Chrétien à plein temps à pleine part

Chapitre 4
Le sacerdoce du combat

1. Le langage militaire, sa terminologie évoquant la violence, paraissent difficilement conciliables avec le témoignage évangélique dont on sait qu’il est avant tout œuvre d’amour et de paix. N’est-il pas écrit : « Que votre douceur soit connue de tous les hommes » ? Le « Gott mit uns » de sinistre mémoire a montré l’horreur de l’alliance dangereuse du trône et de l’autel. Cette confusion des pouvoirs ou leur collusion est aujourd’hui partout contestée, et ce serait trahir l’Evangile que de vouloir l’affubler à nouveau de cet adjuvant et de ses victoires. Dans l’histoire de l’Eglise, certaines d’entre elles ont été ses pires défaites. Dieu n’a que faire de nos énergies guerrières. Sur le chemin qui mène à Golgotha, le Christ les a éteintes à toujours, en ordonnant à Pierre de remettre son épée au fourreau.

Cela dit, il n’en reste pas moins vrai qu’à chaque instant, l’Evangile use d’un vocabulaire évoquant le combat, les batailles, la bravoure, la guerre, et tout l’équipement que cela suppose. Sous la plume des auteurs bibliques, cette terminologie militaire n’est pas imputable à la mentalité de l’époque. Elle con-vient parfaitement à la description du quatrième sacerdoce auquel le Seigneur invite son Eglise.

Déjà sur le plan naturel, la vie d’un chacun se traduit par cette expression typique : « la lutte pour l’existence ». L’épopée qu’elle décrit n’a rien de glorieux. Elle a pour toile de fond l’exploitation de l’homme par l’homme, la revendication sociale, la lutte des classes : elle a pour protagonistes ceux qui dansent autour du veau d’or, et, à côté d’eux ou avec eux, les Lazare quémandant à la porte du riche, les brigands laissant l’homme détroussé et assommé sur le chemin descendant à Jéricho, les Caïn auxquels est posée la question : « qu’as-tu fait de ton frère ? »

Ici précisément, il y a lieu d’éviter les confusions soulignées plus haut. Elle ne les faisait pas, cette blanchisseuse célèbre dont on a édité de courts sermons. Son zèle missionnaire en temps et hors de temps, particulièrement le soir après son dur labeur de femme de peine, laissait quelque inquiétude chez ses amis. Comme une fois de plus il était trois heures du matin lorsqu’elle regagnait son logis, ils lui dirent : « Sophie, vous brûlez la chandelle par les deux bouts. — Oui, dit-elle, je le sais ; mais cela n’a pas d’importance ; l’un des bouts est éternel. »

Dès l’instant où l’homme vit en communion avec le Christ, sa lutte pour l’existence change, et de nature, et de front. Elle reste un combat. Mais l’adversaire a pris un tout autre visage.

L’homme ordinaire consacre l’essentiel de son effort à sa subsistance présente et à venir. Il y trouve sa sécurité. Le chrétien n’échappe pas à la nécessité de pourvoir à son propre entretien, y compris celui des siens. Il est écrit : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thessaloniciens 8.10). Toutefois, s’il travaille solidairement à ses concitoyens, il le fait sans souci du lendemain. Car il sait que, pour ce temps et jusqu’en l’éternité, Dieu a pris sa vie en charge, jour après jour lui assure le nécessaire, dans sa générosité le lui donne même avec abondance.

Aussi bien, assuré de n’avoir à manquer de rien, il peut mettre toute son attention, toute son intelligence, au vrai combat caractérisé par ces deux expressions : le combat contre le péché, le combat contre les puissances. Ce que Jésus résumait en une seule exhortation : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes choses vous seront données par-dessus ».

Lire : Matthieu 6.25-34.

