Il n'est pas possible de se faire une idée équilibrée de ce que Paul entend par le don des langues sans tenir compte, comme nous l'avons dit, de son enseignement complet sur les dons en général. (Que le lecteur me permette de lui rappeler les principaux textes : Romains 12.3-8 ; 1 Corinthiens 12-14 ; Éphésiens 4.1-16. Voir aussi 1 Pierre 4.10-11. Tous ces textes sont analysés en profondeur dans Explosion de Vie, chapitre VII.) Si nous comprenons sa vision globale, nous risquons beaucoup moins de nous tromper sur les détails. Nous verrons mieux le sens qu'il accorde à chaque don individuel.
Ainsi, il serait bon de nous arrêter un instant pour résumer très brièvement la pensée de Paul sur la nature essentielle des dons spirituels, avant d'examiner en profondeur son enseignement spécifique sur le don des langues.
Une main, à elle seule, est un véritable miracle de la nature ; mais si nous ne voyons pas la façon dont elle est reliée au corps entier, si nous ignorons sa fonction relative aux autres organes, elle demeure malgré tout une énigme ; en fait, nous perdons de vue sa signification essentielle.
Voici le texte intégral de ce chapitre (Version Segond)
« Pour ce qui concerne les dons spirituels, je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l'ignorance.
Vous savez que, lorsque vous étiez païens, vous vous laissiez entraîner vers les idoles muettes, selon que vous étiez conduits. C'est pourquoi je vous déclare que nul, s'il parle par l'Esprit de Dieu, ne dit : Jésus est anathème ! Et que nul ne peut dire : Jésus est le Seigneur ! Si ce n'est par le Saint-Esprit. Il y a diversité de dons, mais le même Esprit ; diversité de ministères, mais le même Seigneur ; diversité d'opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous.
Or, à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune. En effet, à l'un est donnée par l'Esprit une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; à un autre, la foi, par le même Esprit ; à un autre, le don des guérisons, par le même Esprit ; à un autre, le don d'opérer des miracles ; à un autre, la prophétie ; à un autre, le discernement des esprits ; à un autre, la diversité des langues ; à un autre, l'interprétation des langues.
Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut. Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il de Christ. Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit.
Ainsi le corps n'est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait : Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps, ne serait-il pas du corps pour cela ? Et si l'oreille disait : parce que je ne suis pas un œil, je ne suis pas du corps, ne serait-elle pas du corps pour cela ? Si tout le corps était œil, où serait l'ouïe ? S'il était tout ouïe, où serait l'odorat ?
Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu.
Si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. L'œil ne peut pas dire à la main : Je n'ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : je n'ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires ; et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d'un plus grand honneur. Ainsi nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d'honneur, tandis que ceux qui sont honnêtes n'en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d'honneur à ce qui en manquait, afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres.
Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.
Et Dieu a établi dans l'Église premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues.
Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils prophètes ? Tous sont-ils docteurs ? Tous ont-ils le don des miracles ? Tous ont-ils le don des guérisons ? Tous parlent-ils en langue ? Tous interprètent-ils ?
Aspirez aux dons les meilleurs. Et je vais encore vous montrer une voie par excellence.
Don spirituel = fonction organique du corps
Dans ce chapitre de Paul, dont le sens est extrêmement clair, l'apôtre démontre la vraie nature et le but essentiel des dons spirituels. Chaque croyant est un membre ou un organe du corps de Christ qui est l'Église. Comme le corps humain a une grande variété d'organes et comme les organes ont chacun une fonction distincte, ainsi en est-il du corps de Christ. Chaque membre a une fonction particulière et celle-ci est organique : elle trouve sa signification par son rapport avec le reste du corps.
L'Esprit de Dieu est l'architecte du corps de Christ comme il l’est du corps humain : de même qu'il désigne le nombre, la place et le fonctionnement des différents membres du corps physique, ainsi il désigne la place que doit occuper chaque croyant dans le corps de Christ ; c'est lui qui décide du rôle et de la fonction de chacun dans l'église.
C'est pourquoi, afin que chaque croyant puisse contribuer efficacement au fonctionnement de l'ensemble, l'Esprit lui confie une mesure particulière de la grâce de Dieu (grec : charis = la générosité, l'acte de donner), ce qui devient pour le croyant un don (grec : charisma = le cadeau, la chose reçue). Cette grâce — exprimée par le don — qualifie chaque croyant, individuellement, pour servir Dieu et cela surtout dans le cadre de l'église, du corps de Christ.
