans ce terrain, ne se dissimuleraient pas encore quelques esprits méchants. C’est là une sèche énumération. Elle n’a rien d’exhaustif. Elle aidera tout lecteur à saisir pourquoi il aurait à demander que, dans son Eglise, ce don soit manifesté.

A mains nues

La lecture d’un tel chapitre pourrait donner à entendre que le ministère de la libération est, en fin de compte, difficile, compliqué, redoutable, au point que tenir en main ce trousseau de clefs, ce serait déjà être un spécialiste. On en connaît trop bien la caricature 46. Aussi rejetons-nous un tel titre. Certes, il s’agit d’un ministère, c’est-à-dire aussi d’une tâche importante et délicate confiée par le Christ à son Eglise. Elle requiert donc une vocation précise et un équipement adéquat. Mais l’anneau et les sept clefs évoqués pourraient induire quelqu’un à penser que la disponibilité de l’une ou l’autre d’entre elles, ou même de l’ensemble, garantit un exercice correct de ce ministère. Cela n’est vrai qu’en partie.

46 Un spécialiste est un homme qui sait de plus en plus de choses sur un nombre de choses de plus en plus restreint, tellement qu’il finit par tout savoir sur rien du tout !

Tout ministère chrétien, dans le monde et dans l’Eglise, pour être approuvé de Dieu, doit rester un signe d’amour, c’est-à-dire — il est symptomatique qu’il faille prendre la précaution de le préciser — un signe de la compassion de Dieu. Celle-ci ne s’exerce jamais en laissant le patient dans une condition matérielle où il se ferait du mal à lui-même, où la libération opérée le laisserait aux prises avec une situation à même de l’asservir à nouveau. (Nous aurons à revenir sur la dimension sociologique d’un tel ministère.) Elle ne s’exercera pas non plus en laissant entendre au patient que l’intervention libératrice de Dieu lui donnera la possibilité de vivre dorénavant sans avoir à tenir compte de la volonté divine et salutaire.

Cependant, l’évocation de nos mains nues, en rapport avec la compassion de Dieu, est un rappel lui aussi salutaire à notre endroit. Avec toutes ses qualifications nécessaires, notre vocation ne nous permettra jamais d’avoir des gants: des gants de parvenus, de gens distingués et condescendants, de gens qui savent en face de gens qui ne savent pas !

Dans le cœur de Dieu, il n’y a en tout et pour tout que de l’amour pour le monde des pécheurs, seraient-ils remplis des pires démons. Nous avons, bien sûr, à haïr le mal, à refuser toute compromission avec l’esprit qui l’inspire ; mais, très vite, notre haine du péché, notre résistance au Malin, pourraient éclipser notre amour pour le pécheur, nous empêchant de l’écouter et de le comprendre.

Quelles pages tragiques l’Eglise n’a-t-elle pas laissé s’écrire, au compte de sa propre histoire, lorsqu’elle croyait rendre gloire à Dieu en brûlant les sorcières, en se débarrassant des démoniaques par l’internement ou la prison.

“L’amour parfait bannit la crainte”, est-il écrit 47. La peur est toujours un signe de l’amour de soi et de l’auto-défense qu’il suscite. Ce réflexe est instinctif. Mais l’instinct n’est pas la vérité, puisqu’il conduit non pas à aimer les autres, mais à nous protéger des autres, et par là, à rejeter les autres. Le comportement des contemporains du Christ envers les lépreux atteste que la connaissance, et même la foi capable de transporter les montagnes, peut tout ignorer de la charité. Aujourd’hui, le lépreux ne fait plus peur. Le démoniaque a pris sa place ; il apparaît encore plus redoutable à l’Eglise qu’à la société. Et la cause n’est pas difficile à entendre: la foi est considérée par les chrétiens, inconsciemment épris d’eux-mêmes, comme un moyen de se protéger du mal, de se garder purs, d’échapper au monde et à son Prince, alors que dans la souveraineté du Dieu qui nous sanctifie et nous libère, ils étaient appelés à être dépréoccupés d’eux-mêmes et à s’offrir au service de Dieu et des pécheurs.

47 1 Jean 4.18.

Comme le disait un des pateurs de Suisse romande engagé dans ce ministère de la libération 48 (je lui ai du reste emprunté le sous-titre de cette conclusion) : Je me souviendrai toujours de cet hôpital psychiatrique dirigé par un médecin qui faisait profession d’athéisme. Tout y était organisé au service du malade. Ni infirmière, ni médecin n’avaient le droit de porter la blouse blanche. Elle avait moins d’importance que la préoccupation de donner au malade la certitude qu’on était la pour lui. En aucun moment le malade ne devait avoir l’impression qu’il était devant un médecin, devant du personnel qui se prévalait de ses droits de médecin, d’infirmier, d’infirmière, pour mieux régenter le malade, pour mieux l’interniser, pour mieux le dévaloriser. Je n’ai jamais vu un hôpital où, mieux que dans celui-là, une équipe de collaborateurs avait compris ces choses, essayait d’être au service des autres et, à cette fin, renonçait à tout attribut de la puissance que donnent la science et ses certificats. Ces gens avaient renoncé à tout cela pour aborder des malades avec les mains nues…

48 Maurice Jeanneret, directeur de la Clinique la Rochelle à CH-2028 Vaumarcus, canton de Neuchâtel.

Aimer le monde, c’est, pour Dieu, lui sacrifier son Fils unique. C’est là le profond mystère de l’amour de Dieu. Par amour pour le monde souffrant, ce monde pécheur, ce monde d’hommes qui le renient, ce monde d’hommes qui crucifient son unique, Dieu donne son Fils. Il pense que cela en vaut la peine. Christ n’est donc pas venu dans ce monde de pécheurs pour prouver sa divinité, ou sa sainteté, ou la perfection de son amour. C’est l’inverse. Dieu est venu dans ce monde en faisant fi de sa divinité et de sa sainteté. Renonçant à sa divinité, il est venu pour être dans ce monde le plus petit, le plus pauvre. Et non pas le plus grand. Voilà son amour absolument désintéressé. Ce n’est pas pour prouver quoi que ce soit. C’est par amour pour les autres.

Ceci éclaire notre conclusion : sans la compassion, on ne peut véritablement entrer dans le ministère de libération. Avec la compassion, on est prêt à y entrer.

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