Anwoth, 13 janvier 1631
Chère et bien-aimée sœur,
Depuis que je vous ai quittée, j’ai pensé à l’orgueil et à la malice de vos adversaires, et vous avez lu trop souvent le livre des Psaumes pour vous étonner de leur méchanceté. Sans cesse les ennemis de David le harcelaient et disaient dans l’orgueil de leur cœur : « Le Seigneur n’en fera point d’enquête » (Psaumes 10.13). Je vous supplie au nom de Christ d’avoir toujours présente à votre esprit la patience de Jésus votre précurseur « qui, lorsqu’on lui disait des outrages, n’en rendait point, et qui, lorsqu’on le maltraitait, me faisait point de menace, mais se remettait à Celui qui juge justement » (1 Pierre 2.23).
Le corps de notre glorieux Sauveur et Rédempteur fut battu de verges, et Il le supporta avec patience ; une foule incrédule lui donna des soufflets, et il disait : « J’ai exposé mon corps à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe, je n’ai point caché mon visage pour éviter l’ignominie et les crachats » (Ésaïe 50.6). Imitez son exemple et ne croyez pas que ce soit une dure condition que d’être affligée avec Lui. Partagez les souffrances de Jésus et glorifiez-vous dans les blessures que vous recevez à cause de Lui.
Si cet orage était apaisé, il faudrait vous préparer à en subir un nouveau. Depuis cinq mille ans notre Seigneur a proclamé une guerre à mort entre la postérité de la femme et celle du serpent. Il ne faut donc pas s’étonner si une ville ne peut contenir tout à la fois les enfants de Dieu et ceux du démon, pas plus qu’une seule tente ne voyait la paix entre Isaac, l’héritier des promesses, et Ismaël, le fils de l’esclave. Appuyez-vous sur le côté percé du Christ, et ne vous inquiétez pas de la chair. Tenez-vous ferme à votre Sauveur, alors même que vous recevriez quelques soufflets ; encore un peu de temps et le méchant ne sera plus. « Nous sommes pressés de toutes les manières, mais nous ne sommes pas réduits à l’extrémité ; nous sommes persécutés, mais nous ne sommes pas abandonnés ; nous sommes abattus, mais nous ne sommes pas entièrement perdus » (2 Corinthiens 4.8-9). Possédez votre âme dans la patience et votre jour viendra.
Chère et estimable sœur, apprenez donc à vous diriger au sein de l’inquiétude. Quand la haine et les injures fondent sur vous, souvenez-vous du modèle que vous devez suivre. « Tout cela nous est arrivé et néanmoins nous ne t’avons point oublié et nous n’avons point violé ton alliance » (Psaumes 44.18). « Si ta loi n’eût été tout mon plaisir, j’eusse déjà succombé dans mon affliction » (Psaumes 119.92). Au sein de l’épreuve, gardez l’alliance de Dieu, gardez sa sainte Parole au dedans de vous et ne péchez pas. Fuyez la colère, la vengeance, l’animosité, l’envie, la mauvaise humeur. Faites grâce à votre pauvre servante des cent deniers qu’elle vous doit en vue des dix mille talents que vous devez à la grâce de votre Seigneur. Je vous assure en son saint nom que vos adversaires n’auront aucun avantage sur vous, à moins que vous n’offensiez votre Sauveur dans vos souffrances. La seule bonne manière de vaincre le péché, c’est d’user de beaucoup de patience, de pardon et de prières pour ses ennemis ; en agissant ainsi, vous amasserez des charbons de feu sur leurs têtes, et le Seigneur vous ouvrira une porte de salut à l’heure de la détresse. Attendez-Le avec la même ardeur que la sentinelle de nuit attend l’aurore. Il ne tardera pas. Montez au haut de la tour de garde et n’en redescendez que par la prière, la foi et l’espérance. Quand la mer est pleine, la marée monte ; quand les méchants ont atteint le sommet de leur orgueil, il faut bien qu’il se fasse un changement en eux.
Souvenez-vous de Sion, ses ennemis sont nombreux, ils la serrent de près : « Mais ils ne connaissent pas les pensées de l’Éternel, et ils ne comprennent pas que son dessein est de les assembler comme on assemble des gerbes dans l’aire. Lève-toi, et foule, fille de Sion » (Michée 4.12-13). Dieu a rassemblé ses ennemis comme on assemble des gerbes dans l’aire. Attendons et confions-nous en ses promesses. J’ai confiance au Seigneur que votre foi vous donnera la force de marcher avec assurance, vous sentant forte de sa force. Votre route plantée de croix est celle du ciel. Mieux vaut vous en réjouir que si vous portiez une couronne d’or. Réjouissez-vous aussi d’endurer des reproches pour le nom de Christ. Je finis en recommandant vous et les vôtres à la grâce et à la miséricorde éternelle de Dieu.