Un don est accordé pour servir
C'est une erreur monumentale que de confondre « service » et « intérêt ». « Le Fils de l'homme est venu (répétons-le), non pour être servi mais pour servir » : c'est cela, l'Esprit de la grâce, de la charis de Dieu ; c'est cela, le sens du don spirituel, du charisma. Supposer que les dons de l'Esprit nous sont accordés surtout pour notre avantage personnel, c'est se méprendre quant à la signification fondamentale de cette action divine. Par l'onction de l'Esprit, que chacun de nous reçoit à l'instant de la nouvelle naissance, Dieu nous appelle à son service ; il cherche à nous utiliser en tant que « sacrificateurs », « prophètes » et « rois ». Or, l'Esprit nous qualifie, en nous accordant des « dons » particuliers, pour ce service magnifique de Dieu. Il nous confie les moyens d'accomplir notre tâche, notre mission. Un « don spirituel » est donc une grâce spéciale qui nous permet d'assumer le rôle que Dieu nous attribue dans son œuvre. Par cette action « organique », l'Esprit nous utilise pour contribuer au fonctionnement du corps de Christ sur cette terre.
Le corps contient une variété d'organes
Chacun de nous est appelé à servir Dieu ; mais parce que Dieu nous a tous créés différents, cette grâce divine agit avec une diversité qui s'adapte à chaque individu. Comme le corps physique a besoin d'une variété de membres, exerçant chacun une action particulière pour la bonne marche du corps entier, ainsi l'Église de Christ a besoin d'une action variée du Saint-Esprit pour que l'ensemble fonctionne de façon cohérente et complète.
« Tous les membres (du corps) n'ont pas la même fonction. Nous avons donc, dit l'apôtre Paul, « des dons différents selon la grâce qui nous a été accordée ». Romains 12.4,6 Ces dons sont tous l'expression de la grâce infiniment variée de Dieu. 1 Pierre 4.10 Chaque croyant est doué par le Saint-Esprit pour un travail particulier. Lorsque tous les croyants sont remplis de l'Esprit, l'action commune de l'église est puissante et satisfaisante ; chaque membre contribue selon la mesure de grâce que Dieu lui a accordée, selon le don qu'il a reçu.
Le don existe pour le bien d'autrui
Chaque organe, chaque membre du corps de Christ a une fonction qui lui est propre ; mais cette fonction est « pour l'utilité commune » (1 Corinthiens 12.7), non pour lui-même. L'Esprit accorde les dons « pour le perfectionnement des saints, en vue de l'œuvre du ministère (grec : service) et de l'édification (grec : construction) du corps de Christ.... selon la force qui convient à chacune de ses parties... » Éphésiens 4.12-16 « Comme de bons dispensateurs (grec : oïkonomoi = économes) des diverses grâces de Dieu (grec : la grâce « multicolore » de Dieu), que chacun de vous mette au service des autres le don (grec : charisma) qu'il a reçu. Si quelqu'un parle, que ce soit comme annonçant les oracles de Dieu ; si quelqu'un remplit un ministère (grec : si quelqu'un sert) qu'il le remplisse selon la force que Dieu communique » 1 Pierre 4.10-11.
C'est Dieu qui choisit, c'est Dieu qui agit
« Il y a diversité de dons, (1 Corinthiens 12.4) dit Paul, et un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut (verset 11)... Ainsi Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu (verset 18). Vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres chacun pour sa part » (verset 27).
Ainsi, le don spirituel est une capacité que l'Esprit accorde selon sa propre sagesse au croyant pour servir Dieu efficacement. C'est un canal pour transmettre la grâce de Dieu à autrui, une fonction organique dans le corps de Christ ; c'est une action qui contribue à la construction (ou : « édification ») du corps entier. Il va sans dire que le don spirituel n'est pas conçu pour la satisfaction de celui qui l'exerce mais, au contraire, pour venir en aide aux autres.
