Je voudrais à présent parler à mes frères d’une erreur qui, je le crains, freine considérablement la progression des réveils. Il s’agit de la crainte si fréquente de toute excitation religieuse et, plus généralement, de toute excitation manifestée chaque fois qu’une réforme est annoncée. Nombreux sont ceux qui sont excessivement effrayés par toute forme d’excitation. Ils semblent passer plus de temps à mettre les gens en garde contre tout débordement, plutôt que de rechercher le réveil.
J’ai déjà parlé de l’excitation dans une lettre précédente. Mais je suis de plus en plus sensible au fait que la crainte de l’excitation devient excessive. Cela entraîne des conséquences fort négatives. Beaucoup de serviteurs de Dieu éprouvent une crainte exagérée de voir l’excitation devenir superficielle. Ils mettent trop les chrétiens en garde contre l’excitation superficielle, au point de finir par étouffer toute excitation, qu’elle soit bonne ou mauvaise.
Quand on met continuellement les gens en garde contre les excitations charnelles, quand on décrit continuellement les caractéristiques des excitations superficielles, il me semble à présent que rien ne peut mieux éteindre un réveil. Rien ne peut mieux le freiner ou même empêcher qu’il ne commence. On détourne ainsi l’attention des grandes vérités de l’Evangile, qui peuvent sanctifier les hommes, pour la fixer sur ces excitations superficielles qui ont si souvent été une plaie pour le monde. En réalité, les excitations superficielles sont presque toujours produites lorsqu’on prêche des fausses doctrines. Quand on prêche la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité, cela tend à produire une forme d’excitation hautement profitable, et à éliminer toutes les autres. Il faut en particulier annoncer les grandes vérités fondamentales qui sont indispensables au salut, et prendre bien soin d’éviter tout mélange d’erreur et de fanatisme, que ce soit dans l’enseignement ou dans l’esprit de l’enseignement.
Quand on parvient à retenir fermement l’attention, et à la fixer sur ces vérités, dans toute leur plénitude et leur puissance, on peut être assuré d’éviter toute excitation superficielle, et de produire une excitation qui est saine, légitime, et évangélique.
En revanche, quand on néglige de prêcher ces vérités, quand on se contente de mettre les gens en garde contre les excitations superficielles, on est presque certain que l’on étouffera toute excitation. On réveillera aussi l’agressivité de ceux qui ont commencé à se remplir d’un esprit d’excitation superficielle, en les éloignant encore plus de la vérité.
En réalité, mes frères, un grand nombre de pasteurs et d’Eglises me semblent bien trop craindre les excitations superficielles. Cela les empêche d’utiliser tout véritable moyen d’obtenir un réveil. Ils craignent de lancer un appel puissant. Ils ont peur d’élever leur voix comme une trompette, pour la faire résonner avec force et insistance aux oreilles du peuple. Ils craignent de presser les gens à saisir la vie éternelle avec une urgence irrésistible. Ils ont peur de provoquer une excitation superficielle. A chaque fois qu’un début d’excitation se produit dans une Eglise, au cours d’une réunion de prière ou d’étude biblique, aussitôt quelque ancien, diacre ou pasteur trop prudent commence à mettre l’assemblée en garde contre toute excitation superficielle.
Il n’y a pas de meilleur moyen de rendre impossible tout réveil. Ce qu’il faut faire, c’est mettre les gens en garde contre les doctrines et les mesures qui enflamment l’imagination, qui provoquent une marée d’excitation, et qui ne font pas appel à l’intelligence. Il faut insister fréquemment, puissamment, voire d’une manière importune, sur les pures vérités de l’Evangile. Ce sont ces vérités que les pécheurs et les chrétiens engagés ont le plus besoin d’entendre.
Si cela est possible, il faut parvenir à fixer leur attention sur ces vérités, d’une manière tellement inébranlable que cela ne laissera aucune place au fanatisme, ni dans les sentiments ni dans la doctrine.
Il se peut que des réactions suspectes se manifestent. La meilleure manière de les corriger, comme mon expérience a pu me l’apprendre, est d’avoir, si possible, une conversation privée avec ceux qui se laissent gagner par une excitation charnelle.
S’il est possible, il vaut mieux ne pas détourner l’attention de l’assemblée en intervenant publiquement sur ce sujet. On doit pouvoir capter l’intérêt de l’assemblée par l’exposé des grandes vérités propres à briser les coeurs endurcis. S’il se produit ici ou là une manifestation de fanatisme ou d’enthousiasme excessif, je conseille absolument, comme je l’ai déjà dit, de corriger ces influences néfastes par des entretiens privés. Il ne faut pas permettre à l’assemblée de se rendre compte de cette intervention.
