Hudson Taylor

DEUXIÈME PARTIE
Les années de préparation (Barnsley et Hull)
1850-1852
(de dix-sept à vingt ans)

CHAPITRE 8
Il ne refuse aucun bien
1850-1851
(de dix-sept ans et demi à dix-neuf ans)

La vocation missionnaire d'Hudson Taylor devait subir encore d'autres épreuves, d'une nature bien différente. Un autre sacrifice allait lui être demandé, le plus dur sans doute que l'on puisse demander à un jeune homme. La tentation se présenta sous la forme de sentiments si naturels qu'il semblait impossible de les croire contraires à la volonté de Dieu. Pourtant, s'il avait cédé, ils l'auraient écarté de la Chine et auraient empêché la réalisation du plan de Dieu à son égard.

Anticipons sur les événements et disons tout de suite qu'il s'agissait d'un premier amour, sérieux et passionné. Aux vacances de Noël 1849, Amélie avait invité son professeur de musique, une jeune fille à laquelle elle s'était beaucoup attachée. Hudson fut heureux de revoir sa sœur et de prier avec elle. Il n'y avait personne avec qui il pût s'entretenir aussi librement de la joie qu'il venait de retrouver et de l'appel qu'il avait entendu.

Lorsqu'Amélie s'aperçut que quelqu'un d'autre commençait à prendre la première place dans l'affection de son frère, elle s'en réjouit, sans aucun égoïsme. Sa vie au loin ne serait plus si solitaire, pensait-elle. Mais Hudson Taylor vit des difficultés devant lui. A vrai dire, il ne lui était pas venu à l'esprit que celle qu'il aimait put ne pas être qualifiée pour la vie qu'il espérait vivre en Chine. Mlle V. était chrétienne, méthodiste ; c'était une jeune fille charmante et douée, et ses talents musicaux rendaient sa société très agréable. Elle se plaisait chez ses nouveaux amis et s'était particulièrement attachée au fils de la maison. Elle partageait dans une certaine mesure son enthousiasme pour la Chine, mais elle l'eût volontiers freiné.

Il ne s'en rendait naturellement pas compte alors, et les difficultés qui l'arrêtaient venaient de l'incertitude de sa position et de l'impossibilité matérielle où il était de fonder une famille. Il n'avait aucune idée de la manière dont il vivrait en Chine. Il ne connaissait aucune société qui envoyât des hommes non officiellement consacrés, sauf peut-être la Chinese Association ; mais celle-ci tomba dans de graves difficultés financières et il semblait douteux qu'elle pût continuer d'exister. L'échec de la mission du Dr Gutzlaff avait diminué sensiblement l'intérêt que l'on portait à ce pays. Il était à craindre qu'il ne dût y aller à ses frais et, par la foi seule, en comptant sur le Seigneur qui l'envoyait. Cela excluait toute idée de mariage, pour longtemps en tout cas, et un autre pourrait, se disait-il, gagner le cœur de celle qu'il aimait.

Toute l'année qui suivit fut pour lui pleine d'indécision et de souffrance, mais sa vie spirituelle allait s'approfondissant. Ce n'était pas tant encore une lutte entre l'amour et le devoir, comme ce devait être finalement le cas, qu'un conflit entre la foi et la crainte. Il savait que Dieu ne refuse aucun bien (Ps. 84.12). Serait-ce vrai ? se demandait-il. Assurément ce qu'il souhaitait était bon, mais comment cela serait-il réalisable ? Pouvait-il tout remettre entre les mains de Dieu et, simplement, avoir confiance ?

Il s'ouvrait à Amélie de tous ces problèmes, et cette correspondance toute spontanée d'un jeune homme de dix-huit ans avec sa sœur plus jeune est singulièrement intéressante.