Le doigt et l'œil ne travaillent pas pour eux-mêmes, mais pour le bien du corps tout entier. Une oreille détachée du corps n'a aucun sens ; elle ne peut fonctionner que dans la mesure où elle a un rapport normal avec le reste de l'organisme. Aucun organe n'existe pour lui-même ; il existe pour le corps. La fonction de chaque croyant est conçue en vue de l'édification de l'Église.
Corps ou caricature ?
Puisqu'un don spirituel est une fonction organique du corps de Christ, il est évident que nous obstruons les desseins du Saint-Esprit si nous voulons couler tous les enfants de Dieu dans le même moule, en exigeant que tous aient le même ou les mêmes dons.
L'église a besoin de plusieurs sortes de dons avec une diversité de fonctions. Si tous les membres cherchent à remplir la même fonction, le corps n'est plus un corps : il devient une absurdité. Si l'œil veut agir en oreille ou en langue, comment le corps verra-t-il ? C'est réduire le portrait de Christ à une caricature, c'est outrager l'intelligence du Saint-Esprit.
C'est exactement comme si nous voulions mettre au monde un enfant doté d’une seule faculté ou de deux. Que ferait une maman si son enfant naissait avec un énorme pied qui réduirait le reste de son corps à des dimensions squelettiques ? Elle passerait sa vie à pleurer. Vouloir imposer le don des langues à chaque croyant de façon plus ou moins obligatoire, c'est déformer la pensée de Dieu. C'est même une audace, puisque c'est vouloir forcer la main de son Esprit.
Qui a jamais vu un corps composé uniquement de doigts ou de nez ? Si j'écoutais sérieusement certains de mes frères je serais tenté de croire que le corps de Christ n'est composé que d'une seule et immense langue ! Ce serait monstrueux. « Si tous étaient un seul membre, dit Paul, où serait le corps (verset 19) ? Pourquoi veut-on aujourd'hui que tous les chrétiens parlent en langues ?
On oublie si facilement que la langue nous est donnée pour servir le Christ, et cela, nous pouvons le faire surtout en le prêchant, soit en public, soit de bouche à oreille, soit par le rayonnement d'une vie crucifiée et ressuscitée en Christ. Voilà le sens suprême du don « linguistique »! Même les langues miraculeuses du chapitre 2 des Actes avaient pour but identique d'atteindre les inconvertis dans la rue en les convainquant de la vérité de Christ.
On a beaucoup parlé, ces dernières années, de « charismatisme » ! La conception biblique des « charismes » nous amène à un vrai charismatisme qui reconnaît tous les dons spirituels, chacun exercé à sa place et dans l'humilité, comme fonction organique dans la complexité et la beauté du corps du Fils de Dieu. C'est vraiment dommage que le charismatisme contemporain tend à ne mettre l'accent que sur un, deux, ou à la rigueur quatre dons spirituels sans discerner l'éventail équilibré des dons dans la pensée de Dieu.
Un don parmi beaucoup d'autres
Dans Explosion de Vie, j'ai cherché à démontrer l'immensité et la complexité de l'œuvre du Saint-Esprit lorsqu'il remplit un homme. J'ai fait remarquer que les dons spirituels ne sont qu'une partie de son œuvre de plénitude, une seule des sept manifestations progressives de l'Esprit. Mais alors, que dire du don des langues, sinon qu'il n'est qu'un don parmi beaucoup d'autres et que l'apôtre Paul le met en fin de liste ; en fait, il le considère comme l'un des moindres. Nous pouvons comparer la plénitude de l'Esprit au spectre des sept couleurs de la lumière ou encore mieux, à toute l'échelle du rayonnement solaire visible et invisible. Il serait tout aussi logique de la comparer à l'octave, dont les sept notes constituent la gamme complète. Mais cette gamme se reproduit d'octave en octave. Un piano normal comprend sept octaves, ce qui donne en tout une cinquantaine de notes (sans compter les demi-tons).
Or, si l’on considère que les dons de l'Esprit ne sont semblables qu'à une seule octave parmi les sept, il faut reconnaître que chaque don en particulier, y compris le don des langues, ne correspondrait qu’à une seule note de piano. ou encore moins, puisqu'il y a plus de sept dons en tout ! insister sur le don des langues aux dépens des autres dons et, pis encore, aux dépens des multiples aspects des autres opérations de l'Esprit, c'est comme si l'on voulait composer une mélodie avec une seule note ou deux. On se lasse vite d'une telle musique !
