Après avoir exposé les motifs tirés de l’utilité de ce devoir, je passe aux motifs tirés de la difficulté de ce devoir. Si ces motifs étaient considérés seuls, ils tendraient plutôt à affaiblir qu’à exciter notre courage. Mais il en est autrement, si nous les considérons en relation avec ceux qui précèdent et avec ceux qui suivent. La nécessité d’une tâche une fois reconnue, les difficultés deviennent autant de motifs d’action. Comme ces difficultés sont évidentes, nous en parlerons très brièvement. Elles sont de deux sortes ; les unes viennent de nous-mêmes, — les autres viennent du troupeau.
Nous sommes enclins à l’indolence et à la paresse, et nous avons une répugnance naturelle à entreprendre et à accomplir une tâche aussi ardue. Comme le paresseux qui désire se lever, mais qui diffère le plus longtemps qu’il peut, ainsi reculons-nous devant la pratique d’un devoir qui répugne à notre nature corrompue. Il faut donc que nous fassions violence à ce mauvais penchant, et pour cela ce n’est pas trop de toute notre volonté et de toute notre énergie.
Nous avons une telle disposition à chercher à plaire aux hommes, que nous les laisserions volontiers se perdre et aller en enfer, plutôt que de nous exposer à les mécontenter en leur parlant de leur salut. Nous ne craignons pas d’encourir la colère de Dieu, et de compromettre le salut éternel des âmes ; mais nous craignons d’exciter le mécontentement des pécheurs. Tenons-nous soigneusement en garde contre cette fâcheuse disposition. — Plusieurs de nous sont retenus par une sotte timidité qui les empêche de parler ouvertement et sérieusement à leurs paroissiens. — Nous sommes ordinairement si craintifs que nous rougissons de plaider la cause de Christ contre Satan, tandis que nous ne rougissons pas de commettre des actions vraiment honteuses.
Nous sommes tellement charnels, que la crainte de compromettre nos intérêts matériels nous rend infidèles dans l’œuvre de notre divin maître. Nous craignons de diminuer nos revenus, de nous attirer des désagréments, de nous aliéner notre troupeau. Veillons soigneusement sur ces funestes tendances, et sachons leur résister.
Mais le plus grand de tous les obstacles est la faiblesse de notre foi. S’il n’y a pas en nous quelque tentation à l’incrédulité, notre foi aux grands dogmes de la gloire et de la malédiction futures est si faible, qu’elle est impuissante à nous donner cette ardeur, ce zèle, cette ferme résolution dont nous devrions être animés pour parler sérieusement aux hommes, de conversion et de salut. Combien il est donc important que les pasteurs fortifient leur foi aux vérités fondamentales de la religion, à la croyance, aux joies, aux tourments d’une vie à venir !
Enfin nous manquons généralement de capacité et d’habileté pour l’accomplissement de cette tâche. Nous ne savons point parler à un homme ignorant et mondain de sa conversion et de son salut. Nous ne savons point nous insinuer dans son esprit, approprier nos discours à son caractère, choisir les sujets les plus convenables et les traiter avec un saint mélange de sérieux, de sévérité, de douceur, de charité, de grâce évangélique. Oh ! qui est suffisant pour une si grande chose ? Il est moins difficile de prêcher convenablement que de plaider auprès d’un homme charnel la cause du Seigneur. Combien il nous faut de vigilance, de soin, de résolution, pour ne pas nous laisser vaincre par ces difficultés qui viennent de notre propre cœur !
D’abord, plusieurs refusent obstinément de recevoir l’instruction. Ils dédaignent de venir à nous, se persuadant qu’ils sont trop vieux pour s’instruire, ou trop sages pour avoir besoin de nos leçons. Il nous faut une grande force de raison et une grande puissance d’amour pour triompher de leur obstination et de leur perversité.
D’autres, qui seraient disposés à s’instruire, sont tellement dépourvus d’intelligence, qu’ils peuvent à peine apprendre une page. Honteux de leur ignorance, ils se tiennent à l’écart, si nous manquons de prudence et d’habileté pour les encourager.
Lorsqu’ils viennent à nous, ils y viennent avec une ignorance si grossière que nous avons une peine infinie à nous faire comprendre d’eux. En conséquence, si nous n’avons pas le talent de mettre de la clarté dans nos enseignements, nous laissons nos auditeurs aussi ignorants qu’auparavant. — Nous avons encore plus de peine à agir sur leur cœur et sur leur conscience, et à opérer en eux ce changement salutaire, sans lequel tout notre travail est perdu. Le cœur charnel est semblable à un rocher ; il s’endurcit aux plus pressantes sollicitations : les idées de la vie ou de la mort éternelle ne lui font aucune impression. Si donc nous manquons de sérieux et d’ardeur, si nous ne savons pas exprimer fortement ces grandes vérités, quel bien pouvons-nous espérer de nos exhortations ?
Enfin, lorsque nous sommes parvenus à produire sur leur cœur une impression salutaire, si nous ne veillons pas attentivement sur eux, ils retourneront bientôt à leur premier endurcissement. Leurs anciens compagnons et leurs anciennes tentations viendront détruire tout ce que nous aurons fait. En un mot, toutes les difficultés de l’œuvre de la conversion se lèvent contre nous dans l’accomplissement de notre devoir.