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En vérité, en vérité je te dis : Que ce que nous savons, nous le disons ; et ce que nous avons vu, nous le témoignons ; mais vous ne recevez point notre témoignage. Si je vous ai dit des choses terrestres, et que vous ne les croyiez point, comment croirez-vous si je vous dis des choses célestes ? Car personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, savoir, le Fils de l’homme qui est au ciel.
Il n’y a point de cœur religieux, point d’esprit sérieux, qui n’ait senti, avec amertume et avec humiliation, combien les choses invisibles ont moins de prise sur nous que les visibles. Tandis que les nécessités de la vie matérielle, les attachements de la vie domestique, les intérêts de la vie sociale, les entraînements de la vie politique, s’imposent à nous bon gré mal gré, si bien qu’il nous faudrait nous faire violence pour nous y soustraire, tout ce qui fait appel à l’homme intérieur, les maximes de la foi, les consolations de la grâce, les privilèges de la prière, les promesses et les leçons de la Parole de Dieu, ne trouvent en nous qu’une attention pleine d’effort, aisément distraite, promptement fatiguée, et qui ne parvient à se fixer quelques instants que pour retomber bientôt sur elle-même, vaincue par son propre poids. Autant le monde visible est près de nous, palpable, coloré, réel, autant le monde invisible nous semble lointain, pâle, nuageux, dépourvu de réalité vivante et saisissable.
Il n’en devrait pas être ainsi, mes chers frères ; et il n’en serait pas ainsi, si le péché n’avait corrompu l’ouvrage de Dieu. Demeuré droit et fidèle, l’homme aurait reconnu dans le plan de la création, et suivi avec amour, une loi toute contraire. « Les choses visibles, qui sont pour un temps, » n’auraient alors été pour lui que le mobile emblème et le reflet passager « des choses invisibles, qui sont éternelles, » partant seules réelles. Ce qu’est pour nous, quant à une personne tendrement aimée, son image jetée sur le papier par un crayon rapide ou fixée sur le métal poli par un rayon de soleil, cette image qui ne nous plaît que pour sa ressemblance avec l’original, c’est-à-dire pour la transparence avec laquelle elle s’efface pour le laisser voir derrière elle, — c’est ce qu’aurait été pour nous, dans cette condition primitive et saine « l’aliment qui périt » quant à « celui qui est permanent à jamais, » le pain qui « soutient le cœur de l’homme » quant au « vrai pain descendu du ciel pour donner la vie au monde, » l’eau courante d’un limpide ruisseau quant à cette « eau vivante qui jaillit en vie éternelle, » la vigne féconde quant au « vrai cep dont le Père est le vigneron, » les sarments qu’elle pousse quant aux âmes qui demeurent en Jésus-Christ, les fruits précieux dont elle se charge quant aux œuvres d’amour et de vie que son esprit leur fait produire ; et la nature visible tout entière, devenue le miroir du monde invisible, aurait vérifié pleinement cette belle parole de l’Imitation de Jésus-Christ : « Toutes les créatures vous apprendraient à bien vivre, si vous aviez le cœur droit ; ce serait un livre où vous ne trouveriez que de saintes leçons. » Hélas ! le péché a bouleversé tout ce bel ordre : il a donné l’air de la réalité à « ce qui n’a que l’apparence » et l’air de l’apparence à ce qui seul possède la réalité. Ce n’est pas seulement le vulgaire qui n’a plus vu de vérité que dans les choses visibles ; la poésie humaine, quand elle n’est qu’humaine, incapable de dépasser la région de l’humanité déchue, a vu la réalité où l’Esprit de Dieu ne cherche que l’image, et emprunte l’image à ce que cet Esprit appelle du nom de réalité.
Rétablir ce que le péché a renversé, rendre au monde invisible la réalité qui lui appartient en propre, c’est le premier objet de la révélation, qui ne s’appelle révélation que parce qu’elle nous découvre les choses cachées du monde invisible. Aussi bien, ce rétablissement est la première condition de tous les bienfaits que la révélation nous apporte, et de la rédemption elle-même. Car, tant que les choses invisibles n’ont pas recouvré les droits de la réalité sur notre esprit, la foi n’est pas possible, n’ayant ni règle, ni appui, ni point de départ et d’attache. Dans cet état de choses, ni l’éternité et sa prépondérance infinie sur le temps, ni la Parole de Dieu et la soumission qui lui est due, ni la loi de Dieu et le péché qui l’a transgressée, ni les perfections de Dieu et le plan qu’elles ont conçu pour le salut de l’homme pécheur, ni le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et l’œuvre de grâce qu’ils se sont partagée entre eux, ni aucun point de la vérité salutaire ne saurait être accepté, ni même conçu. Eh bien, de tout ce que la révélation a fait pour rendre au monde invisible sa réalité effacée par le péché, son œuvre capitale et décisive est le grand fait dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire : l’incarnation du Fils de Dieu.