Chère Amélie, lui écrivait-il en septembre 1850, souviens-toi de moi dans toutes tes prières. Je n'ai jamais senti un aussi grand besoin de veiller et de prier qu'à présent. Dieu soit loué, je sais que le sang de Jésus purifie de tout péché, mais je sens ma propre faiblesse, mon propre néant. Sans Son secours, je ne puis rester debout un moment ; aussi, je regarde au Fort pour recevoir la force ; et si celui qui se confie en l'homme est désappointé, je sais que tous ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur sont heureux. Je réalise cette bénédiction. Je sens que je puis me confier en Lui pour tout ce qui me concerne. Je Le loue pour le passé et je me confie en Lui pour l'avenir. Il a promis de ne refuser aucun bien à ceux qui marchent dans l'intégrité. Je L'aime et suis décidé à me consacrer, corps, âme et esprit, à Son œuvre.

Mon désir d'aller en Chine est plus fort que jamais. Ce pays est l'objet incessant de mes pensées.

Songe à ceci : trois cent soixante millions d'âmes sans Dieu et sans espérance dans ce monde ! Pense que dans ce vaste pays, plus de douze millions de nos semblables meurent chaque année sans les consolations de l'Évangile ! Barnsley a seulement quinze mille habitants. Imagine-toi ce que ce serait si tous mouraient en l'espace de douze mois. Et cependant, en Chine, des centaines de personnes meurent, année après année, pour une seule à Barnsley. Pauvre Chine, si négligée ! Personne, pour ainsi dire, ne s'en occupe, et cet immense pays, qui comprend presque le quart de la race humaine, est laissé dans l'ignorance et les ténèbres. Oh ! prie pour moi, chère Amélie, afin que je possède une plus grande mesure de l'Esprit de Christ, que je sois conduit en tout par Son Esprit et rendu très utile. Prie pour que Dieu soit glorifié, et attends une réponse. Prie pour la Chine.

Tu me dis d'abandonner tout entre les mains de Dieu. Tu as raison. « L'Éternel Dieu est un soleil et un bouclier : l'Éternel donne la grâce et la gloire, Il ne refuse aucun bien à ceux qui marchent dans l'intégrité. » Mais souvenons-nous de Sa propre parole : « Voici encore sur quoi je me laisserai fléchir par la maison d'Israël, voici ce que je ferai pour eux. » (Ezéchiel 36.37.) Prions et remettons tout avec confiance entre les mains de Dieu notre Père. J'ai prié et je sais avec certitude que je puis me confier en Dieu. Il fera bien toutes choses. Il sait ce qui est le meilleur, et nous devons apprendre à accepter Sa volonté, qui est bonne, agréable et parfaite.

À cette époque, Hudson Taylor était fort occupé. Il se levait de très bonne heure chaque jour pour étudier. Le latin, le grec, la théologie et la médecine remplissaient chaque instant libre. Le dimanche, il avait des occasions de s'occuper des autres. Comme il partageait sa chambre avec son cousin, il lui était difficile d'être seul pour se recueillir.

C'est pourquoi, écrit-il à sa sœur, je me réfugie dans l'atelier, à l'écurie, n'importe où, pour être seul avec Dieu. Quels moments précieux je passe ! Fais ton possible pour demeurer en Jésus. Et si tu succombes à la tentation, humilie-toi devant Dieu. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. » (1 Jean 1.9.) Nous ne pouvons être parfaits comme les anges qui n'ont jamais péché, ni comme Adam avant la chute. Le péché a eu et aura toujours puissance sur nous si nous ne regardons pas au Seigneur pour recevoir la force. Cependant, tout souillés que nous sommes par nature, nous pouvons être rendus purs de cœur par le précieux sang de Jésus. Lavés dans son sang, nous sommes même plus blancs que la neige. Mais ce doit être une purification constante. Nous avons besoin de la grâce à chaque moment. Oh ! cherche-là, lutte pour l'obtenir, et que Dieu te bénisse en t'accordant un cœur pur pour l'amour de Christ.

