John Bunyan est maintenant une sorte de personnage national. Ses livres sont entre les mains de la multitude. Son autorité spirituelle est grande et douze ans de prison lui ont assuré un rayonnement plus certain.
Le chaudronnier est désormais pasteur. Mais il continue entre temps son métier : car il faut que la famille vive. Quand après sa mort on lira son testament, on le verra se donner encore le titre de chaudronnier : John Bunyan, brazier.
Il s'adonne à la cure d'âme et à la prédication. Il voyage beaucoup et visite les Eglises de sa communion, les fortifiant dans la foi. Naturellement, Il est plongé jusqu'au cou dans le courant religieux de son temps, et Il est grand controversiste devant l'Eternel. Sur quoi se bat-il ? — car Bunyan doit se battre. — Il défend avec férocité la doctrine de la justification par la Foi. Il ne peut admettre que le salut se trouve en lui de naturelle façon, dans quelque coin caché de son âme. Le souvenir de ses angoisses passées suffit pour lui rendre cette pensée seule Intolérable. « Qu'un homme soit aussi dévoué que possible à la loi et à la sainteté de la loi ; si cependant les principes sur lesquels il agit ne sont que les habitudes de son âme, la pureté — pense-t-il — de sa propre nature, les commandements de sa raison naturelle, les décrets de la nature humaine, tout cela n'est rien d'autre en définitive que le vieux gentleman dans ses habits du dimanche, le vieux cœur, le vieil esprit ; nous sommes en présence de l'esprit de l'homme, point de l'esprit de Christ ! »
Un certain Fowler lui répondit férocement dans un pamphlet dont le titre à lui seul donne le ton :
« L'ordure nettoyée » (Dirt wip'd off).
Mais Il eut à se livrer à des controverses plus pénibles avec des membres de sa propre communion, avec des Baptistes plus stricts, avec un certain Kiffin, entre autres, riche marchand et pasteur d'une « congrégation baptisée ». Bunyan était séparé d'un grand nombre de chrétiens de sa communion sur une question qui n'était pas peu Importante. C'était l'époque où un grand nombre de communautés baptistes s'étaient créées en Angleterre par leur séparation d'avec l'ensemble des Eglises congrégationalistes auxquelles elles avaient été attachées jusque-là.
9. Le pont de Bedford avec la prison où Bunyan resta douze ans.
(gravure ancienne)
10. Le pont de Bedford.
(état actuel)
La question qui avait amené la séparation était celle-ci : faut-il admettre, à la table de communion et dans l'Eglise, des chrétiens non baptisés ? Jusque-là, l'admission avait lieu sur profession de foi et après un vote de l'assemblée. Le baptême n'était pas un rite ecclésiastique, obligatoire, mais un acte d'obéissance personnelle.
John Bunyan avait été baptisé par Gifford dans l'Ouse, la rivière de Bedford. Mais il avait adopté les principes de l'Eglise de Bedford, - qui subsiste d'ailleurs jusqu'à ce jour telle que Gifford l'a fondée, - Eglise dont Il était maintenant le pasteur. Or, le principe d'admission dans cette communauté était large, tout en étant fermement et strictement évangélique : foi en Christ et sainteté de vie.
Leur doctrine était celle des Pères Pèlerins qui, quelques années plus tôt, en 1620, avaient quitté l'Angleterre sur le Mayflower, pour créer les colonies anglaises d'Amérique, destinées à devenir plus tard les Etats-Unis. Ils croyaient, disaient-ils, qu'une véritable Eglise de Jésus-Christ doit, autant qu'il est possible de s'en assurer, ne contenir que des chrétiens conscients et convaincus. Elle doit être dans un sens réel, le Corps de Christ, une maison du Roi, le Temple de Dieu en Esprit, une association volontaire de ceux qui ont été appelés, rachetés, sanctifiés par la grâce de Dieu, qui ouvertement confessent son nom et cherchent à marcher sur ses traces.