Ce n’est pas que la révélation divine ait attendu la naissance du Fils de Dieu dans le monde pour mettre le monde invisible et ses réalités éternelles devant les yeux de la foi. Elle y a pourvu de plus d’une manière, et dans toutes les périodes successives de son développement. Elle y a pourvu par le don de la Parole de Dieu, parlée d’abord et puis écrite ; parlée et écrite par des hommes et sur la terre, mais suggérée à leur esprit par l’Esprit de Dieu, qui se servait d’eux pour révéler dans le monde visible les principes et les maximes du monde invisible. Cette parole, dont chaque page arrache au lecteur attentif cet aveu spontané : Jamais livre n’a parlé comme ce livre, ce cri instinctif : « Voix d’un Dieu et non d’un homme, » serait un arbre sans germe, un effet sans cause, si elle ne sortait pas du monde invisible, dont elle est toute remplie, toute pénétrée, toute resplendissante. Elle y a pourvu par les discours et par les exemples des saints de l’ancienne alliance, où rien ne serait explicable sans la foi qui saisit le monde invisible, et la prophétie qui annonce son triomphe futur. Ni Moïse n’aurait pu tenir ferme contre la colère du roi visible, s’il n’avait eu devant les yeux le Roi invisible, ou préférer l’opprobre de Christ à toutes les richesses de l’Egypte s’il n’avait regardé à la rémunération ; ni les patriarches n’auraient pu, à travers les obscurités de leur économie, « voir, croire et saluer les promesses » dont l’accomplissement était si lointain, et « professer qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre, » s’ils n’avaient « cherché un autre pays, un pays meilleur, le pays céleste, la cité sainte que Dieu leur avait préparée » dans le monde invisible. Elle a fait plus encore : elle y a pourvu, de loin en loin, par certains faits historiques qui conduisent le regard même de la chair jusqu’au seuil du monde invisible, et qui, s’ils ne le font pas voir, puisqu’il n’est pas dans sa nature d’être vu, font voir du moins comme à l’œil qu’il existe un tel monde par delà les confins de celui-ci. Telle est la disparition d’Hénoch ; tel surtout l’enlèvement d’Élie. Hénoch, disparaissant de la terre, sans passer par la mort, où est-il allé, et qui l’a pris ? Élie, montant tout vivant dans les airs, sous les yeux de son fidèle Elisée, où monte-t-il, et qu’est-il devenu, s’il n’y a pas un monde invisible ouvert pour les recueillir, au moment qu’ils s’éloignent du nôtre ? Et le but que Dieu s’est proposé dans ces deux faits si fort en dehors, non seulement du cours de la nature, mais des lois même de l’économie spirituelle, n’a-t-il pas été de donner à l’existence du monde invisible quelque chose de cette évidence qui semble propre au siècle présent et à l’ordre historique ?
Toutefois ces témoignages, et même le dernier, s’arrêtent sur le seuil du monde invisible, où ils ne permettent pas que nous jetions un regard indiscret ; et ils laissent dans le fond du cœur naturel cette question pendante : Qui a été dans ce monde invisible ? qui en est venu, ou revenu, à nous ? Eh bien, c’est à cette question si pénétrante, si exigeante, j’allais dire si téméraire, c’est à ce vague besoin de notre nature déchue, que répond, par une condescendance infinie, l’incarnation de Jésus-Christ, c’est-à-dire le Roi du monde invisible pénétrant dans le monde visible, le Fils de Dieu devenant le Fils de l’homme, Fils de Dieu et pourtant sur la terre, Fils de l’homme et pourtant dans le ciel, vivant à la fois dans les deux mondes, et rassemblant dans sa personne mystérieuse le double univers, Dieu ayant voulu, « dans l’accomplissement des temps réglés, rassembler tout en Christ, tant ce qui est aux cieux que ce qui est sur la terre (Éphésiens 1.10). » Le voilà, Celui qui a été dans le monde invisible, et qui, en nous parlant de ce monde, parle de ce qu’il a vu et de ce qu’il a entendu : « En vérité, en vérité, je te dis : que ce que nous savons, nous le disons ; et que ce que nous avons vu, nous le témoignons… Car personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel ; savoir, le Fils de l’homme qui est au ciel (Jean 3.11-13). »
Quand nous entendons parler de « Jésus-Christ venant en chair, » nous franchissons aussitôt par la pensée l’intervalle qui sépare sa naissance de sa mort, et nous allons droit à son sacrifice comme au terme final et à l’objet unique de son incarnation, absorbée dans sa rédemption. C’est forcer un sentiment vrai et fondé sur les Écritures. Subordonner l’incarnation à la rédemption, comme à son terme final, cela est bien : l’Écriture l’a fait avant nous en plus d’un endroita ; mais l’y absorber, comme dans son objet unique, non, c’est ce que l’Écriture ne fait point. En même temps que l’incarnation pose le seul fondement sur lequel l’ouvrage de notre Rédemption pouvait s’élever, elle apporte déjà par elle-même au monde un bienfait immense, inappréciable, en nous mettant en rapport direct, dans la personne de Jésus-Christ, avec le monde invisible, et en nous le faisant saisir dans toute sa réalité par je ne sais quelle foi voyante, qui est propre aux disciples de Jésus-Christ venu en chair. Dieu veuille m’instruire à faire pénétrer dans vos cœurs cette vérité, qui semble quelque peu abstraite quand on cherche à l’expliquer, et dont pourtant il n’est pas un chrétien qui ne vive chaque jour de sa vie.
