Élie le Tishbite

13.
L’apparition de Dieu sur l’Horeb

Les enfants de Dieu sont en une intime communion, non seulement avec Jésus-Christ leur Seigneur, mais aussi entre eux tous. Cette communion fraternelle est plus qu’une unité de sentiments, de foi et d’action ; elle est un profond et admirable mystère que notre symbole compte avec raison parmi les articles que nous devons croire. Le Sauveur a dit que « les fidèles sont un, ainsi que lui et le Père sont un ; » et ils sont représentés ailleurs comme formant un corps unique dont la tête est dans les cieux. » Vous êtes, dit saint Paul, le corps de Christ et ses membres, chacun selon sa part. Lorsqu’un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui, et lorsqu’un des membres est honoré, tous se réjouissent avec lui » (1 Corinthiens 12.26). L’apôtre développe en plusieurs passages la comparaison de l’Eglise avec le corps humain, et il nomme un mystère l’union dont il cherche à donner une idée distincte par cette image.

Ce mystère se dévoile-t-il à nos yeux, nous y trouvons de précieux trésors. Car il est dans tout l’Evangile peu de vérités plus abondantes en consolations et en rafraîchissements que celle de l’union de nous tous qui croyons, en un seul et même corps. Voyez, en effet, que de doutes elle écarte, que d’encouragements elle apporte. Tu dis : « Je ne puis disconvenir que Dieu ne m’ait attiré à lui ; mais je n’ose cependant m’approprier telle promesse, telle consolation. » Et pourquoi ne l’oserais-tu pas ? Chaque chrétien est-il donc isolé, et l’un peut-il posséder quelque chose auquel l’autre n’aurait aucune part ? Non, non, chacun d’eux est le membre d’un tout indivisible, et il serait faux de dire que certaines promesses sont faites à tels membres et certaines autres à d’autres membres ; elles appartiennent toutes à un seul et même individu, savoir : au corps spirituel de Christ, dont les membres les plus faibles font aussi bien partie que les plus forts. C’est à son église que Dieu donne en tous temps les témoignages de sa grâce. Ne te demande donc plus à toi-même : « Suis-je un novice dans la foi ou un pèlerin éprouvé ? Suis-je fort quant à l’homme intérieur, ou faible et débile ? » L’héritage céleste ne nous est point réparti selon la mesure de nos forces, ni selon le degré de sanctification auquel nous sommes parvenus. Adresse-toi cette seule question : « Puis-je véritablement me compter parmi les membres du petit troupeau d’Israël ? » et si tu oses y répondre affirmativement, peu importe que tu sois le plus grand ou le plus petit, le premier ou le dernier ; quel que tu sois, tu as le droit de t’approprier tout ce que la Bible entière contient de promesses faites au peuple de Dieu ; car elles lui sont faites sans acception des personnes et sans égard à l’état spirituel de ses divers membres. Si donc tu lis dans l’Ecriture que le Seigneur a dit de son Eglise, que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle, applique-toi à toi-même cette parole, et dis-toi : « Je suis invincible ; » car ce qui est vrai du tout, l’est de la partie. Si tu lis que Dieu fait sa demeure en Sion qui subsistera à toujours, et que Dieu lui aide dès le matin, dis-toi : « Dieu est près de moi et m’aide dès le matin, et je subsisterai à toujours ; » car tu es aussi bien Sion que l’étaient Abraham, Jean ou Paul. C’est ainsi, mes amis, que nous devons nous habituer à nous considérer, non comme des individus isolés, mais comme des parties d’un même tout, des membres d’un même corps. Et si l’un de nos frères reçoit quelque grâce particulière, si telle de ses prières a été exaucée, s’il a été miraculeusement secouru ou délivré, garde-toi de penser que rien de semblable ne peut t’arriver ; mais réjouis-toi, au contraire, dans le sentiment que la grâce accordée à ton frère t’a par cela même été faite à toi aussi, que le Seigneur est aussi près de toi que de lui, et que tu as ta part à ce nouveau gage que Dieu lui a donné de sa bonté. Car ton frère et toi êtes un ; et il serait la main et toi le pied, qu’encore seriez-vous les membres du même corps ; or « si l’un des membres est honoré, tous les autres se réjouissent avec lui. »

Vous voyez, mes frères, quel immense trésor de consolation recèle cette doctrine de l’union de tous les fidèles en un seul corps, et quelle importance toute nouvelle acquièrent ainsi pour nous les histoires de tous les saints de Dieu. Puisse le sentiment de cette union mystérieuse nous accompagner dans la méditation de la scène sublime qui va nous occuper, faire que nous aussi nous nous réjouissions avec Élie de la grâce que Dieu lui a faite et nous a faite en se révélant à lui et à nous sur l’Horeb !

