Calvin avait déjà publié en 1537 deux épîtres latines composées l'année précédente durant son séjour à Ferrare et qui invitaient les âmes éclairées par l'Evangile à ne pas se mêler aux cérémonies de l'église romaine. L'an 1543, il fit paraître le Traité que nous réimprimons ci-dessous, en y adjoignant une épître antérieure sur le même sujet, datée de Strasbourg en 1540.
Bien des fidèles dispersés en pays catholiques trouvèrent ces écrits trop durs et s'en plaignirent ouvertement, invoquant l'exemple de Nicodème qui, par crainte des juifs, était venu de nuit voir Jésus. Le réformateur répliqua l'année suivante par sa fameuse « Excuse de Jean Calvin à MM. les Nicodémites, sur la complainte qu'ils font de sa trop grand'rigueur ». Puis il rassembla ces divers écrits et les publia, en latin d'abord (De vitandis superstitionibus), puis en français en 1551 : « Ce livre-là, nous dit Collation, émut beaucoup de gens en France qui auparavant étaient endormis ès idolâtries ».
L'Excuse aux Nicodémites ayant été redonnée au public en 1921 (éditions Bossard, Paris), nous nous bornons ici au Traité de 1543 ; nous y joignons l'Epître de 1540, malgré les répétitions, à cause de la lumière très précieuse qu'elle jette sur l'opinion du réformateur quant à l'église romaine.
Jusques à quand clocherez-vous à deux côtés ? Si le Seigneur est Dieu, suivez-le ; ou si c'est Baal, suivez-le. (1 Rois 18.21)
Plusieurs me demandent souventefois comment ils se doivent gouverner au milieu des papistes, là où il n'est pas licite d'adorer Dieu purement et où chacun est contraint d'user de beaucoup de cérémonies, lesquelles ont été forgées contre la parole de Dieu et sont pleines de superstition. Or il ne serait pas fort difficile leur répondre de cette matière et leur en définir simplement ce qui en est, si ce point était pleinement résolu en leurs cœurs de suivre entièrement et sans contredit tout ce que Dieu leur montre. Mais je ne sais comment la plupart des hommes, après avoir connu une chose déplaire à Dieu, se donnent néanmoins congé (permission) d'aller à l'encontre de sa défense. Et même j'en ai vu cent, sans le premier, qui nous demandaient conseil sur cette affaire, tout ainsi que Balaam faisait de Dieu, voulant aller par devers le roi Balak. Car il savait bien que c'était contre la volonté de Dieu qu'il entreprit le voyage : mais si ne laissait-il pas d'en demander licence. Pareillement ceux-ci, étant presque convaincus en leur conscience que c'est mal fait de se prosterner devant les idoles, s'enquièrent et interrogent de ce qu'ils doivent faire, non pas pour assujétir leur affection à Dieu, en acquiesçant à sa Parole : mais afin qu'on leur lâche la bride et que, ayant réponse selon leur désir, ils se reposent en leur vice par vaine flatterie. Bref, comme dit le prophète Ezéchiel, ils cherchent qu'on leur fasse des coussins pour endormir leurs consciences : et qu'on leur fasse à croire qu'ils vivent, là où ils sont en la mort. Toutefois, pour ce que notre office est de rendre purement témoignage à la vérité, je ne puis dissimuler ni reculer que je ne dise ce que je pense des choses qui sont utiles à connaître, même (surtout) quand j'en suis requis.
Mais puisque toute la difficulté procède de là, que nous regardons toujours plutôt de nous entretenir en la grâce du monde que de plaire à Dieu, j'exhorte un chacun fidèle au nom du Seigneur Jésus de faire force à ses propres affections pour se rendre obéissant à la volonté du Maître. C'est une chose fâcheuse que de se mettre en danger de perdre corps et biens, d'irriter tout le monde contre soi, d'être en opprobre et vitupère (blâme), de quitter le pays où on peut vivre à son aise pour s'en aller en pays étranger comme à l'égarée. je le confesse. Mais quelle est la première leçon qu'il nous faut apprendre en l'école de Jésus-Christ, sinon de renoncer à nous-mêmes ? Que s'il y en a de si fragiles qu'ils ne se puissent pas bien délibérer du premier coup de faire ce qu'ils doivent, pour le moins je les prie de ne se vouloir point flatter, cherchant des subterfuges et excuses frivoles pour se couvrir. Cela n'est autre chose que compter sans son hôte. Car telles échappatoires ne les délivreront point du jugement de Dieu. Même nous voyons que ce a été le commencement et comme le premier degré de la ruine de ceux qui se sont aliénés (rendus étrangers) de la grâce de Dieu. C'est que, voyant qu'il ne leur était point sûr de se manifester devant les hommes être vrais serviteurs de Dieu pour le dûment honorer, ils s'excusaient et voulaient être tenus pour justes et irrépréhensibles de ce qu'ils se polluaient (souillaient) avec les autres en beaucoup d'idolâtries ; puis après, voyant qu'ils ne pouvaient encore en cette sorte éviter tout soupçon, ils estimaient bien faire leur devoir en cachant du tout leur chrétienté, sans parler un seul mot de Dieu, sinon quand ils étaient avec leurs privés amis et familiers, bien enserrés en quelque chambre.