Il écrivait de nouveau à sa sœur en novembre 1850 :

Tu me conseillais dans ta dernière lettre d'écrire à la Chinese Association et de demander s'ils m'enverraient comme missionnaire marié. Tu m'excuseras de n'être pas de ton avis. Je pense que cela suffirait à les mettre en garde. Ils concluraient naturellement que je veux me marier alors que je n'ai aucune ressource, et que je souhaite qu'ils me mettent à l'abri des conséquences d'une pareille conduite. Je ne leur écrirai pas pour le moment.

Je n'ai pas la moindre idée de la manière dont j'irai en Chine ; mais ce que je sais, c'est que j'irai, seul ou marié... Je sais que Dieu m'a appelé à cette œuvre, et Il me fournira les moyens... Il n'est pas raisonnable de supposer que Mlle V. voudrait aller dans un pays lointain pour y souffrir de la faim. Je l'aime trop pour souhaiter cela... Tu sais que je ne possède rien, que je n'ai aucune espérance (financièrement, s'entend). Je ne peux donc pas m'engager, dans les circonstances actuelles. Je ne veux pas nier que cela m'afflige beaucoup. Mais mon Père sait ce qui vaut le mieux pour moi. « Il ne me refuse aucun bien. » Je dois vivre par la foi, m'attacher à la foi, à la foi toute simple, et Il arrangera toutes choses.

Ne crois pas que je sois froid ou indifférent. Mais que puis-je faire ? Je l'aime. Partir sans elle, quelle souffrance Mais je ne peux l'amener à désirer d'aller en Chine. Prie pour moi Que Dieu me bénisse et m'aide à me confier pleinement en Lui !

Avec ces préoccupations, l'hiver passa lentement et le début du printemps fit faire à Hudson Taylor un premier pas vers la Chine. Plus d'un an s'était écoulé depuis qu'il avait compris le plan de Dieu et il sentait maintenant la nécessité de se préparer d'une façon plus précise pour son œuvre. Cinq ans de travail avec son père lui avaient appris l'usage des remèdes et même la préparation des ordonnances. Il lui fallait toujours gagner sa vie ; mais il lui semblait que, comme aide d'un médecin, il pourrait plus aisément faire avancer ses études.

Peu après, il eut l'occasion d'écrire de nouveau à M. Pearse, à Londres. Sa lettre mérite d'être citée, car elle montre le soin qu'il prenait des détails et sa fidélité en ce qui concernait les fonds, même minimes, donnés pour l'œuvre de Dieu.

M. Georges Pearse,

Barnsley, le 31 mars 1851.

Cher Monsieur, Mon long silence vous fait croire sans doute que j'ai oublié la Chinese Association et que je n'ai pas ses intérêts à cœur. Ce n'est pas le cas, bien que, par suite de surcroît de travail, je n'aie pu y consacrer l'attention qu'elle mérite. J'ai recueilli un peu plus de deux livres sterling. Dites-moi, s'il vous plaît, comment je dois vous les faire parvenir. Si je les envoie par mandat postal, les frais s'élèveront à six pence. Mais je puis les faire verser à votre crédit dans une banque de Londres pour deux ou trois pence. Entre temps je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour gagner de nouveaux souscripteurs, car les intérêts de la Chine me tiennent fortement à cœur. Puissé-je être qualifié pour entrer dans cette grande œuvre. Excusez ma hâte et croyez-moi bien à vous en notre Seigneur ressuscité.

J. HUDSON TAYLOR.

Si M. Pearse avait répondu que l'argent pouvait être expédié par mandat postal, vu que la différence de deux ou trois pence était minime, on peut se demander s'il aurait encore entendu parler d'Hudson Taylor. Car, pour ce dernier, chaque penny était un dépôt qui devait être utilisé pour le Maître. Plus tard, il disait fréquemment : « Une petite chose est une petite chose, mais la fidélité dans les petites choses est une très grande chose. » Mais M. Pearse apprécia sa demande et répondit en lui désignant une banque par les soins de laquelle les fonds pouvaient être virés. Hudson Taylor lui fit savoir alors :

... J'ai versé par notre banquier, ici, deux livres et cinq shillings, pour le crédit de votre compte chez MM. Jones, Lloyd et Co, selon vos instructions. Vous les recevrez lundi. Veuillez me fournir une quittance que je puisse montrer aux donateurs comme justification. Avez-vous un rapport ou une autre publication parlant du travail accompli par votre société et indiquant l'emploi ides fonds reçus ? Voici la liste des donateurs. Les dons sont modestes, mais je suis sûr que, lorsque votre société sera mieux connue, je pourrai faire davantage.

