Arnold Bovet, sa vie, son œuvre

VIII.
Le pasteur

De même qu’une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l’Évangile de Dieu, mais encore nos propres vies, tant vous nous étiez devenus chers.

1 Thessaloniciens 2.7-8

Dans certaines églises catholiques du canton de Lucerne, on voit se dresser sur la chaire, à côté de l’endroit où se place le prédicateur, un bras tendu qui tient un crucifix. Est-ce pour rappeler à l’orateur sacré qu’il ne doit « savoir qu’une seule chose, Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié » ? Est-ce pour suppléer à l’insuffisance toujours possible de son message ? Est-ce pour que les yeux des sourds remplacent leurs oreilles ? Est-ce afin que, même sans sermon parlé, il descende toujours de cette chaire une prédication ? C’est probablement pour toutes ces raisons à la fois.

En tout cas, si ce bras de bois ou de plâtre qui montre perpétuellement Jésus-Christ crucifié choque un peu le sens artistique, sa laideur même a quelque chose de singulièrement éloquent.

Pourquoi parler ici des églises catholiques du canton de Lucerne ? Parce que le bras qui présente l’image du Sauveur nous paraît caractériser la personnalité d’Arnold Bovet comme pasteur. C’est ce côté de son activité et ce trait de sa figure qui doivent nous arrêter maintenant. Ne craignons pas de mettre à cette étude un peu de soin et un peu de temps, et de pénétrer dans les détails de ce ministère. Nous sommes au centre même de notre sujet. Arnold Bovet, en effet, a été avant tout un pasteur. Bien qu’ennemi irréconciliable de tous les cléricalismes, bien que très laïque d’allure et de tempérament, il n’avait certes pas honte de son titre et des fonctions multiples qui en découlent. Ce n’est pas pour rien qu’à Berne, et dans les pays de langue allemande, ceux-là même qui n’étaient nullement ses paroissiens ne l’appelaient pas autrement que Pfarrer Bovet, « le pasteur Bovet ».

Si nous cherchons le trait dominant et caractéristique de son ministère, que trouvons-nous ? D’Adolphe Monod, nous dirions volontiers, comme de Jean-Baptiste : « C’était une voix » ; d’Oberlin : « Il fut un outil » ; de Blumhardt père : «&nnbsp;Il fut une prière ». Ne pourrait-on pas dire du pasteur de Berne : « Il fut le bras tendu qui présente Christ ? »

Présenter Christ aux pécheurs perdus et présenter à Christ les pécheurs sauvés, c’est bien là le « Leitmotiv » du ministère que nous voulons raconter ; nous allons le retrouver dans les idées d’Arnold Bovet sur l’Église, sur la prédication, sur les sacrements, sur le culte, dans sa cure d’âmes et dans son enseignement religieux, enfin dans toute sa théologie.

Que pensait-il de l’Église ? Sur ce sujet, fertile en luttes et en discussions parfois si âpres que la religion en a pâti et est devenue odieuse à beaucoup, on peut ramener à deux principales les multiples conceptions en cours. Celle, tout d’abord, qui considère l’Église comme un corps visible et tangible, et applique à la communauté extérieure tous les caractères que la Bible attribue à l’Église invisible. Il s’ensuit que telle Église particulière est considérée par ses chefs et par ses membres comme « le corps de Christ », « l’assemblée des saints ». « la maison du Père », « l’épouse de l’Agneau », etc., etc…

Sans atteindre ces extrêmes de l’intolérance ou de la naïveté, bien des chrétiens poussent l’attachement légitime à leur Église particulière, jusqu’à refuser de fraterniser et de communier avec d’autres disciples aussi authentiques qu’eux. À leurs yeux, le fidèle, et surtout le pasteur, cessent de mériter ces titres quand ils ne se consacrent pas exclusivement au corps dont ils sont membres.

Arnold Bovet occupait dans la question d’Église une position presque diamétralement opposée à celle qui vient d’être esquissée, et cela n’est pas pour nous étonner.

À Boudry déjà, comme petit garçon, il avait bu le lait non aigri de la véritable alliance évangélique. Dans ses nombreux voyages de malade, il eut l’occasion de trouver des chrétiens dignes de son admiration, parmi les membres de toutes les dénominations, et nos lecteurs n’ont pas encore oublié qu’à Toulon, il poussait l’éclectisme jusqu’à aller s’édifier aux prédications d’un Père Jésuite. Conduit à Männedorf pour y chercher la guérison de son corps et de son âme, il y obtint, directement de Jésus-Christ, ce qu’aucune Église particulière ne lui avait donné. Après avoir constaté, combien souvent qu’on peut être d’une Église sans être de Christ, il se convainquit, par l’exemple de Mütterli, qu’on peut être de Christ sans être d’une Église. Cette expérience de sa vie, si décisive à tous égards, fut confirmée pour lui par l’étude du Nouveau Testament. Il y trouva que Jésus-Christ précède l’Église et l’ignore presque. Une fois créée par la force des choses, elle peut bien le présenter, comme le bras dans la chaire, mais non le remplacer.

Dans son manuel d’instruction religieuse, le pasteur de Berne fait observer que le mot « Église », qui signifie « assemblée », ne s’applique, à l’origine, qu’aux réunions de chrétiens, lesquelles ne devinrent que lentement, et sous l’action des circonstances politiques autant que religieuses, les grands organismes connus sous ce nom. Loin de les mépriser, il y voit autant d’instruments destinés à mettre les âmes en contact avec le Sauveur. Pas plus qu’il ne les rejette en bloc, il ne les juge d’égale valeur, ni ne prend son parti de leurs misères. Pour lui, la meilleure Église sera celle qui réalisera le mieux le but assigné à toutes. Pour cette raison, il préfère le protestantisme au catholicisme. Toutefois, s’il a une prédilection pour certaines dénominations, il n’a de mépris pour aucune, parce qu’il discerne des taches dans la meilleure et de la lumière dans la plus mauvaise.

Qu’est-ce donc pour lui que l’Église, le corps de Christ ? C’est l’assemblée sainte, pure, éternelle et invisible, composée, dans le ciel et sur la terre, de tous les régénérés. Les vrais croyants sont les « pierres vivantes » déjà entrées dans la structure de l’édifice. Les Églises visibles sont les échafaudages qui servent à les y incorporer. Dans l’économie actuelle, qui est celle de la construction, les échafaudages voilent quelque peu la maison ; mais, au moment choisi par l’architecte, ils tomberont, et alors l’Église, présentement invisible, apparaîtra visible en sa royale splendeur.

Cette ecclésiologie a été pour le pasteur de Berne une source de grandes joies et aussi de profondes tristesses. De grandes joies, parce qu’elle lui a permis de fraterniser et de travailler, en bonne conscience, avec les chrétiens de toute dénomination. On se rappelle son allégresse juvénile, au Congrès de l’Alliance évangélique à Amsterdam, en 1867. Dans ses nombreux voyages en Allemagne et en Angleterre, il cherchait partout « les frères », et, abeille insatiable, il trouvait du miel dans toutes les fleurs. À Paris, on l’a vu communier chez les luthériens, suivre les prédications des pasteurs réformés, s’agenouiller avec les méthodistes et s’édifier même à Notre-Dame.

Quand il s’agit pour lui de prêter le serment de consécration, il lui fallut se vaincre un peu à l’occasion du dernier article concernant les sectes. En dépit des apparences, il a mieux que bien d’autres tenu sa promesse, car si sa largeur de cœur l’a toujours empêché d’attaquer les autres dénominations, elle a fait de lui un adversaire irréconciliable de l’esprit sectaire.

Déjà à Sonvillier et dans tout le Jura, Arnold Bovet fut l’homme de l’Alliance évangélique. À Berne, il accentua encore cette attitude. À peine arrivé, il se fit affilier à la « Société évangélique », vaste association composée surtout de laïques et qui, dans le sein de l’Église nationale du canton de Berne, travaille au réveil des paroisses. Grâce à l’action à la fois courageuse et pondérée des agents et des directeurs de cette œuvre, la dissidence n’a pas de prises dans les paroisses bernoises, là même où la présence d’un pasteur trop peu croyant ou trop peu zélé pourrait la favoriser. Les grandes assemblées qui, chaque année, réunissent à Berne les ouvriers de ce beau travail, devaient plaire à l’évangéliste qu’était Arnold Bovet, et bien des fois il y prit part.

Président du Comité suisse de l’Alliance évangélique où il succéda au colonel de Büren, il déploya un grand zèle pour en faire pénétrer partout l’esprit de largeur et de fraternité, et il n’a pas tenu à lui que cette cause achevât de gagner les églises de la Suisse allemande, encore trop réfractaires.

L’âme des réunions de janvier, c’était lui. Il s’intéressait à l’œuvre des diaconesses de Berne qui, du haut du Blumenberg, lance ses humbles et vaillantes servantes en Suisse, en Allemagne et jusqu’au delà du Jura.

Il soutenait de ses dons et de ses prières l’œuvre si difficile de l’évangélisation de l’Espagne. De tout temps, il avait aimé ce pays. À un moment de sa vie, il songeait à s’y consacrer entièrement et, quand il se maria, les circonstances seules l’empêchèrent d’y faire son voyage de noce.

Au moment où la mort le prit, il projetait d’entreprendre un travail d’évangélisation en Hongrie et en Transylvanie.

Un chrétien au cœur aussi large devait aimer les Missions en pays païens. Pour s’y attacher, il faut joindre à un grand amour pour les âmes, un peu de cet optimisme entêté que la Bible appelle « foi », et le monde « folie » ; car, dans cette œuvre, la terre méchante boit bien des larmes, des sueurs et même du sang, avant que les semailles donnent des récoltes. Arnold croyait fermement à la nécessité et à la possibilité de prêcher l’Évangile à « toute créature humaine » et de changer le désert en jardin. Déjà à Sonvillier, plus tard à Berne, il ne manqua pas de tenir en éveil le zèle de ses paroissiens, en organisant des réunions mensuelles où il invitait les missionnaires en passage. Chaque mois, le premier dimanche, de quatre à six heures du soir, sous la présidence simultanée des deux pasteurs français de Berne, MM. Bernard et Bovet, la réunion confondait en un même cœur et une même âme les amis des missions appartenant aux deux troupeaux.