Cependant ils souffraient que la vérité de Dieu fût blasphémée, et quelque déshonneur qu'on fît à Jésus-Christ, non seulement ils ne faisaient nulle réplique au contraire, mais faisaient beau semblant d'y consentir, n'ayant autre chose en recommandation sinon de se donner garde qu'on n'aperçût nullement qu'ils fussent chrétiens. En la fin, qu'est-il advenu à telle manière de gens voulant ainsi, en prudence charnelle, c'est-à-dire en finesse malicieuse, tromper Dieu et le monde ? Dieu les a laissé trébucher comme en une abîme de ténèbres, les privant de la connaissance qu'il leur avait donnée. Finalement le Diable les a possédés pour les inciter à l'encontre de l'Evangile et leur faire persécuter d'une colère et cruauté furieuse la doctrine, laquelle ils avaient connue être de Dieu. Et à bon droit. Car c'est bien raison que l'homme qui convertit (change) la vérité de Dieu en mensonge pour se justifier en son iniquité sente telle vengeance. Pourtant, encore que l'infirmité nous empêchât de nous acquitter de notre devoir, avisons de donner plutôt gloire à Dieu en confessant notre pauvreté que, en tergiversant et cherchant vaines couvertures (prétextes), nous confondre et condamner doublement. Car il nous faut prendre les exemples des punitions de Dieu pour avertissements, afin que nous apprenions de cheminer,en sa crainte.
Qu'est-il donc de faire ? Pour le premier, ne mesurons pas le devoir que nous avons à Dieu à notre propre commodité. Car en cette manière jamais nous ne comprendrons la vérité. En après, ne donnons point lieu en cet endroit au regard de nos personnes, pour chercher ce qui nous est expédient selon la chair. Tiercement, ne prenons point de notre avis propre les moyens de nous exempter de péril ou de fâcherie ; mais plutôt confions-nous en la providence de Dieu, ne doutant pas qu'il ne soit suffisant pour nous contregarder au milieu de mille morts, quand métier serait de venir jusque là. Ainsi faisant, nous n'aurons point métier de longuement consulter ou disputer d'une part et d'autre, à savoir si nous devrons avec moleste (dommage), avec perte de nos biens, avec danger de notre vie, obéir à Dieu et pour complaire à sa volonté acquérir la mauvaise grâce des hommes ; mais, ayant son commandement, nous le suivrons promptement et sans doute comme un certain chemin, lui recommandant ce qui en pourrait advenir et nous remettant à sa sainte sauvegarde. Voilà le seul moyen de nous gouverner droitement en cet endroit. je réciterai un bel exemple, lequel raconte saint Augustin, qui sera bien pour nous animer et donner courage de ce faire. C'est que saint Cyprien, après avoir été condamné à la mort, d'autant qu'il ne voulait point sacrifier aux idoles, fut sollicité de vouloir condescendre à cela pour sauver sa vie. Et même le juge, désirant le délivrer, le requérait fort de ce faire, le priant d'y penser et aviser ; à quoi il donna une brève réponse : que en une chose si sainte la délibération n'avait aucun lieu.
Considérons en quel état était adonc (alors) saint Cyprien. Il voyait la mort présente : mais d'autant qu'il était résolu de suivre le commandement de Dieu, cela le délivre de toute perplexité, qu'il ne s'étonne point pour fléchir ou varier : mais demeure invincible en cela que ce que Dieu nous a ordonné doit être du tout conclu en nos cœurs sans être mis en délibération. C'est donc une sentence notable, laquelle doit être bien imprimée en notre mémoire, afin que nous n'attentions (essayions) point par une présomption diabolique d'aviser en nous-mêmes si nous devons faire ce que Dieu a dit ou non, comme si nous étions ses contreroleurs (juges). Que si nous entreprenons de prendre conseil de notre tête, en nous détournant de sa Parole, attendons pour certain la malédiction qu'il a prononcée par son prophète Esaïe (30.1) sur tous ceux qui ne donnent point l'autorité à son Esprit de présider en leurs conseils et n'interrogent point sa bouche, pour prendre d'icelle leurs déterminations.
Voyons maintenant, quant à la matière présente, si notre Seigneur nous a tellement déclaré sa volonté, que en acquiesçant à sa Parole nous puissions avoir pleine certitude de ce qu'il nous convient faire. Ce point vidé, si quelqu'un voulait encore répliquer, qu'il aille plaider contre Dieu pour voir s'il gagnera son procès contre une si forte partie et même (surtout) avant mauvaise cause.
Premièrement, qu'il nous souvienne que Jésus-Christ nous chante à tous cette leçon à la première entrée de son école : que si nous avons honte de lui devant les hommes, il aura semblablement honte de nous quand il apparaîtra en sa majesté avec les anges de Dieu (Luc 9.26). Voilà donc comme notre Seigneur ne se contente pas si nous le reconnaissons en secret et dedans nos cœurs : mais il requiert étroitement (expressément) que nous déclarions devant les hommes par profession extérieure (aveu public) que nous sommes des siens. Et ne nous avoue point de son royaume, sinon avec cette condition. Et n'est point de merveilles. Car ce que dit saint Paul ne peut faillir : que comme on croit de cœur à justice, aussi on fait confession de bouche à salut (Rom. 10.10), en quoi il signifie que la vraie foi ne peut être devant Dieu qu'elle ne produise confession devant les hommes. Bref, notre Seigneur nous appelle tous à confesser son Nom. Quiconque s'en recule, il faut qu'il cherche un autre maître. Maintenant on demandera s'il faut donc que chacun se déclare publiquement pour faire son devoir ? je réponds que ce n'est pas mon intention. Car puisque c'est un office particulier que de prêcher publiquement, qu'il n'est jà métier que chacun s'en mêle et même ne serait expédient ni convenable. je n'entends pas donc que tous montent en chaire pour démontrer leur chrétienté : ou qu'ils la publient par les rues comme à son de trompe, mais qu'un chacun, selon la vocation en laquelle il est, avise de donner gloire à Dieu.