a – Jean 12.27 ; Hébreux 2.14, etc.
Dès le début de son ministère, Jésus s’annonce comme « devant ouvrir le ciel, » non pas seulement l’ouvrir par sa mort, ce déchirement de sa chair figuré par celui du voile du temple, mais l’ouvrir par sa vie, par sa seule présence sur la terre ; parce que la terre voit en lui un messager des cieux, qui a commencé par demeurer dans les cieux. Nathanaël venait de reconnaître le Messie, à la connaissance qu’il avait fait paraître de son histoire, et des secrets même de sa vie intérieure ; et il écoute désormais Jésus avec la docilité et le respect dus au « roi d’Israël. » C’est alors que Jésus prononce ces paroles, aussi remarquables en soi qu’elles sont instructives pour la matière spéciale qui nous occupe : « Parce que je t’ai dit que je te voyais sous le figuier, tu crois : tu verras bien de plus grandes choses que ceci ». Et il lui dit aussi : « En vérité, en vérité, je vous dis : désormais vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. » Ainsi, les lumières surnaturelles dont Jésus a fait preuve pour convaincre cet Israélite sans fraude, sont peu de chose auprès de cette autre lumière qui resplendira à tous les yeux, quand on verra « le ciel ouvert » au-dessus de Jésus, « et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. » Allusion manifeste à cette échelle mystique que Jacob avait vue à Béthel en songe, comme au travers des ombres de l’Ancien Testament, et qui, appuyée par le pied sur la terre et reposant par le sommet dans les cieux ouverts, rétablissait entre les deux mondes la communication interrompue par le péché, et fournissait aux anges de Dieu un chemin facile pour aller et revenir de l’un à l’autre. Cette échelle, c’est le Christ, tel que nous le contemplons aujourd’hui, mettant le monde invisible à la portée du visible, substituant un chemin frayé à l’abîme qui séparait à jamais le ciel d’avec la terre, et renouant des rapports d’amour entre l’homme déchu et les anges fidèles qu’une sainte horreur tenait autrefois éloignés de nous. Jacob, malgré tout ce qui manquait encore à son économie, avait entrevu tout ce qu’il y avait de solennel et de lumineux dans cette vision obscure : on le reconnaît au nom de Béthel, c’est-à-dire Maison de Dieu, dont il honore le lieu de ce songe, en même temps qu’à cette sainte frayeur qui le saisit à son réveil : « Certainement, l’Éternel est ici et je n’en savais rien ! » et encore : « Que ce lieu-ci est effrayant ! c’est ici la maison de Dieu et c’est ici la porte des cieux (Genèse 28.16-17) ! » C’est en réalisant ces pressentiments et ces figures que Jésus va faire voir à ses disciples des choses plus grandes que celles qui ont converti Nathanaël à la foi : ce ciel ouvert sur sa tête, qu’il promet aux siens comme le terme final de son incarnation, qu’est-ce autre chose que le monde invisible mis, dans sa personne, à la portée du monde visible ?