Il est indéniable qu'il y a des choses plus importantes dans la Bible — et dans la vie chrétienne — que le don des langues. Nous avons besoin de concentrer notre attention d'abord sur les priorités telles que Dieu nous les présente. Plus nous connaissons la Bible, mieux nous sommes équipés pour discerner ce qui est vrai et ce qui est faux. Mon plus grand souhait, c'est que chaque croyant entreprenne la lecture sérieuse, suivie, systématique, de la Bible tout entière, pour qu'il connaisse la pensée et la parole de Dieu lui-même. Il sera alors en mesure d'en interpréter les différentes parties selon la vérité. Il saura également évaluer correctement les diverses doctrines qu'il rencontrera dans les différents milieux chrétiens. Il sera armé contre la fraude spirituelle ; il ne sera plus à la merci de tous ceux qui voudraient l'embarquer vers une destination de leur choix. Il pourra se remettre à son Père céleste lui-même à tout instant, sans avoir à passer chaque fois par l'intermédiaire d'un homme ou d'une organisation. Il sera un homme, une femme libre : libre, parce que soumis à l'autorité de la Parole de Dieu.
Voici le texte intégral de ce chapitre (Version Segond) :
« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
La charité est patiente, elle est pleine de bonté ; la charité n'est point envieuse ; la charité ne se vante point, elle ne s'enfle point d'orgueil, elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s'irrite point, elle ne soupçonne point le mal, elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout.
La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra.
Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant. Aujourd'hui, nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors, nous verrons face à face ; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance, la charité ; mais la plus grande de ces choses, c'est la charité ».
Don = cadeau = amour !
Pour Paul, un don de l'Esprit n'est pas uniquement une fonction organique dans le corps de Christ ; il est aussi et surtout, une expression de l'amour de Dieu. Mais Paul n'en reste pas là : il démontre vigoureusement que tous les efforts que fait le croyant pour servir Dieu et se rendre utile à ses frères et aux âmes perdues sont inutiles — et parfois même nocifs — s'il lui manque l'essentiel : le mobile du Saint-Esprit, qui est le vrai amour. Dans ce chapitre inoubliable de son épître, Paul analyse en profondeur le miracle des miracles, la qualité qu'il exprime par le mot agapè : amour 1 Corinthiens 13.4-7.
Ce qu'on appelle « don » n'a aucune valeur à ses yeux s'il ne traduit pas la grâce de Dieu en action. Le don est en fait le véhicule de l'amour de Dieu et seul cet amour est capable de produire un bienfait durable. Un « don » n'est en somme que la conséquence de l'acte de donner et de se donner, de se sacrifier pour ses frères et pour les âmes perdues. Dans son chapitre 12, Paul nous a expliqué la nature des dons spirituels ; dans le chapitre 13, il enseigne le pourquoi et le comment de leur fonctionnement : un don spirituel authentique est l'expression de la grâce, c'est-à-dire de l'amour de Dieu. Romains 12.6 S'il n'est pas un débordement d'amour, il ne vient pas de l'Esprit de Dieu.
Sept dons inutiles !
Aucun corps ne peut fonctionner s'il est animé par des impulsions contradictoires. L'église ne peut fonctionner non plus si chacun veut la première place, ou si tous cherchent le même don. Paul expose l'orgueil et l'égoïsme de ceux qui, pour des motifs charnels, désirent surpasser les autres par l'exercice d'un « don » qui impressionne. Il introduit un nouvel élément dans la discussion : il fait appel au véritable caractère de l'Esprit, celui de la grâce de Christ. Il décrit, dans ce chapitre 13, le fruit que l'Esprit produit en celui qu'il remplit : ce même amour qui a animé et qui anime toujours le Seigneur Jésus lui-même, l'amour qui rend service, qui s'efface, qui pardonne, qui supporte, qui fait confiance et qui inspire confiance. Si cet amour manque, dit-il, inutile de prétendre à l'exercice d'un don de l'Esprit.
Paul énumère alors sept dons bien reconnus, qu'il présente, il me semble, dans l'ordre croissant de leur importance relative : 1 Corinthiens 13.1-3.