Or pource que notre Seigneur n'a point déterminé ni le temps, ni le lieu, ni la mesure jusqu'à laquelle on doit procéder : nous n'en pouvons pas aussi faire certaine loi. Mais il convient que chacun en son endroit s'emploie à ce faire fidèlement selon tous les moyens qu'il aura, considérant toujours l'état où il est et la grâce que Dieu lui a faite. Et pource que nous sommes tant paresseux et nonchalants sinon que nous ayons toujours quelque éperon pour nous poindre et inciter : que nous ayons ces belles sentences imprimées en notre cœur, où il nous est commandé d'être prêts à rendre raison de l'espérance qui est en nous à chacun qui nous en demandera (1 Pierre 3.15) ; pareillement où il est dit que l'office de chacun fidèle est de prendre son prochain par les bras et dire : Allons, montons en la montagne de Sion, en la maison du Dieu de Jacob et il nous enseignera de cheminer en ses voies (Esaïe 2.3 ; Mich. 4.2). Nous voyons qu'il y doit avoir un tel zèle en nous, tant d'exalter le règne de Dieu que d'édifier nos prochains, que nous étendions toute notre vertu (force) et appliquions toute notre étude à cela. Mais pource que nous n'avons règle certaine pour nous certifier jusqu'où et combien il nous faut marcher, il reste qu'un chacun prie notre Seigneur de l'adresser (diriger) en vraie prudence pour juger ce qui sera expédient ; puis après que, selon sa faculté, selon le degré d'intelligence qu'il a, cherche tous les moyens et occasions qu'il est possible pour s'en acquitter. Quoi qu'il soit, que nous ayons toujours l'imitation de Jésus-Christ pour notre but, duquel il est dit que le zèle de la maison de Dieu l'a dévoré (Ps. 69.10 ; Jean 2.17), c'est-à-dire qu'il a été enflambé d'une telle affection à édifier et entretenir l'Eglise de Dieu que ce a été comme un feu ardent en son cœur qui ne l'a jamais laissé reposer. D'autre part, écoutons ce qui est dit de ceux qui n'ont osé confesser Jésus-Christ après avoir cru en lui. C'est qu'ils ont mieux aimé la gloire des hommes que celle de Dieu (Jean 12.43). N'est-ce pas un trop malheureux choix et pervers de préférer les hommes, à Dieu ? Gardons-nous donc de venir en telle condamnation.
Mais ce que nous avons proprement entrepris de traiter pour cette heure est à savoir si l'homme chrétien, étant droitement instruit en la vérité de l'Evangile, quand il est entre les papistes, offense Dieu ou non en faisant comme les autres, allant à la messe, honorant les images et reliques et usant de telles cérémonies. Et afin de prévenir la cavillation (ruse) d'aucuns : nous ne sommes pas sur cette difficulté, à savoir si c'est mal fait de dissimuler, mais de simuler et se contrefaire contre la vérité. Dissimulation se commet en cachant ce qu'on a dedans le cœur. Simulation est plus, c'est de faire semblant et feindre ce qui n'est point. En somme, ce qui serait mentir de bouche est simuler de fait. Pour définir de cette question, il est à noter que, comme il y a double honneur que nous devons à Dieu : à savoir le service spirituel du cœur et l'adoration extérieure, aussi au contraire il y a double espèce d'idolâtrie. La première est quand l'homme, par fausse fantaisie qu'il a conçue en son esprit, corrompt et pervertit le service spirituel d'un seul Dieu. L'autre est quand, pour quelque cause que ce soit, il transfère l'honneur qui appartenait à Dieu seul à quelque créature, comme à une image.
Commençons donc par le devoir que nous avons envers Dieu pour le servir dûment. Suffit-il que chacun tienne Dieu à part soi pour son Sauveur, le glorifiant en cachette ? Mais il requiert plus de nous, disant qu'il le nous faut porter tant en notre corps qu'en notre esprit. Et ajoute la raison, pource que tous deux sont à lui.
Quand nous n'aurions pas ce commandement, la raison en est évidente. Car puisque notre corps est racheté du sang précieux de Jésus-Christ, quel propos y aurait-il de le prostituer devant une idole ? Puisqu'il est temple du saint Esprit, quel outrage serait-ce de le polluer par tel sacrilège ? Puisqu'il est destiné à recevoir la couronne d'immortalité et être participant de la gloire de Dieu, conviendrait-il de le corrompre et souiller en telle ordure ? Apprenons donc que tout ainsi que notre âme est consacrée à Dieu, aussi que notre corps doit être réservé à son honneur. Saint Paul, criant contre la paillardise, use de cet argument : Puisque nos corps sont membres de Christ, est-il licite de les faire membres d'une paillarde ? (1 Cor. 6.15) Par même raison nous pouvons dire : Vu que nos corps sont membres de Christ, les retrancherons-nous de sa communion pour les contaminer en les prosternant devant les idoles ? Pourtant notre Seigneur, parlant de ses vrais serviteurs, il leur donne cette marque : qu'ils n'ont point ployé le genou devant Baal et n'ont point baisé sa main (1 Rois 19.18 ; Rom. 11.4). Il pouvait bien dire qu'ils n'ont point été corrompus de fausse superstition, tenant Baal pour Dieu ; mais voulant signifier que cela n'est pas le tout, il dit qu'ils ne lui ont fait aucune révérence de gestes extérieurs. En cette description ne nous montre-t-il pas qu'il nous faut aussi bien abstenir de telle pollution, si nous voulons être du nombre de son peuple ?
