Mon Dieu, je te le déclare, je n’ai jamais été heureux loin de toi. Toutes les fois que je m’en suis éloigné, j’ai souffert ; chacun de mes péchés a été un aiguillon dans ma chair, J’ai toujours payé bien cher mes plaisirs coupables. En vain j’ai voulu me déguiser à moi-même le mal dont je voulais jouir, je n’y ai réussi qu’avant de le commettre ; mais, dès que je l’ai eu accompli, mon péché m’a fait horreur ! Quand j’ai voulu chercher des joies dans des objets indifférents par eux-mêmes, alors encore le regret du temps perdu m’a saisi ; ma conscience m’a dit que j’étais appelé à quelque chose de meilleur. Oui, Seigneur, je me suis ingénié à être heureux dans ce que le monde appelle distractions, plaisirs, et, je l’avoue, jamais je n’y ai réussi. La fortune, l’approbation, quand j’ai pu les atteindre, ne m’ont pas tenu ce qu’elles m’avaient promis ; en les pressant dans mes bras, je me suis bien vite aperçu que je ne pressais qu’un vain fantôme ; et toujours, toujours je suis resté désespéré… Mais enfin, Seigneur, le désespoir de la terre m’a jeté dans tes bras, et là, chose admirable ! tout s’est transformé en joies ! là, le plus petit devoir accompli a porté avec lui sa satisfaction. J’ai été heureux sans témoin, sans richesse, sans gloire, sans rien de matériel ni de mondain. Privé de tout, mais abîmé dans ton sein, soutenu par la foi, plein d’espérance, animé d’une douce charité, j’ai senti que je possédais mieux que le monde, que je te possédais toi-même, et que rien ne pouvait me ravir ce trésor. Mon Dieu, tiens-moi donc lié au bien ; fortifie ma foi, sanctifie ma vie ; que je ne dise plus une parole, n’accomplisse plus un acte, sans me demander si tu l’approuves. Hélas ! Seigneur, j’ai eu bien des regrets dans ma vie ; mais jamais, quand j’ai fait le bien, même au prix de la souffrance, jamais je n’ai regretté de l’avoir accompli ; et, remarquable contre-épreuve ! je n’ai jamais non plus commis une faute sans en ressentir de l’amertume. Oh ! mon Dieu, si je voulais voir ; comme cette démonstration est puissante ! comme cette expérience me parle haut de la vérité de ta loi, de la réalité de ton jugement, de la certitude de mon avenir ! Sois donc béni, Seigneur, et pour mes joies et pour mes peines qui, les unes et les autres, m’invitent à revenir à toi ; et donne-moi, mon Dieu, de ne plus te quitter !