Lorsque John Bunyan entra dans le pastorat, une controverse faisait rage sur la question du baptême : controverse douloureuse pour Bunyan. Pris à partie sur la question du rite baptismal, Il en affirma la valeur mais se refusa à voir en lui une cause de séparation d'avec d'autres chrétiens. Méprise-t-il les rites institués par Dieu ? A Dieu ne plaise ! Ne sont-ils pas « des lettres d'amour » entre Dieu et l'homme ? Il demande tout simplement Qu'on les laisse dans leur juste perspective, et qu'on ne leur donne pas une importance exagérée.
Ses adversaires l'accusent d'être du Diable. Ils l'accusent « d'user d'arguments de Pédobaptistes ». Ici réapparaît le chaudronnier, et qui parle délicieusement. « Je vous le dis Ingénument, J'ignore ce que Pédo veut dire : alors, comment pourrai-je répondre à vos arguments ? »
Il subit de furieux assauts. Il en souffre affreusement. Mais il refuse de répondre raillerie pour raillerie. Il est, dit-il, baptiste, et il écrit comme tel, Il est « pour la communion des saints parce qu'ils sont saints », « Je le dis encore, montrez-moi un homme qui, manifestement, est croyant et marche avec Dieu, bien qu'il diffère de moi sur la question du baptême, les portes de l'Église lui sont ouvertes et tous nos privilèges d'origine céleste sont à sa disposition ».
Puis, le ton s'élève quelque peu violent, rugueux, un peu amer, du pur Bunyan. « Puisque vous voulez savoir par quel nom je voudrais être distingué des autres, je vous déclare que je voudrais être, et J'espère que je suis, un chrétien ; je choisis, si Dieu m'en estime digne, d'être appelé chrétien, croyant, ou de quelque autre nom approuvé par le Saint Esprit. Et quant à ces titres "Anabaptistes, d'Indépendants, de Presbytériens et autres du même genre, Je conclus Qu'ils ne viennent ni de Jérusalem, ni d'Antioche, mais de. l'Enfer et de Babylone, car Ils engendrent des divisions ».
Il faut prendre Bunyan tel qu'il est : à sa façon, une sorte de paysan du Danube.
John Bunyan est pasteur fidèle, berger des âmes, prédicateur fougueux. Son ministère lui apporte de grandes joies, quand les controverses lui laissent du répit et lui permettent de déposer son armure. Mais parfois, les grandes tempêtes. soufflent sur son âme et leurs violences le harassent.
En 1674 se place dans sa vie un épisode très dramatique, mélodramatique même. Une jeune fille du nom d'Agnès Beaumont, membre d'une congrégation dont il avait la charge, était courtisée par un homme de lot du pays, mondain et « Infidèle ». Sur une Intervention de Bunyan, le mariage échoua. Le pasteur s'était fait deux ennemis, le prétendant évincé et le père de la jeune fille. Celui-ci défendit formellement à sa fille d'assister désormais aux réunions de Bunyan.
Par une journée d'hiver, voulant cependant aller au prêche de Frère Bunyan, elle fut surprise par une tempête de neige. Un cavalier la rejoignit sur le chemin, qui n'était autre que le pasteur lui-même. Elle le supplia de la laisser monter en croupe. Il résista. Qu'allait dire son père ? N'allait-il pas être furieux 7 Elle insista tellement qu'il céda. Naturellement, on les rencontra et le père fut le premier averti. Quand elle rentra le soir, la jeune fille se vit refuser l'entrée de la maison et dut passer la nuit dam la grange grande ouverte, par un temps de forte gelée. Le lendemain enfin, elle fut admise chez son père, sur sa promesse de ne. plus aller aux services de Bunyan.
La nuit suivante, Beaumont fut frappé d'une attaque foudroyante et mourut. Le prétendant éconduit trouva ici sa vengeance toute prête. Il proclama dans le pays qu'Agnès avait empoisonné son père et que Bunyan avait fourni le poison.