C'est aussi ce qu'il dit par Isaïe : je suis le Dieu vivant, tout genou se ploiera devant moi et toute langue jurera en mon Nom (Es. 45.23). Il déclare par ces mots qu'il ne s'estime pas être adoré dûment, sinon qu'on lui rende à lui seul, même par œuvre extérieure, toute gloire et qu'il soit adoré de corps comme d'âme. Quand donc le contraire se fait, c'est qu'on s'agenouille devant une image, à savoir si ce n'est pas déroger à sa majesté ? Et que voulons-nous [de] plus ? N'avons-nous pas le commandement exprès, lequel nous défend de porter aucun honneur aux images (Exod. 20.5 ; Lév. 26.1) ? Car le mot dont use là notre Seigneur, non seulement emporte (signifie) qu'on ne leur doit attribuer sa gloire par opinion superstitieuse et perverse, mais comprend aussi tout honneur qu'on leur pourrait faire, en quelque sorte ou pour quelque fin que ce soit.
C'est donc une excuse frivole et qui ne fait qu'aggraver le péché d'alléguer que Dieu se contente du cœur, car nous voyons le contraire ; d'alléguer semblablement que l'idolâtrie procède de superstition et pourtant qu'elle ne se peut commettre que le cœur n'y soit. Car encore qu'un homme se moque de l'idole en soi-même, en faisant semblant de l'honorer, il ne laisse pas être coupable d'avoir transféré l'honneur de Dieu à la créature. Mais pour ôter toute superstition, qu'est-ce qu'un homme peut prétendre en cet endroit ? Il niera qu'il pèche, d'autant que son intention n'est pas mauvaise. Quelque chose, dira-t-il, que fassent les autres, j'adore le Dieu vivant en mon cœur. je connais que c'est sacrilège et abomination de s'adresser à une image pour la requérir ou pour en attendre aide ou pour lui faire révérence. C'est donc à Dieu que je m'adresse, combien qu'il semble que j'adore l'image. C'est la couleur (prétexte) que prétendaient les Corinthiens quand saint Paul les redarguait (blâmait) de ce vice. Car ils allaient aux confréries qu'on faisait en l'honneur des idoles et mangeaient avec les autres des sacrifices. Etait-ce par superstition ? Non. Car saint Paul amène cette excuse en leur nom : Nous savons que l'idole n'est que vanité, quelque fausse fantaisie qu'en ait le monde, et qu'il n'y a qu'un seul Dieu et un seul Seigneur Jésus-Christ (1 Cor. 8.1). Mais se contente-t-il de cela ? Au contraire, il leur répond que tout cela n'est rien, puisque par leur exemple ils induisent les autres à adorer les idoles. Un homme infirme (faible), dit-il, qui vous voit ne pense-t-il pas que vous ayez l'idole en quelque estime, sur cela il est confirmé à faire le semblable. Mais vous avez saine intelligence en votre cœur, faut-il que celui pour lequel Christ est mort périsse sur le crédit (sur la foi) de notre science ?
Par cette réponse, ne rejette-t-il pas toutes les couvertures dont plusieurs aujourd'hui se veulent aider ? Et encore en parle-t-il plus âprement tantôt après, disant que tout ainsi que celui qui participe aux sacrifices de Dieu est participant de la vraie consécration, aussi que celui qui communique à telles façons de faire vicieuses et pollues (souillées) en est contaminé. C'est chose frivole, dit-il, de répliquer que l'image n'est rien et ne peut rien. Contentons-nous que, puisque les incrédules sacrifient au Diable, quiconque se mêle avec eux en cet acte il s'abandonne au Diable pareillement. Or nul ne peut être participant de la table du Seigneur et de celle du Diable tout ensemble, ni boire du calice du Seigneur pour le mêler avec celui des diables (1 Cor. 10.21). Quiconque prend l'un renonce du tout à l'autre. Et de fait, si les compagnons de Daniel (chap. 3) eussent pu échapper par cette finesse, c'était folie et témérité à eux de s'exposer à la mort. Ne pouvaient-ils pas bien avoir cette convenance entre eux de dire : Les autres adoreront la statue, mais notre esprit sera élevé au ciel pour adorer le Dieu vivant ? Cependant, pour éviter le danger, nous serons en la compagnie des autres, faisant semblant de les ensuivre. Telle cavillation (ruse) les pouvait-elle justifier devant Dieu ? Chacun confessera bien que non. Que voulons-nous donc dire ? Les accuserons-nous de zèle inconsidéré, d'avoir mieux aimé se faire jeter en une fournaise brûlante plutôt que de se contrefaire, en ayant toujours néanmoins le cœur à Dieu ? Mais ce serait contredire au saint Esprit qui les loue de cette constance. Quelqu'un dira que tous ne peuvent pas être si fermes. Mais s'ensuit-il pourtant que nous ne devions ensuivre leur exemple, lequel nous est récité pour doctrine ?
