Nous avons, sous ce titre, à résumer la doctrine d’abord des discours que les Actes des Apôtres mettent dans leur bouche aux premiers jours qui suivirent la Pentecôte, puis des épîtres qui ne sont attribuées ni à saint Jean ni à saint Paul. On doit même y joindre les Évangiles et les Actes pour leurs parties narratives, car, dans ces parties, ils traduisent surtout la foi de ceux qui les ont écrits.
Comme il est impossible de trouver dans cet ensemble de documents une idée centrale commune, force nous est de suivre un plan conventionnel, à l’occasion duquel on insistera, quand cela paraîtra nécessaire, sur les vues particulières à tel ou tel d’entre eux.
On n’y rencontre rien sur la Trinité en général qui renchérisse sur l’enseignement de Jésus et de saint Paul. Les trois personnes sont clairement distinguées dans le récit du baptême de Jésus surtout par saint Luc (Matthieu 3.16-17 ; Marc 1.10-11 ; Luc 3.21-22).
Du Saint-Esprit il est souvent question. Les Évangélistes marquent sa coopération à la naissance miraculeuse de Jésus (Matthieu 1.20 ; Luc 1.35), et sa descente sur lui au moment de son baptême. Les Actes nous disent comment, promis par le Sauveur aux apôtres (Actes 1.4 ; Luc 24.49), il est venu en effet sur eux au jour de la Pentecôte (Actes 2.4,17-18). Son rôle est de fortifier la foi (Actes 6.5), de donner la sagesse (Actes 6.3), de guider les disciples dans leur ministère (Actes 8.29), d’inspirer les nouveaux prophètes (Actes 11.28 ; 13.9) comme il a inspiré les anciens (Actes 7.51), d’accorder le don des langues (Actes 2.4 ; 10.44-47). Il est, d’après saint Pierre, le principe de la grâce et de la sanctification des fidèles (1 Pierre 1.2) ; lui mentir, c’est mentir à Dieu (Actes 5.34).
Les discours rapportés par les Actes présentent le plus ancien exemple d’une apologétique chrétienne fondée sur le caractère de Jésus-Christ. Elle est fort simple, et se borne à démontrer que Jésus est le Messie promis. Il est le prophète annoncé par Moïse, le serviteur de Dieu, le παῖς ϑεοῦ d’Esaïe (Actes 3.13, 22-26 ; 4.27, 25) ; il a réalisé les prophéties (Actes 8.32 sqq.) ; sa mort même était prédite ; il est la pierre d’angle rejetée dont parle Psaumes 118.22 (Actes 4.11, 25-28), le trahi dont parle le Psaumes 69.26 (Actes 1.16,20) ; toute sa passion avait été décrite d’avance et s’est déroulée comme elle le devait (Actes 2.23 ; 3.18 ; 4.27-28). David avait annoncé sa résurrection Psaumes 16.10 (Actes 3.15 ; 4.10 ; 5.30 ; 10.40), aussi bien que son ascension et son exaltation au ciel, Psaumes 110.1 (Actes 2.33-36).
Du sacrifice de Jésus-Christ, il n’est presque rien dit. La première épître de saint Pierre contient cependant l’idée de la substitutio vicaria (1 Pierre 2.24) et de notre rédemption par le sang du Sauveur (1 Pierre 1.18-19). En revanche, le fait de sa résurrection occupe dans le premier enseignement apostolique une place prépondérante : c’est qu’il est pour les Juifs la preuve décisive de sa qualité de Messie. Après être descendu aux enfers pour y prêcher aux esprits des morts (1 Pierre 3.19-20 ; 4.6), le Christ ressuscité monte à la droite de son Père (Marc 16.19). Là il doit régner éternellement (2 Pierre 1.11 ; Luc 1.32-33), car Dieu l’a fait Christ glorieux et Seigneur (Actes 2.36). Le nom de Κύριος ; devient son nom, s’appose à celui de Jésus (Actes 11.23-24 ; 1.21, 24 ; 4.29 ; 2 Pierre 1.2, 8, 11, 14, 16) ; Jésus est le seul dominateur et Seigneur (Jude 1.4,8) ; on lui applique les textes écrits de Dieu même dans l’Ancien Testament (Actes 2.20-21 ; 7.59) et on l’adore (Matthieu 28.9,17).
