Bienheureuse est celle qui a cru ! Luc, I, 45.
Croyez-vous à la vierge Marie ?… On nous adresse chaque jour cette question ; à quoi nous répondons oui et non.
Non, s’il s’agit de la vierge Marie telle que l’a faite l’imagination des théologiens du moyen âge, et telle qu’on la représente de nos jours dans de nouveaux dogmes considérés comme une hérésie par tant de siècles précédents.
Oui, s’il s’agit de Marie de Bethléem, telle que nous la représente l’Écriture infaillible de Dieu.
Voulez-vous donc vous faire une idée juste de la croyance des protestants sur la bienheureuse mère de Jésus-Christ ? Prenez l’Écriture sainte, et cherchez-y tous les passages qui la concernent.
Dieu dit au Tentateur, après la chute d’Adam : « La postérité de la femme t’écrasera la tête (Gen., III, 15.). »
Nous concluons de ces paroles que le Sauveur du monde devait descendre de la postérité adamique.
« Voici, dit Esaïe, de la part de Dieu, une vierge sera enceinte, et elle enfantera un fils, et on appellera son nom Emmanuel (Esaïe, VII, 14.) ; » ce qui nous enseigne que le Sauveur, naissant d’une vierge par la puissance du Saint-Esprit, réunirait en sa mystérieuse nature l’essence divine et l’humanité parfaite : ce que signifie le nom d’Emmanuel (Dieu avec nous).
Saint Luc nous apprend que « Dieu envoya l’ange Gabriel à une vierge fiancée à un homme nommé Joseph, de la maison de David, et cette vierge s’appelait Marie, et l’ange lui dit : Je te salue, toi qui es reçue en grâce ; le Seigneur est avec toi ; tu es bénie entre les femmes.
Et comme Marie était troublée de son discours, l’ange lui dit : Marie, ne crains point, car tu as trouvé grâce devant Dieu ; tu concevras et enfanteras un fils, à qui tu donneras le nom de Jésus. Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? Alors l’ange répondit : Le Saint-Esprit surviendra en toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi aussi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé le Fils de Dieu. À quoi Marie répondit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il m’arrive selon que tu m’as dit (Luc, I, 26-38.). »
Les protestants concluent de ces paroles, ainsi que de celles qui les précèdent et qui les suivent :
Que la prophétie d’Esaïe citée ci-dessus s’est accomplie en Marie de Bethléem ;
Que Marie a été choisie entre toutes les femmes pour être la mère-vierge du Sauveur des hommes ;
Qu’elle avait été reçue en grâces, ou, comme il est dit plus loin, qu’elle avait trouvé grâce devant Dieu ;
Que Marie elle-même reconnaît qu’elle n’est que l’humble servante du Seigneur.
Plus loin l’évangéliste nous montre Marie visitant sa cousine Élisabeth ; ces deux saintes femmes se communiquent mutuellement leurs joies et leurs espérances.
« Tu es bénie entre les femmes, s’écrie Élisabeth, et le fruit que tu portes est béni. Et d’où me vient que la mère de mon Seigneur vienne me visiter ? Heureuse est celle qui a cru, car les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement.
» Mon âme magnifie le Seigneur, reprend Marie dans un saint transport ; mon esprit se réjouit en Dieu qui est mon Sauveur, parce qu’il a regardé à la bassesse de sa servante. Et voici que tous les âges m’appelleront bienheureuse, car le Tout-Puissant m’a fait de grandes choses ; son nom est saint (Luc, I, 39-55.). »
Dans ce touchant dialogue, Marie reconnaît que toute la gloire de la rédemption revient à Dieu ; elle déclare que Dieu est son Sauveur, ce qui implique qu’elle-même n’était pas immaculée et qu’elle participait au péché de la race d’Adam.
Les âges l’ont depuis déclarée bienheureuse, parce qu’elle a été l’instrument choisi pour introduire Jésus-Christ dans le monde, et parce que, selon la parole d’Élisabeth, elle a cru à la promesse.
Enfin, elle est appelée la mère du Seigneur et non la mère de Dieu, titre qui ne se rencontre nulle part dans l’Écriture sainte et qui établirait une impossibilité, car nulle ne peut être la mère de son Créateur.
Dans l’Évangile selon saint Matthieu (Chap. I.), nous apprenons que « Joseph ayant voulu renvoyer Marie en secret, l’ange de Dieu lui fut envoyé pour lui dire : Joseph, ne crains point de prendre Marie pour ta femme, car ce qu’elle a conçu est du Saint-Esprit ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés. Joseph donc, étant réveillé de son sommeil, fit comme l’ange du Seigneur lui avait commandé, et prit sa femme ; mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté son premier-né, et il lui donna le nom de Jésus. »
Les protestants concluent de ces paroles de l’Écriture que Joseph a légitimement et réellement épousé Marie, de laquelle il a pu avoir d’autres enfants, ce que plusieurs textes subséquents font croire être arrivé réellement.