Selon que nous sommes subtils à chercher des subterfuges en nos péchés, il semble avis à aucuns qu'ils ont une bonne solution en disant que cela se soit entendre de l'idolâtrie des païens et pourtant qu'il ne se doit pas. tirer à notre temps. Car les païens, disent-ils, non seulement faillaient (tombaient) en usant des cérémonies perverses, mais en tant qu'ils avaient des dieux forgés à leur fantaisie. Ce n'est pas donc de merveilles si notre Seigneur réprouve tant leurs façons de faire. Mais ce n'est pas tout un de ce qui se fait entre les papistes. Car combien que le service de Dieu y soit corrompu et vicieux, toutefois l'intention n'est pas autre que d'adorer Dieu. En somme, ils s'arment de cette diversité (différence) qu'il leur semble qu'il n'y a point si grand danger de participer à une idolâtrie, laquelle est couverte du Nom de Dieu, qu'à une qui serait du tout sans quelque couverture. Mais à cela je réponds que, puisque le monde se met à servir Dieu d'une façon perverse et illicite, qu'il adore déjà une idole, quelque couleur qu'il prenne. Ceux donc qui inventent des superstitions que Dieu condamne et rejette ont beau dire : nous voulons servir Dieu. Car, puisqu'il n'avoue point tel service, ils le font plutôt au Diable. Par quoi saint Paul dit que ceux qui ont inventé de transformer la gloire de Dieu en figure aucune corruptible ont servi à la créature et non point au créateur (Rom. 1.23).
Mais afin qu'on entende plus clairement combien est faible cette défense, prenons exemples de l'Ecriture convenables à ce propos. Voilà le serpent d'airain qui n'avait pas été forgé témérairement par la folie des hommes, mais par le vouloir de Dieu (Nomb. 21.8). C'était non seulement un mémorial du bénéfice (bienfait) que Dieu avait fait au peuple d'Israël, mais un saint sacrement de Jésus-Christ (Jean 3.14). Depuis, les successeurs en firent une idole exécrable (2 Rois 18.4) et toutefois ce n'était pas sans prétendre belle couleur du Nom de Dieu. je demande maintenant, si quelqu'un de ce temps-là eût fait semblant de l'adorer pour se conformer à la superstition du peuple, si nous le voudrions excuser ? je pense qu'il n'y a nul qui ne le condamnât. Voilà pareillement le veau d'or que fondit Aaron : Etait-ce pas pour représenter le Dieu vivant ? Car quand il fit proclamer que le peuple s'assemblât pour célébrer la fête du Seigneur qui l'avait retiré de la terre d'Egypte, cela fut reçu de chacun sans contredit. C'était donc une cérémonie mise sus pour honorer Dieu, mais pource qu'elle était fausse et perverse, elle est réputée idolâtrie. Celui qui eût fait semblant d'y consentir, s'excusant de ce titre de Dieu, eût-il été pourtant innocent ?
Nous le saurions bien tous condamner. Pourquoi est-ce donc qu'en semblable cause nous voulons avoir bon droit ? Autant en est-il des veaux que dressa Jéroboam (1 Rois 12.28). Car il ne faisait pas profession de vouloir introduire un Dieu nouveau, mais plutôt protestait qu'il se voulait toujours tenir au Dieu vivant. Et de fait, il n'avait autre fin sinon d'empêcher le peuple d'aller en Jérusalem, de peur qu'il ne se révoltât contre lui pour se rejoindre à la maison de David. C'était néanmoins idolâtrie, pource qu'il inventait une forme étrange contre la parole de Dieu. Si quelqu'un, ne consentant point au reste à cette abomination, eût là sacrifié, eût-il bien fait ? Et sans aller plus loin, lisons-nous que quelque serviteur de Dieu ait jamais là adoré ? au contraire nous lisons que le Seigneur le défendait par ses prophètes, comme un crime fort exécrable. Pour mettre fin à cet article : le temple de Samarie était-il édifié au nom de Jupiter ou de Mars ? Nous savons que c'était au nom du Dieu d'Israël. Etait-il pourtant licite à nul fidèle d'y adorer ? Il est tout notoire que c'eût été une abomination extrême. je conclus donc, suivant ces raisons invincibles, qu'il n'est non plus permis de communiquer (participer) à une idolâtrie laquelle sera fardée du Nom de Dieu, que si elle était purement des Sarrasins ou païens.
Or devant que passer plus outre, puisque déjà nous avons vu qu'idolâtrie, encore qu'elle ne se commette que par feintise, est toujours déplaisante à Dieu, il nous convient appliquer cette doctrine à notre temps.
Si un homme était entre les Turcs, il n'y aurait nul doute qu'il ne fît méchamment et contre Dieu d'entrer avec eux en leur synagogue pour célébrer leurs superstitions. Et s'il s'en trouvait d'aventure quelqu'un si impudent de vouloir approuver cela, il démontrerait qu'il n'aurait nulle crainte de Dieu et nulle conscience. La raison : Tout ainsi que l'adoration de Dieu faite en l'Eglise ou en la compagnie des fidèles selon sa Parole est une reconnaissance solennelle que nous lui faisons, l'avouant notre Dieu et lui rendant hommage publiquement, aussi de s'adjoindre avec les Turcs ou païens pour ensuivre l'adoration dont ils usent, laquelle est perverse, c'est une espèce de renoncement (reniement) de Dieu Par laquelle l'homme est pollu et maudit. D'en dire autant des papistes simplement, ce serait une chose fort étrange, ce semble. Car nous avons beaucoup de choses communes ensemble. Et quelque division ou contrariété qu'il y ait, si nous faut-il avoir sans comparaison plus de convenance avec eux qu'avec des païens, voire et ne fût [-ce] que pour l'honneur du titre de Jésus-Christ qu'ils portent et auquel nous convenons ensemble. Il faut donc voir comment et jusqu'où il est licite à un homme chrétien, bien instruit en la vérité de l'Evangile, de communiquer avec eux. Car je ne parle sinon pour ceux auxquels Dieu a révélé de quelle pollution est pleine toute l'église papale.