1 Rois 19.11-13

11 Et voici, l’Eternel passait, et un vent grand et impétueux qui fendait les montagnes et brisait les rochers, alla devant l’Eternel ; l’Eternel n’était point dans ce vent. Après le vent, il se fit un tremblement de terre ; l’Eternel n’était point dans ce tremblement. 12 Et après le tremblement vint un feu ; l’Eternel n’était point dans ce feu. Et après le feu vint un son doux et subtil. 13 Aussitôt qu’Élie l’eût entendu, il enveloppa son visage de son manteau, et sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Le prophète, obéissant à l’ordre que Dieu lui a donné de sortir et de se tenir devant lui sur la montagne, s’est avancé de l’intérieur de la caverne vers l’entrée ; et déjà apparaissent les signes qui annoncent l’arrivée du Seigneur. C’est d’abord, et son âme est saisie de terreur, c’est d’abord, au milieu de la profonde obscurité de la nuit, une épouvantable tempête. Les arbres s’inclinent à son souffle comme des vaisseaux retenus à l’ancre, ils bruissent comme une mer en tourmente et se brisent avec l’éclat du tonnerre. Les vallées retentissent de la chute des rochers qui s’écroulent. Les montagnes se déchirent, et l’on dirait le tumulte de deux armées qui se livrent un combat acharné. Élie croit assister aux terreurs de Sinaï et de la promulgation de la loi. Son âme est pénétrée de la majesté de Jehovah. Mais elle ne sent point arriver à elle, de tout ce bouleversement, le souffle de paix qui annonce que le Seigneur est là. C’est au contraire, l’angoisse de l’isolement qui s’empare de lui. « La tempête allait devant le Seigneur, mais le Seigneur n’y était pas. » Mais bientôt la tempête a passé ; de nouvelles terreurs lui succèdent. Dans les entrailles de la terre retentit comme un bruit de tonnerre qui la fait trembler sur ses fondements ; le sol s’agite sous les pieds du prophète ; l’air est plein de sons étranges ; le vieux Sinaï secoue sa tête de granit, et sur divers points d’affreux abîmes s’entr’ouvrent. Élie assiste à cette désolation, et s’effraie de la majesté de Celui qui touche la terre, et voici, elle tremble. Mais il n’éprouve aucun indice de la présence d’un Dieu qui apporte avec lui la grâce et la paix. Le tremblement de terre n’était que son avant-coureur. « Il allait devant le Seigneur, mais le Seigneur n’était point dans le tremblement de terre. »

La terre s’apaise ; et Élie attend avec anxiété ce qui viendra. Spectacle inouï, l’air est en feu, des flammes le sillonnent en tout sens, la nuit se change en un jour étrange. On dirait que le moment est arrivé, auquel le ciel et la terre seront jetés dans le creuset où se fondra et se dissipera leur grossière écorce, et d’où sortiront un nouveau ciel et une nouvelle terre brillants d’une éternelle beauté ! Mais Emmanuel n’est point venu vers Élie au milieu de ces flammes ; car il n’éprouve qu’étonnement et effroi. « Le feu allait devant l’Eternel, mais l’Eternel n’était pas dans le feu. »

Les flammes s’éteignent et disparaissent, et la nuit reprend ses ténèbres. Peu à peu s’étend sur la nature entière un silence saint et solennel, et l’on dirait que les cieux et la terre, les montagnes et les vallées se tiennent immobiles devant le grand Dieu qu’ils adorent. Nulle feuille ne s’agite plus aux arbres, le firmament est serein, et les étoiles de Dieu regardent, lumineuses et paisibles, de leurs hauteurs vers la terre qui semble en prière. Et voici « un son doux et subtil » s’abaisse des sommets de l’Horeb, agite faiblement les arbres de la montagne, et descend vers la caverne du prophète. L’Eternel est là. Élie le sent à son cœur dont l’angoisse s’évanouit, comme la neige au printemps se fond aux rayons du soleil. Il enveloppe sa tête de son manteau, se voile la face, et plein à la fois de joie et de crainte, il sort de la caverne et va à la rencontre de l’Eternel.