On lisait les correspondances venues des divers champs de mission, entre autres les lettres de M. Coillard et de ses collaborateurs, dans le Journal vert de la Société de Paris, puis le Bulletin de la Mission romande, puis des lettres inédites, enfin et surtout on écoutait les missionnaires eux-mêmes. Ces réunions furent parfois profondément émouvantes et on y respirait une atmosphère plus sérieuse et plus « missionnaire » qu’à certaines conférences avec projections lumineuses, où des profanes viennent s’amuser à regarder des nègres comme ils examineraient des crocodiles ou des orangs-outangs. À Berne, on ne jouait pas aux Missions, on s’inquiétait des âmes. C’est là que fut gagnée à la grande cause, Mlle Glauser qui partit pour le Zambèze. C’est aussi un appel du pasteur Bovet, appel lancé à la réunion de la Tourne, qui décida le jeune Grandjean à se faire missionnaire. On ne s’étonnera pas qu’après avoir prêché aux autres le grand sacrifice, notre ami ait été appelé à le consommer à son tour. Il le fit joyeusement par le don de son premier-né.

Les idées d’Arnold Bovet sur l’Église devaient lui procurer aussi quelques petits ennuis et une grande douleur.

Déjà pendant son ministère à Sonvillier, il avait souffert, par moments, d’être traité de « dissident », ce qui, pour beaucoup de citoyens de la libre Helvétie, est la suprême injure. On a vu, par son attitude lors des élections du Conseil de paroisse, combien peu il la méritait. Il n’était pas au bout de ses peines, et après avoir été trouvé trop dissident par les nationaux, il allait être trouvé trop national par les dissidents. La chose devait se passer à Berne, au sein même de son troupeau. Il semble qu’il l’ait prévue. Voici ce qu’il écrivait, au moment des négociations qui suivirent l’appel et aboutirent à son acceptation :

« Je ne puis entrer, en tous points, dans leurs théories ecclésiastiques, surtout dans leur idée sur la qualité de membre. C’est une notion qui ne se trouve pas dans le Nouveau Testament. On est membre de Christ et de l’Assemblée de Christ, mais pas d’une Église plutôt que d’une autre, dans le sens profond des choses. Être membre d’une Église quelconque est chose tout à fait extérieure et pratique, à laquelle il importe de n’attacher aucune importance spirituelle et religieuse. Enfin, nous aurons bien des points de frottements, et il faudra se mettre au clair d’avance pour ne pas se chicaner le long du chemin. Dieu est là auquel je remets toute l’affaire, et qui suscitera des empêchements, si c’est nécessaire. »

Arnold Bovet n’allait-il pas un peu trop loin en affirmant qu’être membre d’une Église quelconque est chose tout à fait extérieure et pratique, à laquelle il importe de n’attacher aucune importance spirituelle et religieuse ? M. Borel-Girard raconte que lors de l’exode des pasteurs et des laïques neuchâtelois qui fondèrent l’Église indépendante, son ami, alors pasteur national à Sonvillier, prononça la parole suivante : « Ceci n’est pas une question de conscience, mais une question de sagesse. » M. Borel ajoute : « Tel était exactement mon sentiment ; tel il est encore aujourd’hui après trente années révolues. Si, malgré cela, j’ai fait le saut dans l’inconnu, c’est qu’une question de sagesse peut devenir, à certains moments et dans certaines conjonctures, une question de conscience. »

Une question de conscience. Telle apparaît à des chrétiens au cœur très large la question d’Église ; l’indifférence en cette manière leur semble être une infidélité ; on peut ne pas partager cette opinion, il faut en tenir grand compte. La heurter, c’est risquer de s’y déchirer. C’est ce qui arriva au pasteur Bovet.

Il se permit, un jour, d’exposer ses idées dans un discours plus libre que libriste, à Lausanne, devant le Synode de l’Église évangélique libre du canton de Vaud. Il alla trop loin dans l’expression de sa pensée, lui-même le reconnut, et il s’attira du président une réponse très spirituelle mais un peu vive qu’il supporta assez allègrement.

Infiniment plus douloureuse fut pour lui la crise qui se produisit dans sa propre communauté. L’Église libre de Berne était en même temps allemande et française. Pour les besoins de la partie allemande, M. Iseli fut remplacé par un pasteur, homme de talent et de conscience, auquel Arnold fit le meilleur accueil, mais qui professait sur la notion d’Église et de membres de l’Église une conception différente de la sienne. Après bien des efforts pour concilier deux principes en réalité inconciliables, il fallut en venir à une séparation. Notre ami y perdit la partie allemande du troupeau, laquelle était de beaucoup la plus nombreuse, et non la moins chère à son cœur.

Le soir où cette douloureuse décision fut prise, au moment où la famille Bovet retournait au Presbytère, une multitude d’étoiles filantes rayaient en tous sens la voûte obscure. Il semblait que le ciel même pleurât et que tout y fût bouleversé. Mais le trouble fut passager dans le firmament, dont les immuables constellations continuèrent, tranquilles, à briller du même éclat. Il en fut de même dans le cœur de nos amis. L’étoile du matin s’y releva aussi fidèle, aussi claire, aussi consolatrice que jamais. Déchargé du côté de son Église, Arnold Bovet eut plus de liberté pour le grand troupeau que Dieu lui avait donné en dehors d’elle, et, dans cette crise, l’apôtre de la Croix-Bleue regagna, et au delà, tout ce que le pasteur de l’Église libre avait perdu.

♦ ♦ ♦

Après l’homme d’Église, le prédicateur.

C’est peut-être en homilétique que les idées d’Arnold Bovet ont le plus varié, encore que leur transformation ait été le développement d’un principe plutôt qu’un réel changement. En effet, à travers le canevas des modifications, nous pourrons suivre, comme un fil d’or, l’idée maîtresse qui inspirait notre pasteur : présenter Christ aux âmes.

Dans son enfance, il ne dédaignait pas les beaux discours. On se rappelle le plaisir très grand qu’il goûtait à Toulon, en écoutant les prédications du Père Archange. Sous l’influence du pasteur Quinche, il ne tarda pas à prendre en haine la vaine rhétorique et à préférer dans les sermons le fond à la forme. Cette tendance, conforme d’ailleurs à sa vraie nature, devait s’exagérer encore à Männedorf, où l’Évangile était annoncé dans des conditions très spéciales. Sans gestes, sans style et sans préparation ; « avec sa bosse, ses dents cassées et sa grosse voix de Zurichoise », Matterli prêchait et enseignait. Il faut croire que, dans ce vase de terre presque brisé, le trésor de Dieu brillait d’un éclat bien extraordinaire, puisque des hommes comme Félix Bovet ou Charles Secrétan venaient de loin pour le recueillir pieusement. La prédication de Samuel Zeller est, certes, plus oratoire ; la forme y est presque aussi admirable que le fond ; mais cet homme sans cravate paraît s’en inquiéter si peu, que l’auditeur finit par l’oublier aussi.

Sans cesser jamais d’être disciple de Männedorf, l’étudiant en théologie de Neuchâtel s’efforça, dans ses « propositions », d’obéir loyalement aux règles de l’homilétique ; et quand il eut quitté l’École, il conserva fidèlement cette bonne habitude. Toutefois, déjà comme étudiant, il professait une antipathie violente contre les prédicateurs qui visent à l’effet oratoire. On sait que la race ne s’en éteint jamais. C’est le virtuose qui promène à travers le monde des sermons, comme d’autres un concerto ou une romance. C’est le prédicateur qui étale ses idées particulières sur tel ou tel sujet très actuel, puis, une fois l’ouvrage au point, cherche dans la Bible un texte qui s’y conforme tant bien que mal, et qui ne sera jamais qu’un prétexte. C’est ensuite l’homme « affranchi des terreurs de la lettre », qui se croit appelé à combattre les exagérations et les étroitesses de l’Ancien Testament et même du Nouveau, et auquel un collègue disait non sans malice : « Cher frère, contre quel texte allez-vous prêcher dimanche ? » C’est encore le prédicateur-jongleur, qui tire d’un verset quelconque les choses les plus diverses, auxquelles jamais ne pensa l’écrivain sacré.

Tous ces pieux rhéteurs, Arnold les aurait volontiers conduits dans l’église de Lucerne devant le bras qui présente le crucifix, ou mieux encore, à Neuchâtel, sur la place de la Collégiale, devant la statue de Farel tenant la Bible ouverte, et il leur aurait dit : « Voilà la seule véritable éloquence ! »

Quelque chose fermentait en lui, qui devait, dans sa prédication, faire sauter les vieux cadres. À Sonvillier, la préparation de ses sermons, loin de devenir plus facile, comme il advient généralement par l’exercice même du ministère, lui donnait plus de peine que de joie. Nous le trouvons bientôt aussi gêné dans ce travail que David dans l’armure de Saül. Les affres de la préparation sont décrites par lui d’une manière… pittoresque, pour laquelle, en raison de la gravité, du sujet, nous implorons l’indulgence du lecteur :

« Nous menons tranquillement notre petite vie régulière et occupée. Elle est variée, dans ce sens qu’elle se compose, pour moi, de crises qui se renouvellent de semaine en semaine. Ce sont comme des espèces d’abcès périodiques. Le lundi, comme aujourd’hui, on ne sent rien du tout ; on est comme au lendemain d’un fort mal de dents. C’est une sensation très agréable. Le mardi, cela commence déjà a « ramasser », comme on dit ici, les douleurs vont en augmentant insensiblement jusqu’au samedi où vient la fièvre qui mûrit l’abcès et annonce qu’il va s’ouvrir ; la chose arrive, en effet, le dimanche matin jusqu’au dimanche soir, où il est complètement vide… et puis cela recommence le mardi. La comparaison est triviale et médicale, mais juste. Elle correspond aux sensations subjectives du pauvre et faible fonctionnaire. Quant aux fonctions elles-mêmes, elles sont sublimes et élevées, je sens toute leur beauté et je suis heureux, bienheureux. Je regretterais tant de tracas et de peines pour tout autre objet ; pour celui-là, je les endure — volontiers, et j’en endurerais bien d’autres encore. C’est ce que je me dis, pour m’encourager et me remonter. » (Décembre 1871.)