Le champ est vaste, à la vérité, et les moyens employés maintenant pour le cultiver paraissent très insuffisants. Mais... ce n'est pas « par force ou par puissance », mais par le travail du Saint-Esprit seulement, que du bien peut être accompli. Dieu emploie souvent les choses faibles de ce monde pour confondre les fortes. Lui et Lui seul peut susciter et qualifier des ouvriers, et bénir ceux qui sont déjà à l'œuvre.

Je me sens voué au travail missionnaire en Chine par obéissance, je le crois, à Son appel. Pour le moment, j'étudie la médecine et la chirurgie afin d'être plus utile et de subvenir peut-être à mon entretien, une fois que je serai là-bas. Cependant, je laisse ceci entre Ses mains, croyant que si je cherche d'abord le royaume de Dieu et sa justice, toutes ces choses me seront données « par-dessus », selon Sa promesse. Toutes les suggestions que vous pourriez me faire quant aux moyens propres à faire avancer la cause de la Chine ou à me préparer pour être plus utile seront reçues avec gratitude par

Votre dévoué en notre Seigneur ressuscité :

J. HUDSON TAYLOR.

M. Pearse fut intéressé. Il semble avoir consulté son comité et écrit en donnant à entendre que la société serait disposée à l'aider à payer des études de médecine si elle estimait qu'il était apte à devenir missionnaire en Chine. Cette lettre, avec les questions qu'elle contenait sur ses opinions religieuses, son éducation, etc., provoqua la réponse qu'on va lire. Quoique longue, elle est donnée en entier, car elle révèle l'esprit qui animait Hudson Taylor, un esprit digne, indépendant et humble.

M. Georges Pearse,

Barnsley, le 25 avril 1851.

Cher Monsieur, Par suite d'un surcroît de travail, je n'ai pu accuser réception plus tôt de vos aimables lettres des 17 et 21 courant. Je regrette d'avoir omis, dans ma hâte, de joindre la liste des donateurs. La voici.

Je vous remercie de m'avoir indiqué l'ouvrage sur la Chine. Je vais tâcher de me le procurer. Et je suis reconnaissant à votre comité de son amabilité de me promettre l'entrée dans un hôpital de Londres et l'accès à des cours. Je crains toutefois de ne pouvoir profiter de ces privilèges, car je n'ai pas les moyens de subvenir à mon entretien à Londres et je ne pourrais trouver une situation me laissant suffisamment de temps pour étudier.

Je cherche en ce moment un emploi chez un chirurgien car je crois que cela me donnerait de meilleures occasions d'acquérir des connaissances en médecine et en chirurgie. Mon occupation actuelle est peut-être favorable, surtout en ce qui concerne les possibilités de se développer soi-même. Elle consiste principalement à faire des ordonnances et à préparer les remèdes. De plus, j'ai le privilège de pouvoir lire lorsque le travail est terminé. Mais le nombre des traités d'anatomie et autres volumes de ce genre que je pourrais me procurer est bien petit, et les prix sont si élevés que beaucoup sont tout à fait hors de mes moyens. Ainsi, outre le bénéfice pratique que je retirerais d'un stage en chirurgie, l'assimilation de la théorie me serait facilitée.

Comme vous avez la bonté de vous intéresser à moi, je voudrais vous expliquer les motifs qui me font penser que je suis appelé à l'œuvre d'évangélisation en Chine.