2. Il vient d’être relevé que ce combat obligeait le chrétien à une confrontation avec un nouvel adversaire. Même si cela peut paraître insolite, il s’agit du chrétien lui-même tel qu’il était avant de devenir une nouvelle créature. Luther l’enseignait déjà lorsqu’il écrivait : « Lors de mon baptême, j’ai cru noyer le vieil homme ; mais le bougre, il savait bien nager ». Ce qu’on pourrait illustrer d’une autre manière encore : Dans son entité naturelle, corps-âme-esprit, l’homme déchu est tombé au pouvoir de la chair. Elle lui impose ses volontés, ses goûts, ses exigences. A supposer que la personne humaine soit représentée par un chariot, on pourrait dire qu’à son timon naturel est attelée la chair *, telle une bête de trait.

* Vu la confusion si fréquente qui se fait dans l’esprit de beaucoup entre la notion paulinienne de chair et sa fausse interprétation moralisante (notamment au plan sexuel), on aura profit à garder présente à l’esprit cette définition : « la chair, c’est la nature humaine, privée de l’Esprit de Dieu, dominée par les appétits qui asservissent las facultés intellectuelles, les sentiments, la volonté et aussi le corps. Dans ce sens, le mot chair désigne l’être humain tout entier, ce Moi incapable de faire le bien, sur lequel avec Paul, nous devons perdre toutes nos Illusions (Romains 7.18-25). »

Dans un premier stade de vie spirituelle, la révélation de la loi nous fait découvrir au char de notre vie et en opposition à sa nature première, un autre timon représentant une possibilité d’échapper à l’asservissement de la chair. Le chapitre 7 de l’épître aux Romains rend compte d’une tentative pathétique d’atteler à ce timon la seule bonne volonté de l’homme, et s’achève par le cri désespéré : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? »

Quand nous nous convertissons, l’Esprit saint nous révèle, en la personne de Jésus-Christ, l’Agneau qui s’attèle à ce timon.

On s’étonnera d’une force si dérisoire prétendant non seulement compenser et retenir, mais encore surclasser l’attelage naturel massif et obstiné. Mais ce n’est pas n’importe quel agneau, c’est Christ… « scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais puissance de Dieu… car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » (1 Corinthiens 1.24-25).

A la conversion, la personne tout entière passe du pouvoir de la chair à celui de l’Esprit. Cependant, après la nouvelle naissance, beaucoup de chrétiens engagés sur le chemin de la foi, s’imaginent, par ignorance, que la présence de l’agneau suffit à faire taire le bœuf, quand ce ne serait pas à le trucider sur place. On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi, effectivement, il n’en va pas ainsi. La réponse est claire. Le Christ nous affranchit, c’est-à-dire nous rend la liberté de marcher aux ordres de l’Esprit, selon le choix de notre volonté effectivement déliée. De plus, même si le bœuf auquel nous refusons toute nourriture revigorante, clame parfois ses droits et par là se rappelle un peu désagréablement à notre souvenir, sa présence nous aide à nous rappeler d’où nous avons été relevés et à ne pas tomber dans ce qui serait une condition pire encore : l’orgueil spirituel.

Lire : Galates 5.13-26.

3. Ce combat contre le péché connaît un secteur limité d’abord à nos frontières intérieures. Il a pour fin la mort à nous-même et pour terrain d’action tout ce qui a trait à l’égoïsme. C’est une hydre un peu semblable à celle de Lerne. Quand l’une ou l’autre de ses sept têtes était tranchée, elle repoussait.

En voici quelques-unes.

a) Bien manger et bien boire.

C’était la préoccupation des contemporains de Noé (Matthieu 24.38), de l’homme riche qui chaque jour se traitait bien (Luc 16.19), de l’autre homme riche qui, à cause de ses biens se croyait en sécurité (Luc 12.19). Conjointement à son manque de vigilance, ce fut le péché du serviteur infidèle ; il se mit à manger et à boire (Luc 12.45) et connut la fin des hommes tarés et souillés qui se délectent dans leur tromperie en faisant bonne chère (2 Pierre 2.13). Dans un monde où des millions d’hommes ne mangent pas à leur faim, ne serait-ce pas une insulte à leur misère que de sacrifier à la gourmandise et à la goinfrerie ?

