Il faudra garder d’attribuer au rôle de la voix dans la prédication une importance exagérée, mais les vérités les plus précieuses peuvent être gâtées par un son de voix terne et monotone.
Il faut en effet une mesure peu ordinaire de grâce divine, pour qu’un auditoire puisse en pareil cas, résister à la tentation de dormir.
CE QU’IL FAUT FAIRE:
1) Parler naturellement. Hélas, il n’y a que trop de prédicateurs qui ont adopté un ton de circonstances pour le dimanche; ils ont deux timbres de voix différents, l’un pour le dimanche, l’autre pour la vie journalière.
L’affectation oratoire peut revêtir diverses formes; celle du style doctoral, olympien, solennel, ampoulé et celle d’un débit efféminé, délicat, langoureux, tout en menaces et en demi-tons,
Il nous faut garder de cette déplorable habitude et apprendre à faire retentir du haut de la chaire toutes les notes de la gamme de notre voix ordinaire.
2) Evitez les sons rauques qui, viennent de la gorge, l’habitude de manger ses mots et cette manière sépulcrale d’user de sa voix, qui pourrait faire sortir un Lazare de sa tombe.
3) Si votre accent est défectueux, essayez de l’améliorer. Il y a des pasteurs qui rapportent de la campagne un accent rustique, une prononciation provinciale, qui bien qu’elle ait une certaine saveur, n’en est pas moins très fâcheux.
4) Bien ouvrir la bouche en parlant, car c’est le secret d’une bonne prononciation. Etudiez-vous à bien prononcer les consonnes, car ce sont elles qui donnent de la consistance aux mots; cela est plus nécessaire encore que pour les voyelles qui sonnent naturellement et qui se font entendre sans effort.
5) Si le fait de parler trop lentement est une détestable habitude et s’il est douloureux d’écouter quelqu’un qui se traîne misérablement sur la route à raison de 1 Km. à l’heure, un débit de train express ne vaut guère mieux et l’essoufflement qui en résulte est non, moins déplorable.
La netteté de débit est une chose d’une extrême importance.
6) Parler toujours de manière à être entendu et articuler distinctement. Inutile de donner toute sa voix en se déchirant le gosier et s’abîmer le larynx par des éclats de voix inutiles, sachez économiser sagement vos réserves et dîtes-vous bien que pour tenir, vos auditeurs en éveil, il n’est pas nécessaire de leur crever le tympan.
Sachez adapter à l’assistance le volume de voix nécessaire si vous avez devant vous plusieurs milliers de personnes parlez à pleine voix, mais évitez de le faire dans un petit local et devant une modeste assemblée. Si vous pouvez constater que ceux qui sont assis sur les derniers rangs vous entendent bien et suivent le fil de votre discours, vous êtes certain que ceux qui sont plus près de vous peuvent aussi entendre.
Dîtes-vous qu’il peut y avoir dans l’auditoire des personnes souffrantes et qu’il faut les épargner en n’élevant pas la voix, autrement elles pourraient être tentées de dire comme un malade qui venait d’avoir la visite du pasteur; "Oh! comme je souffre de la tête, comme je suis content qu’il soit parti. Le Psaume qu’il m’a lu était sans doute bien beau et bien consolant, mais ces coups de tonnerre m’ont presque foudroyé".
7) Graduer sa voix. Jadis, on proposait en principe qu’il faut débuter doucement, enfler peu à peu le ton et lâcher dans la péroraison tous les registres. C’est là une règle absurde. Parlez doucement ou fort selon que l’émotion du moment vous pousse et ne vous laissez jamais emprisonner par l’arbitraire des règles fantaisistes et artificielles.
Ne donnez pas sans doute toute votre voix en commençant, car vous serez hors d’état d’en fournir dans la suite.
Ce qui rend un discours expressif, c’est moins la force de la voix que l’accent qu’on y met.
8) Moduler ses intonation et changer souvent de ton de manière à éviter la monotonie. Il y a de quoi devenir fou, que d’entendre un bourdonnement d’insectes retentir constamment à vos oreilles et cela produit fatalement le sommeil.
Nous savons que le bruit de l’eau courante, le murmure de la mer, le bruissement du vent dans les pins, nous procurent un engourdissement délicieux. Il en est de même de l’influence soporifique que produisent sur nous de longues dissertations sans aucun changement d’intonation dans la voix.
Il y a d’ailleurs un autre motif, c’est que cette monotonie oratoire a pour conséquence des maladies de la gorge et du larynx, la voix en effet est comme un tambour, si celui qui le fait résonner le touchait toujours au même endroit, la peau serait bien vite crevée, tandis qu’en promenant ses baguettes sur toute la surface, il le fait durer plus longtemps.
L’irritation de la gorge si fréquente chez les prédicateurs, est causée par les violents efforts qu’ils font en parlant sur un ton qui n’est pas naturel. Les acteurs,les avocats, les hommes publics, sont moins souvent atteints de ce genre de maladie.
9) Redressez en parlant vos épaules en arrière, comme le fond les chanteurs de profession. Ne vous penchez pas sur le bord de la chaire et ne laissez jamais votre tête pencher en avant. Pas de cravate trop serrée, ni de gilet trop étroit, comprimant le libre jeu des poumons.
Ne vous enveloppez pas le cou outre mesure, les marins qui portent un col rabattu ne s’en portent pas plus mal.
Ne craignez pas de laisser pousser votre barbe, c’est une coutume conforme à la nature scripturaire, virile et salutaire.
10) Tâchez d’avoir quelqu’ami sincère qui puisse vous signaler vos défauts de prononciation, ou encore un adversaire aux aguets pour les dénoncer sans pitié.
En résumé, je suis convaincu que beaucoup de difficultés relatives à la voix, qui se posent quand nous sommes encore dans la période de la jeunesse, disparaîtront avec les années. Je ne puis qu’encourager tous ceux qui ont une véritable vocation pastorale, à aller de l’avant, en se disant qu’ils triompheront avec le temps et des efforts persévérants, de tous les obstacles, non seulement du bégaiement, mais aussi de la timidité qui, si souvent, nous paralyse et nous décourage.