On a tant écrit depuis vingt ans au sujet du don des langues qu'on ne peut espérer dire quelque chose de nouveau. Notre dessein est simplement de présenter les faits essentiels au sujet de ce mystérieux don de l'Esprit. Nous étudierons le parler en langues simplement comme un don du Saint-Esprit placé par Dieu dans son Église, et dont l'utilité pour l'assemblée résulte de son association avec le don d'interprétation des langues.
Nous ne parlerons pas dans ce chapitre du parler en langues, qui sert comme preuve initiale du baptême. du Saint-Esprit (Actes 10.46, etc.). Il faut toujours se rappeler qu'il y a une distinction entre les langues comme « signe », et les langues comme « don ». Le signe est pour tous (Actes 2.4) ; le don n'est pas pour tous (I Cor. 12.30). C'est une erreur de ne pas s'attendre à ce que tous parlent en langues en recevant personnellement une expérience de Pentecôte conforme à l'Ecriture ; c'est une autre erreur de s'attendre sans raison à ce que tous les membres de l'Eglise possèdent le don de parler en langues. Faute de faire cette distinction scripturaire, beaucoup de bons auteurs ont affaibli considérablement la portée de ce qu'ils ont pu écrire sur ce sujet.
Après avoir analysé soigneusement tous les textes scripturaires qui se rapportent à la question, nous pouvons résumer comme suit notre définition de ce don : Il consiste dans le pouvoir de s'exprimer en des langues inconnues de celui qui parle, pouvoir qui est donné par l'Esprit de Dieu à certains membres de l'Eglise ; ces langues sont susceptibles d'être traduites par le moyen d'un don également surnaturel, de manière à ce que ces paroles soient comprises par l'assemblée.
D'une manière générale, il n'y a pas lieu d'interpréter les paroles prononcées dans l'extase par les croyants qui reçoivent le baptême du Saint-Esprit, car il ne s'agit pas là d'une manifestation du don des langues.
Notons ici que le simple fait qu'il existe un don surnaturel du Saint-Esprit pour traduire le parler en langues en une langue connue, prouve sans conteste que le don des langues n'est pas une connaissance rationnelle des langues étrangères, comme l'ont supposé quelques personnes qui veulent éviter le surnaturel. S'il en était ainsi, la traduction elle aussi serait faite par des moyens naturels, sans qu'il soit besoin d'une onction spéciale de l'Esprit ; et même, elle pourrait être faite par un incrédule.
Quand ces deux dons opèrent conjointement dans l'Eglise, ils forment l'équivalent du don de prophétie (I Cor. 14.5) et ils sont un canal par lequel l'Esprit de Dieu donne des paroles inspirées.
S'il est pratiqué dans les assemblées proprement dites de l'église, le don des langues doit toujours être accompagné du don d'interprétation des langues (v. 5. 13, 27, 28). Ceci ne s'applique pas à son usage dans la prière privée et dans la communion personnelle avec Dieu (v. 2, 14, 18).
On peut à bon droit demander quel avantage il y a à pratiquer les deux dons dans les réunions, si après tout ils constituent l'équivalent du don de prophétie ? Aux versets 21 et 22, Paul donne une raison très claire de l'avantage que 'présente parfois le don des langues. Il est un signe pour les incroyants. Le caractère mystérieux et surnaturel de ce don est de nature à saisir certains individus' et à leur donner un signe sûr de la présence du Saint-Esprit cherchant à s'exprimer par la créature humaine. La prophétie, prononcée dans une langue connue, peut passer inaperçue.
« C'est par des hommes d'une autre langue... que je parlerai à ce peuple, dit le Seigneur ». Il faut que ce signe soit suivi aussitôt du ministère exercé par le moyen d'autres dons, comme cela fut le cas le jour de la Pentecôte (voir aussi v. 24). C'est comme un signal d'alarme, rien de plus : le cœur et la volonté seront touchés par d'autres dons.
Pour l'édification des croyants, les deux dons de langues et d'interprétation sont simplement équivalents à la prophétie. Or l'édification normale des croyants ne requiert pas la présence continuelle d'un signe aussi surnaturel ; c'est pourquoi la méthode plus directe de la prophétie convient mieux, et c'est à ce titre que Paul la recommande.
