Les successeurs des réformateurs continuèrent à faire de l’A. T. le même usage dogmatique que du Nouveau ; et non seulement cela, mais ils se rapprochèrent de la Scolastique, dans ce sens qu’ils étudièrent toujours plus l’Écriture en vue de leurs systèmes et de leurs confessions. Entre leurs mains la Bible semblait n’être plus qu’un arsenal de doctrines ; ils étaient insensibles à l’intérêt qu’elle présente par son côté historique. Tandis que les théologiens catholiques, Bellarmin, par exemple, établissaient une différence entre les enseignements de l’A. T. et ceux du Nouveau, comparant les premiers à une ébauche et les seconds à un tableau achevé ; tandis qu’ils enseignaient que les mystères chrétiens, et entre autres la doctrine de la Trinité, ne se trouvent dans l’A. T. que d’une manière obscure et imparfaite, — les théologiens protestants, au contraire, prétendaient que tous les dogmes capitaux sont dans l’Ancien tout aussi bien que dans le N. T., mais seulement un peu moins clairement exprimés. « L’A. T., dit le luthérien Gerhard, n’est absolument point imparfait dans sa doctrine ; il nous présente déjà tous les grands articles de foi sur lesquels Christ et les Apôtres attirent de nouveau notre attention dans le Nouveau. Il y a, nous l’avouons, quelque chose de plus clair dans l’enseignement du N. T., mais cela vient de ce que la révélation a été mieux comprise par les Apôtres que par les Prophètes ; en elle-même, elle est aussi complète ici que là. » Le réformé Schweizer partage tout-à-fait cette manière de voir. Dans la lutte contre les Sociniens, et lorsque Calixte se fut permis de dire que le dogme de la Trinité ne se trouve pas dans l’A. T., l’orthodoxie ne fit que s’exprimer d’une manière encore plus précise.
La réaction contre cette manière de traiter l’A. T. partit des théologiens réformés, qui ont toujours aimé, plus que les théologiens luthériens, à s’occuper de la Bible dans son ensemble. Ils reprirent l’idée de Saint Augustin sur les sept périodes de l’histoire du monde, et la développèrent à l’aide de l’Apocalypse, où ce nombre sacré revient à plusieurs reprises. Coccéius, né à Brême en 1603, mort professeur à Leyde en 1669, partit de l’idée d’une double alliance entre Dieu et les hommesg. La première alliance est celle de la nature et des œuvres ; elle a été conclue avec l’homme quand il était encore dans l’état d’innocence. La seconde alliance est celle de la grâce et de la foi ; elle date de la chute et elle se subdivise en trois périodes : avant la loi, sous la loi et sous l’Évangile. Coccéius a eu ceci de bon, qu’il a maintenu contre la dogmatique de l’école et contre le système exégétique qui était alors à la mode, le droit d’interpréter la Bible d’une manière indépendante de toute préoccupation dogmatique. Il veut qu’on cherche à comprendre le sens naturel des mots, en tenant compte du contexte et de l’analogie de la foi, car la Parole de Dieu est un organisme bien coordonné et qui ne peut renfermer aucune contradiction. Il veut qu’on cesse de s’attacher à des passages isolés, et qu’au contraire on prenne la Bible dans son ensemble. Il repousse le système allégorique ; il se borne à reconnaître le caractère typique de l’A. T., par opposition à la nouvelle alliance, qui seule possède la réalité des biens spirituels. On lui en voulut beaucoup de ce qu’il avait dit, en s’appuyant sur Romains 3.25 et Hébreux 9.15, que dans l’ancienne alliance il n’y avait qu’une non-punition des péchés, et non point un pardon réelh. Mais, d’un autre côté, il se mit à établir un parallélisme si capricieux entre les diverses périodes de l’histoire, et à signaler des accomplissements de prophéties si fictifs, qu’on n’eut pas de peine à tourner en ridicule tout son système. On lui reprocha de pouvoir faire dire tout ce qu’il voulait à n’importe quel passage. Le nom d’exégèse coccéienne devint proverbial. En voici un échantillon : Ésaïe 33.7. « Les hérauts crient dehors et les députés pour la paix pleurent amèrement. » C’est la mort de Gustave-Adolphe.
g – C’est ce qu’on a appelé la théologie des alliances.
h – Πάρεσις ἁμαρτιῶν et non ἄφεσις.
Gurtler, l’un de ses disciples, poussa, comme il arrive souvent, le système de son maître à l’extrême. Il divise l’histoire du monde en trois périodes, d’Adam à Moïse, de Moïse à la mort de Jésus-Christ, de la mort de Jésus-Christ à la fin du monde. Il subdivise chacune de ces trois périodes en sept parties. Ces trois séries doivent être exactement parallèles dans leurs sept articulations. Momma mérite d’être cité ici pour son ouvrage sur « la Condition de l’Église pendant les trois économies ». Witsius, dans ses « Quatre Livres sur les diverses alliances de Dieu avec les hommes », nous offre une véritable théologie de l’A. T., qui vaut bien la peine d’être consultée, quand même l’imagination y joue encore un trop grand rôle. C’est un homme extrêmement consciencieux, « Il faut user de prudence, dit-il quelque part ; il faut aller en besogne avec crainte et humblement, de peur qu’il ne nous arrive de mettre du nôtre dans nos recherches. » Vitringa, l’auteur du célèbre Commentaire sur Esaïe, doit être cité ici pour ses « Observations sacrées » et ses travaux sur la Synagogue et sur la Chronologie sacréei.
i – Les temps de. l’A. T. — La Synopsis et la Théologie juive — Théologie prophétique — Théologie de David d’après les Psaumes, etc.
Le principal adversaire de Coccéius a été Leydecker, qui a écrit un livre sur l’histoire sociale des Hébreux.
Parmi les savants luthériens chez lesquels l’influence de la théologie réformée se fait le plus sentir, nommons Majus, professeur à Giessen, dont les livres trop oubliés présentent un progrès réel sur la plupart des ouvrages contemporains du même genre : il étudie chaque livre de l’A. T. à part, pour se rendre compte de leur contenu théologique particulier.