Depuis mon enfance j'ai senti les appels du Saint-Esprit et, à l'âge de quatorze ans environ, j'ai donné mon cœur à Dieu. Six mois plus tard, j'entrai dans une banque comme employé et y restai neuf mois. Je dus quitter cet emploi, souffrant des yeux pour avoir beaucoup travaillé à la lumière artificielle. Mes camarades étaient mondains et parlaient rarement de la religion sans moqueries. Je commençai à donner une trop grande importance aux choses de la terre et à négliger la prière personnelle. Les devoirs religieux devinrent ennuyeux et je déchus de la grâce. Mais Dieu, dans Son infinie miséricorde, permit cette maladie des yeux et je fus obligé de quitter la banque.

Je demeurai dans cet état d'indifférence religieuse jusqu'en juin 1849. À ce moment-là, il plut à Dieu de ni convaincre, par le moyen d'un traité laissé fortuitement par un de mes amis, de l'état coupable et dangereux dans lequel je me trouvais. C'était assurément une réponse aux prières de mes parents et de ma sœur. Celle-ci avait même écrit dans son journal, un mois ou deux auparavant, qu'elle ne cesserait de prier jusqu'à ce que je sois sauvé et qu'elle avait l'assurance de voir ses prières exaucées avant qu'il fût longtemps. Je remercie Dieu car, par Sa grâce, je n'ai pas eu de repos jusqu'à ce que j'eusse trouvé la paix avec Lui par notre Seigneur Jésus-Christ. Peu après, il Lui plut de nouveau de faire luire Sa face sur moi, et je pus, par la foi, m'approprier la vertu de Son expiation.

Mais, vers Noël 1849, je suis navré de devoir le dire, je commençai à me relâcher dans mes devoirs les plus élémentaires, malgré tout l'amour que le Sauveur m'avait témoigné. Une sorte de léthargie spirituelle m'envahissait. Je ne jouissais plus, comme auparavant, de la communion avec Dieu et je sentais que quelque chose n'allait pas, à un point tel que je craignis de déchoir de la grâce et d'être finalement rejeté. Avec instance je criai à Dieu en Le suppliant de me montrer ce qui me retenait et d'enlever les obstacles, Lui promettant, s'Il voulait me délivrer complètement, que je ferais n'importe quoi pour Lui.

Jamais je n'oublierai ce que je ressentis alors. Les mots ne peuvent le décrire. Je sentis que j'étais dans la présence même de Dieu, faisant alliance avec le Tout-Puissant. Si j'avais voulu retirer ma promesse, je ne l'aurais pu. Quelqu'un sembla me dire : « Ta prière est exaucée et tes conditions sont acceptées. » Et depuis cette heure, la conviction ne m'a jamais quitté que j'étais appelé à aller en Chine.

J'ai rassemblé tous les ouvrages que je pouvais obtenir sur cet intéressant pays et les ai lus. Je vois qu'il y a là-bas un champ d'activité illimité ; c'est là que, par la grâce de Dieu, je compte me rendre. Puissé-je être un humble instrument pour faire beaucoup de bien !

M. Whitworth, le vénéré trésorier local de la Société Biblique, m'a prêté plusieurs numéros du Watchman dans lesquels il y a des articles sur la Chine. C'est là que, pour la première fois, j'ai entendu parler de votre société. Ensuite, en ayant appris davantage par le Gleaner, je me suis permis de vous écrire avec l'espoir d'être à même de faire quelque chose pour la progression de la cause.

Par M. Whitworth également, j'ai obtenu un exemplaire des écrits de saint Luc en chinois, et ai découvert la signification de beaucoup de caractères en comparant les passages à l'aide d'une concordance anglaise. Je me suis procuré un exemplaire de la Clavis Sinica. J'ai commandé aussi la grammaire de Medhurst ; malheureusement, elle n'a pu m'être fournie. Mais j'ai vu que je ne pouvais continuer avec profit l'étude de la langue sans un dictionnaire, que je n'avais pas les moyens de me procurer. J'ai pensé alors qu'il était préférable que j'étudie des sujets indispensables, tels que l'anatomie, la physiologie, la médecine et la chirurgie, ce que j'ai fait.

