La congrégation de l’Oratoire. — Son organisation. — Cultes divers. — Le pasteur Pilet. — L’École de théologie. — Ses principes. — Conditions d’admission des étudiants. — Les professeurs.
Comme nous l’avons remarqué, la Société évangélique devait, dans la pensée de ses fondateurs, avoir pour première tâche l’œuvre des missions. Mais, par suite des circonstances qu’elle eut dès l’abord à traverser, son œuvre à l’extérieur ne tarda pas à perdre de son importance, tandis que celle qui s’accomplissait à l’intérieur de Genève en prenait davantage.
Son activité se manifesta sous trois formes principales : la constitution lente et progressive, autour du culte de l’Oratoire, d’une nouvelle Église séparée ; — l’École de théologie de l’Oratoire ; — l’évangélisation et le colportage en Francea.
a – Nous aurons l’occasion de parler ailleurs de cette partie de l’œuvre de la Société évangélique.
Vinet avait été prophète lorsqu’il avait dit que « la puissance individuelle de Galland, Gaussen et Merle d’Aubigné était un foyer dont l’action ne pouvait qu’augmenter dans la position isolée et indépendante qu’on venait de leur assigner. »
De fait, après la mesure violente dont ils avaient été les objets de la part du Conseil d’État et de la Compagnie, leur influence devint chaque jour plus profonde. Les cultes du soir, déjà établis à la rue des Chanoines, l’école du dimanche, étaient de plus en plus fréquentés. L’œuvre de Dieu s’accomplissait dans les cœurs, revêtait cette double forme d’action et de réaction qui caractérise tout réveil. D’une part, des âmes, convaincues de péché, parvenaient à la certitude du pardon et à la possession de la paix ; de l’autre, les passions, les haines se soulevaient comme à l’époque du premier Réveil, et divisaient, à cause de l’Évangile, des familles jusqu’alors unies. Cependant, fait digne de remarque et qui dut puissamment encourager Gaussen et ses amis, on vit des parents qui, pour leur part, se tenaient loin de tout ce qui touchait au Réveil, envoyer leurs enfants à l’école du dimanche de la Société évangélique.
Il est vrai que cette seconde période du Réveil différait de la première en ce que la prédication de l’Évangile était accompagnée et comme soutenue par le charme qu’exerçaient des talents universellement reconnus et par l’élan résultant d’une association puissante et influente. A ce point de vue, il n’y avait pas à comparer évidemment les deux périodes.
Mais ce qui les rapprochait, le trait d’union ineffaçable entre elles, c’était le fonds même de la prédication. A la rue des Chanoines, comme au Bourg-de-Four, comme au Témoignage, ce qui était annoncé, c’étaient ces vérités fondamentales de l’Évangile remises en lumière quinze ans auparavant : le péché, le pardon, la grâce de Dieu par le sacrifice de Jésus-Christ, la nécessité d’une conversion individuelle, la régénération par le Saint-Esprit.
Peu à peu, les assemblées du soir devenant plus nombreuses, il fallut songer aux moyens de se procurer un local plus vaste. On acheta un terrain situé dans une rue tranquille au haut de la ville ; on y bâtit un lieu du culte, l’Oratoire, pouvant contenir environ mille personnes. On eut soin de le disposer de façon à ce qu’il pût être divisé en deux locaux distincts, pour les deux classes de l’école du dimanche, et l’on y ménagea les salles nécessaires pour les cours de l’École de théologie et pour les séances de la Société.
L’Oratoire fut ouvert au culte le 9 février 1834 ; trois services réguliers y furent établis le dimanche. La Compagnie ayant elle-même rompu les liens qui l’unissaient aux pasteurs de la Société évangélique, il n’y avait plus lieu de s’abstenir de mettre le culte aux mêmes heures que les services de l’Église nationale.
Bientôt, après de longues et sérieuses délibérations, on décida que la sainte Cène serait célébrée à l’Oratoire : ce fut le jour de Pentecôte 1835 que cette cérémonie eut lieu pour la première fois.
Au premier abord, il semble que ce soit là un grand pas fait vers la dissidence. Cependant Gaussen soutenait qu’on n’entendait point se séparer de l’Église de Genève, mais seulement de son administration actuelle. « L’Oratoire, disait-il dans un rapport qu’il fit à l’occasion de cette célébration de la sainte Cène, l’Oratoire continue à n’être autre chose qu’un nouveau lieu de culte public dans l’Église de Genèveb. »
b – De Goltz, op. cit., p. 389.