Qu’est-ce donc qui lui rendait si pénible la prédication ? Il nous le dit ailleurs : c’est la nécessité de faire des sermons « nationaux ». Qu’entend-il par là ? Nous connaissions les pasteurs nationaux, les temples nationaux, mais pas les « sermons nationaux ». En quoi donc différent-ils des autres ? Peut-être Arnold voulait-il parler des discours adaptés à l’architecture des grands locaux et aux besoins des nombreux auditoires. Il est certain que, dans une cathédrale, une étude biblique fouillée, fine, intime et pénétrante, à la Vinet, ne porterait pas. Ce serait vouloir montrer un tableau de Meissonnier à une foule assemblée. Devant la multitude, il faut une peinture plus largement brossée, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Peut-être aussi, entendait-il par « sermons nationaux », les discours brillants où s’étaient le geste ample et la période sonore, le grand « crescendo » qui doit faire frémir, et le « trémolo » retenu qui doit faire pleurer, quelque chose comme « les discours pathétiques de la sagesse humaine » dont parle Saint Paul ? Mais les sermons nationaux ne sont pas nécessairement cela ; on entend dans nos temples bien des méditations d’une simplicité très austère et d’une inspiration très substantielle. Bovet ne l’ignorait pas ; il devait donc avoir contre les sermons nationaux des griefs plus fondés. Quelques courtes citations vont nous révéler le fond de sa pensée :

« J’ai toujours passablement de peine à faire mon discours de promotions. J’ai là, au pied de ma chaire, la Commission d’École et le Conseil municipal, ouvertement hostiles à tout christianisme. Cela m’ôte la liberté de parler bien à cœur ouvert, comme je le voudrais. »

Ce qui le gênait, ce n’était pas la présence d’incrédules, il ne demandait qu’à en avoir, pour leur parler « à cœur ouvert » ; c’était la présence d’incrédules amenés là par leurs fonctions officielles de protecteurs de l’Église, c’est-à-dire des ennemis habillés en alliés. Il est relativement aisé de prêcher la conversion à des indifférents, mais très difficile d’en parler aux représentants de l’ordre et de l’autorité. Il y a plus. Écoutons encore la plainte du pasteur de Sonvillier :

« Quand je m’entends prêcher, je me dis que je suis peu fait pour prêcher des sermons nationaux. Ils ne doivent être ni édification pure, ni simplement appels, mais un entre-deux dont certains hommes ont le secret. Moi, je suis trop dans le positif des choses, je ne suis pas assez Pape, pour pouvoir prêcher comme un pasteur national devrait le faire… Mon sermon était plutôt une méditation ; il y avait de bons passages, et je faisais de nouvelles découvertes dans la tendresse de Jésus. »

Qu’est-ce à dire ? Et de quel droit ce dissident appelle-t-il « Papes » les pasteurs nationaux ? Sa pensée n’a rien d’injurieux pour nous. Il veut seulement dire que les auditoires « nationaux » contenant nombre de personnes auxquelles la Bible n’est guère familière, le prédicateur ne peut pas s’y référer autant qu’il le voudrait, et se voit obligé, dans une certaine mesure, de substituer son autorité à celle du Livre de Dieu. Une dernière citation nous convaincra que c’est bien là sa pensée. Il s’agit de son départ pour Berne :

« J’aimerais changer de mode de prêcher le dimanche matin, faire des études bibliques, faire beaucoup lire la Bible aux gens, profiter de ma liberté pour renoncer à mes sermons où je trouve toujours beaucoup trop du mien propre. »

Rien ne prouve que même dans un temple national il n’eût pas pu réaliser son idéal ; les auditeurs formalistes y deviennent de moins en moins nombreux, et il n’y aura bientôt plus que des assemblées de professants ; mais ce n’était pas le cas alors, et c’est seulement à Berne, devant le petit auditoire de l’Église libre, que le pasteur Bovet, affranchi de toute règle et de toute contrainte, put enfin prêcher à sa manière.

Que devint alors sa prédication ? Un professeur de Montauban, M. Pédezert, dans un travail sur le pasteur Grandpierre, écrivait ceci : « Les discours d’Adolphe Monod sont des drames ; les discours de Vinet sont des études ; les discours de M. Grandpierre sont des sermons. » Appelé à juger le pasteur de Berne, le fin critique eût dit sans doute : « Les discours d’Arnold Bovet sont des méditations. »



Adolphe Monod (1802-1856)



Alexandre Vinet (1797-1847)

Hâtons-nous d’expliquer ce mot, de peur d’être mal compris. De même que « Sabbat » qui veut dire « repos » a fini, grâce aux sorcières, par signifier « tumulte », de même le mot « méditation », qui implique une étude patiente et pénétrante, a fini par désigner un discours qu’on n’a pas eu le temps ou pris la peine de méditer. Dans la hiérarchie des cultes, la méditation est au sermon ce que, dans la hiérarchie des fonctions, l’évangéliste improvisé est au pasteur consacré.

On nous permettra de rendre aux mots leur sens véritable, pour décrire et caractériser la prédication d’Arnold Bovet.

Ses discours étaient des méditations. Cela signifie, en premier lieu, qu’ils étaient le fruit lentement mûri d’une consciencieuse étude. Cet homme si à court de temps, sut toujours en trouver pour se préparer à fond.

À peu près illisibles pour tout autre que pour lui, les pages de ses manuscrits sont couvertes de ratures, de renvois et d’annotations. L’étude du sermon lui-même convainc bien vite que l’auteur, avant de l’écrire, a sondé patiemment trois livres : la Bible, le cœur humain et la vie. Ce sont là les trois sources d’où procède toute la prédication de notre ami.

Pour mieux puiser à la première, il faisait grand usage des commentaires ; pour la deuxième, il recherchait le silence et le recueillement, pour la troisième, son ministère et son activité si variés, au sein de toutes les classes de la population, l’instruisaient tous les jours. Dans le but d’élargir encore le cercle de ses investigations, il consacrait ses vacances à la lecture des principaux ouvrages de littérature, de philosophie ou de théologie positive parus pendant l’année. Il ne négligeait aucune source d’instruction et d’édification ; c’est pour cela que ses méditations étaient à la fois bibliques et actuelles, solennelles et familières, humaines par le langage et divines par l’inspiration.

Les sermons d’Arnold Bovet étaient des méditations. Cela signifie qu’elles s’attachaient moins à traiter un sujet qu’à expliquer et appliquer la Parole de Dieu. Respectueux de la Bible, il craignait de la mutiler en isolant un verset de son contexte.

Il préférait prendre un fragment, mieux encore un livre entier, pour l’étudier en une série plus ou moins longue de sermons. Il en extrayait la substance, comme on exprime le jus d’un fruit. Si grande était sa confiance dans la Parole de Dieu, qu’il évitait tout ornement, toute parure dont le clinquant en eût voilé l’austère simplicité. Au lieu de formules amorçant l’attention, dans le genre de ceci : « Transportez-vous, mes frères, par la pensée, à Jérusalem, etc… », il se bornait à dire : « Je ferai, sur ce récit, telle et telle remarque. » Dans ses « remarques », il condensait le résultat de ses longues méditations et les trésors de sa riche expérience. Il donnait tout ce qu’il avait trouvé, et parfois il trouvait presque trop.

Le 20 avril 1877, il écrit : « Je vais voir mon sermon. J’ai déjà environ vingt titres pour les vingt parties qui doivent le composer. » Des prédications aussi étoffées devaient paraître longues à des auditeurs dont l’appétit d’oiseau eût préféré une nourriture plus légère, et quelques-uns lui en ont fait le reproche. Par contre, les âmes affamées ne demandaient que ce régime, et le penseur chrétien y trouvait son compte, témoin ce professeur de théologie de Berne, que notre ami comptait parmi ses auditeurs les plus assidus.

Les sermons d’Arnold Bovet sont des méditations. Cela signifie, enfin, qu’il y apportait un oubli absolu de sa propre personne. Il poussait très loin le mépris des choses extérieures. Un pasteur qui devait officier dans une solennité disait à un ami : « Je possède si bien mon sermon, que je n’aurai à m’occuper que de mes gestes. » Bovet se préoccupait peu, trop peu de ses gestes. Nous l’avons entendu, dans une nombreuse réunion où il fut, d’ailleurs, extrêmement puissant, parler un bon moment en tenant sa montre dont il tournait le remontoir. Il paraît que ce « geste » évidemment plus « libre » que « national » lui était familier.

Quand il prêchait, il ne possédait pas son sermon comme l’orateur mentionné plus haut ; par contre, il en était possédé au point que rien ne le distrayait. Dans une fête de la Croix-Bleue, il dut parler le premier à un auditoire en train de se former. L’arrivée bruyante des retardataires qui eût irrité tel autre pasteur, ne parut pas le déranger. Nulle trace d’impatience ou de nervosité n’altéra le calme avec lequel il dit ce qu’il avait à dire.

D’une indulgence à toute épreuve pour la forme, il était très sévère pour le fond. Sa haute idée de la valeur des âmes et du but de la prédication le rendait très exigeant en cette matière. Cet homme si doux, qui ne supportait pas la moindre critique contre le prochain, ne craignait nullement de juger ses collègues quand il s’agissait du message à apporter et du témoignage à rendre. Après une série de réunions, il se permit d’écrire ceci :

« Hier, j’ai poussé des multitudes de soupirs pendant notre première séance ; et, ce matin, j’étais malheureux comme les pierres. Je n’étais pas du tout content de l’allocution de ***. Les discours ont été faibles quand on les compare à ceux de Moody. Il n’y a pas de vigueur dans les argumentations. Les âmes ne sont pas prises à partie : cela n’avance pas ! »



Dwight Lyman Moody (1837-1899)

« Cela n’avance pas ! » On retrouve dans cette plainte l’homme pratique qui ne se paie pas de mots, l’homme d’affaires qui a son but nettement devant lui et qui veut l’atteindre. Pour lui, un culte n’est pas un concert. Le prédicateur n’est pas « un chanteur agréable, possédant une belle voix et habile dans la musique, dont on écoute les paroles sans les mettre en pratique » (Ézéchiel 33.32), mais le messager du Roi qui demande et attend une réponse.