Pour bien discerner, il est besoin de noter que de ce qu'on appelle le service de Dieu, il y en a une partie qui a été instituée du tout et directement contre Dieu ; l'autre partie a été dépravée ou renversée par la faute de ceux qui en ont abusé, jà soit (malgré) que du commencement l'origine n'en fût point mauvaise. Item, qu'il y a d'aucunes cérémonies qu'on ne peut nullement excuser qu'il n'y ait de l'idolâtrie évidente. Il y en a d'autres qui sont folles et ineptes, toutefois d'elles mêmes ne sont pas pour contaminer l'homme, sinon qu'en les observant il eût quelque opinion superstitieuse. Tiercement qu'il y a des choses, lesquelles ont été commandées méchamment, lesquelles toutefois le chrétien peut garder sans offenser. Les autres ne se peuvent et ne se doivent nullement garder. Il n'est jà métier de poursuivre, ni d'éplucher toutes ces espèces par le menu. Il suffit de les avoir touchées, afin que l'on sache que je ne suis pas tant âpre ni tant extrême de vouloir interdire du tout et sans exception à l'homme chrétien qu'il n'ait à se conformer avec les papistes en aucune cérémonie ou observation. Car je n'entends de condamner sinon ce qui est pleinement mauvais et apertement (manifestement) vicieux.
Et pource que cela ne se peut bonnement entendre que par exemples, sans faire plus long circuit, représentons la chose telle qu'elle est. On chante là journellement messe : ceux qui veulent être vus dévôts plus que les autres la vont ouïr. A savoir si cela se peut excuser ? Quiconque a moyennement profité en l'Evangile n'ignore pas que ce ne soit sacrilège et abomination que fait là le prêtre. je vous prie, un homme peut-il aller se prosterner devant une idole, voulant que chacun entende qu'il a sa dévotion à une chose méchante, et ne pécher point en ce faisant ? Mais si ainsi est, que deviendra ce que dit le saint Esprit par la bouche de saint Paul : que nous ne communiquions point aux œuvres inutiles de ténèbres, mais plutôt que nous les redarguions (réprouvions) (Eph. 5.11) ? Voilà une œuvre que je connais être méchante et déplaisante à Dieu : je me mêle dedans, je fais semblant de l'avouer et puis après j'en pense avoir les mains lavées. Qu'est cela autre chose que dire avec les méchants, dont parle David (Ps. 94.7) : Faisons hardiment ce que bon nous semblera, car Dieu n'en voit rien ? Mais ils allèguent : ce ne sommes-nous pas qui commettons le mal. Qu'en pouvons-nous mais, vu qu'il n'est pas en nous de le corriger ? je réponds que le mal que je reprends en eux est qu'ils ne s'abstiennent point de ce qu'ils savent être mauvais, mais se contaminent, s'enveloppant dedans. Et de fait, quant à cela, il n'y a nulle difficulté de leur fermer la bouche.
De la messe paroissiale, il semble à plusieurs qu'il y ait meilleure couleur et plus apparente. Car combien, disent-ils, qu'il y ait beaucoup de corruption que nous ne pouvons approuver, toutefois, d'autant qu'elle nous est comme un mémorial de la Cène du Seigneur, nous la prenons ainsi. Quand donc nous venons là, c'est pour réduire en mémoire la mort et passion de notre Seigneur Jésus.
Voire ? Est-ce ainsi que nous transformons les choses à notre appétit pour dire que les ténèbres sont clarté ? je vous prie, quelle similitude y a-t-il entre le saint sacrement institué du Seigneur Jésus et ce mélange composé de toute ordure ? Premièrement de ce que la messe est tenue pour un sacrifice par lequel Dieu soit apaisé, non seulement envers les vivants, mais aussi envers les morts, leur semble-t-il avis que ce n'est rien ? N'est-ce rien que le canon, qui est quasi la principale substance de la messe, est plein de blasphèmes exécrables ? Item, qu'il s'y fait prière pour les âmes du purgatoire, laquelle nous savons être du tout superstitieuse ? Mais quand il n'y aurait que cette imagination diabolique de sacrifier Jésus-Christ à Dieu afin que telle œuvre soit satisfaction et appointement pour les vivants et pour les morts, n'est-ce pas un renoncement tout manifeste de sa mort et passion, laquelle est anéantie si on ne la reconnaît pour sacrifice unique et perpétuel ? n'est-ce pas une corruption directe de sa sacrée Cène ? Il est certain que ces deux pollutions tant exécrables ne se peuvent séparer de la messe, non plus que la chaleur du feu. Quiconque vient là pour y participer peut-il être pur et net en commettant un tel acte ? Est-ce l'honneur que nous portons à Dieu notre Père, à Jésus-Christ notre Maître et Rédempteur que, quand nous voyons une telle ignominie faite à l'un et à l'autre au lieu de contredire, nous venons nous adjoindre à celui qui le fait et qui pis est, induisons les autres par notre exemple à en faire autant ? N'est-ce pas trop grande impudence de dire qu'en déshonorant Dieu et donnant mauvais exemple à son prochain, on ne fasse point mal ?