Il y avait un service de sainte Cène tous les mois. « Nous sommes persuadés, disait Gaussen, que de graves erreurs surgissent bientôt dans une Église par le fait seul de la rareté de cette cérémonie. On en oublie alors la nature et l’objet : on n’y voit plus une table ; on y voit un autel, où l’homme veut apporter une offrande et des serments, au lieu d’y venir recevoir une grâce, un pardon et un aliment de vie. Et quand nous considérons combien la prédication muette de ce sacrement est à la fois muette et pressante, pour nous replacer au centre du christianisme et pour faire régner au sein des Églises la seule grâce de Dieu, nous ne sommes plus étonnés du soin qu’a pris en tout temps l’Adversaire, ou pour la rendre très rare ou pour la dénaturer par des pratiques humainesc. »
c – Assemblée générale de la Société évangélique de Genève, 4e rapport, 1835, p. 20.
En même temps, Gaussen assurait que personne ne serait exclu de la table du Seigneur ; nous sommes donc bien loin de l’étroitesse avec laquelle le Bourg-de-Four avait considéré la participation à ce sacrement et établi des distinctions entre les membres de l’Église et les communiants.
L’Oratoire, d’ailleurs, évitait dans son culte tout ce qui aurait pu lui donner une apparence séparatiste. On avait conservé le costume traditionnel du prédicateur ; on se servait de l’ancienne Liturgie de l’Église de Genève, tout en supprimant certains changements qui y avaient été peu à peu introduits.
L’école du dimanche, dirigée par Gaussen avec un talent incomparable, rassembla bientôt de cent à deux cents enfants et même un grand nombre d’adultes. Plusieurs séries des leçons de Gaussen ont été publiées et restent des modèles du genre.
Il y avait aussi, le dimanche soir et le jeudi soir, des services d’édification. Au point de vue du chant, on adopta d’abord les Psaumes, puis les cantiques du Réveil.
On établit, le dimanche et le mercredi, un culte en langue allemande ; on fonda une bibliothèque circulante et on organisa, dans les paroisses rurales du canton, une œuvre de colportage.
On le voit, au bout de bien peu d’années, l’activité de la Société évangélique s’était singulièrement étendue : par le fait, elle se trouvait avoir constitué une véritable Église dans laquelle la Parole de Dieu était annoncée, les sacrements célébrés, les mariages bénis, les jeunes gens préparés à la réception dans l’Église chrétienne ; bientôt même il fallut nommer un, puis deux prédicateurs, chargés de l’œuvre pastorale proprement dite, les professeurs de l’École de théologie n’étant plus suffisants pour leur double tâche. La seule différence entre la congrégation de l’Oratoire et une Église constituée, c’était que les limites extérieures de la communauté n’y étaient pas nettement tracées, et que le Comité de la Société évangélique, et non un presbytère, avait en main la direction générale. En 1837, on adressa vocation au pasteur Pilet.
[Pilet (Jean-Alexandre-Samuel), ministre de l’Évangile, d’une famille de Rossinières (Pays d’En haut), était né à Yverdon, le 19 septembre 1795. A peine âgé de quatorze ans, il fut envoyé à Lausanne pour y suivre le Collège et plus tard l’Académie. Consacré au saint ministère en 1821, il devint, la même année, principal du collège de Morges, et succéda ensuite à Manuel comme pasteur de l’église réformée française de Francfort-sur-le-Mein, (décembre 1828.) De retour dans le canton de Vaud, en 1835, il y desservit pendant dix-huit mois la cure d’Arzier, qu’il quitta en octobre 1836 pour accepter, à Genève, cette place de pasteur à l’Oratoire, et de professeur à l’École de théologie. Lors de la démission du clergé vaudois, en 1845, il brisa le dernier lien qui l’unissait à l’Église nationale. Dans les dernières années de sa vie, le mauvais état de sa santé le força d’interrompre à plusieurs reprises ses fonctions de pasteur et de prédicateur. Il y renonça tout à fait en novembre 1862, et mourut le 5 avril 1865. (Voy. : de Montet, Dictionnaire des Genevois et des Vaudois. — Chrétien évangélique, 1866.)]
Doué d’un remarquable talent, ce prédicateur savait captiver toujours de nouveau ses auditeurs par une profonde connaissance du cœur humain, jointe à une inépuisable richesse de pensées. Ce fut une excellente acquisition pour l’Oratoire.
A côté de cette activité pastorale, l’élément laïque se vit appelé à une participation de plus en plus réelle à l’œuvre de l’Église : en 1838, des groupes furent institués à l’école du dimanche, sous la direction de laïques ; on établit, le troisième lundi de chaque mois, des conférences fraternelles, où tout fidèle avait le droit de prendre une part active.