Il est évident que ces miracles étaient autant de réponses que Dieu faisait aux plaintes de son serviteur et à ses doutes. Élie avait le cœur plein de trouble, d’incertitude et de découragement, et les événements dont il avait été récemment le témoin, ne lui présentaient que des énigmes. C’était au nom de Dieu qu’il avait quitté sa ville natale pour se rendre à Samarie et ramener Ephraïm rebelle à la foi de ses pères. Il avait reçu de Dieu tous les moyens nécessaires pour une telle œuvre. Il lui avait été donné de fermer le ciel et de l’ouvrir, de frapper le le pays de plaies et de le bénir. Il avait fait des signes et des miracles comme il n’y en avait pas eu depuis des siècles en Israël ; il avait travaillé à la sueur de son front autant qu’aucun saint avant lui. Il s’attendait (et qui s’en étonnerait ?) à voir quelques fruits de ces miracles de ce travail, et il croyait apercevoir déjà dans le miroir de ses espérances la repentance de tout le peuple et son retour à Jehovah. Mais au moment où il pensait ramener, au milieu des cantiques de louanges, Israël régénéré vers l’autel du Dieu vivant, il voit des poignards levés sur lui, et toutes ses peines n’aboutir absolument à rien. Quel contraste entre ses espérances et l’issue de son œuvre ! C’en était trop pour lui ; sa foi en fut ébranlée ; toutes les cordes de son âme se faussèrent ; ne comprenant rien aux voies de Dieu, il douta de sa fidélité et prit la fuite devant le danger. Ce découragement se renouvela et s’accrut sur l’Horeb, dans la caverne solitaire, où nous avons entendu le prophète donner essor à son chagrin comme à un fleuve longtemps contenu, et accuser non seulement Israël, mais le Seigneur lui-même.

A ces plaintes, Dieu répondit par le vent impétueux, le tremblement de terre et le feu. Élie les vit passer devant lui, « mais l’Eternel n’y était pas. » Vous me demandez ce que signifient ces derniers mots, et comment Élie sut que Dieu n’était point présent dans ces scènes de terreur. Je vous l’ai déjà donné à entendre, mais je veux essayer de l’expliquer plus clairement. Veuillez me prêter une oreille attentive.

Vous vous souvenez des paroles mystérieuses qui commencent le dixième chapitre de la première épître aux Corinthiens : « Mes frères, je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée et qu’ils ont tous passé au travers de la mer, et qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, et qu’ils ont tous mangé de la même viande spirituelle, et qu’ils ont tous bu du même breuvage spirituel ; car ils buvaient de l’eau du rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ. » L’apôtre voit donc dans le passage des Israélites à travers la Mer rouge, dans leurs marches à l’abri de la colonne de nuée, dans la manne dont ils se nourrissaient, et l’eau du rocher dont ils buvaient, des types mystérieux qui préfiguraient les sacrements de la nouvelle alliance, le baptême et la cène. Mais il n’entend point que ces types ne fussent que de vains signes ; bien loin de là, ils contenaient quelque chose de réel et d’essentiel qui en faisaient de vrais sacrements. Les pères, en traversant la mer et en étant sous la nuée, en mangeant le pain du ciel et buvant l’eau du rocher, étaient rendus participants dans leur âme d’une nourriture spirituelle et d’un breuvage spirituel que renfermaient ces choses, et qui n’étaient rien moins que Jehovah, c’est-à-dire Christ, dont la présence personnelle leur était annoncée et scellée par ces signes et ces miracles, et dont ils se sentaient fortifiés, soutenus, nourris et pénétrés d’une manière substantielle et céleste jusque dans fond de leur âme. En mangeant la manne, ils se nourrissaient en même temps, comme le dit le psalmiste, du « pain des anges, » qui est Dieu ; et dans la mer, dans la nuée et dans l’eau, était réellement présent le Seigneur comme il l’est dans un sacrement, se communiquant lui même aux âmes des croyants, les apaisant, leur donnant de saints ravissements et les enflammant d’un ineffable amourb. Or, c’est dans ce sens que l’Eternel était dans le son doux et subtil, et n’était pas dans le vent, le tremblement de terre ni le feu. Pendant ces Scènes de terreur, Élie n’éprouvait dans son cœur rien qui lui annonçât la présence de Dieu ; il n’y trouvait aucune miette de manne divine, aucune goutte d’eau spirituelle. Il était pénétré, saisi, angoissé de la majesté de Dieu ; il sentait un isolement indicible, infini, qui lui garottait le cœur ; et sa disposition d’âme était celle d’un Esaïe disant : « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme souillé de lèvres ; » ou celle de Job : « Tes yeux me regardent, aussi je défaille. » Mais combien ses impressions furent autres, quand après ce tumulte des éléments descendit vers lui cette voix douce et subtile ! Il fut de lui comme jadis de ces soixante-et-dix anciens qui, dans ce même désert et en ce même lieu, montèrent avec Moïse et « virent le Dieu d’Israël ; sous ses pieds il y avait comme un saphir éclatant qui ressemblait au ciel quand il est serein ; et Dieu ne mit point sa main sur eux, » sa présence ne les consuma pas, au contraire, elle les restaura et les réjouit : « ainsi après avoir vu Dieu, ils mangèrent et burent » (Exode 24.10-11). Une joie intime et toute divine, comme Élie ne l’avait jamais éprouvée au même degré, s’épancha subitement dans tout son être ; toutes ses angoisses se dissipèrent en un instant ; son cœur comprime respira librement ; tout ce qu’il y avait en lui éclatait en chants de louange sous l’action de la miséricordieuse présence de Dieu, et ravi de l’inexprimable bonté de Jehovah, pliant sous l’amour, la joie et la contrition qui remplissaient à la fois son cœur, il se voila la face de son manteau, et se tint silencieux devant l’Eternel, prêt à tout affronter, même la mort la plus cruelle, pour lui obéir et et lui plaire.