Je vais essayer maintenant de répondre à vos questions.

I. Quelques-unes des raisons qui me font croire, ou plutôt qui me donnent la certitude (car je n'ai aucun doute sur ce point) que je suis réellement converti sont les suivantes :

Ce qui me réjouissait jadis ne me cause maintenant aucun plaisir, tandis que la lecture de la Parole de Dieu, la prière et les moyens de grâce, qui me déplaisaient autrefois, font maintenant ma joie...

Je sais que j'ai passé de la mort à la vie parce que j'aime mes frères. L'Esprit de Dieu rend témoignage à mon esprit que je suis Son enfant. Mon âme jouit d'une paix parfaite, parce que je me confie en Dieu... Je sens que je suis un étranger sur la terre, le ciel est ma patrie... Je sens qu'il n'y a rien en moi qui puisse mériter le ciel. Je suis un pauvre pécheur et je mérite l'enfer. Mais en Dieu habite toute plénitude. Je suis, gloire soit à Dieu, un pécheur sauvé par grâce.

II. J'aurai dix-neuf ans le 21 mai 1851. Je ne suis naturellement pas marié.

III. Pour ce qui concerne mon état de santé : je n'ai jamais eu de grave maladie, mais on ne peut pas dire que je sois robuste. Je ne me suis jamais aussi bien porté que maintenant et veillerai davantage à l'avenir sur ma santé, car j'ai souvent négligé pendant des semaines de prendre de l'exercice, afin d'avoir plus de temps pour étudier.

IV. Depuis Noël 1845, à l'exception de neuf mois passés dans une banque, j'ai été l'aide de mon père, qui est pharmacien-droguiste.

V. J'ai été élevé à la maison jusqu'à l'âge de onze ans ; puis j'ai été à l'école jusqu'à treize ans, et, aux vacances de Noël, mon père m'a pris avec lui. En plus des branches habituelles, j'ai étudié le latin, la géométrie et l'algèbre, qui m'ont fort intéressé. Depuis, j'ai pu profiter d'une assez bonne bibliothèque et j'ai acquis les premiers éléments du grec, de l'anatomie et de la physiologie.

VI. Du point de vue confessionnel, je me suis rattaché d'abord à l'Église méthodiste wesleyenne, dont faisaient partie mes parents et mes amis. Mais, ne pouvant concilier ses dernières décisions avec les doctrines et les enseignements de l'Écriture, je m'en suis retiré et suis uni maintenant à la fraction dissidente.

En attendant, en réponse à ses prières, Hudson Taylor trouva une place d'assistant chez un des meilleurs chirurgiens de Hull, le Dr Hardey. Une sœur de sa mère était mariée au frère de celui-ci, et c'est probablement grâce à elle qu'il obtint cette place. C'était à bien des égards la situation qu'il lui fallait et la perspective d'être tout près de Barton, où se trouvaient Amélie et Mlle V., n'était pas pour lui déplaire. Ce n'était évidemment pas Londres, et cela ne lui permettait pas de profiter de l'aide que M. Pearse et sa société avaient promise. Mais une porte s'ouvrait providentiellement après beaucoup de prières et Hudson Taylor accepta avec reconnaissance l'offre qui lui était faite.

Quelques jours avant de quitter Barnsley, il paria pour la première fois en public, à Royston, près de la vieille église où avait eu lieu le mariage de ses ancêtres, James et Betty Taylor. Il écrivit le lendemain à sa sœur qu'il ne s'était jamais senti aussi béni que ce jour-là. Puis, au mois de mai vint le départ, la fin de tant d'années heureuses à la maison. Heures pénibles, surtout pour Hudson et pour sa mère, qui sentaient bien que ce n'était que le prélude d'une plus cruelle séparation. Mais ils s'entretinrent longuement de la joie et du privilège de souffrir pour la cause de Christ et s'en remirent à Lui dans leur tristesse.

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