Deux ans plus tard, en 1840, on décida de donner la chaire de l’Oratoire à tous les prédicateurs évangéliques, qu’ils appartinssent ou non à l’Église nationale. Ce fut aussi vers ce temps-là que les pasteurs du Bourg-de-Four, après la dissolution de leur propre « Institut, » commencèrent à participer aux travaux de la Société évangélique ; Empaytaz fut nommé membre du comité, et Guers, ainsi que Bost, donnèrent des leçons dans la classe préparatoire de l’École de théologie.
Cependant, Gaussen ne se lassait pas d’affirmer son union avec l’Église nationale et déclarait qu’il était prêt à rentrer dans son sein dès qu’elle aurait revêtu de nouveau son caractère primitif : « Il y a dix ans, disait-il en 1841, que nous dûmes ouvrir cet Oratoire aux fidèles de Genève, pour leur assurer une prédication régulière des vérités de leur foi ; et il y a six ans que les mêmes motifs nous firent une obligation de joindre, à cette prédication de l’Évangile, une célébration régulière de la Cène du Seigneur. L’une de ces démarches était la conséquence naturelle de l’autre… Cependant, il faut ici, pour être clair, établir une importante distinction. L’Église n’est pas le clergé ; le clergé n’est pas l’Église. Se séparer d’un clergé n’est pas toujours se séparer de l’Église. Prêcher la Parole et distribuer la Cène, sans l’autorisation des gouvernements ecclésiastiques, lorsqu’ils sont dans le désordre, c’est se séparer, il est vrai, pour un temps du clergé (et cette démarche, sans doute, est très grave) ; mais ce n’est point pour cela se séparer de l’Église…d »
d – 10e Rapport, 1841, p. 25.
« Sans nous reporter au premier temps du christianisme pour former une Église nouvelle, et sans vouloir faire abstraction de ce que Dieu a opéré dans ces lieux, il y a trois siècles, par la sainte Réformation de l’Évangile, nous nous déclarons attachés aux principes du presbytérianisme de Genève. Mais quand nous parlons de l’Église de ce lieu, nous entendons celle qui se reconnaît par sa religion, et non par son clergé, par les doctrines puissantes qui l’ont fondée, et non par ses temples, par ce qui devrait se passer dans ces temples, et non par ce qui s’y passe aujourd’huie. »
e – 10e Rapport, 1841, p. 23.
Telle était la situation de la congrégation de l’Oratoire dix ans après sa fondation, c’est-à-dire en 1841.
A côté de la congrégation de l’Oratoire était l’École de théologie.
La Société évangélique la regardait comme la plus importante de ses institutions ; cette œuvre, en effet, intéressait non seulement Genève, mais tout le protestantisme de langue française.
L’École fut ouverte le 30 janvier 1832. Les débuts furent encourageants : grâce aux secours abondants qui vinrent de l’étranger (Guillaume d’Orange entre autres, roi de Hollande, donna 150 florins sur sa cassette particulière), dix bourses de 600 francs furent fondées, et, en mai 1832, on pouvait parler des heureux commencements de l’École et des sympathies qu’elle avait éveillées de toutes partsf.
f – Archives du Christianisme, 1er mars 1832, p. 122.
Comme substance de son enseignement, la Faculté de l’Oratoire déclarait, par l’organe de Merle d’Aubigné, dans sa première assemblée annuelle, qu’elle entendait rester fidèle à ces quatre ou cinq vérités essentielles qui se retrouvent partout dans l’histoire du Réveil, et, afin de prouver leur accord avec les confessions de foi de la Réformation, le professeur citait à l’appui de chacune d’elles l’un des symboles nationaux des réformés.
Au point de vue ecclésiastique, l’École gardait la neutralité la plus complète et une liberté absolue à l’égard de ces questions, en évitant avant tout l’esprit de secte.
Enfin, un dernier article de son programme énonçait le désir de ne rien négliger pour faire de solides progrès dans la science théologique.
