« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et les deux deviendront une seule chair ».
Il y a des personnes scrupuleuses qui s’imposent – et imposent à leur conjoint – une vie d’abstinence continuelle. Elles pensent qu’un bon chrétien, soucieux d’obéir au Créateur, doit se priver de toute relation charnelle.
De tels époux ont sans doute hérité de leur milieu – religieux ou familial – les théories d’une certaine tradition théologique qui considère le corps comme la source du péché, donc l’ennemi à mater. Tertullien n’allait-il pas jusqu’à affirmer que le royaume des cieux est la patrie des eunuques ? Pour de tels docteurs, seule la procréation justifie la sexualité. Les époux s’unissent pour avoir des enfants. Hors de cette perspective, toute relation est péché et un amour conjugal trop ardent est assimilé à de l’adultère. Que de consciences inquiètes à cause de telles affirmations !
Je sais que l’Ancien Testament contient l’impératif divin : « Croissez et multipliez ». Pas le Nouveau Testament. Avec la venue de Jésus-Christ et le don du Saint-Esprit beaucoup de choses ont changé. Il serait grave de l’ignorer. Alors que l’Ancien Testament tolère la polygamie et le concubinage, entretient l’opprobre qui pèse sur la femme stérile et ordonne à des beaux-frères de susciter une postérité à leur belle-sœur (loi du lévirat), le Nouveau Testament tout au contraire – donc les choses ont réellement changé – lève l’hypothèque qui pèse sur le célibat et la stérilité, supprime la loi du lévirat et condamne nettement la polygamie. D’ailleurs, lorsque Jésus ou Saint Paul citent la parole de Genèse 2.24 (en exergue au début du chapitre), l’un comme l’autre rappellent l’union de l’homme et de la femme sans mentionner l’ordre de procréer. Et lorsqu’il aborde longuement les problèmes du couple, le même apôtre ne met jamais en relation l’acte sexuel avec l’idée de procréation (Éphésiens 5.25-33 et 1 Corinthiens 7.1-40). Et loin de prêcher l’abstinence dans ce domaine pour encourager « un héroïsme continu », Paul le célibataire inspiré et tellement plus humain, ose écrire : « Ne vous privez point l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence » (1 Corinthiens 7.5). Autrement dit, le but du couple n’est pas uniquement de procréer mais « de réaliser l’épanouissement de deux êtres en un seul et de devenir ainsi le reflet terrestre de l’amour de Dieu » (1), aussi l’écrivain sacré a-t-il la liberté de conseiller : « Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit (ici la satisfaction sexuelle) et que la femme agisse de même envers son mari » (1 Corinthiens 7.3).
(1) Amour et Sexualité de Robert Grimm (Cahier Théologique, 1962 Delachaux et Niestlé).
Si les époux doivent vivre comme frère et sœur, seulement unis par un amour platonique, le mariage devient une rude épreuve et l’instinct sexuel un trouble-fête. Une douloureuse écharde placée dans l’homme par un Dieu tracassier qui se plairait à voir ses créatures brûler d’un désir qu’ils n’ont pas le droit d’assouvir, sauf dans des moments très exceptionnels. Ou encore, selon Schopenhauer, un piège tendu à l’individu pour perpétuer l’espèce. Or, Paul n’a-t-il pas dit : « Il vaut mieux se marier que de brûler » ? Reconnaissons-le, les relations intimes apaisent les époux et vivifient l’union conjugale. En instituant le mariage, Dieu n’a pas dit : « Les deux deviendront une seule âme ou un seul esprit … mais UNE SEULE CHAIR ». C’est pourquoi, quiconque renonce aux relations conjugales, même pour les motifs les plus spirituels, ne pense qu’à lui-même. Ses aspirations aussi célestes soient-elles, sont égoïstes car il pratique l’ascétisme aux dépens de son conjoint qui reste malheureux, insatisfait, aux côtés d’un être qui « plane ». Bref ! Il oublie que c’est « l’autre » qui a autorité sur son propre corps » (1 Corinthiens 7.4) et que l’autre est à la fois CORPS, ÂME et ESPRIT. Et c’est justement sur ces trois plans que les époux se doivent de réaliser l’harmonie. En négliger un, c’est nuire à l’épanouissement du couple. L’amour ne délaisse aucun de ces domaines ; il rapproche les êtres tout entiers et il est dans le dessein de Dieu que les conjoints « soient un » dans leur personne : Une seule chair. Une seule âme. Un seul esprit. Il est vrai qu’une telle unité ne s’atteint pas sans lutte, sans reculs et sans capitulations. Elle exige l’oubli de soi, le sacrifice de ses propres intérêts pour ne poursuivre que ceux de l’autre. Il y a chaque jour de belles expériences à faire sur la voie de l’unité.
