Mon Dieu, donne-moi l’humilité !… Mais, hélas ! cette demande est-elle bien sincère ? ai-je un véritable désir d’être abaissé dans ma propre estime ? Non, Seigneur, non, je dois le confesser, ce désir n’est pas dans mon cœur ; mes efforts de tous les instants vont, au contraire, à m’exalter à mes propres yeux, ne pouvant m’exalter toujours aux yeux des autres. Et toutefois, quand je rentre profondément en moi, je trouve du mal jusque dans le bien que je prétends faire : mes motifs vicient mes actes, bons en apparence ; quand je me contemple ainsi de près, oui, je me condamne, je me déteste, je me méprise ; alors, je me frappe la poitrine et m’humilie devant toi ; je voudrais me dérober à tout regard ; je soupire après ta grâce, ton pardon ; je n’ose lever les yeux ; la dernière place de ton ciel me semble trop bonne pour moi ; je voudrais alors qu’il me fût possible de racheter tant de misère ! Mais, hélas ! tout cela ne dure pas ; tout cela se dissipe, et peut-être dans quelques minutes, quand j’aurai cessé de te parler, me levant de terre, encore humide des larmes de mon humiliation devant toi, j’irai dans le monde mendier des approbations ; heureux encore si je ne m’irrite pas contre ceux qui oseront me désapprouver. Eh bien ! Seigneur, aie compassion de ma faiblesse ; exauce-moi tandis que je te prie ; exauce-moi malgré les mouvements d’orgueil qui pourront me venir plus tard ; ou mieux encore, brise cet orgueil et maintenant et toujours ; que je sois tellement malheureux sous son influence, que j’y renonce enfin ; que je le haïsse autant que je l’aime, et que j’aime l’humiliation, à l’avenir, autant qu’aujourd’hui je la redoute, jusqu’à ce que j’apprenne à trouver mon bonheur dans la recherche de ta gloire et non de la mienne, jusqu’à ce que je me plaise à vivre dans l’ombre, actif, mais inaperçu ; saint, mais sans solliciter les regards ; enfin, humble, véritablement humble, et dès lors véritablement heureux. Au nom de celui qui était humble de cœur, au nom de ton Fils, Seigneur, exauce ta pauvre créature !