Lire : Luc 21.34.

b) Cette sobriété exige d’autres émondages :

c) Vivre en chrétien, c’est combattre l’idolâtrie et il n’en est pas de plus redoutable, de plus difficile à affronter que celle de l’argent.

Jacques Ellul écrit :

« La lutte sociale est en réalité une lutte de religion à qui possédera le dieu. J’emploie ce terme au sens le plus plein ; l’argent est puissance divine… Or, pour désacraliser une puissance, il ne suffit pas d’éprouver dans son for intérieur un sentiment ou d’avoir des idées ; toute désacralisation implique une action matérielle. qui s’attaque à la nature même de la divinité en question. Or, la nature du dieu argent, c’est la non gratuité. Sa désacralisation, sa destruction consistera précisément dans la gratuité, dans l’acte par lequel on obligera le dieu à servir le Dieu de la grâce, c’est-à dire du don. »

L’ordre du Christ va bien au-delà de ces lignes. « Vendez ce que vous avez et donnez-le ».

d) Il ne suffit pas de déboulonner l’idole. Il faut encore dynamiter son socle. L’argent règne quand il a pour trône l’égoïsme. C’est un matériau aux propriétés multiples.

Il tient du chewing-gum. Vingt fois vous l’attaquez à belles dents, l’instant d’après il est intact, fidèle à lui-même, collé à votre palais.

Il tient du mercure. Il en aurait le poids, la densité A la moindre frottée énergique au baromètre de votre humeur, il prend de la hauteur, et vous menace de ses débordements ou de ses éclats. Et si après une décision énergique, vous cassez le tube, le mercure s’éparpillera en gouttelettes impalpables et toujours présentes. Tel est l’égoïsme.

Il tient de la boue des chemins. Avec l’intention de vous en défaire, violemment vous marchez dessus. C’est elle qui souille vos chaussures, ou vous retient collé à elle.

Il tient de l’oignon. En vain vous vous appliquez à le peler, vous vous épuisez à en chercher le cœur. il est comme un miroir. A l’heure où vous le croyez brisé, vous découvrez qu’il reflète autant de fois votre image qu’il y a de morceaux épars.

Il tient du roquet aboyeur et méchant. Il ne finira par se taire que si vous l’ignorez.

Ignorer, maître verbe de cette situation. L’égoïsme aussi est un adversaire dont on ne se défait à la longue qu’en apprenant à l’ignorer. Car quelque intérêt que vous lui portiez, serait-ce avec la volonté farouche de venir à bout de ce mal, vous n’arriverez qu’à le renforcer dans son pouvoir offensif. Là, les efforts de l’homme sont inopérants. Seule est agissante la Parole de Dieu. Contrairement aux écrits, aux sagesses, aux méthodes spiritualistes, elle ne nous donne aucune recette pour vaincre l’égoïsme. Elle fait mieux ; elle détourne notre attention de notre « moi » et nous libère de sa fascination en nous ordonnant de tourner nos regards vers les autres. Encore faut-il mettre en pratique ce qu’elle dit et se garder de la dureté d’oreille et de cœur :

« Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère ceux des autres. »

« Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui des autres. »

« …Cherchant non mon avantage propre, maïs celui du plus grand nombre. »

Ce que Paul résume par une seule parole qui laisse l’égoïsme « knock out » :

Lire : 1 Corinthiens 13.4-7.

e) Il n’est pas abusif de dire que nous vivons de la grâce de Dieu. Dans le quotidien de nos existences — de nos pensées secrètes ou exprimées, de nos sentiments cachés ou manifestés, de nos interventions personnelles ou communes — cette grâce nous couvre, nous épargne, nous supporte, nous pardonne ; sans elle, nous ne saurions subsister. L’abus inadmissible, ce serait de nous réclamer de cette grâce, et en même temps de la refuser aux autres ; ce serait aussi de prendre prétexte de cette grâce pour épargner et chérir un Moi haïssable.