La Jeune fille fut arrêtée. Bunyan avait beaucoup d'ennemis dans le pays. Une campagne de haine et de calomnie se déchaîna contre lui avec une violence rare. Il souffrit affreusement sous les morsures de la cabale. La jeune fille allait-elle être brûlée vive ainsi que l'ordonnait la loi 7 L'autopsie faite sur l'ordre du coroner la sauva heureusement et la mit hors de cause. Mais c'est Bunyan qui, maintenant, devient l'objet des attaques publiques. Ne dit-on pas « qu'il a deux femmes en même temps ? »
Il resserre son armure. L'agression est Insidieuse. Attaquer un prédicateur de l'Evangile dans son caractère moral, c'est le ruiner presque sûrement, même s'il est absolument pur de tout reproche. « Qu'ils essaient de prouver contre moi qu'il y a une femme quelconque sur la terre, dans le ciel ou en enfer, avec qui ils puissent dire que j'aie jamais, en aucun lieu, de jour ou de nuit, essayé seulement de me conduire mal ! »
John Bunyan, avons-nous dit, a beaucoup d'ennemis. Il y a Farry, l'homme de loi, le fiancé évincé. Il y a tous les libertins du pays, dénoncés continuellement par son inexorable éloquence. Il y a ceux de l'Eglise établie, souffrant dans leurs préjugés et dans leur orgueil de classe de voir un chaudronnier dans la Chaire de Vérité, sans qu'un évêque lui ait conféré des ordres... Toute la contrée est en ébullition et Bunyan est perpétuellement sous les armes. Il porte vaillamment l'épreuve, mais elle l'épuise.
Au surplus, toutes les ardeurs de sa nature combative sont éveillées, dressées, en tumulte. Il est en perpétuelle tension d'esprit. Frère Bunyan a besoin de repos ; une retraite spirituelle, dans la solitude, hors des pressions professionnelles, lui ferait grand bien. Puis, s'en rend-il compte seulement, Il vibre au prélude d'un nouvel essor libérateur, d'un essor créateur, tout près de l'épanouissement définitif.
Ces vacances nécessaires, la faveur du roi va les lui procurer.
En mars 1675, un mandat d'arrêt est lancé contre John Bunyan, chaudronnier, coupable d'avoir prêché et enseigné dans une réunion prohibée. Depuis 1673 en effet, la Déclaration d'Indulgence avait été rappelée par le Parlement. On fit d'ailleurs beaucoup d'honneur à Bunyan treize juges, pas un de moins, signèrent le mandat.
Il devait demeurer six mois en prison. Ce n'était plus la geôle du comté où il avait passé douze années de sa vie, de 1660 à 1672. C'était la prison de la ville, « la prison sur le pont » édifiée au dessus de l'arche centrale du pont jeté sur l'Ouse. C'est ici, dans les quatorze pieds carrés qui lui servaient d'appartement, que Bunyan eut le temps de rêver et de s'ennuyer. Et c'est ici, au dessus de la rivière, distrait à tout instant par le crissement des essieux, le piétinement des chevaux et les cris des piétons sur le pont, qu'il écrivit, par délassement et par pure récréation, la première partie du Voyage du Pèlerin, l'œuvre immortelle.
Il est certain qu'il ne pensait pas écrire un ouvrage important. Ce fut un simple passe-temps. Il laissa couler le récit de sa plume, tout naturellement, et de son cœur. Sans effort sans recherche. Aussi avons-nous ici dans cette prose magnifique, l'homme même, sans apprêt.
Déjà, avons-nous vu, Bunyan avait écrit en prison un ouvrage destiné à résister à l'usure des siècles, sa Confession, Grâce Surabondante. Mais alors, Il avait voulu faire œuvre littéraire, et, de fait, la grandeur et la noblesse du livre n'arrivent pas à cacher l'effort laborieux de l'écrivain.
Ici, c'est l'expression spontanée, immédiate, d'une âme transfigurée, régénérée et ordonnée selon la loi nouvelle. Ce n'est plus le chaos de la confession, mais la certitude joyeuse du chrétien qui sait. Toute la piété puritaine, toute la foi virile, ardente, conquérante du chaudronnier, foi éclatante mais riche pourtant en cicatrices, vestiges de blessures refermées, s'étale ici dans une épopée claironnante et délicate tout ensemble.
Le chef-d'œuvre est sorti tout armé de sa tête et de son cœur. Mais tout ce que nous savons du Bunyan qui a précédé cette apparition, nous convainc que l'expression pure et forte de cette foi rayonnante et pleine,- est le fruit d'un long travail d'âme, douloureux toujours, et souvent angoissé.
