Suites d’une désobéissance. – Le mal se déclare. – Le bon médecin. – La nature et l’efficacité de son remède, – Les ressources du chrétien dans son état d’infirmité. – Les leçons que la sagesse sait tirer de la nature.
Sur ces entrefaites, Matthieu, le fils aîné de Christiana, vint à tomber malade, et cette maladie lui causa de grandes souffrances, car il était comme déchiré par des maux d’entrailles ; c’est au point qu’il se roulait par terre sans avoir un moment de repos. Heureusement qu’il y avait non loin de là un célèbre médecin, nommé Habile. C’était un homme fort ancien, et très expert dans l’art de la médecine. Christiana voulut donc l’envoyer chercher, et le prier de venir le plus promptement possible. Aussi, se hâta-t-il de répondre à ce pressant appel. Aussitôt qu’il fut entré dans la chambre, il se mit à examiner le jeune garçon ; il s’aperçut bientôt en le sondant qu’il était violemment attaqué dans les intestins. Il conclut avec raison que l’enfant avait mangé quelque chose de malsain, et demanda en se tournant vers la mère, quelle sorte de nourriture elle avait fait prendre à Matthieu pendant les derniers jours. – Quelle nourriture ! s’écriât-elle ; mais rien qui ne soit salutaire. Sur quoi le médecin ajouta : Cet enfant a pris quelque chose d’indigeste qui est resté dans son estomac et que l’on ne peut faire évacuer sans employer des moyens extrêmes. Je vous déclare que vous devez le purger si vous ne voulez pas qu’il meure.
Ici, Samuel étant venu à se rappeler une circonstance, dit à sa mère : Te souviens-tu, maman, de ce que fit mon frère l’autre jour bientôt après avoir passé la porte qui se trouve à l’entrée de ce chemin ? Tu sais que sur la gauche, de l’autre côté de la muraille, est un verger où croissent de beaux arbres, et que mon frère ayant vu de leur fruit sur la muraille, en a arraché, et l’a mangé.
— Cela est vrai, mon enfant, répond aussitôt la mère ; il s’est très mal conduit en cette occasion. Je l’avais déjà bien grondé, et malgré cela, il persista à le manger.
Habile : – Je savais bien qu’il avait mangé quelque chose de mauvais, car il n’est aucune friandise qui soit dangereuse comme celle-là. C’est le fruit d’un jardin qui appartient à Béelzébul. Je m’étonne que personne ne vous ait mis sur vos gardes, attendu que plusieurs en sont morts.
À ces mots, Christiana fondit en larmes et s’écria : Ô malheureux enfant ! Ô imprudente mère ! Que ferai-je pour sauver mon fils ?
Habile : – Allons, ne vous désespérez pas, l’enfant peut très bien en revenir ; mais il faut le purger et provoquer des vomissements.
Christiana : – Je vous en prie, Monsieur, faites tout ce que votre savoir peut vous dicter, quoi qu’il en coûte.
Habile : – Vous pouvez compter que je ferai tout ce qui sera nécessaire, et à des conditions très raisonnables.