Dans le combat de la foi, l’extraordinaire demandé du chrétien se situe moins au rang de l’exploit applaudi par la foule qu’à celui du geste non spectaculaire, mais aux conséquences incalculables et aux noms aussi divers que les occasions de le pratiquer : notre propre désaveu devant les autres. En d’autres termes, c’est admettre d’avoir tort, reconnaître ses erreurs ou ses faiblesses, éteindre les querelles par le silence, le coup encaissé et dont on ne rend même pas la monnaie, le manteau donné à celui qui nous dépouillait de notre habit, le refus de se venger.

Lire : Romains 12.14-21.

La lutte est à mener sur un deuxième front, celui où nous nous opposons à notre seul véritable ennemi : Satan. Cette puissance redoutable est désignée dans l’Ecriture par bien d’autres noms, chacun d’eux caractérisant un aspect de sa nature, de son comportement : contestateur, séparateur, accusateur, menteur, tentateur, rusé, serpent, meurtrier, prince de ce monde, prince des ténèbres, prince de la puissance de l’air. Son pouvoir d’intervention ne doit pas être minimisé. Aussi longtemps que l’économie actuelle, celle de l’injustice et du mal conduisant à la mort, n’a pas été remplacée par le royaume de Dieu à l’avènement imminent, notre monde tout entier gît sous la puissance du malin.

Cependant, comme le dit Luther, Dieu a mesuré à Satan la longueur de sa chaîne. Sa liberté d’action n’échappe donc jamais à la souveraineté de Dieu. Le combat que le Christ a mené contre lui, en a fait un ennemi vaincu. L’histoire récente peut servir d’allégorie à la description de ce deuxième front du combat chrétien. Dès Stalingrad, puis El Allamein, et surtout dès le « jour J » du débarquement sur la côte normande, la défaite des troupes hitlériennes était consommée. Elles ne l’admettaient pas ; dans une lutte sans merci, elles s’acharnaient à contrecarrer la déroute déjà entrevue. Cela n’empêchait pas les troupes alliées et les résistants de France et d’ailleurs, menacés et en constant danger, d’être assurés de la victoire.

Le grand jour J du débarquement de Pâques faisant suite au triomphe caché de Vendredi saint, fait de tout chrétien un résistant assuré de vaincre. Dans le secteur où il vit, où il travaille, qu’il soit seul ou qu’il participe au témoignage de l’Eglise fidèle, il est appelé à mener le combat. La lutte engagée s’accompagne de risques certains, de souffrances non moins assurées. Conduirait-elle au martyre, elle comporte une promesse de valeur j: nous ne serons jamais éprouvés au-delà de nos forces et avec l’épreuve, Dieu prévoit l’issue.

Lire : Hébreux 10.32-35.

5. La tactique de l’Adversaire obéit à des règles con- nues, en rapport direct avec les noms par lesquels l’Ecriture le désigne. Ils ont été rappelés plus haut. Il faut ajouter ici que le plus virulent d’entre ces qualificatifs est certainement celui de « menteur ». Satan est le père du mensonge et comme tel s’emploie non seulement à proférer une sagesse démentie par les faits, mais à infirmer, déformer, contredire, contester, tronquer, édulcorer, et si c’était possible, détruire la Parole de Dieu dont Jésus-Christ est l’accomplissement.

6. La situation du chrétien a été comparée à celle d’un « résistant ». Tout ce qui vient d’être énuméré au sujet de l’« Adversaire » doit donc être entendu comme sa tactique d’occupation et d’asservissement. Le disciple fidèle, bien que libéré par sa foi au Christ, voit sa vie entière se dérouler dans le contexte de cette « occupation ». Satan, prince de ce monde, père du mensonge, insinue la tromperie et les apparences dans les relations humaines authentiques. Il brouille le jeu. Faussaire de génie, il réalise des imitations qui abusent les naïfs. Avec habileté, il se mêle aux circuits les plus innocents. Empoisonneur, c’est aux aliments qu’il assortit ses drogues. Ce sont nos faims et nos soifs qu’il intoxique.

D’où cette série de problèmes :

Lire : Tite 2.11-14.

7. a) Le combat sera mené avec efficacité pour autant que le chrétien acquière et revête l’équipement offert par le Christ.