Ce début ne promettait pas plus que Jésus n’a tenu dans tout le cours de sa vie terrestre. Au sein d’un peuple en qui tout s’était matérialisé, jusqu’aux choses invisibles elles-mêmes, et qui, à l’encontre de ses patriarches, avait fait de la cité céleste elle-même un objet d’ordonnances charnelles et d’un conflit terrestre, Jésus paraît, et se séparant d’avec tout ce qui l’entoure, transporte avec lui le monde invisible tout entier au milieu du monde visible. Je ne m’arrête point ici sur un petit nombre de faits saillants, qui se détachent comme doublement surnaturels sur le fond de cette existence où tout est surnaturel. Sa tentation, cette lutte redoutable livrée à un ennemi invisible, dans le monde visible, mais en dehors de l’existence humaine et comme sur les confins du monde invisible, et dans laquelle on sent, à chaque mot, la réalité des choses invisibles pesant de leur poids éternel sur la personne de Jésus et sur son œuvre ; sa transfiguration, qui, aux yeux à demi-ouverts de ses apôtres, le fait entrer en communication, sous une forme qui dépasse toutes les gloires du présent siècle, avec les esprits de justes déjà recueillis dans le siècle à venir, pour se fortifier contre les souffrances qui l’attendent par l’entretien de Moïse et d’Élie, affranchis désormais de toutes les douleurs de la terre : laissons, laissons ces faits exceptionnels, pour nous en tenir au fond même de son histoire et de sa vie. Suivez le Fils de l’homme du commencement à la fin de sa carrière ; posez-vous successivement ces trois questions : D’où vient-il ? Où est-il ? Où va-t-il ? — et voyez si vous pouvez répondre à aucune d’elles autrement que par le monde invisible.
D’où vient-il ? du ciel. Il est « descendu du ciel ; » avant que d’en descendre il était donc « monté dans le ciel ; » c’est du ciel qu’il apporte à la terre le monde invisible, ramassé et concentré sous une forme visible ; car il n’est venu que pour manifester au monde « les choses invisibles de Dieu, » mieux que ne fit jamais la création avec toute sa gloire (Romains 1.20). Que dis-je ? Eh ! n’est-il pas lui-même « l’image de ce Dieu invisible ; » « Dieu manifesté en chair ; » « Dieu sur toutes choses éternellement béni ; » celui « en qui toute la plénitude de la divinité habite corporellement ; » à qui un apôtre a pu dire en se prosternant devant lui : « Mon Seigneur et mon Dieu ; » enfin celui qui a pu dire de lui-même : « Celui qui m’a vu a vu mon Père ? »b Comment méconnaître alors, en marchant aux côtés de Jésus, la réalité du monde invisible, et des choses invisibles qui le composent, et du Dieu invisible qui l’anime de son Esprit ? Aussi bien, ce que la présence seule du Fils de Dieu sur la terre suppose, toute son action l’annonce ; et chaque pas que fait Jésus dans la carrière ouvre une échappée nouvelle sur le monde invisible, et en dégage quelque lumière inconnue qu’il tenait comme enveloppée dans les replis de son être. Avec Jésus, en Jésus, le ciel est tout entier sur la terre, « le tabernacle de Dieu est avec les hommes ; » et ce tabernacle, c’est le Fils de Dieu devenu le Fils de l’homme, c’est le Fils de l’homme habitant la terre sans cesser d’occuper le ciel. O mystère, mais ô clarté ! O foi changée en vue ! O privilège des apôtres de Jésus admis à contempler de leurs yeux, à toucher de leurs mains, à entendre de leurs oreilles, « la lumière, la vérité et la vie ! »
b – Colossiens 1.15 ; 1 Timothée 3.16 ; Romains 9.9 ; Colossiens 2.9 ; Jean 20.28 ; 14.9.
Allons plus loin. A cette première question : D’où vient-il ? substituons-en une seconde plus hardie : Où est-il ? Vous ne trouverez pas d’autre réponse que celle de mon texte : « Dans le ciel. » Tout descendu qu’il est du ciel, il ne l’a pas quitté ; reconnaissez celui qui a dit : « Ne remplis-je pas, moi, le ciel et la terre (Jérémie 23.24) ? » C’est du ciel qu’il parle, du ciel qu’il opère ; au ciel qu’il vit. Que le Fils de l’homme parle, il parle du ciel. Dans le fond des choses qu’il dit, dans la forme même dont il les revêt, on sent un homme qui parle comme jamais homme n’a parlé, parce que « venant du ciel, il rend témoignage des choses qu’il a vues » dans le ciel, tandis que les autres, « étant de la terre, parlent comme de la terre, » sans en excepter les meilleurs. C’est