Après il y a l'idolâtrie, laquelle surmonte toute impiété, d'adorer un morceau de pain comme Dieu et dire que ce n'est plus pain, mais Dieu même. Si c'était la Cène de notre Seigneur qui fût là dûment administrée, nous confessons bien qu'il y aurait vraie réception du corps et du sang de Jésus-Christ. Mais ce ne serait pas à dire pourtant que la substance du pain fût changée ou que le corps fût caché là dedans. Car la Cène nous est donnée pour nous faire élever nos esprits en haut au ciel, non pas pour les amuser à ces signes visibles du pain et du vin qui nous sont là présents. Quand donc ce serait vraiment la Cène, encore serait-ce une fantaisie pernicieuse et damnable de vouloir adorer un morceau de pain au lieu de Jésus-Christ, ni de le chercher là. Mais il n'est jà métier d'entrer en cette dispute. Car de quoi appartient à la messe cette promesse de Jésus-Christ quand, en donnant le pain, il dit : Prenez, mangez, c'est mon corps qui est livré pour vous ? Car devant que rien promettre, il commande que le sacrement soit distribué entre les fidèles. Cela se fait-il à la messe ? Mais plutôt au contraire, le prêtre fait son cas à part, comme se voulant exclure et excommunier de toute l'église. Pensons-nous donc qu'en faisant tout au contraire que Jésus-Christ a ordonné, nous le tenions lié à notre poste pour nous jouer de lui comme d'un petit enfant, ou plutôt comme d'une pelote, pour le démener ça et là selon que bon nous semble ? Davantage il ajoute que nous célébrions son sacrement en mémoire de lui, annonçant sa mort avec louange et action de grâces.
Comment cela se peut-il faire en la messe où il n'y a point un seul mot intelligible, mais tout se fait et dit en langue inconnue ? Davantage c'est à nous que Jésus-Christ s'adresse, en nous promettant la communion de son corps, quand il nous donne le signe du pain. En la messe il n'y a rien de tout cela. Mais le prêtre, à la façon des enchanteurs ou joueurs de gobelets, souffle sur le pain pour l'ensorceler. Que pensons-nous que cela vaille ? Bref, tant s'en faut qu'il y ait aucune similitude entre la messe papale et la Cène de notre Seigneur que le jour n'est pas plus contraire à la nuit. Que peut ce donc être de l'adoration qu'on fait là au pain, que idolâtrie exécrable, voire plus lourde et plus sotte que jamais il n'y en a eu entre les païens ?
Or maintenant regardons en quelle conscience un homme chrétien se pourra là trouver pour se conformer à la façon des autres. Voilà une idole qui est élevée en haut sur les épaules pour être invoquée et adorée comme Dieu : je me jetterai à genoux, je ferai protestation de l'adorer et puis je ne voudrai point qu'on me reprenne. Qu'est-ce à dire cela ? Quand nul ne sonnera mot, l'acte ne m'accuse-t-il pas assez de soi-même ? Pourtant, quand les hommes m'épargneront, Dieu ne m'épargnera pas. Quand il n'y aurait que cela, je ne vois point quelle couverture (prétexte) puisse trouver un homme fidèle pour se purger (se justifier) qu'il ne soit coupable en ce faisant. En néanmoins aucuns, voyant que toute raison leur défaut, ne laissent pas encore de tergiverser, prétendant l'autorité de celui-ci ou celui-là pour leur bouclier. Un tel, disent-ils, ne le trouve pas tant mauvais. Mais que faut-il opposer l'opinion des hommes à l'encontre de Dieu ? J'en appelle leur propre conscience, si elle ne les juge point. Qu'est-ce donc qu'ils profitent de se faire absoudre par un homme, puisque devant Dieu ils sont convaincus de mal faire ? Mais c'est ce que j'ai dit du commencement, que plusieurs interrogent non pas pour savoir la vérité, mais pour avoir réponse convenable à leur désir. Et notre Seigneur, pour les punir de leur hypocrisie, permet qu'ils trouvent ce qu'ils cherchaient, mais ce n'est qu'à leur plus grave confusion.
Mais pource que le mal a accoutumé de s'étendre plus loin quasi en tous, pour avoir plus claire et facile déclaration de cette affaire, considérons en somme ce qui a accoutumé de se faire communément. Voici donc que fera un chacun en son endroit, je parle même du meilleur d'entre les sages mondains qui se veulent entretenir avec le monde. Non seulement il ira le dimanche à l'eau bénite et à la messe, mais aussi les autres fêtes dont une partie a été mise sus avec superstition toute manifeste. Là on chantera la messe en l'honneur d'un saint ou d'une sainte, voire dont il n'y aura autre approbation, sinon que le pape l'aura mis en son paradis, qui vaut autant à dire comme en enfer. Mais encore que ce soit un saint approuvé, on chantera la messe en son honneur. Voudrions-nous une plus grande abomination que de transférer le saint sacrement de notre Seigneur à un tel abus ? Et pensons-nous que le Seigneur le veuille assujettir à telle pollution ? Outreplus, quelles oraisons se font là ? méchantes et farcies de blasphèmes. Que celui qui y communique s'excuse, s'il peut. Or chacun le fait ordinairement. Si moi ou un autre les voulions flatter en cela, ne serait-ce point trahir la vérité ?