Saint Jean raconte qu’aux noces de Cana le vin étant venu à manquer, Marie dit à son Fils : « Ils n’ont plus de vin ! » À quoi le Sauveur répondit : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? Mon heure n’est pas encore venue. » À ces paroles, Marie, se tournant vers les serviteurs de la maison, leur dit : « Faites tout ce qu’il vous dira (Jean, II, 1-11.). »
De ces discours, les protestants concluent que Jésus-Christ n’autorise point l’intervention de Marie dans la distribution de ses grâces et dans l’exercice de son ministère ; ils en concluent aussi que, ramenée à une idée plus juste de ce ministère, Marie détourne la confiance de ceux qui s’étaient adressés à elle pour la diriger tout entière vers le Seigneur en les exhortant à faire tout ce qu’il leur commanderait, vérité qui se trouve confirmée par les deux traits suivants :
Un jour, Jésus étant dans une maison encombrée par la foule, on vint lui dire que « sa mère et ses frères étaient dehors et qu’ils demandaient à lui parler ; à quoi le Seigneur répondit : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Alors, étendant la main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fera la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est celui-là qui est mon frère et ma sœur et ma mère (Matth., XII. 47-50). »
Une autre fois « un cri s’éleva du sein de la foule : « Bienheureuses les mamelles qui t’ont allaité et les flancs qui t’ont porté. » – Dites plutôt, réplique le Sauveur du monde, bienheureux ceux qui écoutent mes paroles et les mettent en pratique (Luc, XI, 27, 28.).
Plus tard nous retrouvons Marie au pied de la croix ; son divin Fils la confie à son disciple bien-aimé, et l’Écriture ajoute qu’il en prit soin jusqu’à sa mort. L’Écriture fait encore une fois mention de Marie et nous la représente dans la compagnie des apôtres, des frères de Jésus et des saintes femmes. Elle ne se trouve point au premier rang dans cette assemblée de l’Église, mais au troisième ; elle ne réclame pas les prières des fidèles, mais elle se joint à eux pour prier. Elle est à la place que la foi lui a assignée parmi les chrétiens ; chrétienne elle-même, l’objet de notre vénération, de notre imitation, en tant qu’elle a été une chrétienne humble, sincère, bénie de Dieu ; jamais l’objet de notre adoration, jamais notre intercesseur, car Jésus est notre seul intercesseur, lui seul nous sauve et nous bénit directement et sans intermédiaire.
Aucune des épîtres apostoliques destinées à nous faire connaître les doctrines de l’Évangile et les règles de notre conduite ne fait mention de Marie. Saint Paul, saint Pierre, saint Jean, qui la recueillit chez lui, gardent à son égard un silence significatif qui justifie la croyance et les pratiques des chrétiens protestants sur le Marianisme.
L’Apocalypse, qui nous révèle l’avenir de l’Église, ne parle nulle part de Marie ; le silence que ce livre garde sur ce sujet prouve au moins que l’avenir ne renferme aucun nouveau dogme inconnu aux premiers chrétiens, et imposé à la foi de ceux qui leur succéderaient.
En dehors de ces déclarations scripturaires et authentiques de la Parole de Dieu, tout ce qui a été dit de la jeunesse, de l’assomption et des miracles de Marie, est rangé par les protestants parmi les traditions que le Seigneur placerait, s’il venait encore prêcher au milieu de nous, à côté de celles qu’il reprochait aux scribes de son temps comme obscurcissant les commandements de Dieu.
D’un autre côté, qu’on ne s’imagine pas que si les protestants refusent un culte à Marie, ils agissent en cela par irrévérence ou par incrédulité. Bien au contraire, leur opposition à des pratiques et à des croyances contraires aux déclarations les plus formelles de l’Écriture de Dieu démontre leur respect pour Celui qui nous l’a donnée comme règle infaillible de notre foi ; et quant à la vénération due à la mémoire de celle qui fut choisie et bienheureuse entre les femmes, les protestants croiraient lui faire injure en lui prêtant un caractère de majesté qu’elle n’a jamais possédé, en lui adressant un culte et des prières qu’elle n’a jamais réclamés, en comptant sur une intercession qu’elle n’a jamais offerte.
Les protestants désirent donner à Marie, dans leur cœur et dans leurs croyances, la place qu’elle occupe dans la Parole de Dieu, ni plus ni moins. Que son humilité, sa docilité, sa douceur servent d’exemple à nos épouses et à nos mères ; que sa foi et sa résignation dans les indicibles douleurs qui lui furent ménagées soient un encouragement pour les chrétiens de tous les âges ; mais à Dieu seul soit la gloire du salut par notre seul et tout-puissant médiateur Jésus-Christ !