La foi est la condition du salut, et les apôtres, en même temps qu’ils exigent le repentir, exigent que l’on croie à leur parole (Actes 2.38, 41 ; 3.19 ; 5.31 ; 8.12, 14,22). — On n’ignore pas, à ce propos, quelle opposition on a voulu trouver entre les vues de saint Paul sur la justification par la foi et celles de saint Jacques. Cette opposition n’existe point. Pas plus que saint Paul n’attribue la justification à une foi purement spéculative, qui ne serait point accompagnée d’une disposition intérieure d’obéissance et de charité, saint Jacques ne l’attribue à des œuvres que la foi et la charité ne vivifieraient point. Toute la doctrine de celui-ci se trouve condensée Jacques 2.22, de son Épître : la foi d’Abraham concourait à ses œuvres, et s’est trouvée, par elles, portée à la perfection. Il n’y a de vraie foi que celle qui nous fait agir ; l’autre est morte et inutile. Ce n’est donc pas la foi isolée et théorique qui nous sauve, pas plus que les œuvres sans la foi. mais bien la foi accompagnée des œuvres (Jacques 2.14-26). — Quant à la loi mosaïque, des divergences d’opinion se produisirent d’abord dans l’Église primitive sur la valeur obligatoire qu’elle devait conserver vis-à-vis des Gentils. Ceux-ci commençaient à se convertir : à Antioche, ils formaient déjà une communauté indépendante (Actes 11.20-26). Ces gentils, devenus chrétiens, seraient-ils soumis aux prescriptions légales du judaïsme (Actes 15.5-11) ? Pierre trancha la question par la négative (Actes 15.7-11) : il avait reçu des indications divines à l’occasion du centurion Cornélius (Actes 10.10-20, 28, 34-35, 44-48). Jacques se prononça dans le même sens (Actes 15.13-20). Toutes les incertitudes cependant ne furent pas levées, et l’on se demanda notamment si les convertis du judaïsme pouvaient, au mépris de la loi, frayer avec les fidèles venus du paganisme. On trouve un écho de ces scrupules dans l’Épître aux Galates (Galates 2.11-14). Pierre, qui tenait pour la légitimité de ces rapports, eut cependant un moment de faiblesse, et en fut repris par saint Paul. Ce n’est que plus tard que l’Épître aux Hébreux proclama la déchéance définitive de la loi ancienne et son remplacement par la nouvelle.
Quant au reste de la morale chrétienne, il serait trop long, on le conçoit, d’en relever tous les traits dans cette littérature en grande partie parénétique. On y recommande la soumission aux pouvoirs civils et aux maîtres immédiats, si l’on est serviteur (1 Pierre 2.13-14, 18), la prière confiante (Jacques 1.6). Saint Jacques prohibe l’abus du serment (Jacques 5.12) ; il reproduit (Jacques 1.14-15) la lignée concupiscence, péché, mort que l’on trouve dans saint Paul. L’énergique réprobation de celui-ci contre la chair reparaît également dans Jude 1.23, qui regarde le corps comme une tunique souillée qu’il faut haïr. Les Actes signalent la pratique du jeûne dans l’Église (Actes 13.2-3 ; 14.22).
L’Église, c’est le nom en effet que les Actes, qui en sont la plus ancienne histoire, donnent à la réunion des premiers fidèles (Actes 5.11 ; 8.1-3). Entre ceux-ci règne d’abord une sorte de communauté de biens, mais que la seule charité spontanée inspire et maintient (Actes 2.44-45 ; 5.3-4). De plus, dans ce peuple chrétien, qui généralement l’orme un sacerdoce saint, un sacerdoce royal (ἱεράτευμα ἅγιον, βασίλειον ἱεράτευμα) qui doit offrir des victimes spirituelles (1 Pierre 2.5,9), il existe une hiérarchie. Les apôtres se réservent, comme fonctions propres, la prière et la διακονία τοῦ λόγου (Actes 6.2,4). Pierre apparaît manifestement comme le premier d’entre eux (Actes 1.13,15 ; 2.14,37 ; 3.6,12 ; 4.8 ; 5.3,29 ; 15.7). Ils imposent les mains aux diacres et aux nouveaux convertis (Actes 8.17). Au-dessous d’eux, on trouve dans chaque communauté les πρεσβύτεροι, qui doivent gouverner le troupeau qui leur est confié (Actes 11.30 ; 14.22 ; 15.2, 6, 22-23 ; 16.4 ; 21.18 ; 1 Pierre 5.1-2). Les presbytres ont, avec les apôtres, décidé ce qu’il convenait d’exiger dans la question des observances légales, et, avec eux, présenté leur décision comme celle de l’Esprit-Saint (Actes 15.6, 22, 28). Puis, dans l’Église de Jérusalem, se montrent les diacres, institués par la prière et l’imposition des mains, dont la fonction est d’abord de s’occuper des pauvres (Actes 6.1-6), mais que l’on voit, dans la suite, discuter contre les Juifs, baptiser et prêcher (Actes 6.9 ; 8.38, 40). A Antioche, on rencontre des prophètes et des didascales qui imposent les mains à Paul et Barnabé (Actes 13.1, 3). Enfin il est question de νεώτεροι, νεανίσκοι, dont on ignore s’ils remplissaient des ministères précis, et qui doivent être soumis aux presbytres (Actes 5.6, 10 ; 1Pi.5.5).