Il semble que Paul veuille détourner l'assemblée de Corinthe de parler en langues ; il y a lieu d'étudier les raisons de son attitude, car elles ont souvent été exagérées et déformées.
Ces raisons étaient au nombre de deux : a) on parlait trop en langues dans les réunions à Corinthe ; b) on parlait en langues sans interpréter.
Nous parlerons de ces abus dans un prochain chapitre. Qu'il nous suffise de dire, en ce qui concerne la première de ces deux raisons, que Paul fixa le nombre de ceux qui pouvaient parler en langues dans une réunion (v. 27) ; quant à la seconde, il prescrivit qu'il y eût toujours interprétation (v. 28).
Après avoir posé ces règles, Paul affirme avec force qu'il ne faut pas empêcher de parler en langues (v. 39) ; ils ne (veut donc pas qu'on lui prête l'intention d'éteindre complètement cette manifestation de l'Esprit. Ce qu'il demandait, c'était de la mesure. Puissent les chrétiens, et leurs conducteurs, aborder ce don de nos jours dans le même esprit !
Nous avons dit plus haut que l'Eglise ne doit pas normalement exiger une grande abondance de ces dons qui servent de signes ; par « normale », nous entendons une expérience chrétienne conforme au Nouveau Testament, non l'expérience courante du chrétien moderne. Durant ces vingt dernières années, il y a eu une manifestation en apparence excessive du don des langues, probablement parce que l'Eglise est dans une situation anormale : elle s'est écartée extrêmement loin du Nouveau Testament, et cela surtout en niant le surnaturel. Les langues ont été nécessaires de nouveau comme signe dans l'Eglise elle-même. De plus il était inévitable qu'on insistât sur cette vérité négligée, quand on commença de la remettre en lumière.
Paul exhorte ceux qui pratiquent ces dons à chercher à les posséder abondamment pour l'édification de l'Eglise. Ils peuvent donc être manifestés avec tant de maturité. d'ordre et d'amour, qu'ils n'auront rien de choquant, rien qui scandalise inutilement qui que ce soit. Ainsi pratiqués, ces dons sont particulièrement beaux, et nous croyons que l'habitude n'affaiblira jamais en nous le sentiment de vénération et d'émerveillement que nous éprouvons chaque fois que l'Esprit de Dieu manifeste de cette manière sa présence dans les assemblées. Ces dons créent par leur présence une véritable atmosphère céleste.
Le don d'interprétation est indispensable pour que le don des langues puisse être pratiqué avec fruit dans les assemblées (1 Cor. 14.5), et tous ceux qui parlent publiquement en langues sont invités à prier pour recevoir le don d'interpréter (v. 13). Ainsi ils pourront toujours employer le don des langues d'une manière profitable. En règle générale, il est préférable qu'un seul interprète les deux ou trois qui auront pu parler en langues (v. 27). Il ne faut pas en conclure que la même personne doive interpréter dans toutes les réunions, et nulle part on ne nous parle d'une fonction d'« interprète ». La raison et la prudence commandent toutefois de ne confier l'interprétation qu'à des personnes éprouvées, spécialement dans de grandes réunions.
Le but du don d'interprétation est de rendre compréhensibles pour tous, les paroles prononcées dans l'extase et l'inspiration en une langue inconnue de la grande majorité des personnes présentes, en les répétant, traduites dans la langue courante.
On peut sentir dans son esprit la beauté, l'élévation, la richesse d'une parole en langue inconnue, mais le but du don d'interprétation est de rendre ces choses accessibles à l'intelligence, en sorte que les autres puissent participer eux aussi par l'intelligence à la révélation, à l'élévation, à la prière de celui qui parle. Il est toujours bon que l'être entier participe aux exercices religieux, et pas seulement une partie de nous-mêmes. Dieu attend que nous l'aimions de tout notre cœur et de toute notre âme, de toute notre pensée et de toute notre force.
Le don spirituel d'interprétation joue le même rôle qu'une traduction naturelle d'une langue dans une autre ; tous ceux d'entre nous qui ont eu à parler à l'étranger, dans des pays dont ils ne connaissaient pas la langue, ou qui ont entendu parler un orateur que l'on traduisait à mesure, sont familiers avec ce genre de traduction.