D'abord, le don des langues que Paul considère comme l'un des moindres. Si ma langue, quelle que soit son expression, ne rend pas service à mon frère et à mon prochain, si elle ne les comble pas de l'amour de Dieu, elle n'est que du bruit : elle ressemble au tintement d'un morceau de métal. Elle est inutile parce qu'elle n'apporte aucune aide à qui que ce soit. Elle ne proclame que mon égocentrisme.
Les dons de prophétie, de science et de connaissance spirituelles (qui, aux yeux de Paul, sont plus importants que celui des langues) ne sont pourtant pas meilleurs si je n'aime pas mon frère de tout mon cœur. Même le don d'une foi capable de transporter des montagnes n'est aux yeux de Dieu qu'un « zéro » si elle n'est pas l'expression de l'amour de Christ : malgré une si grande « foi », dit Paul, je ne suis rien !
Paul amène son argument à une conclusion en citant les deux dons les plus difficiles à réaliser et qui paraissent procurer le plus de mérite : le sacrifice de tous nos biens matériels en vue de les distribuer aux pauvres ; ensuite le don de notre personne, le sacrifice de notre corps, pour qu'il soit livré aux flammes en martyr.
Pourtant, Paul affirme que tout cela ne sert de rien à un homme s'il n'est pas rempli d'amour. Non pas d'un amour vague ou sentimental, mais de l'amour que Paul définit dans le paragraphe suivant 1 Corinthiens 13.4-7 et qu'il résume ailleurs en neuf mots qui représentent pour lui le fruit de l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bénignité, fidélité, douceur, maîtrise de soi. Galates 5.22 Cette définition n'est autre que celle du caractère du Seigneur Jésus-Christ. Et nous en voyons l'apogée en sa personne crucifiée, outragée, couronnée d'épines à notre place.
Si donc j'ai déjà appris sur cette terre à aimer Dieu de tout mon cœur et mon prochain comme moi-même, je suis en mesure d'exercer un don spirituel ; autrement dit : j'ai appris à traduire cet amour en paroles et en actes, à l'exprimer par le don de mon temps, de mes énergies, de mes facultés, de mes moyens ; je saurai servir Dieu en servant mon prochain. Je saurai donner ce que Dieu m'a donné : c'est là le secret du don spirituel. « Rendez-vous, par l'amour, serviteurs les uns des autres » Galates 5.13.
Or, le don lui-même disparaîtra dès que sa nécessité n'existera plus ; mais le mobile de ce don, l'amour que l'Esprit crée dans le cœur de l'homme, restera ; 1 Corinthiens 13.8-13 ; il est impérissable, puisqu'il émane du cœur du Créateur. Cet amour est plus permanent que l'univers.
Voir dans l'exercice d'un don spirituel un sujet de gloire, ou supposer que ce don existe en premier lieu pour mon avantage ou mon bien personnels, voilà une véritable aberration ! C'est une conception faussée de la nature même du don spirituel. Que j'enseigne, que je prophétise, que je parle des langues sans que ces activités proviennent d'un débordement d'amour pour Dieu, pour mon frère, pour les hommes perdus, tout cela est inutile : j'agis en vain, je parle en l'air. Cela peut être même nocif et dangereux, car la chair et les forces des ténèbres prennent volontiers et vite la place vide que l'amour de Dieu ne remplit plus.
Les dons de l'Esprit sont l'une des conséquences de son action de plénitude. Quand l'Esprit de Dieu remplit un homme, il le remplit de l'amour de Jésus, un amour qui exige d'être exprimé. En le poussant à aimer son prochain, il cherche nécessairement le moyen le plus efficace de lui communiquer cet amour, cette vision de Christ. En fin de compte, l'amour n'a qu'une seule façon de s'exprimer : c'est par le don, le don de ce que l'on possède et finalement, par le don de soi-même. C'est ainsi que Dieu révèle le don de Christ au monde ; Il le fait à travers une vie humaine. Voilà le sens du don spirituel.
Un homme a-t-il un don spirituel ? Il le saura par le sacrifice que cela représente, par le don de lui-même et de tout ce qu'il possède.