Il lui fit une purgation, mais elle se trouva trop faible parce qu’on y avait mêlé le sang d’un bouc, les cendres d’une génisse, un peu de jus de l’hysope, etc. (Héb. 9.13,19 : Car si le sang de boucs et de taureaux, et la cendre d’une génisse, dont on fait aspersion sur ceux qui sont souillés, sanctifient pour la pureté de la chair, ; 10.1,4 : Car la loi n’ayant qu’une ombre des biens à venir, et non l’image même des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices qu’on offre chaque année à perpétuité, rendre parfaits ceux qui y prennent part.) M. Habile voyant que cette médecine n’avait pas eu tout le succès désiré, ordonna un autre purgatif qui fut plus efficace ; il consistait en un « carne et sanguine christi » (Jean. 6.54,57 : Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour.) ; (Héb. 9.14 : Combien plus le sang de Christ, qui par l’Esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il votre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant !) (Vous savez que les médecins administrent par fois des médicaments étranges à leurs malades.) Cette composition fut réduite en pilules dans lesquelles on fit entrer une ou deux promesses, et du sel dans une égale proportion. (Marc 9.49 : Car chacun sera salé de feu et tout sacrifice sera salé de sel.) Or, il en prescrivit trois à la fois, que le malade devait prendre à jeun avec quelques cuillerées de larmes de repentance. (Zach. 12.10 : Et je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication, et ils regarderont à moi, qu’ils ont percé. Ils mèneront deuil sur lui comme on mène deuil sur un fils unique ; ils pleureront amèrement sur lui, amèrement comme sur un fils premier-né.) On lui présenta cette dose ainsi préparée, mais il hésitait à la prendre, malgré les fortes coliques qui le travaillaient. – Allons, lui dit le médecin, il faut que tu avales ceci, à quoi il aurait répondu : Non, mon estomac ne saurait le supporter. – J’insiste pour que tu le prennes, lui criait la mère de son côté ; mais il n’en persistait pas moins dans son refus, sous prétexte qu’il serait obligé de le rendre immédiatement.
Christiana ayant demandé à M. Habile quel goût avait le remède, celui-ci lui répondit qu’il n’avait point de mauvais goût. Là-dessus elle prit une pilule, et après l’avoir touchée du bout de la langue : O Matthieu, dit-elle, ce remède est délicieux ; il est plus doux que le miel. Si tu aimes ta mère, si tu aimes, tes frères, si tu aimes Miséricorde, et si tu aimes ta vie, tu ne refuseras pas de le prendre.
Enfin, à force d’arguments, et après avoir imploré le secours de Dieu, on le détermina à avaler la médecine qui opéra merveilleusement en lui. Il eut l’estomac de suite débarrassé, de telle façon qu’il put dormir et reposer tranquillement. C’était le vrai moyen de le faire transpirer et de le délivrer de son mal.
Peu de temps après, il put se lever et marcher à l’aide d’un bâton ; il allait d’une chambre à l’autre, et causait avec Prudence, Piété et Charité sur ses indispositions et sur les moyens par lesquels il avait été guéri.
Le jeune Matthieu fut donc rétabli, et Christiana voulant alors régler son compte avec M. Habile, lui demanda la note de ses dépenses, et du prix de sa peine et des soins qu’il avait donnés à son enfant. À quoi il répondit qu’il fallait s’adresser pour cela au directeur de l’École de médecine et se conformer aux règles établies, comme c’est toujours l’usage en pareil cas. (Héb. 13.11-15 : Car les corps des animaux, dont le sang est porté dans le sanctuaire par le souverain sacrificateur, pour le péché, sont brûlés hors du camp.)
Christiana : – Mais, Monsieur, peut-on faire usage de ces pilules dans le traitement d’une maladie quelconque ?
Habile : – C’est un remède universel ; il s’applique à toutes les maladies auxquelles sont sujets les pèlerins.
Christiana : – Eh bien, veuillez m’en préparer douze boîtes ; car une fois pourvue de ces médicaments, je n’aurai plus besoin de recourir à aucun autre.
Habile : – Ces pilules sont bonnes pour prévenir le mal, aussi bien que pour le guérir quand il est déclaré. Oui, j’ose même dire, que si quelqu’un voulait seulement user de ce remède ayant soin de se conformer à l’ordonnance qui en a été prescrite, il pourrait vivre à toujours. (Jean. 6.58 : C’est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n’en est pas comme de vos pères qui ont mangé la manne, et qui sont morts : celui qui mange ce pain vivra éternellement.) Il faudra donc, bonne Christiana, que tu t’en serves avec précaution, suivant la manière que j’ai indiquée, autrement il ne produirait aucun bon effet.