b – Nous n’avons rien à objecter à l’explication que Krummacher donne du passage cité de saint Paul ; mais il s’exprime plus en luthérien qu’en calviniste sur la nature du sacrement. (Trad.)

Cependant, sans qu’il y prît garde, toutes ses plaintes et tous ses doutes avaient disparu, car il y avait été répondu comme Dieu répond. Les scènes d’effroi dont il venait d’être le témoin, lui avaient été comme un symbolique tableau de sa mission prophétique, qui n’avait rien d’évangélique et dont le caractère distinctif était le même que celui de Moïse promulguant la loi sur Sinaï. Dans la tempête, Élie entendait comme un écho de ses discours de censure et de menaces, dont les tonnerres remplissaient de frayeur les esprits. Le tremblement de terre lui représentait les plaies et les jugements dont il frappait le pays. Le feu lui rappelait les flammes du Carmel et la sanglante exécution des prêtres de Bahal dont il avait donné le signal. C’était bien ainsi sans doute que devait agir et parler Élie, ce second Moïse, ce messager d’un Dieu dont on ne se moque pas impunément. Mais il avait eu tort d’espérer, de ce mode d’action, des effets qui n’ont jamais été produits par les tonnerres de Sinaï et qui ne suivent que le son doux et subtil de l’Evangile. Bien ne l’autorisait à attendre un retour immédiat de tout Israël repentant au Dieu de ses pères, et son erreur lui fut mise sous les yeux en Horeb d’une manière saisissante. Il put s’y convaincre pendant la tempête, le tremblement de terre et le feu, que la révélation de la seule puissance, de la sainteté et de la majesté de Dieu, quand l’éclat n’en est pas tempéré par l’amour et la grâce, peut bien remplir d’alarmes le pécheur, mais non l’humilier véritablement, le convertir et l’attirer avec larmes vers le Seigneur. Oh que la conviction qu’il acquit de cette vérité fut profonde et vivante ! Mais tout aussi profonde et vivante fut l’expérience qu’il fit en sa propre âme, à l’ouïe de la voix douce et subtile, de la force merveilleuse que possède seule la grâce pour amollir, fondre et convertir les cœurs, et il comprit que les résultats qu’il attendait de la loi et des divins jugements, ne pouvaient procéder que d’une révélation du Dieu des miséricordes. Ainsi s’ouvrait à lui une perspective toute nouvelle sur les desseins de Jehovah, qui n’avait point encore achevé son œuvre en Israël, et qui viendrait en son temps, après la tempête, le tremblement de terre et le feu, avec « sa voix douce et subtile, » à laquelle les cœurs ne pourraient plus résister ; et avec quelle joie le prophète n’aura-t-il pas deviné et saisi cette nouvelle espérance ? Mais pour n’avoir pas atteint le terme, son action en Israël était-elle inutile, infructueuse, vaine ? Nullement, et cette consolation lui fut également donnée sur l’Horeb. De même que les scènes d’effroi qui venaient de se passer sous ses yeux, loin d’être perdues pour lui, avaient préparé son cœur au son doux et subtil, et l’avait enflammé d’un désir d’autant plus grand de voir la bonté de Dieu se révéler à lui ; ainsi sa mission prophétique lui donnait à entendre le Seigneur, avait disposé les cœurs à recevoir de salutaires impressions d’une autre nature, et elle consistait surtout à promener le soc tranchant de la charrue sur le sol durci, à remettre devant les yeux des rebelles la loi dans toute sa majesté et sa sévérité. à réveiller les consciences endormies, et à faire naître une ardente soif de l’Evangile de grâce.