La difformité corinthienne
Au milieu de sa confusion spirituelle, l'église de Corinthe semble avoir entretenu des conceptions déformées et même absurdes de la nature des dons de l'Esprit et de leur utilisation, qui l'auraient entraînée dans des exagérations et des abus. À leurs yeux, le « don » était plus un moyen d'édification personnelle qu'un moyen d'édifier l'église. Certains voyaient sans doute dans l'exercice d'un don l'occasion d'exploiter leur propre personnalité. Ils recherchaient le spectaculaire, ce qui pouvait impressionner un auditoire, au lieu de rechercher dans l'humilité la meilleure manière de bâtir l'édifice spirituel de l'église. L'idée d'aller faire la lessive d'une pauvre petite veuve malade ne semblait pas les intéresser : une telle activité ne « rapportait » pas en matière de prestige ; par contre, prononcer à haute voix devant tout le monde des paroles mystérieuses que l'on attribuerait à l'action du Saint-Esprit, cela leur paraissait vraiment spirituel !
Pas de don spirituel sans la croix
Paul voulait leur faire comprendre, comme nous l'avons dit, que le vrai sens du don spirituel consiste, non pas à recevoir, mais à donner, à faire du bien à autrui, à servir ses frères et les âmes perdues. Or, l'église de Corinthe, dans son ensemble, n'avaient rien compris de l'amour dont Paul parle, puisque ses membres étaient en conflit avec eux-mêmes et avec le Seigneur. Ils ne comprenaient pas que l'exercice d'un don spirituel exigeait le don d'eux-mêmes, par la prière, par un amour désintéressé, par le sacrifice de leurs moyens, de leur temps, de leur « personnalité » même, pour le bien des autres. L'apôtre, qui était leur père spirituel et qui leur avait donné l'exemple, voulait tant qu'ils apprennent cette vérité : que la réalisation d’un don spirituel passe par la croix. C'est mourir à soi-même.
Pourquoi Paul dit-il aux Corinthiens :
« Il ne vous manque aucun don »... ?
On veut parfois me faire croire que Paul reconnaît, par cette phrase, l'existence à Corinthe d'une profusion de dons spirituels authentiques — et cela, malgré le péché de cette église. Pour cette raison, m'a-t-on dit, nous pouvons après tout prendre l'église de Corinthe comme modèle sur ce point, en imitant sa pratique des dons spirituels et surtout son attachement au don des langues.
Je considère cependant cet argument sans valeur pour trois raisons :
Paul, dans ce texte, remercie Dieu pour la grâce (charis) qui leur a été prodiguée, mais il ne fait pas allusion nécessairement aux dons qu'il traite aux chapitres 12 à 14. Le mot « don » a plusieurs sens dans le Nouveau Testament, comme n'importe quelle concordance le montrerait. Ici, il se rapporte plutôt aux multiples bénédictions que cette église avait connues.
Tout au long de ses deux épîtres, Paul nous fait très bien comprendre que l'église de Corinthe manquait en fait de vrais docteurs, prophètes et bergers ; car c'était précisément la carence de ces dons importants qui expliquait le triste état de leur communauté et qui obligeait Paul à intervenir même à distance — car il écrivait cette lettre d'Éphèse.
Paul veut plutôt dire que Corinthe avait été exceptionnellement privilégiée et que l'église n'avait cependant pas su mettre à profit ses avantages. Ses membres avaient en fait bénéficié de la présence de Paul et de son enseignement pendant au moins un an et demi : Paul avait pu leur communiquer toute la gamme de son expérience et de sa connaissance ! En outre, ils avaient eu le privilège de connaître le ministère de Silas, ainsi que celui de Timothée, de Tite et de plusieurs autres frères envoyés par Paul, sans oublier des hommes de valeur comme Apollos. En effet, ils avaient été gâtés bien au delà de la majorité des églises fondées par Paul. Philippes, par exemple, comme Thessalonique, Bérée et combien d'autres n'avaient bénéficié de la présence de Paul que pendant quelques courtes semaines, avant qu'il ne soit expulsé de ces villes. Et pourtant ! Malgré tout ce que Dieu avait donné à l'église de Corinthe, les croyants demeuraient pour la plupart infantiles et charnels.
Non ! Paul, par cette parole, « Il ne vous manque aucun don », est loin de leur faire des éloges ! Il leur fait au contraire un reproche. Ils avaient été comblés par la grâce de Dieu ; mais ils n'avaient pas su traduire cette générosité divine en actions bénéfiques pour l'église. Dieu, de son côté, avait donné ; mais eux n'avaient pas appris à donner à leur tour.