Cependant le don d'interprétation diffère de la traduction ordinaire, et dans sa nature et dans ses modalités. Comme tous les autres dons que nous étudions, il est surnaturel et provient du Saint-Esprit. Celui qui traduit ne connaît pas le moins du monde la langue qu'il traduit ; il en résulte que l'interprétation est reçue non par un effort d'attention portant sur les mots prononcés par celui qui parle en langues, mais plutôt par une concentration de l'esprit sur le Seigneur, qui seul donne l'interprétation. Les paroles sont données par révélation et suivent les mêmes règles que la prophétie et les autres paroles inspirées, elles viennent par le moyen de visions, de révélations, de suggestions, comme il plaît au Seigneur.
L'esprit du croyant que le Seigneur veut employer pour l'interprétation se sentira touché immédiatement par les paroles prononcées en langue. Cette réaction dépendra sans doute de la pureté et de la profondeur du parler en langue ainsi que de l'état spirituel de celui qui interprète. Il doit être possible d'exercer un don spirituel tout en ne gardant pas le contact avec le Seigneur (I Cor. 13.1) : dans ce cas l'exercice qui devrait être si beau, est grandement entravé et rabaissé.
Les langues et l'interprétation caractérisent l'économie actuelle.
Ces deux dons du Saint-Esprit sont en effet les seuls qui ne soient jamais manifestés sous aucune forme dans l'Ancien Testament.
Il y a, il est vrai, quelque chose d'analogue au don d'interprétation : c'est le pouvoir d'expliquer les songes, qu'eurent certains hommes comme Joseph (Genèse 40.41) et Daniel (Dan. 4.5). Mais le don n'est pas réellement le même.
Ces dons ne semblent pas non plus avoir été manifestés dans le ministère terrestre du Seigneur Jésus. Certaines de ses paroles (Marc 7.34 ; 15.34) sont citées en araméen, mais ne constituent nullement un parler en langue inconnue, analogue à celui dont parle I Cor. 14.
Le don des langues, et le don d'interprétation qui l'accompagne, semblent avoir été réservés par Dieu pour caractériser l'économie de la grâce que dispense l'Eglise. Cela fait mieux comprendre la place qu'occupa le phénomène des langues le jour de la Pentecôte, qui inaugura l'économie actuelle. Dieu créait une ère nouvelle : elle s'accompagnait d'un signe nouveau, et d'une manifestation nouvelle de l'Esprit éternel.
Le Saint-Esprit s'était manifesté avant la Pentecôte par le moyen d'hommes qu'il s'était choisis comme instruments pour tel ou tel but défini ; maintenant il vient d'une autre manière, pour remplir quiconque veut le recevoir, même ceux qui sont au loin « en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera ». (Actes 2.39). Chacun de ceux qui étaient dans la Chambre haute reçut la plénitude de l'Esprit, qui fut attestée par un signe, choisi par la sagesse divine : le Saint-Esprit s'emparait des organes de la parole, que l'homme emploie si souvent pour des œuvres diaboliques (Jacques 3.6). La souveraineté de Dieu, qui s'était manifestée à la Tour de Babel, se révéla de nouveau le jour de la Pentecôte. C'était momentanément au moins une image du triomphe complet de la grâce rédemptrice sur l'être tout entier. Le vainqueur planta, si l'on peut dire, son drapeau sur la partie la plus importante de l'âme vaincue, — la partie que Bunyan dans sa Guerre sainte appelle la « Grille de la bouche ».
Pour la raison humaine, le don des langues est absurde, et là encore il y a une intention divine. Pour pratiquer ce don, il faut abaisser tout l'orgueil de l'intelligence : preuve nouvelle de la victoire de la grâce.
C'est le seul don que Dieu ait destiné à servir de signe clans l'économie où nous vivons actuellement. Y a-t-il rien d'étonnant dès lors que nous soutenions résolument qu'il doive se perpétuer jusqu'à ce que ce qui est parfait soit venu dans le siècle nouveau, lorsque nous verrons Dieu « face à face ? ».