L’éternité ! une éternité de vie, voilà ce qu’il me faut ; rien de moins ! une existence d’un million de siècles sur le trône de l’univers ne suffirait pas à combler mes désirs, je n’en voudrais pas en échange de ma simple espérance d’immortalité. Tout ce qui finit m’épouvante. Je ne veux pas mourir ! et je sens que la vigueur de ma volonté est une révélation de toi, ô mon Créateur. M’aurais-tu donc trompé ? impossible ! Je dois vivre, je vivrai aux siècles des siècles et sans fin.
Mais, ô mon Dieu, ce désir si profondément gravé dans mon âme, n’est-il pas dans l’âme de mes frères ? Comment se fait-il donc que mes frères en parlent si rarement, et qu’ils vivent comme devant mourir pour toujours ? Hélas ! comme moi, ils y pensent et n’en parlent pas ; comme moi, ils désirent l’éternité et vivent en conséquence du néant. En m’entendant parler, et me voyant eux-mêmes agir, n’ont-ils pas pu se demander aussi si je croyais ? Sans doute, et je contribue à étendre le silence dont je me plains. Si je parlais et agissais plus en vue de toi, ô mon Dieu, les hommes me répondraient, et tous nous serions raffermis dans nos espérances. Combien de fois je me suis reproché de m’être tu ? Et lorsque j’ai rompu le silence, combien de fois j’ai trouvé une pensée religieuse, là même où je supposais un vide effrayant ! Cependant, plus tard, j’ai tenu ma bouche close ; personne n’a pu me répondre, et je m’étonne, à cette heure, que les manifestations de la foi soient si rares dans le monde ! Au lieu de m’en étonner, je devrais m’en accuser. Oui, ces créatures, comme moi misérables, espèrent une vie meilleure ; elles soupirent après ton pardon, elles se débattent contre le péché ; tout un monde moral s’agite dans leur sein, et témoigne de cette éternité dont j’ai si grand besoin.
Merci, Seigneur, merci pour ces rayons de ta lumière ; donne-moi de mieux les recueillir ; ouvres-y mes yeux ; que j’en sois inondé, et que ma langue, déliée par une foi puissante, crie à tous mes frères : L’éternité, l’éternité !