♦ ♦ ♦

Après la prédication, le culte et les sacrements.

Arnold Bovet n’était pas ritualiste. Dans son Nouveau Testament, il avait appris à aimer la simplicité apostolique ; à Neuchâtel, celle du calvinisme ; à Männedorf, celle de Mütterli. Ses voyages n’ont pas modifié sensiblement ses goûts à cet égard. Il lui est même arrivé d’exprimer ici et là des jugements un peu outrés. N’est-ce pas le cas lorsque, pénétrant dans un sanctuaire de piété très intense et très pratique, il est choqué par la vue d’un autel un peu orné et sur lequel brûlent des cierges ; il appelle cela « tout le tremblement luthérien ».

On lui pardonnera son intolérance de huguenot, si l’on se rappelle le principe qui réglait en toute chose son appréciation. Pour lui, le culte, comme l’Église, comme la prédication, doit mettre l’âme humaine en contact direct, intime, personnel avec le Rédempteur. Les ornements, la liturgie, les lumières, les beaux gestes, les costumes et « tout le tremblement » luthérien ou anglican, risquent d’intercepter le contact nécessaire. En flattant les sens, ils peuvent endormir la conscience, favoriser l’illusion, altérer la sainte nudité du vrai, en un mot : voiler le Sauveur. C’en est assez, il les condamne.

Mais si le pasteur de Berne n’était pas ritualiste, il faudrait se garder de voir en lui un simple iconoclaste. La même raison qui lui faisait condamner le luxe de certaines églises devait lui faire réprouver, avec énergie, l’état d’abandon de certains temples. Jésus-Christ n’est pas mieux présenté aux âmes par la poussière et le désordre que par l’encens et les cierges. Dans quelques parties du Midi de la France, surtout à la campagne, les descendants des Camisards ont poussé un peu trop loin le respect des souvenirs du « Désert » et la réaction contre « les pompes vaines du Papisme ». Ils semblent avoir érigé en dogme intangible la nudité des murs et celle du culte. Les taches de moisissure les choquent moins que la vue d’un crucifix. Il leur arrive de traiter la maison de Dieu comme ils ne permettraient sans doute pas qu’on traitât la leur, et leur mépris pour les rites va jusqu’à la profanation des choses saintes. Certains temples, heureusement toujours moins nombreux, font l’effet d’étables où Jésus-Christ refuserait de naître, et symbolisent trop bien la religion de ceux qui les ont bâtis autrefois : vidée de toute foi vivante, ignorant l’adoration, dédaigneuse du sacrifice, elle ne garde plus que le squelette du protestantisme : la haine aveugle du catholicisme.

Il est possible qu’officiant dans certains sanctuaires accessibles aux chiens, sans chants harmonieux, sans recueillement et sans adoration, Arnold Bovet eût regretté, par instants, « tout le tremblement luthérien ».

S’il ne voulait pas que le culte voilât le Sauveur, il accueillait avec amour tout ce qui pouvait présenter celui-ci aux âmes et le glorifier devant le monde. De là ses efforts constants pour cultiver et améliorer le chant. Sur ce point, il n’était pas huguenot. Le « Dom-chor » de Berlin et les chants de Westminster-abbey, à Londres, excitaient en lui une admiration qu’aucun scrupule ne venait refroidir ou troubler. Même les surplis blancs des jeunes garçons anglicans trouvaient grâce à ses yeux ; « car, écrivait-il, sous le surplis blanc, les plus beaux dons musicaux prennent quelque chose d’impersonnel qui efface l’homme et exalte Dieu. »

Si l’âme d’Arnold Bovet se retrouve dans les bâtiments qu’il a édifiés, comme, par exemple, le Vereinshaus de la rue de l’Arsenal et le Chalet du Presbytère, on peut dire qu’elle s’est aussi exprimée dans d’autres monuments qui nous la conservent et continueront son action bien au delà des limites de sa vie et de son ministère. On ne sait pas assez la peine qu’il se donna pour former et publier à Sonvillier le Supplément au Psautier des Églises nationales, et à Berne, les Vereinslieder et les Loblieder zur Ehre des Erretters.

On peut dire que dans ces œuvres se retrouvent les deux hommes réunis en Arnold Bovet : l’artiste et le chrétien.

Il restait en lui quelque chose des goûts de son père. Celui-ci avait aimé les œuvres d’art, les vieux meubles, les tableaux. Arnold n’a pas partagé cette passion, mais il en a gardé au fond de son cœur ce qui pouvait servir à l’œuvre de Dieu. Certains Bovet ont collectionné les autographes et les beaux livres ; il a collectionné, lui, les beaux cantiques. Il a formé toute une bibliothèque composée des recueils de chants publiés un peu partout et recueillis pendant ses voyages. Entendait-il quelque part une belle mélodie, il se la procurait aussitôt et elle entrait dans sa collection ; puis, la contagion de son enthousiasme la faisait adopter par son entourage. C’est ainsi que, dans les recueils formés par lui, se mêlent familièrement aux chorals vénérables et graves, des chants anglais, américains, français, russes, danois, portugais, siciliens, polonais, espagnols et même nègres. Ce mélange de toutes les musiques et de toutes les nations, qui donne à ce concert de louanges un caractère un peu cosmopolite, représente bien l’homme de l’Alliance évangélique, désireux d’unir tous les peuples au pied de la croix.

Mais, mieux que l’artiste dans la partie musicale, le chrétien positif et pratique qu’était Arnold Bovet se retrouve dans les paroles de ces cantiques. Les poésies qu’il choisissait parmi les œuvres déjà connues et celles qu’il faisait composer devaient toutes atteindre un but précis, répondre à un besoin pratique, combler une lacune, illuminer une vérité. C’est peut-être dans ces chants qu’apparaissent le mieux les grandes lignes de ce qu’on pourrait appeler la théologie du pasteur de Berne. Rien de vaporeux, de fade, de sentimental. La poésie y est la servante humble et dévouée de la vérité, et cette vérité, c’est l’appel à la conversion, à la consécration, au travail. Ces cantiques ne doivent pas porter à la contemplation mystique ou à la rêverie sentimentale ; ce ne sont pas des berceuses. S’ils favorisent l’adoration et le recueillement, ils excitent aussi au témoignage, au travail, à la conquête. Eux aussi ils sont des ouvriers producteurs de résultats tangibles, réels, positifs.

Les Vereinslieder, pour les paroles comme pour la musique, ont quelque chose de plus simple que les Loblieder. Ils étaient destinés, en effet, plus particulièrement aux abstinents et devaient pouvoir se chanter dans les milieux les moins cultivés et au besoin sans accompagnement. Cette sorte de dépouillement leur a porté bonheur et leur a facilité l’accès des réunions auxquelles ils étaient destinés.

Les Loblieder répondaient à des besoins plus complexes. Ils devaient servir en toutes sortes de circonstances : assemblées nombreuses, fêtes de missions ou d’évangélisation, réunions intimes, culte de famille, etc. À côté de chants plus simples, Arnold Bovet y a mis des compositions d’un caractère plus riche et plus compliqué, exigeant plus de culture musicale. C’est peut-être pour cette raison que ce recueil n’a pas immédiatement rencontré la faveur qu’il méritait. Quand on le connaîtra mieux, on lui rendra justice.

Quoi qu’il en soit, on peut dire que les recueils de chants publiés par Arnold Bovet nous conservent une des plus belles portions de son âme et qu’en les ouvrant, nous sommes tentés de dire : « Quoique mort, il chante encore ! »

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Le même principe qui inspira à Arnold Bovet son idée du culte le dirigea dans la question des sacrements. Sur ce point, l’extrême élasticité de sa conception risque de déplaire à beaucoup, et peut-être verra-t-on s’unir pour le condamner baptistes et pédobaptistes.

Arnold Bovet approuvait et pratiquait le baptême des enfants, sans toutefois lui donner le sens et lui prêter l’efficacité admis par les luthériens stricts. Pour lui, l’appropriation du salut est le résultat de la nouvelle naissance et non d’un rite, et son expérience aussi bien que les textes bibliques ne lui eût pas permis d’identifier l’aspersion d’eau avec la régénération. Il conféra donc le baptême à ses enfants, en signe d’adoption de la part de Dieu et de consécration de la part des parents ; mais il ne laissa pas, pour autant, de leur parler de conversion et d’appropriation personnelle de la grâce. Dieu répondit à sa fidélité en permettant que ses trois fils et sa fille fissent, à un moment précis de leur vie, profession de s’être donnés à leur Sauveur.

Intransigeant sur la question de la conversion, notre ami était, sur celle du rite baptismal, d’une largeur que beaucoup trouveront excessive et dangereuse. Une certaine agitation s’étant produite, il y a quelques années, parmi les chrétiens, plusieurs d’entre eux se sentirent troublés par la pensée que l’aspersion reçue dans l’enfance n’était pas le vrai baptême ; celui-ci exigeant l’immersion totale et une foi personnelle ; en conséquence il fallait recommencer et demander le baptême « biblique ».

Il y a quelque chose d’infiniment respectable dans ces scrupules ; et, bien qu’il ne les partageât point, Arnold Bovet résolut de les calmer en leur faisant droit. Il se disait avec raison qu’une fois la conscience en jeu, même dans une question secondaire, il faut lui obéir pour conserver la paix intérieure. Il fit donc installer dans le rez-de-chaussée de sa maison une petite piscine qu’il mit à la disposition de ceux dont la conscience était tourmentée. Pendant un certain temps, bien des personnes s’y firent plonger par des pasteurs baptistes ; puis, l’attention s’étant portée sur d’autres sujets, l’agitation se calma et la piscine ne fut plus utilisée.

