Tous ceux qui ont reçu une mission d’en haut et un don spirituel exercent cette vocation, non pas en amateurs, mais avec passion. Si l’évangéliste perd cette grande passion divine pour les âmes des hommes, il devient comme de l’airain qui résonne ! Si le pasteur n’a pas cette passion dévorante pour les brebis du Seigneur, il n’est plus qu’un fonctionnaire clérical. Si le docteur vit en marge de cette passion divine, son enseignement n’est plus que celui des scribes et des pharisiens, si orthodoxe qu’il puisse se croire. Il en est de même du témoin-combattant.
David dit : « Mon cœur est comme de la cire, il se fond dans mes entrailles » (Psaume 22.15). Jérémie disait : « Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os » (Jérémie 20.9). Jean-Baptiste était « la lampe qui brûle et qui luit » (Jean 5.35). Ce feu qui brûlait faisait dire à l’apôtre : « J’aimerais mieux mourir que de me laisser enlever ce sujet de gloire … Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (1 Corinthiens 9.15, 16). Notre divin Sauveur disait : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et qu’ai-Je à désirer s’il est déjà allumé ? » (Luc 12.49)
La succession de ce ministère appartient à l’Eglise ; à défaut d’elle dans son ensemble, c’est aux témoins-combattants qu’elle incombe. Jetez le feu sur la terre, allumez des brandons qui communiquent leur flamme de l’occident à l’orient, du septentrion au midi ; soyez brûlants pour Dieu et propagez ce grand et glorieux incendie de vérité, d’amour, de justice et de paix ! Voilà la vocation des témoins fidèles, voilà ce qu’il nous faut aujourd’hui *.
* Lisez : Le Chemin de la Croix et de la Couronne, par H.E. Alexander.
« Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez Mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1.8).
Le fait est que l’Eglise ne brûle plus. Dans la plupart des chaires, le feu sacré est éteint, éteint par la recherche d’éloquence (Colossiens 2.4), par la philosophie, les subtilités théologiques et les vaines traditions des hommes (Colossiens 2.8), par le légalisme de toute sorte (Colossiens 2.16), ou bien par le faux mysticisme d’une prétendue spiritualité (Colossiens 2.18).
La grande passion de Gethsémané et de Golgotha est chose inconnue à la plupart des prédicateurs, et Dieu leur dit en parlant de ce qui était autrefois Sa maison, « votre maison vous sera laissée déserte » (Matthieu 23.38). Oui, la lampe de Dieu est éteinte dans ce qui était jadis Sa maison ; le feu de Dieu ne brûle plus dans Ses ministres. La forme de piété demeure — berceau prêt à recevoir la grande séduction de l’Antichrist — mais ce qui en faisait la force n’est plus.
Les extériorisations d’éloquence stérile des hommes, leur moralisme vide et fade, les vaines redites, les formes trompeuses sont un crime, en face des immenses besoins du monde actuel et des ordres explicites donnés par Jésus-Christ à Son Eglise, en face de Sa passion révélée à la Croix. C’est pourquoi tout notre être de croyant fait monter au ciel ce cri avec des gémissements qui ne peuvent s’exprimer : O Dieu, rallume le feu en nous, fais-le descendre sur l’autel, dans ce monde que Tu as tellement aimé ! Envoie des messagers et des messagères ayant un message de Ta part, un message qui brûle ! Que l’étincelle devienne un feu, que le feu devienne un vaste incendie !
Le témoin-combattant est averti ; il a vision du lendemain ; il voit loin, au-delà du présent ; il voit profond, au-dessous de la surface. Il regarde, il sait, il crie. Ses yeux scrutent l’horizon ; son regard transperce le visible et se plonge dans l’invisible. Il voit les événements futurs comme s’ils devaient se produire aujourd’hui.