Après faut-il que l'homme se marie ? Là où il devait se représenter devant Dieu et son Eglise, pour bénir son mariage, premièrement il usera de tout-plein de bateleries (tours de bateleurs), qui sont plutôt pour le souiller. Finalement il le polluera du tout par une messe achetée à ses propres deniers. je vous demande : le prêtre qui vend une messe n'est-il pas sacrilège ? Qu'est-ce donc de celui qui l'achète ? Notre Seigneur dit que une bonne partie (épouse) est un don spécial de sa bonté (Prov. 19.14). Quand donc il conviendrait de le remercier et le prier de vouloir parfaire ce qu'il a commencé en faisant prospérer le mariage, n'est-ce pas provoquer son ire que d'user d'une telle abomination ? Nous savons aussi combien notre Seigneur honore le mariage et en quelle recommandation il veut que nous ayons la sainteté d'icelui, quand il l'accompare à l'union spirituelle qu'il a avec son peuple par la vertu de son saint Esprit. Ce qui est donc l'image de l'union que nous avons avec le Seigneur Jésus, le polluerons-nous, commençant par un renoncement (reniement) de sa mort ? Ne pensons-nous pas que le Seigneur doive punir grièvement un tel outrage ?
Le mariage fait, vient-il un enfant ? Au lieu qu'il devrait être présenté à Dieu pour recevoir baptême purement selon son institution, au lieu de cela il est contaminé de beaucoup de cérémonies perverses et profanes. Il est bien vrai que pour cela le baptême ne laisse point d'avoir sa vertu quant à l'enfant, pource que les saintes ordonnances de Dieu ne se peuvent abolir par les folles inventions des hommes. Mais le père ne laisse pas de pécher, en consentant à telle administration du baptême, laquelle est totalement vicieuse et corrompue. Je laisse (renonce) à parler de la superstition judaïque qui se commet pour la purgation (purification) de la mère, au terme qu'elle se relève.
Venons maintenant à l'instruction de la famille. Qui est celui qui se soucie d'avoir ses serviteurs et chambrières droitement instruits à servir Dieu selon sa Parole ? N'est-ce pas plutôt une chose toute commune de les laisser vivre en ignorance comme pauvres bêtes sans tâcher de les retirer de leur idolâtrie ? Mais il y a grand danger de leur en parler. Laissons le danger pour cette heure. Cela empêche-t-il qu'on ne le doive faire ? Est-ce raison que nous soyons servis chacun en sa maison et que Dieu cependant y soit déshonoré ? Pensons-nous qu'une maison mérite de prospérer, en laquelle Dieu n'est pas le souverain maître ? Et que dis-je des serviteurs ? Combien y en a-t-il peu qui osent endoctriner comme il faudrait leurs femmes et leurs enfants ? Toutefois pour ce que ces fautes sont plutôt de se déporter de faire son devoir que d'offenser en faisant apertement (ouvertement) à l'encontre, je ne les poursuis point plus âprement, d'autant que mon intention est de parler des actes qui se commettent contre le commandement de Dieu et sont transgressions de la Loi.
Nous tous qui avons reçu la pure doctrine de l'Evangile, confessons bien que les obsèques pour les morts et anniversaires sont pures abominations, d'autant qu'elles sont premièrement controuvées faussement contre l'Ecriture ; et puis qu'elles dérogent à la mort et passion de notre Seigneur Jésus-Christ. S'il y meurt quelque parent ou ami ou voisin, celui qui se dit chrétien ira avec les autres faire semblant de prier pour son âme. Quelle couverture trouverons-nous à cela, sinon un sac mouillé, comme on dit ? Que si le père ou la femme meurt, non seulement il approuvera ces sacrilèges en y assistant, mais les achètera de sa bourse. Si le prêtre en vendant messe ensuit le marché de Judas, celui qui le met en œuvre et lui donne salaire sera-t-il innocent ?
Je ne dirai rien de ce qui se fait au reste de l'année seulement je parlerai de la fête de Pâques. Que font adonc communément tous ceux qui font profession de l'Evangile ? Ils ne font point difficulté d'aller à confesse, non seulement pour satisfaire au commandement tyrannique de l'Antéchrist mais pour consentir aux blasphèmes qu'il plaira au prêtre de prononcer et quasi les signer en y consentant. Car comme le prêtre donne l'absolution en l'autorité du siège apostolique, c'est-à-dire de cette idole Romain qui ne peut autre chose que perdre et maudire, aussi la faut-il recevoir comme salutaire. je demande si cela peut être trouvé bon qu'un chrétien se présente et prosterne devant le lieutenant de l'Antéchrist pour recevoir rémission de ses péchés, au lieu qu'il la devrait chercher au ministère du saint Evangile ? Semblablement il impose pénitence : quelle ? le plus souvent de barboter des Ave Maria devant un crucifix, de faire chanter des messes ou faire autres semblables idolâtries. Et à quelle condition ? pour satisfaire à Dieu et le récompenser. Si cette œuvre se peut approuver, je ne vois point quel péché on pourra réprouver en tout le monde. Mais à fin de n'être point trop long : que chacun repute (examine) en soi-même les superstitions damnables qui se commettent adonc par trois ou quatre jours. Qui est celui qui s'en abstient ? Il y en a possible aucuns : mais le nombre en est bien petit.
L'homme chrétien aura-t-il ainsi vécu, fiché en cette ange et ordure, le pire encore est à la mort. Car c'est lors que le Diable le sollicite et lui fait le plus d'assauts. Parquoi ou moines ou prêtres seront à ses oreilles pour le séduire, auxquels combien qu'il n'acquiesce point, si faut-il toutefois qu'il leur concède quelque chose et qu'il les paie de beau semblant. Quel tourment doit-il sentir en son cœur, d'incontinent comparaître devant son juge Jésus-Christ, après avoir eu honte ou crainte de le confesser, vu que déjà cette sentence est donnée : que quiconque l'aura nié devant les hommes, il sera méconnu de lui au ciel ? (Matth. 10.33)