Une telle largeur quant au baptême présage peut-être une certaine indifférence quant à la Cène. Erreur complète. La communion, présentant le Sauveur au pécheur, était trois fois chère au pasteur Bovet. Encore qu’il se séparât des luthériens sur la doctrine de la « Consubstantiation », il se rapprochait d’eux par la haute importance qu’il attribuait au sacrement et par la grâce immense qu’il savait y trouver. On se rappelle qu’à Paris, en 1868, c’est à l’Église luthérienne des Billettes qu’il aimait à communier. Une fois chargé d’une paroisse, il s’efforça de donner, dans son culte, à la célébration de la Cène, la grande place à laquelle elle a droit et qui lui est encore trop souvent refusée.

Dans l’Église de Berne, on communiait tous les mois, et le pasteur n’eût pas mieux demandé que de le faire encore plus souvent. Seulement, et c’est ici qu’il se séparait des ritualistes, il tenait à rendre la participation au sacrement aussi intelligente et aussi peu mystique que possible. Au lieu d’accomplir, comme un prêtre, un acte mystérieux et surnaturel, dont la vertu incompréhensible aurait agi sur la partie de l’âme humaine que la philosophie de César Malan appelle « le subconscient », Arnold Bovet s’efforçait d’être aussi bien compris dans la rupture du pain que dans l’explication d’un chapitre. Il voulait que l’autel fût éclairé, non de cierges, mais de connaissance et de vérité. Dans ce but, au moment où il relisait les paroles de l’institution de la Cène, il s’arrêtait sur un mot qu’il expliquait longuement, de sorte qu’il avait une série de vingt méditations sur 1 Corinthiens 11. Ce procédé est tout ce qu’il y a de moins liturgique, et les fanatiques de l’art dans le culte y trouveront à redire ; mais on reconnaît là le chrétien pratique, saintement réaliste, disciple de ce Paul qui aimait mieux « dire cinq paroles avec son intelligence, afin d’instruire les autres, que dix mille paroles en langues. » (1 Corinthiens 14.19.)

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Après le culte, la cure d’âme et l’instruction religieuse.

Nous n’avons pas à revenir sur la cure d’âme des abstinents. Nos lecteurs se souviennent de ce que fut, à cet égard, le Président de la Croix-Bleue bernoise et quels trésors de sagesse, de tact, de perspicacité et d’amour compatissant il y dépensa.

Son effort ne fut pas moindre pour les membres de son Église et en particulier à l’égard de la jeunesse. Jamais il n’aurait pu se contenter d’instruire ses catéchumènes, ou plutôt, il donnait à ce mot « instruire » son sens primitif ; son enseignement religieux tendait, dans toutes ses parties, non point à réparer l’homme naturel, mais à construire à sa place un homme nouveau.

Sur ce point, il vaut la peine d’étudier le manuel d’instruction religieuse qu’Arnold Bovet fit imprimer en 1882, et qui est malheureusement épuisé : Leitfaden der christlichen Lehre für den Jugendunterricht.

Ce catéchisme ne se distingue pas, au premier abord, de la plupart des autres. Il expose avec sobriété et clarté les principaux points de la doctrine chrétienne, tels que les enseigne l’orthodoxie du Réveil. Seulement, dès la préface, l’auteur nous prévient que s’il a voulu publier les « inoubliables » leçons de son pasteur Henri Quinche, c’est parce qu’elles s’attachent à mettre en pleine lumière la nécessité de la nouvelle naissance.

C’était bien là aussi l’ardente préoccupation du pasteur de Berne et son effort croissant jusqu’au moment de la ratification.

N’étant plus chargé d’une paroisse nationale, il ne voyait plus se présenter à la réception et à la table sainte des volées entières de jeunes gens et de jeunes filles inégalement disposés à ces actes saints et parmi lesquels plusieurs peut-être auraient dû s’en abstenir. Ce cauchemar annuel de beaucoup de pasteurs lui était désormais épargné. Néanmoins, il avait l’œil trop ouvert, la conscience trop délicate et le cœur trop droit, pour s’imaginer qu’il ne peut y avoir de communions indignes et d’actes formalistes dans une Église libre. C’est pourquoi, à Berne comme à Sonvillier, il s’efforçait d’amener ses catéchumènes à une appropriation personnelle, sérieuse, consciente et volontaire du salut. Sans se lasser, il leur répétait que la religion n’est pas seulement une doctrine qu’il faut connaître, une loi à laquelle il faut obéir, mais une vie qu’il faut recevoir et une puissance dont il faut être pénétré. Par des entretiens particuliers, des questions précises et directes, des appels personnels et répétés, il tâchait d’isoler en quelque sorte chaque âme, pour la mettre bien en face d’elle-même et en face du Sauveur.

Le nombre relativement restreint des catéchumènes qui lui étaient confiés, la bonne volonté de la plupart d’entre eux, l’action parallèle et concordante d’une famille pieuse, tout favorisait de sa part une cure d’âme plus minutieuse, une auscultation plus fine, un traitement plus soigné, une initiation plus profonde et plus complète que ne peuvent se le permettre beaucoup de pasteurs nationaux avec les bandes indisciplinées qui leur arrivent d’un peu partout.

Arnold avait une sorte de prédilection pour les deux extrêmes de la vie humaine. Après la jeunesse de son Église, ce qu’il soignait avec le plus d’attention, c’était les personnes âgées. Chacune avait sa visite au moins une fois par semaine. Le vendredi, de onze heures à midi, il recevait chez lui les paroissiens qui avaient besoin, non d’un secours matériel, mais d’une direction spirituelle. Enfin, en temps et hors de temps, dans les rues et sur les places, dans les trams et dans les trains, les habitants de Berne ne l’oublieront pas de sitôt, il attaquait avec amour les âmes que son Maître mettait sur son chemin.

Ce pasteur d’une petite communauté de professants n’était pas le chapelain d’une élite ou l’ornement d’une chapelle ; il appartenait manifestement à la bonne équipe des serviteurs que le Maître envoie « dans les chemins et le long des haies », pour contraindre d’entrer tous ceux qu’ils trouveront. Une sainte angoisse et une indomptable espérance électrisaient cet homme en faveur de toutes les âmes, et, en le voyant travailler pour elles, on eût dit que, pressentant un départ prochain, il voulait utiliser même les minutes.

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Dans tout vrai pasteur, il doit y avoir un théologien. Arnold Bovet n’a pas fait exception à la règle — , comme l’apôtre Saint Paul avait « son Évangile », il avait, lui, sa théologie, bien personnelle et bien réelle, encore qu’il parût s’en occuper trop peu.

L’action a pris dans sa vie une place si grande, qu’elle a quelque peu empiété sur celle de l’étude, et la pratique a peut-être, chez lui, un peu nui à la théorie. Il aimait mieux, disait-il, « être béni que logique ».

Ce terrible homme, aux allures de train express, dévorait les distances et brûlait les stations. Une usine n’est pas un sanctuaire d’études théoriques, et la vie du pasteur Bovet ressemblait un peu à une grande gare aux nombreuses bifurcations, où le mouvement ne se ralentit jamais.

On ne peut pas dire que cet accaparement de son âme par la multiplicité de ses devoirs et de ses responsabilités ait été pour lui une souffrance intense. Pendant ses temps de vacances, il se dédommageait, en quelque mesure, par des journées entières consacrées à la lecture ; et puis, son amour pour le positif de la vie et pour le travail, producteur de résultats visibles lui faisait préférer les jouissances de l’action à celles de l’étude ; enfin, son extrême humilité l’aidait à accepter ce que d’autres auraient peut-être subi comme une infériorité.

Lui-même trouva un jour une comparaison fort jolie, pour expliquer sa position vis-à-vis des mystères du Royaume de Dieu. Dans une réunion tenue au Ried sur Bienne, quelqu’un, à propos du retour de Christ, avait exprimé l’opinion que, pour pouvoir bien travailler, il faut être initié aux pensées divines, et au clair sur les destinées ultimes du Royaume. Arnold Bovet prit la parole pour faire entendre une note un peu différente. Il se compara à un petit aide-maçon italien qui, perché sur une échelle, passe simplement aux ouvriers, tantôt du mortier, tantôt des briques, tantôt des pierres ; n’exigeant pas qu’on lui communique les plans et laissant à l’architecte le soin de mettre chaque chose en place. Puis il ajouta : « Demain soir, j’ai à présider à Berne une réunion de tempérance ; après-demain j’ai autre chose. J’essaie d’accomplir fidèlement mon devoir quotidien et j’abandonne à Dieu le soin de faire le reste. »

Dans l’attitude un peu réservée d’Arnold Bovet vis-à-vis de la théologie proprement dite, il y avait autre chose encore qu’une absence de curiosité. On ne peut méconnaître qu’il éprouvait à l’égard de la critique scientifique une réelle aversion. Sans doute il n’est pas allé jusqu’à la rejeter entièrement. Quand ses fils se rendirent comme étudiants à Berlin, il ne les empêcha nullement de suivre les leçons de Harnack et même il les y accompagna. Mais il était visible que les résultats de la critique moderne ne lui inspiraient ni sympathie ni confiance, et il ne se gêna pas pour reprocher à certains théologiens de la tendance évangélique de trop subir une influence qu’il jugeait délétère, et de faire, à une science encore douteuse pour lui, des concessions qu’il appelait des capitulations.

Cette intransigeance tenait à sa conception même de la Révélation. Pour lui, la vérité divine se confondait avec les documents qui la contiennent. Toute atteinte à l’intégrité de ceux-ci lui paraissait un attentat à la sainteté de celle-là. La Bible était pour lui la robe sans couture qu’une science profane pouvait bien essayer de déchirer et de salir, mais que la piété des fidèles devait défendre à tout prix.