Cette vision n’est pas le produit de son imagination, ni de l’illuminisme ; elle se communique par la Parole de Dieu, non pas par un verset isolé, mais par l’ensemble de la vérité divine appliquée au temps présent (Daniel 9.2). Le témoin-combattant instruit par la Parole de Dieu sait ce qui vient, et il agit, ne s’arrêtant point à ce que le public dit ou pense. Il comprend quelles sont les conséquences futures des événements d’aujourd’hui. Il voit le chêne dans le gland, l’avalanche dans le flocon de neige. Des nuages épais obscurcissent les cieux ; le vent souffle en ouragan ; la terre même tremble ; les cieux sont ébranlés (Luc 21.25), mais lui, « il se montre ferme, comme voyant Celui qui est invisible ». Son cœur est fixé en Dieu. « Il ne juge point sur l’apparence » (Esaïe 11.3). C’est pourquoi le monde et la chrétienté ne le comprennent pas ; son message leur paraît insensé, insultant, exagéré.
Paul appelle son expérience sur le chemin de Damas, « la vision céleste ». « Vers le milieu du jour, ô roi, je vis en chemin resplendir autour de moi et de mes compagnons une lumière venant du ciel, et dont l’éclat surpassait celui du soleil … En conséquence je n’ai point résisté à la vision céleste. » Parlant aux Juifs avant cela, il dit : « Je ne voyais rien à cause de l’éclat de cette lumière » (Actes 26.13, 19 ; 22.11).
Pour le témoin le soleil au zénith, le plein midi de ce monde sont des ténèbres si épaisses qu’on peut les toucher (Exode 10.21). Mais il a vu la surpassante gloire de la vision céleste, de la lumière de Dieu. Pour le témoin, les puissances du siècle à venir effacent l’éclat du siècle présent (Hébreux 6.5), le temps est le seuil de l’éternité. Rien d’étonnant à ce qu’il unisse sa voix à celle d’Esaïe : « Qui a cru à ce qui nous était annoncé ? Qui a reconnu le bras de l’Eternel ? » (Esaie 53.1) Cette parole aussi s’applique à lui : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue » (Jean 1.5). Mais en face du rejet, du mépris et de l’opposition suscités par son message, il est fort de cette parole d’Esaïe : « Qui est aveugle, sinon Mon serviteur, et sourd comme Mon messager que J’envoie ? Qui est aveugle comme l’ami de Dieu, aveugle comme le serviteur de l’Eternel ? » (Esaïe 42.19) Aveugle ? C’est aux aveugles que Dieu montre Sa gloire, qu’Il communique Sa vision céleste … à ceux qui sont aveugles à tout ce qui entraverait leur vocation, et sourds au « qu’en dira-t-on » et aux revendications de la vie propre.
Il n’y a pas de progrès spirituel et moral dans le monde ; il y a un recul rapide. Ce n’est pas vers l’âge d’or qu’il s’achemine, mais vers l’âge d’argile et de fer (Daniel 3.25). Le témoin le voit et il le dit ; le siècle présent s’en moque et rit. Le témoin voit le temple de la chrétienté rempli de vendeurs, d’acheteurs et de changeurs d’argent ; il n’hésite pas, il brandit le fouet à petites cordes, il les chasse. Il marche contre ce qui est reçu parmi les chrétiens endormis, contre le formalisme, la superstition et l’hypocrisie de la religion de forme et de tradition. Il voit que tout cela est vide et que Dieu Lui-même S’en est retiré, et que bientôt, un autre (Jean 5.43) s’assiéra dans ce temple : celui qui, tout en se faisant passer pour Dieu, s’oppose à Lui en toutes choses (2 Thessaloniciens 2.4).
Dans l’enseignement du clergé rationaliste ou néo-moderniste, il entend l’écho du sifflement du serpent : « Vous serez comme des dieux. » Il y voit la préparation du mystère d’iniquité qui se forme déjà … Et « sa voix crie » … Comme autrefois, le sanhédrin est furieux ; il a des yeux, mais ne voit pas, des oreilles, mais n’entend pas ; il ne peut accepter la vérité toute nue et tranchante, dite sans égards pour ses intérêts et son prestige. Celui, celle qui a vision, n’est jamais accepté là où la religion n’est plus qu’une coquille vide, un pieux souvenir du passé et une forme impuissante pour le présent.