C’est par le baptême que l’on entre dans l’Église (Actes 2.41 ; 10.47-48). Il est, avec la pénitence, la condition du salut (Actes 2.38). Il suppose la foi (Actes 8.36-38), et se donne au nom de Jésus-Christ (ἐπὶ τῷ ὀνόματι, ἐν ὀνόματι, εἰς τὸ ὄνομα τοῦ κυρίου Ἰησοῦ, Actes 2.38 ; 10.48 ; 8.16)a. Son effet est de remettre les péchés (Actes 2.38 ; 10.43), de nous purifier de nos fautes par le sang de Jésus-Christ dont il est une aspersion (1 Pierre 1.2 ; 3.18-21).
a – Ce qui ne veut pas dire nécessairement que ce fût là la formule baptismale.
Le baptême est ordinairement suivi de l’imposition des mains pour la communication du Saint-Esprit (Actes 8.17,19 ; 19.5-6) : cette effusion se produit toutefois en dehors du rite, et est souvent accompagnée du don des langues et de charismes divers (Actes 10.44-46 ; 19.6). Puis, dans la communauté chrétienne, on célèbre la fraction du pain (Actes 2.42, 46 ; 20.11). Quant aux apôtres de la seconde génération, Paul et Barnabé, et aux diacres, c’est, comme on l’a dit, par l’imposition des mains et la prière soit des premiers apôtres, soit des prophètes et des didascales, qu’ils reçoivent leur mission (Actes 6.6 ; 13.1-3).
Enfin, à ces rites il faut ajouter celui que saint Jacques recommande en cas d’infirmité. Un fidèle est-il malade ? On introduira les presbytres de l’Église qui prieront sur lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Cette prière confiante soulagera le malade, et s’il est dans le péché, ses péchés lui seront remis (Jacques 5.14-15).
Reste à examiner la doctrine eschatologique de nos documents. Elle ne diffère pas sensiblement de celle de Jésus ou de saint Paul, mais il est difficile d’en lier les éléments. Bien qu’il règne de l’incertitude relativement à l’époque précise de la fin du monde, et que la deuxième épître de saint Pierre fasse entendre qu’elle est peut-être fort éloignée (2 Pierre 3.8-9), toutefois le sentiment dominant chez les fidèles est qu’elle est proche et qu’il s’y faut préparer (Actes 2.15, 21 ; 1 Pierre 4.7 ; Jacques 5.8-9). Avec le Messie les derniers temps sont venus (Actes 2.16-17), et cette pensée doit effrayer les méchants et fortifier les bons (Jacques 5.1-9). Ces derniers temps seront marqués par l’apparition de docteurs de mensonge, de sectes perdues, niant le Seigneur Jésus, et se livrant à la corruption de leur cœur (2 Pierre 2.1-3, 12, 20 ; 3.3-4). Mais Dieu, qui juge les vivants et les morts, et qui a déjà puni dans l’enfer les mauvais anges 2 Pierre 2.4), rendra à chacun selon ses œuvres (1 Pierre 4.5). Les bons jouiront de la vie éternelle (1 Pierre 3.22 ; Jude 1.21). Tantôt leur sort est représenté comme un héritage (1 Pierre 1.4 ; Jacques 2.5), tantôt c’est une récompense, la couronne de vie donnée à ceux qui ont courageusement souffert (Jacques 1.12). Ce bonheur des justes sera sans fin (1 Pierre 1.4 ; 3.22). Au contraire les méchants disparaîtront (1 Pierre 4.18), seront perdus (ἀπώλεια, 2 Pierre 3.7) ; ils seront châtiés par le feu qui les dévorera à l’exemple de Sodome et de Gomorrhe (2 Pierre 2.6 ; Jude 1.7- 8). Alors une conflagration générale dissoudra la terre, les cieux actuels et les éléments, et de nouveaux cieux, une nouvelle terre, où habitera la justice, apparaîtront : c’est l’objet de notre attente (2 Pierre 3.7-13).