Les théologiens qui se livraient sur l’organe vivant de la révélation à toutes les fantaisies de l’esprit critique étaient coupables, non de dissection, mais, en quelque sorte, de vivisection. Cet attentat ne pouvait pas être pardonné ; aussi les seuls hommes que le pacifique pasteur de Berne déclarait ne plus vouloir saluer, étaient ceux à qui il pouvait reprocher de détruire la foi.

En quoi avait-il raison, en quoi avait-il tort ? Il avait, selon nous, raison de penser que la Révélation ne relève pas de la critique scientifique et n’est pas justiciable d’un tribunal purement humain. Elle appartient à une zone inaccessible à l’homme naturel ; elle est, pour celui-ci, selon l’expression d’Ésaïe, « un livre cacheté ». Le voile n’est ôté que lorsque les cœurs se convertissent ; l’homme régénéré a donc seul qualité pour examiner le trésor divin : l’homme spirituel seul comprend les choses de Dieu, et ce n’est pas de l’esprit de l’homme naturel que parle l’apôtre quand il dit : « L’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. »

Un penseur de Genève, à propos d’Amiel et de son impuissance à vaincre son doute, dit très bien : « La vérité divine appartient de droit à ceux qui la pratiquent. » C’était également la grande idée de J.-T. Beck, de Tubingue. À un étudiant tourmenté par quelque incertitude, il disait simplement, en son langage populaire, intraduisible en français : « Wandeln Sie nur in dem geraden Wege der Gebote Gottes, dann wächst Ihnen die Wahrheit über den Kopf », pensée que Saint Jean exprimerait par cette déclaration de son Maître : « Si quelqu’un veut faire la volonté du Père, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef. » (Jean 7.17.)

La vérité religieuse est comme les vitraux des cathédrales, dont la beauté, invisible aux spectateurs du dehors, est réservée à ceux du dedans. Arnold Bovet avait donc raison de déclarer l’esprit de l’homme terrestre incompétent pour juger la révélation.

En quoi avait-il tort ? Ici, pour être plus sûr de rester juste, nous laisserons parler un de ses plus intimes amis, le professeur Charles Porret :

« Sans avoir les opinions théopneustiques, il était cependant dominé par un a priori qui s’en rapprochait singulièrement. Bien qu’il fût sympathique aux vues exposées par M. Kähler sur l’Écriture, il nous paraît ne s’être pas approprié la transformation que ce théologien biblique a fait subir à la conception exposée par Beck dans sa Propédeutique. Comme ce dernier fixait, en quelque sorte d’avance, certaines limites que la critique historique ne devait pas franchir (au lieu de se contenter de déterminer les prémisses dont elle doit partir pour être légitime), de même Arnold Bovet avait son siège plus ou moins fait sur l’histoire biblique et c’est à cette mesure qu’il jugeait la critique. Il avait su se faire sa philosophie à lui, sur la marche progressive des révélations de Dieu, et vraiment, elle ne manquait pas de grandeur et d’originalité. Peut-être l’avait-il un peu trop identifiée avec la révélation elle-même. Un examen plus approfondi de la question l’aurait sans doute amené à reconnaître que des problèmes se posaient encore là où il croyait voir des solutions définitivement acquises.

« Il faut donc, pour être équitable, discerner des éléments divers et d’inégale valeur dans l’attitude d’Arnold Bovet quant à la théologie. Mais ce qui est certain, c’est que si le temps lui avait manqué pour étudier les questions débattues, il avait, sur nombre de points, et surtout sur les vérités centrales, des aperçus d’une justesse étonnante, reposant sur l’intuition plus que sur une connaissance discursive et dénotant un robuste bon sens. »

Caractérisant son ami, M. Ch. Porret continue :

« Le bon sens était une de ses qualités distinctives. Cela doit être relevé parce que ceux qui ne le voyaient que de loin, étaient portés à le croire plutôt exalté et disposé à l’exagération, tant étaient ardents sa ferveur et son zèle. Mais quand on le voyait de plus près, on était frappé, au contraire, de sa grande pondération. Il avait surtout des aptitudes mathématiques, ne l’oublions pas. Un de ses goûts les plus prononcés était l’architecture ; il s’était acquis dans le domaine des constructions pour salles de réunions, en particulier, une réputation. Nous croyons que ceux qui ont suivi ses conseils pour bâtir, ont eu à s’en applaudir. Eh bien ! il apportait dans les choses spirituelles ce même sentiment des justes proportions. C’est ce qui l’a empêché, malgré sa sympathie pour telles idées réputées excessives, de dépasser la mesure de la sagesse. Voilà pourquoi aussi il tendait toujours à faire passer dans la vie pratique ce qu’il avait trouvé vrai en théorie. C’est en cela surtout qu’il se rapproche de Finney, que Vinet a appelé « le procureur du bon sens ».



Charles Grandison Finney (1792-1875)

Ce besoin de logique et de réalités a gardé Arnold Bovet des pièges d’un mysticisme exagéré qui a sévi par moments jusque dans le protestantisme. La soif de vérités non encore entrevues, la nostalgie de l’au-delà, le besoin de sanctification parfaite, le désir de sonder les mystères ont rempli certains chrétiens, au point de les rendre indifférents à toute autre préoccupation. Gardons-nous de leur jeter la pierre. Ils ne sont déjà pas si nombreux les disciples que hante l’obsession de mieux connaître leur Maître, de lui mieux ressembler et de préparer son retour, et « le disciple couché sur le sein de Jésus », c’était « le disciple que Jésus aimait ».

Arnold ne fuyait pas les réunions où les représentants de cette tendance unissaient leurs prières, leurs impatiences et leurs espérances ; seulement, dans ce mélange de convictions saines et d’autres qui l’étaient moins, il examina toutes choses et il retint ce qui était bon. Sa vie active ne lui laissait que peu de temps pour explorer un domaine incomplètement révélé, et il pensa que la meilleure manière d’attendre le retour du Maître était de le préparer et de le hâter en formant pour Jésus un peuple aussi nombreux et aussi zélé que possible.

Pour achever de caractériser le théologien d’une nature un peu spéciale qu’il y avait en lui, il faut rappeler ici un trait raconté par Charles Secrétan, dans son volume : La Civilisation et la Croyance.

« Dans l’été de 1869, je crois, j’eus l’honneur de voir assis à ma table le vieux philosophe Pierre Leroux, avec quelques étudiants en théologie. Naturellement, la conversation s’engagea sur des sujets religieux. « Vous reconnaîtrez, dit Pierre Leroux, que le fondement du christianisme, c’est la Trinité de Dieu. » — La Trinité ? s’écria l’un de ces jeunes gens, aujourd’hui pasteur très activement et très profitablement occupé dans une capitale, la Trinité, c’est une doctrine intéressante, assurément, mais le fondement du christianisme ? certes non ! — Qu’est-ce donc ? demanda le métaphysicien. — Le fondement, le fondement… c’est que je suis sauvé ! »

« Sans apprécier cette réponse, continue Ch. Secrétan, elle me semble marquer assez bien la différence des deux points de vue, l’un partant du dehors, l’autre du dedans. »

On peut ajouter que la parole d’Arnold Bovet, car c’était lui, caractérise admirablement sa théologie. Il y voyait avant tout la science du salut, de sa nécessité, de sa nature, de sa source, de ses conséquences, de son appropriation et de sa diffusion. Ce qui l’intéressait, c’est ce qu’on pourrait appeler la biologie chrétienne, les phénomènes ou plutôt les réalités de la vie divine dans l’homme. S’il n’aimait pas certaine théologie, c’est qu’il n’y voyait qu’une sorte d’autopsie de l’Évangile ; mais autant il haïssait l’anatomie de la vérité, autant il recherchait les manifestations de cette vérité. Les hommes de sa dilection, c’était, avant tout, ceux qui ont possédé à un haut degré cette vie divine, et ceux qui l’ont communiquée autour d’eux. De là sa préférence pour les ouvrages de théologie anglaise et pour les écrits des revivalistes.

Parmi ceux-ci, comme le dit M. Ch. Porret, l’homme qu’il mettait avec John Wesley au-dessus de tous les autres apôtres modernes, c’est Charles Finney. Parmi les contemporains, il admirait beaucoup D.-L. Moody.



John Wesley (1703-1791)

Cet amour pour les grands remueurs d’âmes et pour les ouvriers de la conversion, n’allait pourtant pas, chez lui, au delà de certaines limites.

Il aimait l’évangélisation militante, mais non militaire. On s’attend peut-être à ce qu’il ait été un fanatique de l’Armée du Salut ? Ce mouvement si curieux, qu’est-il autre chose, au point de vue de la méthode comme de la doctrine, que la prolongation de toutes les lignes qui partent de Wesley, et ce qu’on pourrait appeler le comble du méthodisme ? Eh bien, Arnold Bovet se tint soigneusement en dehors de cette œuvre. Il commença par l’étudier aussi consciencieusement que possible. Dans ce but, il n’hésita pas, en 1882, à faire à Londres un séjour prolongé. Après chaque réunion, il consignait ses impressions dans des lettres très détaillées qu’il adressait à son beau-frère Félix. L’activité du général Booth produisit sur lui un curieux mélange d’admiration et d’énervement.



William Booth (1829-1912)

Ce qui lui plaisait, dans l’Armée du Salut, c’était la clarté du message, le dévouement des officiers et l’incontestable beauté de certains résultats.

Ce qui l’agaçait, c’était l’excitation bruyante et malsaine, c’était la grosse caisse assourdissante, les mouchoirs agités, les cris et les gestes, un enthousiasme un peu factice et commandé, bref, tout cet ensemble de moyens extérieurs qui lui paraissait agir sur les nerfs et sur les sens, bien plus que sur la conscience et sur le cœur. Au total il se sentit plutôt éloigné que gagné. Volontiers il aurait dit de l’Armée du Salut comparée à d’autres œuvres moins bruyantes et plus profondes, ce qu’en disait Léon Natte : « Il y a dans ce mouvement des choses bonnes et des choses nouvelles ; mais les choses bonnes ne sont pas nouvelles, et les choses nouvelles ne sont pas bonnes. »

Nous ignorons quelle impression lui firent les œuvres sociales entreprises depuis quelques années par l’Armée du Salut. Il est plus que probable qu’il ne leur a pas marchandé l’approbation qu’elles méritent si bien.