peu qu’il « parle comme ayant autorité, » à la différence des Scribes ; il parle tout autrement que ne font ses apôtres eux-mêmes, par lesquels cependant il parle et auxquels il a dit : « Celui qui vous écoute m’écoute. » Eux, ils parlent en envoyés, au nom de leur Maître, et comme recevant de lui ce qu’ils doivent dire ; lui seul, il parle en maître, en son propre nom, et comme tirant tout ce qu’il dit du propre fond de son être. Il a « les paroles de la vie éternelle, » parce qu’il a été, parce qu’il est dans le ciel. Là, il a vécu au sein de la lumière divine : elle lui est toute familière ; elle est sa compagne, j’allais dire d’enfance, mais il faut dire d’éternité. Aussi en rend-il témoignage avec une simplicité, un naturel, qui n’appartient qu’à lui, sans s’étonner, ni faire effort, trouvant tout près de lui et à sa portée les hauteurs des cieux sans s’élever, les profondeurs de l’abîme sans se baisser. Que le Fils de l’homme opère, il opère dans le ciel. Les ouvrages de ses mains sont autant de prodiges qu’il appelle hardiment en témoignage de ce qu’il est jusque devant ses ennemis les plus acharnés. Il étend la main, et un lépreux prosterné à ses pieds est nettoyé de sa lèpre ; il oint les yeux d’un aveugle-né de salive et de poussière, et l’aveugle-né se lave et voit clair ; il touche les oreilles d’un sourd-muet en prononçant Ephphatha, et le sourd-muet parle et entend ; il appelle Lazare, et Lazare sort du tombeau qui le retenait couché depuis quatre jours ; il marche sur l’eau, et les vagues deviennent fermes pour le porter ; rien de comparable chez aucun prophète, chez aucun apôtre. Ce n’est pas seulement par le nombre ou par l’éclat des prodiges qu’il l’emporte sur eux tous ; c’est surtout par leur caractère. Les siens, il les fait par lui-même : les leurs, ils les font en son nom ; c’est moins eux qui les font que lui qui les fait par leurs mains. Paul dit à cet esprit de Python : « Je te commande, au nom de Jésus-Christ, de sortir de cette fille ; » mais Jésus dit à cet esprit immonde : « Esprit muet et sourd, je te commande, moi, sors et ne rentre plus ! » Quelle différence ! toute la différence de la terre au ciel, de la créature au Créateur. Mais je n’ai pas dit le signe le plus constant de la présence et de la réalité du monde invisible en Jésus : avec Jésus, plus on se tient aux choses ordinaires, plus on découvre sa grandeur extraordinaire. Ecartez la vertu de ses discours, le prodige de ses œuvres ; prenez-le dans sa vie de tous les moments, agissant, marchant, allant, venant, vivant enfin ; qu’il ne parle, ni n’opère, qu’il vive seulement : il vit dans le ciel. Et où vécut-on jamais comme Jésus vit sur la terre, si ce n’est dans le ciel ? Il vit, et sa vie est la loi de Dieu dans l’homme ; sa vie est la vie de Dieu même dans la chair. Il n’est pas seulement charitable, vrai, patient, pieux : il est charité, vérité, patience, piété. Nulle trace chez lui de sentiment personnel : tout à Dieu par la piété, tout au prochain par la charité, l’amour, l’amour tout seul, bat dans son cœur et respire dans tout son être. Que dire de ce saint, de cet homme tenté sans péché, qui a pu dire à tout un peuple : « Qui de vous me convaincra de péché (Jean 8.46) ? » « Je fais toujours les choses qui lui sont agréables (Jean 8.29) ? » Et qu’est-ce donc autre chose qu’une telle vie, sinon une invasion du monde invisible, et qui n’a de terrestre que son théâtre ? Saint Paul l’entendait bien, éclairé qu’il est par l’Esprit de Dieu, lorsqu’après avoir peint Jésus « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs, » il achève son tableau par ce trait dont on ne voit pas du premier coup le rapport aux autres : « et élevé au-dessus des cieux. » C’est être élevé au-dessus des cieux, c’est être dans le ciel, que de vivre ainsi que Jésus a vécu.