Remarquez encore ceci : Dans l’histoire sacrée, quand Dieu suscite un prophète, un témoin-combattant, c’est toujours contre la religion organisée du temps. Le ministère des Juges a combattu l’anarchie religieuse d’Israël. Samuel a annoncé le jugement imminent de la sacrificature. Elie a stigmatisé et égorgé les prêtres de Baal. Jérémie prophétisa contre les principaux et les sacrificateurs du pays. Jean-Baptiste dévoila et condamna le clergé de son temps (Matthieu 3.7). Notre Seigneur, tout en annonçant Sa grâce aux publicains et aux gens de mauvaise vie, condamna au jugement de la géhenne les pharisiens aveugles conducteurs, sépulcres blanchis, serpents et races de vipères (Matthieu 23.16, 33).
Pour le monde et le pécheur, de ce côté-ci du tombeau, il y a salut et pardon (Jean 3.16), pour l’apostasie, il n’y a ni espoir, ni miséricorde dans le cœur de Dieu (Hébreux 6.4 ; 10.29-31).
a) C’est tout d’abord son message, la Parole qu’il annonce. Il n’est pas lui-même la lumière, mais il est envoyé pour rendre témoignage à la lumière (Jean 1.8). Il n’est pas la vérité, mais il est appelé à proclamer la vérité (Philippiens 2.16).
« Pourquoi mêler la paille au froment ? dit l’Eternel » (Jérémie 23.28, 29), quelle folie de mélanger la paille de la philosophie et de la théologie humaines avec le froment biblique ! La Parole de Dieu est une semence incorruptible, un miroir révélateur, une épée à deux tranchants qui divise et qui juge. Cette parole de Sa puissance, sans mélange et sans réserve, sans aucune modification, c’est elle, et elle seule que l’Eglise avait reçu mission de proclamer. « Ta Parole est la vérité » (Jean 17.17), et c’est d’elle seule que le monde a besoin aujourd’hui. Il est écrit : « Jette ton pain sur la face des eaux, car avec le temps tu le retrouveras » (Ecclésiaste 11.1). La Bible est la force motrice de l’Eglise.
Ne reconnaissons rien d’autre que ce froment, ce puissant marteau de Dieu, le reste n’est que de la paille.
Dieu a confié la proclamation de Sa Parole infaillible à des croyants faillibles, le ministère de la Parole de Sa puissance à des disciples impuissants, Ses serviteurs et Ses servantes qui Lui obéissent en toutes choses. Et le semeur sort pour semer, le guerrier ceint pour la guerre part au combat.
b) Le secret de la puissance du témoin-combattant fidèle réside aussi dans son humilité personnelle.
« Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste. Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le royaume des cieux est forcé, et ce sont les violents qui s’en emparent » (Matthieu 11.1, 12). Remarquez la liaison de pensées ! Ce sont les petits qui ravissent le royaume. Seuls les humbles sont vraiment irrésistibles. C’est dans cette humilité vraie que se trouve le secret de l’autorité du témoin-combattant. Il fouille les hauteurs de la pensée et de la révélation de Dieu dans la mesure où il connaît Son action divine dans les profondeurs de son être. Comme son Maître, il est doux et humble de cœur. C’est la fusion des extrêmes. Son message est intransigeant, impétueux, terrible et solennel ; ce sont les tonnerres du Sinaï, les ténèbres du Calvaire, les éclairs du Trône de Dieu ; mais le témoin lui-même connaît ses infirmités, ses faiblesses, ses dangers ; il sait n’être que faiblesse, ne se glorifie qu’en son Dieu, ne s’appuie que sur Son bras.
Tout en annonçant le message de Dieu, il se reconnaît à l’égard du monde, comme « le plus grand des pécheurs » (1 Timothée 1.15) ; il se doit aux Grecs et aux barbares (Romains 1.14). A l’égard des croyants, il se reconnaît le moindre de tous les saints (Ephésiens 3.8) parmi lesquels il a un ministère par un don de la grâce de Dieu. A l’égard des ministres de l’Evangile il s’avoue être le moindre des apôtres (1 Corinthiens 15.9). Oui, c’est par pure grâce qu’il est ce qu’il est. Quelles que soient les accusations portées contre lui, il sait ce qu’il est devant Dieu. Son humilité de cœur fait sa grandeur. Il sait que les sacrifices agréables à Dieu ne sont ni sa ferveur, ni ses dons, ni son activité, mais un esprit brisé, un cœur brisé et contrit (Psaume 51.17).
c) Un secret essentiel de la force du témoin-combattant réside dans son désintéressement.