Merle d’Aubigné terminait en insistant sur le lien indestructible qui unit la doctrine et la vie, les dogmes et l’Esprit. « Nous ne séparons point des doctrines cet Esprit toujours vivant, toujours nouveau par lequel Dieu créa au commencement le monde, par lequel il créa l’Église aux jours des apôtres, et qui peut, seul sortir la société du chaos actuel et former cette assemblée glorieuse, sainte et irrépréhensible qui nous est promise dans les oracles saints. Dans ces jours de matérialisme et d’incrédulité, il faut à la fois de fortes doctrines et l’Esprit de vie. Les doctrines, sans l’Esprit, ne seraient plus que des abstractions stériles des temps passés. L’Esprit, sans les doctrines, ne peut exister ; une vague religiosité sans puissance, qui sert tout au plus à faire retentir de sonnants discours, et qui est aussi incapable de faire du bien à l’Église qu’à la terre un vent stérile, le remplace. Pour qu’un levier soulève un pesant fardeau, il faut qu’il repose sur une base solide : et il n’en est pas d’autre dans le monde spirituel que les vérités magnifiques et immuables de la Parole de Dieu que tous venez d’entendre. C’est par elles et par l’Esprit qui les communique que le monde sera changé, qu’un spiritualisme divin et pratique, venant du ciel sur la terre, s’établira dans les cœurs matériels et égoïstes des hommes et qu’un peuple de Dieu sera formé ici-bas et préparé pour les demeures éternellesg ! »
g – Archives du Christianisme, 1er août 1832.
Ces excellentes et grandes paroles caractérisaient le christianisme positif qui était le programme dogmatique de l’École.
L’admission des étudiants était subordonnée à deux conditions : d’abord les conditions de foi et de piété ; on ne voulait recevoir absolument que des convertis (article ler du Règlement). Venaient ensuite les conditions de préparation intellectuelle. L’École acceptait les étudiants présentant les certificats d’études exigés pour l’admission dans une Faculté de théologie de France, de Suisse, d’Allemagne, ou d’autres pays protestants ; — à défaut de ces certificats, elle soumettait les postulants à un examen portant sur différents sujets.
Dans l’application de cette double règle, la Faculté eut bien des mécomptes.
D’abord, pour ce qui était de la condition spirituelle, malgré toutes les précautions qu’elle prit et toutes les garanties dont elle s’efforça de l’entourer, elle eut à faire de tristes expériences, notamment à l’occasion des anciens prêtres.
La seconde condition, la préparation intellectuelle, fut une source de difficultés encore plus grandes. La facilité qu’on donnait aux étudiants de se présenter sans avoir les titres universitaires exigés dans les autres Facultés, eut bientôt pour conséquence le manque de connaissances indispensables à l’étude de la théologie. Les deux professeurs d’exégèse, Steiger et Hævernick, s’en plaignaient beaucoup. Non seulement c’était du côté des connaissances spéciales de l’hébreu et du grec qu’ils trouvaient leurs élèves bien faibles, mais la pensée scientifique et la compréhension des questions théologiques rencontraient, chez la plupart d’entre eux, des difficultés presque insurmontables. Hævernick s’efforça bien d’y remédier, mais il se convainquit bientôt de l’inutilité de ses efforts.
On eut un instant la pensée de sacrifier entièrement le côté scientifique du programme de l’École, et d’en faire un simple Institut pour la formation d’évangélistes ; mais en face du besoin de prédicateurs instruits qui se faisait généralement sentir, on ne put se résoudre à abandonner ce qui avait été le plan primitif.
On résolut de fonder alors une École préparatoire, qui, dans un cours d’études de trois ans, donnerait à des jeunes gens pieux les connaissances indispensables pour entreprendre l’étude de la théologie proprement dite. Hævernick fut chargé de l’organiser.
Mais ce n’était là qu’une demi-mesure ; il y avait eu grave imprudence, de la part de la Société évangélique, à ne pas exiger de ses étudiants les titres universitaires demandés partout ailleurs.
Par là, l’École de l’Oratoire se mettait dans une position très difficile vis-à-vis des autres Facultés et compromettait sa propre existence. Montauban et Strasbourg n’acceptaient pas les examens et les thèses de ses élèves ; aussi les étudiants furent-ils très peu nombreux dans les premières années. Montauban, d’ailleurs, recevait une impulsion nouvelle par l’arrivée d’Adolphe Monod et de de Félice, en 1836 et 1838, dont le professorat jetait un grand éclat sur la Faculté et lui donnait un caractère toujours plus évangélique.
L’Oratoire abaissa alors la barrière qui le séparait des Églises dissidentes, reçut les jeunes gens qui leur appartenaient, et décida seulement que les étudiants nationaux auraient le premier droit aux bourses. Par suite d’une entente avec la Table vaudoise, plusieurs jeunes Vaudois vinrent aussi se former au ministère dans l’école de la Société évangélique.
Du côté des professeurs, l’Oratoire eut également beaucoup de difficultés à traverser.