Là-dessus, il lui donna des médicaments pour elle, pour ses enfants, et pour Miséricorde. Il recommanda expressément à Matthieu de prendre garde de ne plus manger de fruit vert, et après l’avoir embrassé, il se retira.
Je vous disais tout à l’heure que Prudence avait engagé les enfants à lui soumettre des questions auxquelles elle promit de répondre de son mieux. Or, Matthieu qui avait été malade, lui demanda pourquoi la plupart des remèdes ont un goût amer ?
Prudence : – C’est afin de nous montrer que la parole de Dieu et les effets qu’elle produit ne sont pas agréables au cœur charnel.
Matthieu : – Pourquoi donc le remède, en opérant ainsi, purge et nettoie ?
Prudence : – Pour nous faire comprendre que lorsque la parole produit son effet, elle lave le cœur et l’esprit ; car, ce que l’un fait pour le corps, l’autre le fait pour l’âme.
Matthieu : – Quand notre feu est allumé, nous voyons la flamme monter ; nous voyons de même que les rayons du soleil en s’abaissant sur notre terre, y exercent une bienfaisante influence ; quelle conséquence faut-il en déduire ?
Prudence : – L’ascension du feu nous apprend comment nous nous élevons vers le ciel par l’ardeur de nos désirs ; et l’influence qu’exerce le soleil sur la terre, nous fait comprendre que, bien que placé fort au dessus de notre sphère, le Sauveur du monde descend jusqu’à nous, et nous touche par les effets de sa grâce et de son amour.
Matthieu : – Où est-ce que les nuages puisent leurs eaux ?
Prudence : – Dans la mer.
Matthieu : – Que faut-il en conclure ?
Prudence : – Que les envoyés doivent recevoir leur doctrine de Dieu seul.
Matthieu : – Pourquoi se répandent-ils sur la terre ?
Prudence : – Pour nous montrer que les ministres de Dieu doivent répandre dans le monde ce qu’ils savent de la parole de vie.
Matthieu : – D’où vient que l’arc-en-ciel est produit par l’effet du soleil ?
Prudence : – Pour nous faire voir que l’alliance de la grâce de Dieu nous est confirmée par Jésus-Christ.
Matthieu : – Pourquoi les sources d’eau nous viennent-elles de la mer à travers la terre ?
Prudence : – Pour nous faire voir que la grâce de Dieu nous arrive à travers le corps de Jésus-Christ.
Matthieu : – Comment se fait-il que quelques-unes sortent du sommet des montagnes ?
Prudence : – C’est afin de nous montrer que Dieu peut prendre les grands et les puissants de ce monde pour en faire les vaisseaux de sa grâce, de même qu’il en choisit beaucoup d’autres qui sont pauvres et de basse condition.
Matthieu : – Pourquoi est-on obligé de faire brûler la mèche dans une chandelle pour en avoir de la lumière ?
Prudence : – Pour nous montrer qu’à moins que la grâce n’enflamme nos cœurs, la lumière de la vie ne peut exister en nous.
Matthieu : – Que faut-il conclure de ce que la lumière se maintient par le concours de la mèche et du suif de la chandelle ?
Prudence : – Que tout en nous doit être employé à ce qui est utile, et à maintenir nos âmes dans une bonne condition.
Matthieu : – Quelle est la raison pour laquelle le pélican s’ouvre le sein au moyen de son bec ?
Prudence : – C’est afin de nourrir ses petits de sa propre substance, et de nous montrer par là que le bien-aimé Jésus affectionne ses enfants, jusqu’à donner sa vie pour eux.
Matthieu : – Que devons-nous apprendre par le chant du coq ?
Prudence : – Ce devrait être un moyen de nous faire ressouvenir du péché de Pierre et de sa repentance. Le chant du coq nous avertit de même que le jour approche. Ainsi, puisses-tu n’entendre jamais le coq chanter sans te rappeler le jour terrible du jugement.