Mais enfin, où va-t-il ? Ne le voyez-vous pas ? au ciel. Voici venir la fin du Fils de l’homme pour notre terre ; et à mesure qu’il se rapproche de cet autre monde dont il est sorti, il montre plus clairement qu’il y appartient, et en met aussi les réalités invisibles plus clairement à la portée des siens. C’est quand tout paraît perdu, et qu’il semble près de succomber à l’empire des choses visibles, qu’il montre avec plus d’éclat que les choses invisibles décident toujours de tout chez lui, et qu’elles lui assurent en toute rencontre une complète victoire. Il meurt, comme un homme, comme le dernier des hommes, que dis-je ? comme un ver écrasé par le pied des hommes et la terre semble ne le perdre que pour le livrer à l’enfer triomphant. Mais c’est alors que le monde d’en haut dont il s’est toujours réclamé, intervient pour réclamer à son tour son mort, et que ce mort, ce Lazare qui est à lui-même son Jésus, se lève par sa propre force, et « rompt les liens de la mort, n’étant pas possible qu’il soit retenu par elle. » C’est alors qu’il se montre tel qu’il est, « ayant vaincu la mort, et mis en lumière la vie et l’immortalité par son Évangile. » C’est alors enfin qu’il nous réserve, en quittant la terre, un dernier spectacle qui doit achever de révéler au regard de l’homme ce ciel qu’il va rejoindre ; un spectacle auprès duquel la disparition d’Hénoch et l’enlèvement d’Élie sont de pâles témoignages du monde des réalités invisibles. Reportez-vous à ce jour solennel, où Jésus, debout sur le mont des Oliviers, après un dernier entretien avec ses disciples, — et sans doute après un dernier regard jeté sur chacun d’eux tour à tour, — s’élève au-dessus de la terre et s’éloigne d’eux par degrés. Jésus ne disparaît pas sans laisser de trace, comme Hénoch ; Jésus n’est pas enlevé comme Élie, dans un tourbillon qui défie jusqu’aux regards les plus intrépides ; non, mais il s’élève au-dessus de la terre, ainsi qu’il y a marché — ainsi qu’il y doit revenir — tranquillement, majestueusement, sans précipitation, sans surprise, et comme d’un chemin tout simple pour retourner à son Père ; — jusqu’à ce qu’un nuage vienne le dérober aux yeux des siens. Où est-il ? où va-t-il ? Il n’est pas même besoin pour le connaître d’attendre la parole des anges : « Ce Jésus qui a été enlevé d’avec vous dans le ciel, en reviendra de la même manière que vous l’y avez vu monter. » Le cœur, les yeux des apôtres leur ont déjà tout dit là-dessus : entre le monde invisible et eux, entre le monde invisible et nous, il n’y a plus que ce nuage qui dérobe aux regards humains Jésus montant au ciel. Figurez-vous les apôtres retournant du Mont des Oliviers à Jérusalem ; voyez ces longs regards qu’ils lancent de temps à autre, de quel côté, vous le devinez ; prêtez l’oreille à leurs discours, prêtez-la avec eux à la voix des anges qui résonne encore au fond de leur cœur ; mais non, prêtez-la plutôt à cette voix plus sainte encore et plus chère, dont ils ont recueilli ce matin les derniers accents pour cette vie mortelle : et dites si pour leurs yeux, pour leur cœur, pour leur esprit, pour tout leur être, le ciel, où est monté Jésus, leur Ami, leur Maître, leur Sauveur, leur Dieu, est désormais autre chose que la réalité des réalités ! C’est le plus haut point, pensez-vous, de cette démonstration vivante du monde invisible ? Non. Le plus haut point les attend à Jérusalem, dans dix jours, quand ce monde invisible que Jésus visible à mis si vivement devant leurs yeux, Jésus invisible l’aura transporté dans leurs cœurs.
A peine Jésus a-t-il disparu de devant les yeux des siens, en marquant à leurs regards surpris l’existence et la place de ce monde invisible, « où il est allé leur préparer le lieu, » le Saint-Esprit le ramène au milieu d’eux, mais désormais invisible, et l’établit dans le cœur de chacun d’eux. Alors, ce que saint Jean dit de l’amour fraternel, qu’il est désormais (après le Saint-Esprit répandu) « un commandement nouveau, » et que « cela est vrai quant à lui (Jésus-Christ) et quant à nous, parce que les ténèbres sont passées et que la vraie lumière luit déjà, » on peut le dire également de la doctrine que nous contemplons aujourd’hui : le monde invisible réalisé pour nous par Jésus-Christ venu en chair. A partir du jour où le Saint-Esprit a été répandu, cette réalisation du monde invisible en Jésus-Christ venu en chair prend un caractère et un développement nouveau ; ce qui sera reconnu doublement vrai « quant à lui » d’abord, par le changement qui s’est fait dans sa position, et « quant à nous, » par le changement qui s’est fait dans notre cœur ; et tout cela est l’œuvre du Saint-Esprit, c’est-à-dire de Jésus invisible habitant désormais dans les siens, après avoir autrefois habité avec eux.