Lire : Ephésiens 6.10-18.

b) Cet équipement n’est pas à bien plaire. Il serait dangereux de n’en avoir qu’une partie. Satan est un rusé stratège et porterait aussitôt son attaque sur les points où il nous verrait démunis. Il faut aussi rappeler que le meilleur équipement s’avère inopérant, peut même rendre la défaite plus totale si à l’heure de l’attaque, le combattant se trouve incapable de s’en servir. D’où l’exhortation à s’exercer au combat.

Lire : 2 Samuel 22.29-40.

c) L’affrontement ainsi envisagé pourrait apparaître redoutable. Un proverbe connu, fruit d’une juste observation, déclare : « Là où il n’y a rien, il n’y a personne. » Tant il est vrai que l’épreuve commence dans la rencontre avec autrui. Sartre, lucide lui aussi, a écrit : « L’enfer, c’est les autres ». Mais Sartre n’est pas chrétien. L’aurait-il été, qu’il aurait discerné, instruit par l’Evangile, que les autres seraient-ils nos ennemis — nos plus proches et les mieux aimés peuvent le devenir soudain et pour un instant — ils restent le moyen d’aiguiser nos armes ou de renforcer leur pouvoir détonant. Quartier-La-Tente disait : Je riposte par l’amour.

Mire : Matthieu 5.43-48.

8. En dépit des victoires à son actif, ce sacerdoce du combat reste limité dans ses réussites. A vues humaines, le chrétien ne joue pas gagnant. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, la proclamation de l’Evangile connaît des difficultés croissantes, ci ou là même des échecs retentissants. Il y a lieu de s’en laisser impressionner, mais de la juste manière. Jésus n’a jamais dit que le monde ferait bon accueil à son message de grâce et de salut. Il a prédit le contraire. D’où son annonce d’une dramatique fin de ce monde et, au jour connu de Dieu seul, de la venue d’un règne nouveau dans une terre et un ciel transformés. C’est pourquoi dans l’engagement au combat :

a) Il y a cette exhortation à une vigilance discernant les signes de l’avènement du royaume.

Lire : Matthieu 24.1-35, 42, 44.

b) Il y a cet appel à l’attendre de la juste manière,

Lire : Luc 12.35-48.

PRATIQUEMENT :

Citation :

Il faut savoir nous dépouiller de ces piétés intéressées et à base foncièrement matérialiste. Car la foi n’est pas une mère nourrice qui conserverait perpétuellement son enfant loin des dangers et des luttes de la vie. La foi est là pour accomplir un plan de salut dont les étapes sont souvent héroïques et toujours douloureuses. Ce serait le dévier et la rabaisser que d’en faire une simple puissance de philanthropie et que d’attendre d’elle d’éternelles et béates satisfactions. Il est parfois, chez les croyants eux-mêmes, certaines exploitations de la foi qui sont indignes et qui provoquent chez les incroyants des réactions de dégoût et d’écœurement que nous comprenons fort bien. La foi n’est pas là pour nous maintenir en santé et pour nous guérir de nos maladies ; elle n’est pas là pour éloigner le plus possible l’heure de notre mort ; elle n’est pas là pour nous conserver nos biens matériels ou pour sauvegarder les idées ou les idéologies qui nous sont chères, ou pour mettre nos personnes, nos foyers, ou notre pays, à l’abri des sacrifices et en dehors de la grande loi universelle de la souffrance. Ce que nous attendons trop souvent de la foi, ce que nous lui demandons obscurément ou clairement, c’est non pas de faire venir le royaume de Dieu mais notre propre royaume. Or, il est bon que nous sachions que la mission de la foi est ici-bas, l’avènement de Jésus-Christ. *

Henri Manen.

* Le lecteur mesurera mieux la force de ce texte quand nous en aurons souligné la provenance : Il a pour auteur un pasteur français écrivant en 1843 à ses coreligionnaires prisonniers de guerre en Allemagne. « La main de Dieu » Ed. la Concorde 1943.

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