♦ ♦ ♦

On a vu qu’Arnold Bovet attachait une importance infiniment plus grande à l’Église invisible qu’à la communauté visible. Son insuffisante appréciation des prérogatives et des responsabilités attachées par d’autres au titre de membre, son apparent indifférentisme en matière ecclésiastique ne doivent pourtant pas être exagérés et faire méconnaître l’amour ardent qu’il avait pour son Église et les soins presque maternels qu’il lui donna.

Son Église ! c’était pour lui une seconde famille. Dans son cœur aux affections concentriques, elle a partagé avec la Croix-Bleue la toute première place après celle réservée à la famille selon la chair.

Déjà à Sonvillier, mais encore plus à Berne, il voulut inspirer à ses paroissiens cette disposition excellente, mère de toutes les bonnes solidarités : l’esprit de famille. Ennemi du sectaire égoïste, pour qui rien n’existe au delà de l’ombre projetée par son petit clocher, et du dilettante, qui sous prétexte d’aimer tout le monde ne s’inquiète que de lui-même, il s’efforçait de transformer son Église en un foyer chaud et intime, favorable à l’épanouissement et à la croissance des âmes.

Dans ce but, il avait donné le caractère d’une véritable soirée de famille, à la réunion d’Église qui avait lieu tous les mois dans la chapelle. L’arrangement des bancs était, ce jour-là, combiné de manière à former une sorte de cercle. Après le thé, chaque membre homme introduisait à son tour l’entretien par une étude faite sur un livre de la Bible.

Il tenait aussi beaucoup, toujours pour resserrer les liens de la fraternité, à la soirée de la saint Sylvestre qui, instituée déjà à Sonvillier, fut continuée à Berne.

Voici le programme de la fête, telle que notre ami la décrit dans son ouvrage : Heraus aus dem Wirtshaus !

À neuf heures et demie, sonnerie de cloches. À dix heures précises, le culte commence : chant, prière, lecture de quelques passages, puis compte-rendu détaillé des événements survenus pendant l’année dans la paroisse ; mention spéciale de certaines morts, des mariages ou d’autres circonstances intéressant les personnes. À dix heures trois quarts, on apporte le thé qui est offert dans les bancs, avec accompagnement de petits gâteaux. Pendant cette collation, un chœur se fait entendre. Vers onze heures et demie, commence l’allocution de minuit, presque toujours destinée à des appels, et qui dure jusqu’à ce qu’elle soit brusquement interrompue par le premier coup de minuit, auquel toute l’assemblée se lève, pour saluer la nouvelle année par un chant d’actions de grâces. (Nun danket alle Gott !)

Arnold Bovet voyait là un moyen d’agir salutairement sur la jeunesse, ordinairement livrée, pendant la nuit du Nouvel-An, à une dangereuse dissipation, et de permettre au pasteur de présider, comme un père, la grande fête de famille qui ouvrait l’année nouvelle. Il en est un peu des années comme des jours. La manière dont on y entre détermine celle dont on en sortira. Il est possible qu’une année bien commencée finisse mal, mais il est plus difficile qu’une année mal commencée finisse bien.

À Berne, il fallut dédoubler la longue veille. La grande famille de la Croix-Bleue voulut avoir sa part. On la lui donna dans les salles de la Tempérance, réunies à cette occasion en une seule. Chants, récitations, allocutions, le temps passait vite pour ce peuple si peu blasé ! Au milieu de la soirée, Arnold Bovet allait retrouver, dans sa chapelle, les chrétiens de langue française des deux Églises, réunis sur le terrain de l’Alliance évangélique ; et c’était avec son vénéré ami et frère M. Bernard, pasteur de l’Église française nationale, qu’il célébrait le passage d’une année à l’autre. Au premier coup de minuit, on chantait, on lisait le texte morave, on priait et on échangeait l’accolade fraternelle : le premier baiser du pasteur de l’Église libre était pour le pasteur de l’Église nationale.

La mort même n’a pu séparer que pendant quelques mois ces deux hommes si intimement unis.

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Le jeudi 20 septembre 1900, l’Église libre française de Berne célébra le 25e anniversaire de l’entrée en fonctions de son pasteur. La fête consista tout d’abord en une réunion administrative, où l’on procéda à la confirmation de M. Bovet en qualité de pasteur, à l’élection du nouveau conseil d’Église et à l’adoption de la constitution. Depuis sa séparation d’avec la fraction allemande, la petite communauté avait vécu sans organisation définitive. La constitution qui fut votée le 20 septembre 1900 se distingue par sa simplicité : elle tient tout entière en quinze articles. Après cette première séance, eut lieu dans la salle des Rameaux, une agape, ouverte par le chant d’un chœur dont les paroles étaient de M. le pasteur Borel-Girard, et la musique de Félix Bovet, fils cadet d’Arnold.

Sur une table, on avait placé deux corbeilles pleines, l’une de fleurs magnifiques, l’autre de fruits, symboles de ceux portés par un ministère de vingt-cinq ans. Entre les deux corbeilles se voyait un album qui fut aussitôt présenté au pasteur, et sur les feuillets duquel tous les membres de son Église, y compris ceux que la destinée avait éloignés jusqu’au Transvaal, jusqu’au Brésil, avaient été invités à écrire leurs noms accompagnés d’un témoignage ou d’un souvenir : passage biblique, poésie, pensée, photographie, aquarelle, etc.

Profondément ému, l’heureux pasteur répondit à tous ces hommages en affirmant qu’il ne les acceptait que sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire en y cherchant les critiques auxquelles il pensait avoir droit et en reportant tout le reste à son Maître.

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Nous avons beaucoup parlé du pasteur de Berne. Il serait temps de le laisser parler lui-même. Nous ne pourrions mieux clore ce chapitre qu’en essayant de donner à nos lecteurs, par quelques exemples, une idée approximative de sa prédication. Après avoir essayé de reproduire ici quelques-uns de ses sermons, nous avons dû y renoncer.

Ceux qui ont entendu prêcher Arnold Bovet éprouveraient une déception et une douleur en lisant ici le résumé de telle ou telle de ses prédications. Il leur semblerait qu’au lieu d’un homme vivant, on ne leur présente plus qu’un squelette. Il est impossible d’éviter cette impression. La prédication évangélique est un peu comme la manne : elle perd à être conservée. Cela est surtout vrai de sermons dont la force venait moins des dons extérieurs de l’homme que de sa vie spirituelle. Quelques pages ne sauraient rendre la flamme ardente, la conviction profonde et l’amour intense de celui qui les a prêchées. Ces fleurs desséchées rappellent la fidélité d’une belle vie, elles n’en conservent pas le parfum.

Mieux que la pâle reproduction d’un plan de sermon, le témoignage des auditeurs peut nous donner une idée de l’ascendant exercé sur eux par la prédication d’Arnold Bovet. Parmi beaucoup d’autres souvenirs que nous pourrions reproduire ici, en voici un particulièrement caractéristique dans sa sincérité émue :

« J’avais 11 ans lorsque j’entendis pour la première fois une prédication de M. Bovet. Jamais, jusqu’alors, je n’avais écouté aucun des nombreux sermons auxquels on m’avait conduit. Cette fois, je fus saisi et subjugué, et cette impression s’approfondit d’année en année, pendant quinze à vingt ans.

« Pour qui entendait M. Bovet, tout devenait vivant ; les personnages et les faits bibliques devenaient des réalités intéressantes et poignantes ; les livres de la Bible se révélaient comme des unités. Et toujours on se sentait dans le réel de l’existence actuelle : question sociale, vie quotidienne, petites et grandes difficultés de toutes les positions, tout était éclairé d’un rayon divin.

« Certaines séries de sermons m’ont fait une impression inoubliable, par exemple celles sur l’épître aux Romains, sur l’Oraison dominicale, sur la vie d’Élie, etc… Il me semblait souvent être seul avec Dieu dans cette chapelle et être directement sous l’action du Saint-Esprit. Je crois ne pas avoir été seul à avoir cette impression. »

Au lieu d’imprimer ici aucun des sermons du pasteur Bovet, nous avons préféré en extraire quelques pensées que nos lecteurs seront peut-être heureux de recueillir, en se souvenant que nous ne leur offrons pas des « maximes » artistement ciselées, mais seulement « des miettes ramassées, pour que rien ne se perde. »

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Ne vous lamentez pas en disant. « Je t’aime si peu, mon Dieu ! » Dites-lui au contraire : « Tu sais que je t’aime au fond de mon âme, et que je me laisserais hacher, plutôt que de t’abandonner ! »

« Ton règne vienne ! » Ne priez pas : « Seigneur, viens régner dans mon cœur ! » Voulez-vous donc prier ainsi jusqu’à l’âge de soixante ou soixante et dix ans ? Le Seigneur ne fait pas pour vous ce que vous pouvez faire seuls. Dites-lui : « Tu es mon Roi, je ne veux d’autre roi sur mon cœur que toi ! »

Les soucis sont les questions au futur : « que mangerons-nous ? que boirons-nous ? » que l’on adresse à je ne sais qui, à soi-même, au vide. Et personne ne répond. On tourne dans un cercle vicieux et on a un moulinet dans la tête. Le contraire des soucis, c’est la confiance. Elle est une affirmation au présent : « Je m’abandonne à Dieu. »

Qu’est-ce que « nous recueillir ? » C’est nous préparer à rencontrer Dieu et à lui parler, c’est l’attendre. Pour cela, il nous faut rentrer en nous-mêmes, rassembler nos facultés, et puis les diriger, les concentrer sur nous-mêmes et sur Dieu.