Il ne travaille pas pour lui-même ; sa devise est : « Ce n’est plus moi … c’est Christ » (Galates 2.20). Il détache les regards de lui et s’écrie : « Voici l’Agneau de Dieu … » Et quand la foule vient à lui et l’écoute, il dit : « Au milieu de vous, il y a Quelqu’un que vous ne connaissez pas … qui est plus puissant que moi » (Jean 1.26 ; Luc 3.16). … Ecoutez-Le, préparez Son chemin, c’est Lui qui vous baptisera de feu.
Il n’accapare rien pour lui-même, il ne désire pas de tente sur la terre (Matthieu 12.4) … non, il prépare le chemin de son Seigneur et amène les cœurs et les esprits à Le recevoir. Il s’écrie : « Il faut qu’Il croisse et que je diminue ! » Il met la cognée à la racine des arbres au risque de recevoir la hache sur son propre cou … Il frappe Goliath au front ; lui-même peut s’attendre à être rejeté. Il ouvre aux autres la porte des prisons (Matthieu 14.8, 9 ; 1 Samuel 17.49 ; Esaïe 61.1-3) et périt en prison, seul et abandonné des hommes, de ses disciples même, mais jusqu’à son dernier souffle, il dit, les yeux fixés en esprit sur son Maître : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par Toi, et Tu viens à moi ! » (Matthieu 3.14) Voilà sa compensation, voilà le secret de sa puissance : « Tu viens à moi. » Oui, le Maître est là et « il suffit au disciple d’être traité comme son Maître » (Matthieu 10.25).
d) Et voici encore un secret de sa force : La présence réelle et toute-suffisante de son Dieu.
Les deux plus grands prophètes de la Bible nous sont si fidèlement décrits par le Saint-Esprit que nous discernons les caractéristiques vitales de leur foi. Elie comme Jean était « un homme de la même nature que nous » (Jacques 5.17). Cette Ecriture n’est-elle pas inspirée de Dieu « afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre » ? Le géant du Carmel, le prophète du désert … de la même nature que nous, pygmées ! Tous deux connaissaient cette infirmité du découragement, nous dit le Saint-Esprit (1 Rois 19.4 ; Matthieu 11.3). Elie savait que sept mille n’avaient pas fléchi le genou devant Baal … Mais ces sept mille ne se montraient pas. Ils étaient d’accord de ne pas adorer Baal, de ne pas abandonner la vérité de Dieu, mais ils se cachaient, sauvaient leur réputation, leurs intérêts, ne voulant ni se compromettre, ni risquer leur vie sur le champ de bataille du bon combat de la foi. Ils laissaient faire Elie, mais sans s’associer à son témoignage, et en l’abandonnant. Elie était « seul à fouler au pressoir » (Esaïe 63.3), mais Dieu vint à son secours et, après avoir envoyé des corbeaux pour le nourrir, Il le délivra de quelque chose de pire qu’une famine de trois ans : le découragement. Par Sa voix douce et subtile, Il calma le cœur, renouvela l’esprit de celui qui était de la même nature que nous.
Il en fut de même pour Jean-Baptiste. Son Maître eut des égards spéciaux pour lui, tout en répondant patiemment à la perplexité de ce fidèle témoin. Il le justifia devant la foule et prit soin de défendre celui qui, au prix de sa vie, avait prêché la repentance et dénonce le péché … même d’Hérode.
Que nous enseignent ces faits ? L’apôtre Paul répond : « Il m’a dit : Ma grâce te suffit, car Ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12.9). Et ensuite : « Priez pour tous les saints … Priez pour moi » (Ephésiens 6.18, 19). Nous le répétons, priez pour les porte-parole de Dieu. Ils en ont un urgent besoin. Malgré leur message infaillible, leur divine autorité, ils sont de la même nature que nous et servent de cible à la haine de Satan comme à la jalousie des hommes. Priez particulièrement pour eux, afin que Sa grâce surabondante leur suffise et triomphe par eux.