En recommandant ces choses, je ne cherche nullement à favoriser de grandes excitations. Mais nous devons nous rappeler qu’un grand réveil ne peut jamais se produire sans que les sentiments soient profondément remués. Notre objectif est tout de même de voir un réveil se produire. Une certaine excitation accompagne, et doit accompagner naturellement, tout réveil véritable. Qu’elle se produise donc. Ne craignons pas de la voir se produire. Croyons, mes frères, et n’oublions jamais, que le meilleur moyen d’empêcher tout enthousiasme excessif, tout fanatisme, et toute excitation superficielle, est de marteler avec puissance et démonstration de l’Esprit les vérités fondamentales de l’Evangile, en toute occasion, favorable ou non.
Mes frères, je tiens particulièrement à insister sur une chose: les gens vont de toutes manières s’exciter, et ils vont s’exciter à propos des choses spirituelles. Si vous étouffez la saine excitation que doit normalement produire la proclamation pure et simple de l’Evangile, vous pouvez être assurés que, tôt ou tard, vous verrez se produire dans vos Eglises des excitations charnelles. Vous ne pourrez plus les contrôler. Elles saisiront vos chrétiens et les emporteront comme un ouragan. Frères, il n’est plus temps de rêver que nous pourrons préserver nos Eglises de toute excitation. Elles ne pourront pas être préservées, et ne doivent pas l’être.
Les indications de la Providence sont claires et tangibles. Il ne faut pas que cesse l’excitation qui se répand actuellement dans le pays. Chaque mouvement de la Providence divine ne fait que multiplier les occasions et les moyens de produire de l’excitation. Il serait insensé de nous opposer à la Providence divine, et de supposer que nous pourrions lutter contre ce mouvement de l’opinion publique. Nous devons seulement nous demander comment le canaliser, comment le diriger et l’encourager, afin qu’il ne produise aucun effet néfaste et qu’il n’ait que des effets positifs. Il faut le contrôler et le garder dans des limites adéquates.
Vouloir arrêter un tel mouvement serait aussi inutile que de vouloir couper les eaux du Mississippi. Barrez-les ici, elles déborderont et s’écouleront ailleurs. Mais si nous ne parvenons pas à maintenir dans des justes limites ces puissants courants de pensées excitées, ils ravageront tout le pays. Ne voyez-vous pas que si nous parvenons à contenir cette excitation quelque part, les eaux montent immédiatement et se répandent ailleurs? Il se présente sans cesse un nouveau sujet d’excitation, qui maintient l’opinion publique dans un état de fermentation perpétuelle. Qui peut l’empêcher? Personne, et personne ne doit l’empêcher. Les pasteurs et les chrétiens engagés doivent plutôt profiter de cette situation. Ils doivent dégager les voies appropriées, et y guider correctement l’opinion publique en exposant l’Evangile avec puissance. S’ils s’efforcent de stopper toute excitation, ils doivent alors s’attendre à voir leurs Eglises se diviser. De nouvelles factions vont surgir. L’anarchie et la confusion vont régner. Les ministères, conducteurs du troupeau, finiront par perdre leur influence. La séduction et le fanatisme emporteront l’opinion publique.
Frères, nous avons entre nos mains les moyens de guider l’opinion publique. Nous pouvons canaliser et transformer l’excitation qui se répand dans le pays. Que les conducteurs et les chrétiens prennent leur place sur le rivage! Qu’ils élèvent la voix au dessus du bruit du vent et des vagues de l’excitation du peuple! Qu’ils crient: ‘Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n’a pas d’argent! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer!’. {Esa 55.1} Au lieu d’avoir peur de l’excitation charnelle, avec l’expérience et les moyens que nous possédons, je crois et je suis certain que l’Eglise peut travailler à un réveil sans que se produise et se répande la moindre excitation superficielle.
L’Evangile se prête tout-à-fait une saine excitation. Annonçons-le au peuple dans toute sa plénitude et dans toute sa puissance. S’il se produit alors quelque excitation, laissons-la se produire. Que les conducteurs et les chrétiens soient sérieux dans leurs pensées. Qu’ils s’attachent fermement à la vérité et aux saines paroles. Qu’ils n’utilisent que les moyens propres à attirer l’attention de tous sur la vérité. Qu’ils cherchent à produire une parfaite soumission à Dieu, aussi rapidement et aussi universellement que possible.
Frères, ne nous laissons pas aller à la timidité. Ne critiquons pas et ne mettons pas les gens en garde contre les excitations charnelles. N’éteignons pas toute flamme qui s’allume. Ne maintenons pas nos chrétiens dans le sommeil! Sinon, ils échapperont à notre influence, et nous ne nous en rendrons même pas compte! Ils se précipiteront tête baissée et en masse entre les mains d’un leader fanatique qui détruira leur âme!