La religion juive n’admettait que deux royaumes, celui du bien et celui du mal ; il fallait attribuer un miracle à Dieu ou à Satan, il n’y avait pas d’intermédiaire. Il en était autrement dans le monde païen, à cause de son polythéisme ; un miracle prouvait alors simplement que son auteur jouissait du bon plaisir de telle ou telle divinité ; il n’en résultait pas nécessairement qu’on dût se soumettre à lui. Il arrivait souvent que les dieux accordaient de grands pouvoirs aux hommes qui se prétendaient néanmoins à aucune suprématie ; Esculape opérait des cures merveilleuses ; Apollonius guérissait les malades, chassait les démons, ressuscitait les morts ; Aristée disparut de la terre d’une manière miraculeuse ; cependant aucun édifice, semblable à celui qui est fondé sur les miracles de Christ, n’est apparub.
b – L’existence de faux miracles ne suffit pas pour faire douter des véritables. La fausse monnaie est parfois acceptée, parce qu’on la prend pour la bonne.
Origène nous dit que Celse s’appuie, dans ses attaques, tantôt sur les personnages mythiques de l’antiquité, tantôt sur les magiciens de date plus récente, pour les opposer au divin Auteur de notre religion, il prétend que Celse ne croyait nullement aux miracles dont il parle. Il en est de même de Hiéroclès, gouverneur de Bithynie, qu’on accuse d’avoir dirigé les persécutions sous Dioclétien ; nous connaissons son livre et ses principaux arguments par Eusèbe. Après avoir parlé de divers miracles qui avaient eu lieu et dont Apollonius était l’auteur, il ajoute : « Nous ne regardons pas comme un dieu celui qui a fait de telles œuvres, mais seulement comme un homme aimé des dieux ; tandis que les chrétiens proclament Jésus leur Dieu, parce qu’il a opéré quelques miracles insignifiants. » Cet Apollonius (de Tyane, en Cappadoce), naquit à peu près en même temps que Jésus-Christ et vécut jusqu’à l’an 97 ; nous connaissons sa biographie écrite par Philostrate, un rhéteur du deuxième siècle, mais elle n’a pas de caractère historique, c’est un roman philosophique dont le but est de raconter le réveil et la réaction du paganisme ; l’auteur ne s’est pas proposé de combattre directement la foi nouvelle, mais de prouver que l’ancienne religion a aussi ses miracles ; il y a, dans ce livre, un parallèle entre la vie d’Apollonius et celle du Seigneur, tracé dans un esprit de rivalité, sans hostilité, mais comme si Apollonius était le Sauveur des hommes. Tous les arguments de Philostrate ont disparu avec le polythéisme il n’est plus question d’opposer les miracles des hommes à ceux de Jésus-Christ.