Admirez, mes frères, comme Élie recevait une réponse (et quelle réponse !) à toutes ses plaintes ! Par un seul et même miracle, l’Eternel s’était justifié pleinement auprès de son prophète, avait purgé Israël de toutes les accusations portées contre lui par Élie, résolu d’une manière pleinement satisfaisante les énigmes qui s’étaient accumulées dans la vie du Tishbite, apaisé ses inquiétudes, dissipé ses doutes, et exposé à ses propres regards ses erreurs avec autant de douceur que de force. Il avait sauvé sa gloire et humilié le prophète. Et si Élie répète bientôt après (v. 14) à Dieu les mêmes plaintes que nous avons entendues de sa bouche, il le fait dans une disposition d’âme toute différente ; son cœur est brisé, il est plein de confusion ; le sombre chagrin, le murmure ont disparu ; l’harmonie est rétablie en son âme.

Telle est l’explication que je crois pouvoir vous présenter de cette apparition de Dieu à Élie, qui est restée une énigme pour beaucoup d’interprètes, même pour ceux qui avaient une vraie foi. Ils se faisaient de la sainteté d’Élie une idée exagérée ou même fausse ; ils le croyaient incapable d’erreur, à l’abri de tout doute, tellement dévoué à son Dieu qu’il ne pouvait plus quitter la voie de l’entière soumission et de la divine simplicité. Mais Élie « était, nous dit l’apôtre, un homme semblable à nous. » Il avait aussi sa part de l’héritage d’Adam, et c’est dans ses faiblesses et non dans sa perfection qu’il faut chercher la clef du miracle de l’Horeb. Cependant, pour le reprendre et l’instruire, il faut que le ciel et la terre s’ébranlent, que les rochers se brisent et les montagnes se fendent. Quelle ne doit pas être la grandeur et la majesté d’un tel homme, et de quel amour l’Eternel ne doit-il pas l’aimer pour l’honorer d’une semblable apparition !

Je terminerai par quelques réflexions sur une question qui a été plus d’une fois soulevée. Pourquoi le titre de prophète est-il donné à Élie, dont la vie entière ne nous présente cependant aucune trace de l’Evangilec ? L’apparition sur l’Horeb résout cette difficulté. La mission d’Élie n’était sans doute pas celle d’un évangéliste ; elle ne devait pas l’être ; elle continuait celle de Moïse. Néanmoins le « son doux et subtil » de l’Evangile était parvenu à ses oreilles, avait pénétré son cœur. Oui, je le sens, s’il avait osé parler selon que son cœur l’y poussait, de tous les messagers de paix de l’ancienne Alliance nul ne l’eût surpassé en charité et en douceur. Mais le peuple au milieu duquel il faisait son œuvre n’était point mûr pour la bonne nouvelle, et sa mission lui faisait un devoir de tenir caché le plus précieux joyau qu’il possédât, et de voiler l’évangéliste sous le rude manteau du pédagogue de Sinaï !

c – Krummacher répond ici à une difficulté qui, au premier abord, semble n’avoir aucune réalité, et qui ne se présentera sans doute à l’esprit d’aucun de ses lecteurs français. En effet, Dieu révélait, selon son plaisir, à ses divers prophètes hébreux une part plus ou moins grande de l’avenir ; et Abdias, par exemple, n’aurait eu que sa seule vision touchant la ruine d’Edom, qu’encore aurait-il été un voyant. Cependant, comme Jésus-Christ est le but de la loi et de la prophétie, il est plus que probable que chacun des prophètes avait reçu de Dieu la révélation, plus ou moins distincte, des temps messianiques, et l’on peut, au point de vue de la foi, se demander si un Hébreu à qui Dieu n’aurait nullement fait connaître la venue du Messie, aurait mérité véritablement le nom de prophète. (Trad.)

Nous quittons ainsi le sommet de l’Horeb, mais non, je l’espère, sans bénédictions et rafraîchissements. Oh ! Dieu est grand, et bon et fidèle ! Qu’il vienne à nous aussi en un son doux et subtil, et que dans notre vie entière nous nous tenions constamment, comme Élie, devant l’Eternel, le visage voilé. Amen !

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