Nous n’avons garde de négliger les devoirs du recueillement quand nous nous présentons devant un grand de ce monde. Sans parler de la toilette, quelle application, dans notre esprit, à nous bien rendre compte de notre cause, à l’exposer avec convenance ! Que de fois nous nous sommes présentés devant le Souverain de la terre et des cieux, en négligé !

Écouter avec un esprit de critique, c’est, presque sans exception, écouter sans profit.

« Le Royaume de Dieu est forcé. » Il faut arriver à une crise, pour les uns courte, de quelques heures, plus longue pour les autres. Mais il faut un moment d’efforts violents pour entrer par la porte étroite. Après, il n’y a plus de si pénibles efforts.

Ne dites pas : « C’est plus fort que moi ! », car Il est le plus fort.

Au fond de son cœur, chaque homme a un brin de fausseté. Il faut parfois de longues transformations pour arriver à la crainte de toute dissimulation et pour sentir le besoin d’avouer nos points faibles, et avoir le courage de dire et d’entendre la vérité.

C’est l’obéissance qui donne les fortes convictions.

« Aujourd’hui, tu seras avec moi au Paradis. » Ce ne sera pas encore la gloire, puisque notre corps ne sera pas encore ressuscité ; et nous ne serons pas encore dans l’activité, mais dans la contemplation. Ce sera un repos en Dieu, avec Jésus-Christ.

1 Corinthiens 13. La charité a deux faces : la patience et la bonté. Il y a vingt-cinq ans, je me trouvais dans une nombreuse société de personnes distinguées par leurs dons spirituels, et je me disais que jamais je ne posséderais ces dons. Alors, ce chapitre XIII me consola. Je me dis : la charité est une voie ouverte à chacun. Tous peuvent posséder ce don-là.

« Ta force durera autant que tes jours » (Deutéronome 38.25). L’habitude enracinée qui nous porte à considérer notre faiblesse, nous ôte l’idée de la force qui est en Dieu, force qui nous est promise et réservée. De là nos constantes défaillances dans la vie de chaque jour. Nous agissons selon notre faible force, et nous ne réclamons pas, ou presque pas, celle qui nous doit venir d’en haut.

Le mot « patience » signifie demeurer tranquille sous une pression, sans s’agiter. Dans l’épreuve, le croyant se cramponne d’autant plus fortement à ce que Dieu dit, comme les racines d’un arbre secoué par l’ouragan s’affermissent dans le sol.

Quand l’impatience ou la colère vous gagnent, gardez le silence ; ne dites pas un mot, ainsi vous aurez le sentiment d’une délivrance.

Le vieil homme doit être non pas consolé, mais crucifié.

Dieu nous éduque par le moyen des tentations afin que nous apprenions à connaître ce qui est dans notre cœur.

Il pourra nous épargner les tentations dans la mesure où nous nous humilierons.

Colossiens 1.25. « Ayant fait la paix au moyen du sang de la croix. » La paix est faite, et nous n’avons qu’à l’accepter. Dieu est satisfait de l’œuvre de Christ, et lorsque le pécheur en est satisfait, lui aussi, alors il y a parfaite paix entre Dieu et lui.

La base d’une véritable vie de consécration à Christ, c’est une profonde conviction et une parfaite connaissance de notre corruption et de notre totale incapacité d’aucun bien.

Où que nous soyons, dans un bureau, sur la rue, l’Esprit de gloire repose doucement sur nous.

La religion chrétienne n’est pas une série de commandements, ni une liste de préceptes, mais une position splendide que Dieu nous a faite en son fils Jésus-Christ.

La foi se nourrit surtout de l’action de grâces.

Il y a trois sortes d’attente : 1° la résignation morne, indifférente ; 2° l’attente agitée avec mille doutes et pourquoi ? 3° l’attente soumise et confiante.

L’égoïsme côtoie le découragement, tandis que le dévouement et le service de Dieu côtoient la vaillance.

Le corps ressuscité sera le docile instrument de l’âme. Un grand artiste qui n’aurait à sa disposition qu’un misérable harmonica ou un vieux petit harmonium, fera de son mieux sur cet instrument, et, en tout cas, n’en tirera pas de faux sons ; mais conduisez-le dans notre cathédrale, à notre bel orgue, il nous enchantera par des chefs-d’œuvre. Il en sera ainsi pour l’âme avec son nouveau corps.

La prière est une lutte, car elle a des résistances à surmonter en nous et aussi en Dieu. Dieu ne veut pas que nous devenions des machines à prier. Il discipline nos désirs et nos requêtes et il se réserve le temps de l’exaucement.

Philippiens 4.8. « … Que toutes ces choses occupent vos pensées. » Sommes-nous les maîtres de nos pensées ? Oui, nous pouvons l’être ; mais nous ne sommes pas maîtres de nos sentiments. Si nos pensées sont conformes à Dieu, nos sentiments le deviendront aussi.

La pensée est l’œil de l’âme que nous pouvons diriger, arrêter sur un objet, ou fermer.

Ézéchiel 36.26. Le cœur nouveau est un organe spirituel nouveau, que Dieu crée dans le chrétien sanctifié pour se révéler entièrement à lui.

Nous voudrions une vie nouvelle sans la mort à nous-mêmes, la résurrection sans la crucifixion, Pâques sans le Vendredi-Saint.

Plus un homme met à la Caisse d’Épargne, plus il y pense. Cela lui devient une habitude. Ainsi, plus nous ferons toutes choses en vue de la gloire de Dieu, plus cela deviendra pour nous une seconde nature. Notre cœur sera là où sera notre trésor.

Les enfants de Dieu ont une position sacerdotale. C’est l’apogée de la vie chrétienne. Dix justes auraient sauvé Sodome. Nous justes, nous sommes les vrais protecteurs de la famille, de notre cité, de notre pays.

Chaque grâce spéciale qui nous est accordée, est suivie de près par l’épreuve. Dieu nous demande : « Que vas-tu faire de cette grâce ? Vas-tu l’employer pour toi on pour ma gloire ? » Chaque tentation doit nous amener à une consécration renouvelée et alors Dieu étend sa main pour nous bénir.

Plus on aime, plus on souffre. Plus une âme est noble et élevée, plus elle est sensible à tant de misère et de péché, en elle et autour d’elle. Mais au-dessus de ces émotions, il en est une plus forte, qui reprend toujours le dessus, c’est celle-ci : « Jésus m’aime ! »

L’élite n’est pas élue en vue de son propre bonheur seulement, mais surtout pour servir à Dieu d’instrument de salut.

Actes 1.8. « Vous me servirez de témoins. » Rendre témoignage, c’est le devoir et le privilège du chrétien. Sans témoignage, point de vie, point de force, point de joie. Si elle n’est pas un témoignage pour Christ, la vie est triste, morne, je dirais presque honteuse !

Dieu accepte une repentance qui vient du sein du malheur. Quand l’enfant prodigue revient, son père ne lui dit pas : « Tu reviens maintenant, c’est la faim qui te pousse vers moi. Va-t’en ! » Non, Dieu nous accepte et nous dit « Pourvu que tu reviennes à moi, c’est l’essentiel ! »

Le point central n’est pas de s’agiter et de demander : « Quelle œuvre dois-je faire ? Dois-je m’occuper de sanctification ou bien d’évangélisation ? » Demeurer en lui, tel est le point central.

C’est moins nos prières pour le monde que Dieu attend de nous, que notre témoignage et notre consécration.

Le Seigneur nous a voilé l’avenir, mais il ne nous a pas caché son cœur paternel.

La mauvaise humeur vient le plus souvent de ce qu’il y a quelque chose entre Dieu et nous. Nous n’osons pas murmurer contre Lui, et nous nous vengeons sur le prochain.

Par les détresses, nous apprenons à connaître les délivrances.

Ici-bas, vie, santé, argent, tout nous est prêté. Tout, excepté Jésus, qui nous est donné pour l’éternité.

Quand vous avez la moindre inquiétude, faites une prière, faites-en deux ou trois, mais ne gardez pas l’inquiétude.

Le Seigneur nous place constamment entre une promesse et une difficulté.

Si nous tombons après notre conversion, c’est presque toujours du côté où nous penchions avant.

L’action de grâces précède et suit la victoire, elle l’encadre.

Nous sommes appelés à régner avec lui. Le chrétien fait ici-bas son apprentissage de roi. Comment cela ? En servant.

L’amour fraternel n’est pas affaire de sentiment, mais de volonté et de dévouement.

Il ne suffit pas de prier. Il faut faire un pas de plus et saisir la promesse.

Le monde est le narcotique de l’âme.

Il faut que chaque matin l’âme soit réveillée par la Parole, avant que le narcotique du monde l’endorme.

Jésus est l’arbre de vie, en qui l’humanité nouvelle est entée.

Nous avons été créés par Jésus à l’image de Dieu, Satan en a fait des caricatures.

Je n’aime pas l’expression « aller au ciel ». Combien il est plus glorieux de dire : « Nous lui serons semblables. »

On a le temps d’accomplir beaucoup de choses, quand on a de l’ordre dans sa vie.

Il y a un extrême danger, pour ceux qui restent inconvertis, à vivre avec des personnes converties.

Chaque âme a besoin d’un traitement particulier.

Qui vit en communion avec Dieu, en complète sincérité, peut et doit s’attendre à ce que Dieu lui révèle ses intentions et, jusqu’à un certain point, l’avenir.

Sur la Prédestination : Remarquons tout d’abord que s’il est parlé dans la Bible de ceux qui sont prédestinés à la vie éternelle, il n’est jamais dit que d’autres le soient à la condamnation.

Puis, distinguons deux choses : Dieu créateur et maître est libre de faire ce qu’il veut. « Le vase dira-t-il au potier — Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? », Mais, à la fin des temps, au jour du jugement, le libre arbitre de Dieu cesse. Il devient un juge qui tient la balance dans ses mains, pour rendre à chacun selon ses œuvres. À ce moment il n’est plus libre, il est lié. Il ne pourra redemander que ce qu’il avait donné. Tout, les dons, les circonstances, les appels, tout sera mesuré et pesé. Pas d’arbitraire, rien que la justice.

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