Gaussen ne put commencer ses cours qu’en 1836. Hævernick retourna en Allemagne en 1834. Steiger mourut en 1836. Preiswerk le remplaça, mais peu après il se laissa gagner par les idées des irvingiens et dut quitter l’École ; quatre étudiants la quittèrent avec lui. Galland se retira aussi, en 1837, pour des raisons personnelles.
A partir de 1838, la Faculté fut dirigée par Gaussen, Merle d’Aubigné, Pilet et Laharpe. Ce fut une période de calme après beaucoup de tribulations. En 1846, Schérer lui apporta le concours de son talent. La Société évangélique pouvait donc espérer que son œuvre allait porter tous les fruits qu’elle en attendait, quand, en 1849, la rupture violente et le départ de Schérer, qui emmena avec lui un grand nombre de jeunes gens, lui porta le coup terrible que l’on sait.
Au point de vue extérieur, l’École de l’Oratoire fut en relations avec les Sociétés évangéliques du canton de Vaud, l’église épiscopale d’Angleterre, la Société évangélique de France, fondée en 1833, divers théologiens de l’Allemagne, Hengstenberg (de Berlin), Kraft (d’Erlangen), beaucoup de chrétiens de Hollande, des Etats-Unis, etc.
C’était, d’ailleurs, grâce à ces amis du dehors et à leur appui matériel qu’elle pouvait couvrir une grande partie des dépenses considérables qu’exigeait son maintien. Ce fut même, comme au temps du premier Réveil, une source d’accusations toujours renouvelées contre la Société évangélique.
On eut quelque temps l’idée de fonder un séminaire, puis on y renonça. Les étudiants furent mis en pension chez des personnes pieuses de la ville. Ils consacraient une grande partie de leurs loisirs à l’apprentissage du ministère pratique, et allaient quelquefois, dans le canton de Vaud, remplacer des pasteurs évangéliques ; à l’Oratoire même, on leur confiait une fois par mois le culte du jeudi.
C’est surtout, d’ailleurs, cette sollicitude pour le côté pratique du ministère qui a toujours distingué la Faculté libre de Genève. Evidemment l’idéal que Vinet avait eu devant les yeux dans sa réponse, et d’après lequel l’École de l’Oratoire était destinée à devenir un centre de science évangélique pour l’Église française, ne fut pas atteint. Sous ce rapport, l’École de Genève fut tout à fait éclipsée par l’Académie de Lausanne. Malgré le talent incontestable de plusieurs de ses professeurs, elle n’inaugura pas une ère nouvelle de science fidèle. La faute en était non aux maîtres, mais aux élèves. Il serait injuste, à coup sûr, de méconnaître que l’Oratoire a formé beaucoup de pasteurs sérieux et dévoués ; mais il est permis de regretter qu’en n’exigeant pas chez ses étudiants une préparation suffisante, cette école se soit placée par là dans une situation volontairement inférieure à celle des autres Facultés, qu’elle ait empêché ses professeurs de donner toute leur mesure et qu’elle n’ait pas atteint le complet développement auquel elle aurait pu prétendre.
[Ajoutons quelques mots sur l’un de ses plus remarquables professeurs, Merle d’Aubigné. Il en fut directeur et occupa plusieurs fois aussi la présidence de la Société évangélique. Il fit partie d’un grand nombre de sociétés savantes, reçut, de l’Université de New-Jersey en 1838, puis de celle de Berlin en 1846, le titre honorifique de docteur en théologie, et fut décoré, en 1853, de la grande médaille d’or pour la science, décernée par la Prusse. Le 6 juin 1856, il obtint la bourgeoisie de la ville d’Edimbourg. Distingué dans la prédication et dans l’enseignement, il doit principalement à ses écrits sur l’histoire du protestantisme français la réputation dont il jouit en Europe et en Amérique. Son ouvrage capital, l’Histoire de la Réformation au XVIe siècle (Paris, 5 vol. in-8°, 1835-1853), eut non seulement plusieurs éditions françaises, mais mérita aussi d’être traduit dans les principales langues de l’Europe. Une édition anglaise s’est vendue à plus de deux cent mille exemplaires. Il fut plus tard continué sous le titre d’Histoire de la Réformation en Europe au temps de Calvin (Paris, 7 vol. in-8°, 1863-1877, etc.). Voy. de Montet, Dictionnaire des Genevois et des Vaudois ; — Jules Bonnet, Notice sur la vie et les écrits de M. Merle d’Aubigné ; — Haag, La France protestante ; — Église libre, 1873 ; — Vapereau, Dictionnaire des Contemporains ; — Chrétien évangélique, 1872.]