« Quant à lui, » Jésus, devenu invisible lui-même, réalise d’autant mieux le monde invisible aux yeux de la foi, que ce n’est plus que dans ce monde invisible qu’elle peut le chercher lui-même, depuis que le monde visible l’a perdu. Pour avoir été soustrait aux regards de la chair, il n’en est pas moins, et n’en demeurera pas moins au siècle des siècles, celui qui a été « manifesté en chair, » celui que ses disciples ont contemplé de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, touché de leurs mains, une réalité personnelle et vivante, dont l’image est à jamais gravée au plus profond de leur cœur. Eh bien, aujourd’hui que Jésus-Christ a été enlevé du milieu d’eux et transporté dans le monde invisible, il y transporte avec lui, il communique aux choses invisibles qui l’entourent, cette réalité personnelle et vivante qui réside dans son être ; et tout est dit pour le croyant sur la réalité du monde invisible, quand on lui a dit que ce monde est celui qu’habite maintenant son Sauveur. Durant les jours de sa chair, Jésus incarné montrait le monde invisible dans le lointain, comme le monde du Père, « d’où il était venu et où il retournait ; » depuis que se sont levés les jours de l’Esprit, il le montre tout près de soi, comme son monde à lui, où il habite avec le Père, et d’où il se communique et se donne aux siens. Désormais, il faut qu’ils vivent tout simplement et tout familièrement avec le monde invisible, sous peine de renoncer à vivre avec Jésus-Christ ; c’est-à-dire sous peine de renier leur intelligence, qui n’a trouvé la clef de la vie qu’en lui seul ; leur conscience, qui n’a vu son idéal réalisé qu’en lui seul ; leur cœur, qui n’a su se donner sans réserve et sans scrupule qu’à lui seul ; leur être entier, qui s’est tellement établi et enraciné en lui qu’il ne peut plus s’en séparer qu’en se déchirant et s’anéantissant soi-même. C’est par là que « notre vie, » et la vie même de notre vie, « est cachée avec Christ en Dieu, » en attendant le jour promis où « Christ, notre vie, venant à être manifesté » de nouveau, « nous serons aussi nous-mêmes manifestés avec lui en gloire, » nous qui « cherchons les choses d’en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu. » A ces conditions, loin d’avoir perdu en cessant de contempler Christ des yeux de la chair, nous y avons gagné grandement ; nous avons échangé la manifestation du monde invisible contre sa possession, sa jouissance, son habitation, dans la personne de notre Sauveur ; et nous nous glorifions avec l’Apôtre de pouvoir dire : « Nous ne connaissons personne selon la chair ; même quoique nous ayons connu Christ selon la chair, toutefois nous ne le connaissons plus de cette manière. »
Vrai quant à lui, cela n’est pas moins vrai « quant à nous. » Jésus, devenu invisible, réalise d’autant mieux pour nous le monde invisible qu’il en transporte la démonstration dans notre homme intérieur, en y venant habiter par le Saint-Esprit. Quiconque a reçu le Saint-Esprit porte au dedans de lui-même ce monde invisible, parce qu’il y porte ce Christ invisible qui y demeure et qui le révèle, et le porte associé à tous les sentiments et à tous les besoins les plus intimes de son être personnel. On douterait aussi facilement de sa propre existence que de celle du monde invisible, lorsqu’on a commencé de connaître, par le Saint-Esprit, ce que Jésus appelle « le royaume de Dieu au dedans de nous, » et saint Paul « Christ en nous, l’espérance de la gloire. » « Ne reconnaissez-vous pas en vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? » et, si vous l’y reconnaissez, pourquoi chercher ailleurs un témoignage que vous trouvez en vous-même, plus personnel, plus présent, plus profond, plus irréfragable que partout ailleurs ? N’en doutez pas : la triple question que nous posions tantôt pour Jésus-Christ incarné, nous la pouvons poser également pour Jésus-Christ glorifié et habitant dans les siens ; et plus les choses sont invisibles cette fois, plus elles seront fermes et assurées. « Christ en nous, l’espérance de la gloire, » d’où vient-il ? Eh ! d’où pourrait-il venir que du ciel, cet hôte céleste qui ne parle que du ciel, qui réclame en moi au nom du ciel contre les entraînements de la terre, qui contrarie et qui combat toutes les influences terrestres, et qui crée au dedans de moi un monde nouveau étranger à tout ce qui m’environne ? « Christ en nous, l’espérance de la gloire, » où est-il ? Il est en nous ; mais comment ne serait-il pas en même temps dans le ciel, avec lequel il nous met en rapport, où il nous instruit à le chercher, où nous savons qu’il prie pour nous, que dis-je ? où nous sommes déjà avec lui, avec lui ressuscités, avec lui assis dans les lieux célestes ? Mais enfin, mais surtout, « Christ en nous, l’espérance de la gloire, » où va-t-il ? Où peut-il aller qu’au ciel, quel autre chemin connaît-il que celui du ciel, cet Esprit de lumière et de vie éternelle qui demeure en nous, et qui « rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ? » Où il va ? Allez voir mourir un vrai chrétien, et vous le saurez ! disons mieux, vous le verrez ! « Qui a vu, demande