Toute sa pensée s'y trouve, coulée dans le moule de l'allégorie, « la meilleure Somme de Théologie Evangélique que je connaisse », devait dire Coleridge plus tard.
Toute la foi et toute la vie de John Bunyan, l'homme même, voilà l'œuvre. Elle devait acquérir au prisonnier, et certes bien sans qu'il l'ait recherchée, une gloire Impérissable destinée à aller sans cesse grandissant.
Cependant, alors que John Bunyan rêvait en prison et dialoguait avec les créations de son génie, Thomas, son père, achevait son pèlerinage. Il fit son testament à la façon traditionnelle des Bunyan, « léguant son âme aux mains du Tout-Puissant, espérant, par la mort méritoire et la passion de Jésus-Christ, son seul Sauveur et Rédempteur, recevoir le pardon de ses péchés », laissant « à son fils John un shilling », à son fils Thomas, à sa fille Mary, la même somme, et le reste à Anne sa femme « pour faire ce qu'il lui plaira de faire... »
Nous ne savons que fort peu de chose sur cet emprisonnement de six mois dans la geôle du pont, et nous Ignorons comment et à quelle date Bunyan en sortit. Il nous suffit de savoir qu'il marque l'entrée définitive de John Bunyan dans sa magnifique maturité.
Il reprend son pastorat, et aussi la plume et l'écritoire. En 1680 parait la Vie et la Mort de M. Badman (de Monsieur Méchant Homme) ; en 1682, la Sainte Guerre et en 1685, la seconde partie du Voyage du Pèlerin. Avec Grâce Surabondante, ces ouvrages constituent dans la masse des soixante livres et pamphlets que nous a laissés la plume féconde de John Bunyan, ceux qui ont traversé victorieusement la longue épreuve de la critique et trois siècles d'usage. Les autres ne se lisent plus guère.
On se demande comment, obligé de continuer à gagner sa vie par son travail de chaudronnier, tiré de tous côtés par les exigences sans cesse grandissantes de sa charge de pasteur, Bunyan a pu encore s'adonner au labeur d'écrivain. Il ne nous a laissé aucune indication sur ce sujet.
Il se révèle de plus en plus l'homme qui répond aux besoins et de son pays et de son Eglise. Les temps exigent, des chefs. spirituels, une grande foi et un grand courage. De nouveau, la Non Conformité est pourchassée. Les lieux de culte sont fermés. Comme en France, les prêches ont lieu au désert, dans la forêt, dans les maisons à plusieurs Issues, pour que l'évasion soit facile, le cas échéant.
L'Angleterre passe de convulsion en convulsion. Age sombre qui laisse dans l'esprit l'horreur et la stupeur. Partout, confusion, suspicion, grossières brutalités, flagellations publiques, fers rouges, pendaisons, décollations...
A ce moment se déroule le procès du grand vétéran du Dissent, Richard Baxter, âme brûlante, gigantesque, que porte mal un corps usé, faible et petit. Le juge Jeffreys, de sanglante mémoire, s'en donne à cœur joie. Il a une frénésie d'injure, de torture, et de sang. Les bourreaux suffisent à peine à la tâche.
A Charles Il a succédé le catholique Jacques II. La Terreur redouble, les boucheries aussi. Ce sont exécutions en masse, Ignobles étalages de meurtre. La populace s'en dégoûte à la fin, l'historien a hâte de tourner une autre page.
Bunyan est au désert. Il croît encore. L'ancien soldat de Fairfax a élargi son armure pour l'adapter à sa stature grandie. Il écrit ses Conseils à ceux qui souffrent. Il faut souffrir sans haine. Quand on accepte la souffrance sans calme, c'est l'indice qu'on serait persécuteur soi-même si l'occasion en était donnée. La vengeance est de la chair : le fruit de la peur !