« Le chemin de la perfection chrétienne est celui de l’amour déclare Gaston Deluz (2). Le mariage est précisément une école d’altruisme où chacun doit s’exercer à faire le bonheur de l’autre. La satisfaction sexuelle est un cadeau que chaque époux doit offrir à son conjoint, c’est un témoignage d’amour et cet amour est un dû ».
(2) Gaston Deluz – La Sagesse de Dieu, Éd. Delachaux et Niestlé, 1959.
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Une épouse, sans doute marquée par une éducation légaliste, m’entretenait de ses problèmes conjugaux. Je fus assez étonné de l’entendre dire :
– Je respecte trop le corps de mon mari pour oser le caresser.
– Et pourquoi donc ?
– Parce que j’agirais mal et me rendrais coupable de sensualité.
– Quelle idée ! Y a-t-il des régions de votre corps que vous n’osez toucher ?
– Non puisqu’il m’appartient.
– Alors laissez l’Écriture vous rappeler « que le mari n’a pas autorité sur son propre corps : il appartient à sa femme » (1 Corinthiens 7.4). En clair, cela signifie que chacun dispose du corps de l’autre pour lui dispenser de la joie.
« Aucun attouchement ni aucun abandon, écrit le Dr. Th. Bovet (3) si intime soit-il, n’est en soi immoral ou in-décent, à condition qu’il ne soit pas pratiqué dans un but de satisfaction égoïste et dans une mésestime de l’autre, mais dans le but de lui faire goûter au bonheur commun. Le sens profond du prélude amoureux est psycho-érotique il permet aux deux époux de se sentir l’un à l’autre sans réserve, d’éprouver le pouvoir qu’ils possèdent de se rendre mutuellement heureux par tout leur être, de laisser leurs deux âmes se confondre de plus en plus en un seul tout, grâce à ce jeu exquis de paroles et de gestes … ».
(3) Le Mariage, ce Grand Mystère, 1965. Delachaux et Niestlé.
– Mais alors, intervient mon interlocutrice, si je vous comprends bien, mon mari peut se permettre n’importe quoi et accepter de ma part n’importe quel attouchement ? Pourtant, il y a des choses que je réprouve.
– C’est vrai. Il y a des gestes choquants. Qui exprime sa tendresse doit faire preuve de beaucoup de tact, d’intuition, de délicatesse. Il y a des caresses qui heurtent parce qu’elles sont déplacées ou viennent trop tôt. Liberté totale certes, mais avec le souci de l’autre et une bonne conscience devant Dieu. En tout cas, aimez votre mari en vous laissant aimer par lui. Répondez à sa tendresse par la vôtre. Et votre bonheur sera partagé.
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« Que le mari rende à sa femme ce qu’il lui doit et que la femme agisse de même envers son mari, précise l’Écriture. La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. Ne vous privez point l’un de l’autre … » (1 Corinthiens 7.3-5).
DIALOGUE
1. – ELLE et LUI : Quelles réflexions vous suggèrent les paroles de Paul citées ci-dessus (1 Corinthiens 7.1-7) ? Etes-vous pénétré de l’idée que vous devez apporter à votre conjoint joie et satisfaction sur le plan physique aussi ? Dans ce domaine, avez-vous été réellement préoccupé du bonheur de votre partenaire ?
2. – ELLE et LUI : Acceptez-vous de renoncer à vous-même, à votre propre plaisir afin de procurer à l’autre la satisfaction sexuelle que vous « lui devez » ? Si Dieu vous a convaincu d’égoïsme, demandez-lui pardon ainsi qu’à votre conjoint : il doit savoir qu’il y a chez vous un changement d’attitude.
3. – ELLE et LUI : Bénissez Dieu pour les joies de la vie intime, Lui qui veut les purifier de toute recherche de soi. Louez-le pour son pardon ainsi que pour l’œuvre du Saint Esprit dans votre cœur.