l’Ecclésiaste, l’esprit de l’homme montant en haut ? » Je ne crains pas de répondre : Celui-là l’a vu, qui a vu mourir un vrai chrétien, et qui, de foi en foi et de témoignage en témoignage, a suivi, d’heure en heure, comme à l’œil, son âme rachetée, jusque sur le bord de ses lèvres pâlissantes, et jusqu’aux confins du monde invisible. Voulez-vous un exemple ? Je n’en nommerai pas d’autre que le premier mourant de l’Église du Saint-Esprit ; la première victime de la foi nouvelle, l’Abel du Nouveau Testament, saint Etienne. Ce que Jacob a entrevu dans le songe de Béthel, ce que Jésus annonce en entrant dans la carrière, saint Etienne le voit en mourant ; et son cri : « Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu, » c’est le cri de l’Église chrétienne du Saint-Esprit, rendant témoignage par la bouche de son premier martyr à cette réalité du monde invisible, que préfigure l’échelle de l’Ancien Testament, et que prédit le Fils de l’homme comme le grand spectacle qu’il va donner au monde. Ne vous étonnez plus de la paix de saint Étienne mourant, ni de sa foi, ni de sa charité, ni de toute la conformité de ses actes avec Jésus-Christ vivant et mourant : « rempli du Saint-Esprit, et les yeux attachés au ciel, » Étienne a vu « la gloire de Dieu » et Jésus debout à la « droite de Dieu ; » que lui faut-il de plus ? L’échelle dressée de la terre au ciel, il n’en est plus besoin ; l’esprit que Jésus-Christ incarné a racheté par son sang et baptisé par son Esprit, touche au ciel et y monte, par une ascension spirituelle, aussi visible à l’œil de notre esprit, que celle de Jésus l’est à l’œil du corps. Le nuage qui dérobait seul encore à nos regards le monde invisible, il n’est plus depuis que la Pentecôte a lui ! Il a disparu dans la pure lumière d’en haut. Du ciel à la terre, du monde invisible au monde visible, il n’y a pas plus de barrière que de Christ à Christ, et de l’Esprit à l’Esprit. Le ciel est ouvert, saisi, possédé par « la foi de Jésus, » et par la lumière du Saint-Esprit !
Et pourquoi donc nous plaignions-nous en commençant que nous avons tant de peine à saisir le monde invisible ? Pourquoi, si ce n’est parce que nous n’avons pas saisi Christ, comme Étienne l’avait saisi ; parce que nous ne vivons pas comme Etienne, avec Christ vivant et mourant ; parce que nous ne sommes pas, comme Etienne, remplis de l’Esprit de Christ ressuscité et monté au ciel ; parce que nous ne marchons pas enfin, comme Etienne, en Jésus-Christ, fondés et enracinés en lui, fondés ainsi qu’un édifice sur la terre, enracinés ainsi qu’un arbre dans le sol ? Gens de petite foi, et dont la foi est encore agitée et troublée par tant de petites discussions — comme si le peuple de Dieu avait trop de toute son union, de toute sa force, et de toute sa vie spirituelle, pour lutter contre ce monde charnel qui nous environne, qui nous presse, qui nous écrase de la réalité de ses péchés, de la réalité de ses douleurs, de la réalité de sa folie, de la réalité de ses illusions !
Eh bien ! que notre Noël et notre communion de ce jour soit pour nous ce qu’a été pour Etienne le jour solennel où nous venons de le contempler ! Laissons le Saint-Esprit nous remplir à notre tour ; laissons-le nous montrer Jésus assis à la droite du Père dans les cieux ouverts ! … Ils sont ouverts, vous dis-je, pour nous comme pour lui : son Père est notre Père ; son Jésus, notre Jésus ; son Esprit saint, notre Esprit saint — si seulement son cœur est notre cœur, et sa foi notre foi ! Frères communiants, invités par le Seigneur à « annoncer son nom jusqu’à ce qu’il vienne, » venez, entourons cette table, partageons-nous ce pain et ce vin, les reins ceints, nos souliers aux pieds, notre bâton à la main, debout entre Jésus devenu de visible invisible par son ascension et Jésus redevenant d’invisible visible par son second avènement ; et là, confondons, démentons, convertissons le monde par cet humble et simple repas d’amour fraternel, qui est bien le plus frivole, le plus puéril de tous les spectacles, si les choses invisibles ne sont pas réelles, mais qui, si « les promesses de Dieu sont oui et amen en Christ, » s’il est là nous invitant et nous accueillant à sa table, est la confusion du monde, la gloire du peuple de Dieu, le ciel transporté sur la terre, la plus sublime espérance revêtue de la forme la plus familière, Jésus « soupant avec nous et nous avec lui. » — Et toi, qui remplis tout de toi et dans l’espace et dans le temps, toi, qui « es Celui qui est, » — toi, qui remplis plus que le ciel et la terre, si tu remplis nos âmes infinies et éternelles, — notre frère, et notre Jéhovah, — prêche à nos cœurs la réalité du monde invisible ! Jadis sur la terre, tu étais dans le ciel : fais-nous sentir que, pour être aujourd’hui dans le ciel, tu n’en es pas moins sur la terre, dans ce temple, à cette table, pour nous distribuer, avec le pain de ton corps déchiré et le vin de ton sang versé, les réalités éternelles de « ta chair et de ton sang, » de « ta chair qui est réellement une nourriture, » de « ton sang qui est réellement un breuvage ! » Amen.
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