« Je suis déterminé à tenir bon, en portant ma croix à la suite de Christ, même si ce faisant je dois arriver à la même fin que lui ». Celui qui est ainsi résolu est invincible. « Il est vainqueur, même s'il est tué. »
Aimez vos ennemis ! Voyez le bien là où les autres ne le découvrent point ! Laissez passer les Injures dont d'autres se vengeraient. Rendez le bien pour le mal ! « Apprends à avoir pitié de la condition de l'ennemi. Bénis Dieu de ce que tu n'es pas dans l'autre camp ! Fais cela, dis-je, même s'ils te prennent tout, ne te laissent que la chemise sur ton dos, la peau sur les os, ou un trou dans la terre pour t'y recevoir... Sois tranquille et si l'ennemi te frappe sur une joue, présente-lui l'autre ! Et et, aussi, il te maudit et t'insulte, Jette-toi à genoux et prie pour lui. C'est là le seul moyen de convaincre ceux qui t'observent ». Confie-toi en Dieu et agis selon sa volonté. Ici est la sécurité complète et éternelle.
Assurément, le Bunyan qui écrit et prêche ainsi au plus sombre de la persécution est définitivement libéré des antiques terreurs. Il a dépassé le puritain de Cromwell, bardé de fer et fanatique : Il est du peuple des Béatitudes. Il a retrouvé l'héroïque et virile foi du chrétien primitif. Bunyan est homme du Nouveau Testament.
John Bunyan est maintenant entré dans sa dernière étape. Il a une renommée qui dépasse les limites mêmes du royaume. Le Voyage du Pèlerin lui a valu cette rare faveur ; mais aussi son autorité de chef du Dissent. On l'appelle plaisamment Bishop Bunyan. Ce titre d'évêque ne l'effarouche pas. En bon anglais, il a le sens de l'humour. Mais son zèle Inlassable, sa puissance comme prédicateur, son solide bon sens et son parfait équilibre font de lui un chef écouté.
Pourtant, il est peu recherché par les autres chefs de la Non Conformité. C'est qu'il est inlassablement et passionnément, l'ennemi des sectaires et des esprits étroits. Sa vision de catholicité du Christianisme, au dessus des barrières si follement dressées par le sectarisme fanatique, enflamme toujours son enthousiasme et sa foi. Il semble d'ailleurs un instant qu'une sorte d'union de toutes les forces protestantes se réalise en Angleterre par la grâce de Jacques II, catholique et persécuteur. Paradoxalement, la Conformité, elle-même devient non conformiste, et voit sept de ses évêques prendre le chemin de la prison ! Les temps sont changés !
Pas pour longtemps. Guillaume d'Orange va débarquer en Angleterre et avec Jacques II en fuite, disparaît à jamais l'espoir d'une restauration du catholicisme romain en Angleterre. La longue tribulation est finie.
Mais déjà une nouvelle tombe va s'ouvrir au cimetière de Bunhill Fields.
A la fin de sa vie, John Bunyan est à l'aise. Ses livres lui rapportent. Une longue vie de frugalité et d'économies lui a permis de devenir propriétaire de sa maison. Il connaît, enfin, une heureuse vie de famille.
Il va souvent prêcher à Londres. Il réunit parfois jusqu'à trois mille personnes le dimanche ; et la semaine, l'hiver, à 7 h. du matin, parfois douze cents personnes, surtout des ouvriers, se réunissent pour entendre une conférence de celui qui est toujours le chaudronnier de Bedford. Owen disait qu'il aurait volontiers renoncé à toute sa science pour posséder la puissance de ce chaudronnier, dans la prédication.
En Angleterre, le Voyage du Pèlerin a déjà atteint onze éditions, et des traductions se vendent en France, dans les Flandres et en Hollande.
Il a soixante ans et il est exténué. Un Jour, alors qu'il est en route pour Londres où il doit prêcher, Il fait un long détour pour aller, bon pasteur, réconcilier un père et un fils. Il réussit dans sa mission. Mais une tempête le surprend alors que, cavalier solitaire, Il se hâte vers Londres. Trempé Jusqu'aux os, fouetté par la bourrasque, Il prend froid. Fiévreux, Il prêche quand même, mais doit se mettre au lit aussitôt après. Il ne s'en lèvera plus.
Son pèlerinage est fini. Le 31 août 1688, Il pénètre à son tour dans la Cité Céleste.